mardi 31 décembre 2013

Voeux

Aux lecteurs fidèles ou occasionnels de ce blog, j'adresse de tout cœur mes vœux de bonheur et de paix intérieure pour 2014.
Un regard en arrière, un rapide coup d'œil, nous permet de rendre grâce pour l'année écoulée, en particulier pour l'élection du pape François. Ce moment inattendu, voulu par l'humilité de son prédécesseur qui accomplissait en se retirant un geste rarissime, restera, quoi qu'il arrive, un moment-clé dans la vie de l'Eglise et du Monde. Dès le premier jour, dès la présentation au Balcon de Saint-Pierre, et depuis par tous les gestes, signes, discours, propos qui furent les siens, le pape François a manifesté une rupture avec dix-sept siècles de papauté impériale. Ainsi veut-il être et demeurer avant tout évêque de Rome, s'exprimant en italien seulement même dans les grands moments liturgiques - ce qui met fin à l'idée qu'il est un super-évêque comme les empereurs étaient au-dessus des rois. Va de pair le renoncement aux pompes liturgiques dont certaines étaient des reliquats, encore, de la Cour byzantine. Et, pour dire l'essentiel, le recentrage sur le cœur du message chrétien (le salut par la grâce, offert à tous les hommes) et l'importance à ses yeux  des marges et des marginalités dans la mission, nous remplissent de joie et de reconnaissance. En même temps, et davantage dans l'ombre, la réforme de la Curie romaine et de la gestion des biens du Vatican risque de déranger beaucoup de monde, jusqu'à, pour certains, souhaiter son élimination. Il en est bien conscient et du reste ne se protège pas - ce sont, à ses yeux, les "risques du métier". C'est un jésuite rompu aux Exercices spirituels, c'est-à-dire doté d'une détermination sans faille, et qui possède un plan d'action bien tracé et définitif. Un plan qui, déjà maintenant, a changé la face de l'Eglise de façon irréversible.
Pour lui, donc, et entre autres, et à travers tous les chagrins égrenés, et malgré eux, Te Deum laudamus...

jeudi 26 décembre 2013

Noël, le Visage de Dieu

Pourquoi aimons-nous tant, et partout et de tant de façons, la fête de Noël? Très certainement pour son aspect retrouvailles et fête de famille. Très certainement aussi parce qu'elle est une célébration de la lumière : les Anciens ne s'y trompèrent pas, qui placèrent au solstice d'hiver cette solennité pour dire la naissance (dont la date est incertaine) de Jésus. N'avons-nous pas un monceau d'ombres en nous, et autour de nous, dans le monde?
Mais tout cela ne serait pas suffisant, si nous ne célébrions pas à Noël le vrai Visage de Dieu. Lui, que spontanément nous nous représentons comme un Juge implacable ou un Père-la-pudeur, ou un solennel "Vieillard à barbe blanche", ou je ne sais quoi dans le genre, voilà qu'il se donne à connaître dans la fragilité d'un "enfant emmailloté, couché dans une mangeoire", pour reprendre les termes de l'Evangile. Un bébé qui, comme tous les bébés, se confie à nos mains humaines, à nos soins, pour être par nous nourri, éduqué, élevé, et... aimé. Un bébé auquel on apprendra à marcher, à parler (lui, "le Verbe qui était avant toute choses", dit encore l'Evangile, cette fois dans le Prologue de Jean, lui, la Parole créatrice, réduite au babil du petit enfant, aux essais et erreurs du langage articulé et de la communication...) Il me semble bien que c'est cette faiblesse consentie de Dieu, cette fragilité voulue et assumée, qui suscite notre émoi, notre admiration, notre stupéfaction même - comme lorsqu'on pose d'étonnement la main sur la bouche : oh! Et que c'est de là aussi que viennent nos vœux de paix, car devant l'enfant démuni, les armes se taisent ou du moins on les abaisse, autour d'un berceau on se parle ou on se reparle et de nouveaux liens se retissent.
Cette année, espérons-le, et fêtons dans cette admiration stupéfaite la nativité, qui n'est pas seulement l'anniversaire du petit Jésus, mais la célébration de la "naissance de Dieu en nous" (comme dit Maître Eckhart), la naissance en nous de la Vie.

lundi 23 décembre 2013

L'éloge du pape François par le "Nouvel Observateur"

Le Nouvel Observateur n'est pas un organe de presse spontanément catholique et encore moins papolâtre... C'est pourquoi il me plaît d'y relever, dans l'éditorial que l'excellent Laurent Joffrin rédige en exergue du numéro de cette semaine (n° du 19 décembre 2013 au 1er janvier 2014, p.7), sous le titre "Le rouge et le blanc", les propos suivants : "L'homme de gauche de l'année s'appelle François. On eût aimé, bien sûr, que ce fût François Hollande. Mais les difficultés du gouvernement sont telles en cette année de réformes malaisées et de lent redressement des comptes qu'on réservera cette distinction à des temps meilleurs, qu'on espère proches. Non, l'homme de gauche de l'année est un personnage inattendu, surgi d'un coup sur le devant de la scène et dont les rapports avec le courant socialiste sont sinon inexistants du moins ténus : c'est le pape François.
"Ceux qui en doutent liront avec profit l'exhortation apostolique publiée par le Vatican le 26 novembre dernier. Tous les commentateurs l'ont souligné : on a rarement écrit un réquisitoire aussi violent, aussi argumenté, aussi implacable contre les excès du capitalisme contemporain. (...) On voit à Rome un homme en blanc. On entend les propos d'un rouge.
"Beaucoup à droite se sont très logiquement étranglés à la lecture de cette condamnation de leurs propres thèses. (...) Certains ont dénié au pape toute compétence économique en rappelant que les spécialistes de la discipline faisaient l'éloge de la finance dérégulée et des mécanismes du marché. Ce qui est, une fois de plus, tout à fait faux. Le pape est en désaccord avec les économistes libéraux. En revanche, son discours correspond presque point par point à celui des théoriciens néo-keynésiens et des réformistes démocrates ou socialistes des deux côtés de l'Atlantique. (...)
On comprend le désarroi du 'Figaro' : en rappelant ses principes sociaux, le pape propose d'appliquer ici et maintenant les valeurs de l'Evangile. Où va-t-on?"

J'étais tout de même heureux, en lisant ces propos liminaires de Joffrin (encore une fois non suspect d'idolâtrie envers le catholicisme!) de constater que ma réserve exprimée sur l'avant-dernière livraison de ce blog n'était peut-être pas infondée...

lundi 16 décembre 2013

Le trop brusque départ de Michaël

Appris ce matin le suicide de Michaël, l'un de mes (nombreux) petits-cousins. A 32 ans, à la suite d'une querelle avec sa compagne, semble-t-il et certainement sur un coup de tête, il s'est pendu dans la boucherie qu'il tenait avec fierté à Virelles. Je connaissais bien Michaël et l'aimais comme un petit frère (souvent insolent) depuis qu'il avait perdu sa maman, il y a une douzaine d'années, et puis, aussi très brusquement, sa sœur aînée. Et j'avais, il y a quelques années, baptisé dans la joie sa petite fille, Marie.
Les suicides de nos proches nous plongent dans des abîmes de tristesse et aussi de perplexité : qu'avons-nous raté? qu'aurions-nous dû dire? pourquoi n'avoir pas été plus présents? Et tout le reste de la culpabilité qui, quoi qu'on fasse, accable toujours "ceux qui restent", une culpabilité probablement inévitable, mais inutile.
Dans le calme de la nuit, je réfléchis à la page d'évangile qu'il faudrait lire et méditer vendredi prochain, jour de ses funérailles à Sivry, village-berceau de ma famille. Pourquoi pas saint Luc, ch.2, 41-52, cet épisode quelquefois lu pour la célébration de la "Sainte Famille", et qui raconte l'escapade de Jésus au Temple, sa "perte", le reproche de ses parents lorsqu'ils le retrouvent, leur angoisse aussi ("Vois, ton père et moi, tout angoissés, nous te cherchions", dira Marie à son Fils), leur question ("Pourquoi nous as-tu fait cela?"), la réponse pleine d'arrogance du gamin de douze ans ("Ne saviez-vous pas qu'il me faut être aux affaires de mon Père?"), l'incompréhension accrue encore des parents après cette réponse ("Ils ne comprirent pas ce qu'il leur disait"), et le retour au cœur de sa mère (qui "gardait dans son cœur tous ces événements"). De quoi peut-être relire une tragédie comme celle qui vient de se passer, et dénoncer, encore et encore, les difficultés de la communication (que les réseaux sociaux n'arrangent pas toujours), et dire  la nécessité d'une reprise de parole qui jaillisse du cœur pour se garder en vie, pour se garder dans la Vie...
Ce qu'une mort pareillement brutale casse et détruit, elle peut bien aussi donner l'envie et l'urgence à ceux qui l'entourent - comme ils peuvent - de le reconstruire peu à peu. Il faut que nous relancions  des paroles d'espérance - le Verbe qui naît entre nous, sinon, y naîtrait pour rien.

dimanche 15 décembre 2013

Le pape, le Figaro et les cons

L'exhortation apostolique Evangelii Gaudium du pape François constitue une charge vigoureuse contre les méfaits du libéralisme économique et, en particulier, du néo-libéralisme financier, une charge à la fois inspirée de la Tradition unanime de méfiance issue de l'enseignement social de l'Eglise et de l'expérience pastorale de l'ancien archevêque de Buenos Aires. L'économiste du Figaro, qui est n'est pas un journal de gauche et draine quantité de catholiques dans ses lecteurs, Yves de Kerdrel, s'emploie donc à revenir sur ce texte en en minimisant la portée. Certes, le pape fustige les puissances de l'argent-fou et le règne désordonné du capital, dit-il en substance dans un article du 3 décembre dernier, mais rassurez-vous bonnes gens, ces propos ont bien entendu une portée éthique qui ne saurait être politique. Moyennant quoi, gardez confortablement le cul assis sur vos billets de banque, et continuez à ronronner en paix sans prendre garde à l'injustice de votre situation...
Une portée éthique qui n'est en rien politique, hein? Parce que l'éthique n'aurait rien à dire à la politique, sans doute?
Dans une longue carrière dont je m'honore, j'ai déjà croisé des cons, de tous âges et de toutes tailles, des moyens, des vieux, des jeunes, des grands, des compatriotes et des étrangers, j'en passe et des meilleurs, et franchement à mon âge je pensais avoir fait le tour de la question.
Eh bien figurez-vous que Monsieur de Kerdrel m'a ouvert des horizons!

jeudi 12 décembre 2013

Le beau choix de l'Académie Française

On élisait aujourd'hui le successeur de mon ami Hector Bianciotti au "deuxième fauteuil" de l'Académie Française, et c'est Dany Laferrière qui a été choisi. Né en 1953, à Port-au-Prince, cet Haïtien de souche réside aujourd'hui au Québec. Auteur de nombreux romans autobiographiques et aussi de livres pour enfants, il sera le premier écrivain canadien à devenir immortel. Mais comme il vient de le déclarer lui-même avec sagesse : "Ce ne sont pas les écrivains qui sont immortels, c'est la langue française."
Bravo à l'Académie pour ce choix remarquable. Ce sera une joie de l'entendre d'ici quelques mois prononcer sous la Coupole l'éloge de Hector, qui manque à tant d'entre nous...

Oser dire son expérience spirituelle

Très belle conférence hier soir ici à Enghien au Magasin "Bioautrement" : Serge nous a partagé son expérience spirituelle, la visitation de l'intériorité, à partir d'une méditation sur un texte de la Genèse (le deuxième récit de création en Gn2) et d'une représentation de Samatha, chemin bouddhique de l'aspirant à la sagesse. Exposé riche, sensible, nuancé, ouvert aux questions tant théoriques que pratiques. Je dis bien : "exposé", car il faut aimer le risque pour s' "exposer" ainsi, pour exposer ce que l'on a de plus intime, devant un public, relativement connu certes, mais tout de même...
L'exercice était tout en douceur.
Je m'y suis pour mon compte parfaitement retrouvé...
Merci, Serge!

vendredi 6 décembre 2013

Chapeau, Mandela!

Certains hommes dominent leur siècle. Le XXème aura connu - et je ne veux pas être exhaustif : Gandhi, Churchill, de Gaulle, Jean-Paul II et... celui qui s'est éteint hier, Mandela. Emprisonné vingt-huit ans pour ses idées démocratiques au sein d'un système d'apartheid profondément injuste, et sitôt sorti, loin d'être revanchard, réconciliateur dans le pays où ses convictions  l'avaient conduit à la geôle. Ils sont peu nombreux, ceux qui ont ainsi non seulement "payé" pour leurs prises de parole, mais qui ont aussi pardonné. Le pardon, seule voie de réconciliation, tellement éloigné, a priori, des mouvements spontanés de nos cœurs, qui toujours crient vengeance!
Et une fois au pouvoir, démocratiquement élu, il n'a favorisé personne de son clan ou de sa  famille, et une fois échu le terme de son mandat, il est parti, vieux sage fatigué, ayant fait sur la terre son magnifique devoir d'homme.
Chapeau bas, Mandela!
Tout ce qu'il y a de bon en nous vous tire sa révérence, et promettons-nous d'en prendre de la graine!

vendredi 29 novembre 2013

Le Voleur...

Dans ma région d'origine, les vols se multiplient dans les habitations privées. De petites bandes, sans doute, bien organisées, qui épient les allers et retours, qui guettent et, dès que vous avez le dos tourné : hop, ils forcent les portes, et en cinq minutes piquent tout ce qui tombent sous leurs doigts, bijoux, ordinateurs, portables, et bien sûr ils bouleversent tout dans la maison pour trouver de l'argent.
Des voleurs.
Des furtifs.
Des rapides.
Quand on rentre chez soi, on se sent floué, certes, mais aussi humilié, "pris par surprise", si l'on ose cette redondance. On appelle la Police, on porte plainte. Et en même temps on se dit : "A quoi bon?"
On renforce les protections de sa maison : un volet mécanique, une alarme. Et en même temps, on se dit aussi : "A quoi bon?" C'est en effet trop tard : "ils" ne reviendront pas une deuxième fois, pas si bêtes!
On s'en veut. On se dit : "Je n'aurais pas dû sortir, ce soir-là. J'aurais dû être plus vigilant avant, faire plus attention..."

"Si le maître de maison avait su à quelle heure de la nuit le voleur viendrait, il aurait veillé et n'aurait pas laissé percer le mur de sa maison"... Comme on la comprend mieux, alors, cette parole de Jésus que rapporte l'évangile de Matthieu, entendu ce dimanche, et qui invite à une vigilance accrue. "Veillez", dit Jésus, car "le Fils de l'Homme" et "son avènement" (son "avent") vont venir comme vient le voleur, à l'improviste, au milieu de vos fêtes et de vos travaux ("on mange, on boit, on se marie" et "les gens ne se doutent de rien", "les hommes sont aux champs et les femmes, au moulin"), sa venue est comme l'éclair, comme le passage-éclair du voleur dans vos maisons.
Une chose est sûre : il vient, il va venir.
Quand?
Le voleur vous dit-il quand il va venir? Vous auriez beau jeu, alors, de vous préparer, de vous barricader, de cacher vos vraies "valeurs". Le Fils de l'Homme, ce Voleur, veut vous surprendre : il vous trouvera dans l'état de préparation ou d'impréparation dont vous seuls êtes responsables.
Si vous n'avez pensé qu'à vos fêtes et à vos travaux, vous n'aurez pas préparé votre maison intérieure pour lui faire face.

Le temps de l'Avent, temps où l'on se prépare à "la" venue, temps où l'on apprend ce qui nous reste à faire...

mercredi 27 novembre 2013

Possibilité d'une euthanasie étendue aux mineurs

Une commission du Sénat vient donc d'adopter, aujourd'hui, un projet de loi visant à étendre aux mineurs d'âge la possibilité de demander et d'obtenir l'euthanasie, si certaines circonstances très précises sont réunies. Comme l'âge, dans cette hypothèse, n'est plus un critère discriminant, c'est "la faculté de discernement" qui sera évaluée par un psychologue : pourquoi pas, en effet, puisque pour des sujets également graves (la possibilité de "discerner" le Christ sous les espèces eucharistiques, ce qui n'est pas rien), l'Eglise catholique elle-même a décrété que l'âge de raison était sept ans, depuis un peu plus d'un siècle...
Mais tout de même, des questions subsistent, multiples, non débattues jusqu'au fond, sur le rôle des parents, sur la difficulté accrue en cas de divergences d'avis chez les parents (si ceux-ci sont séparés, par exemple), sur la réalité d'une souffrance qu'on ne saurait autrement soulager, sur la demande - qui doit venir de l'intéressé lui-même -  et,  évidemment,  sur ce fameux "discernement" dont certains seraient capables (et d'autres, non?)
Que l'on pose la question n'est pas un problème, au contraire : ça, c'est la démocratie, c'est la culture du débat pluriel, et je me réjouis d'appartenir à une société où toutes les questions peuvent et doivent être débattues.
Qu'on y réponde du point de vue législatif d'une façon probablement trop brusque, sans avoir d'abord bien évalué les demandes et les réalités de l'euthanasie pour des adultes (possible chez nous depuis onze ans), sans avoir été, semble-t-il, jusqu'au bout des enjeux dans les discussions au Sénat, cela me conduit hélas à penser que notre système politique peine à sortir d'une logique "pro" et "anti" cléricale à l'ancienne, où il y aurait des "progressistes" d'un côté et des "conservateurs" de l'autre. Cette logique-là est périmée, et fausse depuis le début - mais peut-être pas encore dans la tête de certains.
Bon.
Ce n'est qu'un projet de loi : restent l'assemblée plénière, le Parlement, le Gouvernement et le Roi.
Autant d'étapes législatives.
Et si on se reprenait, je veux dire, si on reprenait sagement les discussions en allant au fond des choses? Et, autant que faire se peut, sans parti-pris idéologique?

samedi 23 novembre 2013

"Une inscription, au-dessus de sa tête"

"Une inscription était placée au-dessus de sa tête : Celui-ci est le Roi des Juifs."
L'évangile de la fête du Christ-Roi nous rappelle ce fait, anodin apparemment et dont pourtant la plupart de nos crucifix portent la mémoire dans des initiales étranges : INRI, Iesus Nazarenus Rex Iudaeorum, "Jésus de Nazareth Roi des Juifs". La titulature est vraiment messianique, elle annonce que ce condamné exécuté est "Le Roi des Juifs", elle l'annonce probablement par dérision, mais pourtant elle dit la vérité : celui-là est le Roi tant espéré, tant attendu, le Messie de Dieu, le Sauveur...
Et c'est un païen qui l'a fait placer, Pilate, qui ne connaît rien à rien des prophéties juives, mais qui pourtant, sans le savoir, a été prophète : il a dit - et maintenu, car certains voulaient faire modifier l'écriteau - la vérité de Jésus.
C'est la première annonce du kérygme chrétien, bien avant celle de saint Paul dans la Première Lettre aux Corinthiens, bien avant la rédaction des Evangiles. C'est le plus ancien  texte qui proclame la foi chrétienne, et il est signé d'un païen... Etonnons-nous!
Quelquefois, dans la Bible, ce sont les plus éloignés qui sont les meilleurs témoins, les meilleurs prophètes. Ainsi de Pilate : il est, tout païen qu'il soit, le seul dont le Credo chrétien (le Symbole de Nicée-Constantinople, que nous récitons chaque dimanche) porte le nom, avec Jésus et Marie ("Crucifié pour nous sous Ponce Pilate", dit le texte).
Probablement cela signifie-t-il quelque chose : ce ne sont pas toujours les gens du sérail qui sont le mieux inspirés. Les "extérieurs" ont de temps en temps de ces coups de génie - ou plutôt de ces coups d'Esprit Saint - qui leur font dire et reconnaître la vérité. Les "intérieurs" savent-ils les entendre?

vendredi 22 novembre 2013

Sainte Cécile

Cécile est une martyre romaine, d'origine sans doute sicilienne, du IIème ou du IIIème siècle. En allant vers son supplice, elle aurait, dit-on, entendu chanter des voix célestes, ce qui en fait depuis très longtemps la patronne des musiciens et de tous ceux qui travaillent pour la musique. Depuis la fin du Vème siècle, elle est inscrite au Canon romain (Prière Eucharistique I) et son tombeau, identifié avec soin au XVIème siècle, est au Transtevere (à Rome) dans l'église qui lui est dédicacée.
Et ils sont nombreux, ceux qui la vénèrent,  y compris ici à Enghien, où je suis heureux de les saluer et de leur souhaiter une "bonne fête" : chorales, chœurs, fanfares, groupes plus informels, et tous ceux qui estiment qu'on ne saurait vivre sans musique, sans en jouer ou sans en entendre!
La musique, "là où le son triomphe de n'avoir pas de sens" (Marie Noël), cet autre langage indispensable à nos existences, et cette première forme de la prière, car "chanter, c'est prier deux fois" (saint Augustin)!
Vraiment, belle fête à tous!

dimanche 17 novembre 2013

"Tout sera détruit"

Comment concilier les paroles contradictoires entendues dans l'Evangile de ce matin?
D'un côté : "Tout sera détruit", dit Jésus en parlant du Temple de Jérusalem, mais aussi, et cela va de soi, de toute chose éphémère en cet Univers qui a commencé et qui finira : tout sera détruit, le Temple, certes, mais aussi nos autres constructions, religieuses ou non, intellectuelles ou non, familiales ou non, idéologiques ou non, littéraires ou non, culturelles ou non, artistiques ou non, etc., etc. : tout, tout, tout, et nous-mêmes avec. Diantre! Comment ne pas alors devenir nihilistes, comment ne pas croire ou penser que rien n'a de valeur de ce que nous faisons, puisque toute œuvre humaine est a priori vouée à la destruction? Et Jésus cite les causes réitérées de cette destruction : guerres, cataclysmes, persécutions...
D'un autre côté : "Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu." Autrement dit : tout ce que vous êtes est précieux, comme est précieux tout ce que vous faites dans le prolongement de ce que vous êtes vraiment.

Paradoxe?
Non, loi de la vie : notre monde est éphémère, et il faut nous le rappeler toujours, comme nous-mêmes nous le sommes. Mais l'amour que nous aurons mis à faire ce que nous avons cru devoir faire : beaux-arts, famille, soin d'autrui, communauté, l'amour que nous aurons mis à édifier le Temple éphémère, quel que ce soit ce Temple, cet amour-là, oui, il est éternel.

C'est en lui, en cet amour, qu'est la Vie - celle qui nous constitue vraiment. C'est en lui, pour poursuivre la méditation déjà esquissée sur ce blog en cette fin d'année liturgique, que se rejoignent le Temps et l'Eternité, en chacun de nous, qui est unique, comme dans l'Univers intégralement.

jeudi 7 novembre 2013

Violette

Retour de Paris, où j'ai passé quelques jours de repos et revu des amis... que je vois trop peu. Lundi soir, assisté à "l'avant-première" du dernier film de Martin Provost, Violette, un film consacré à l'écrivain Violette Leduc (1907-1972), d'après la biographie que René de Ceccatty, co-scénariste du film, lui avait consacrée en 1994. Formidable duo d'actrices, entre Emmanuelle Devos, qui joue Violette, et Sandrine Kiberlain qui joue Simone de Beauvoir, sa fascination et son amante impossible. Car Violette était "bisexuelle", pour employer le mot affreux dont on use aujourd'hui;  elle qui était laide aimait les hommes et les femmes qui voulaient bien - et même qui ne voulaient pas - lui concéder un peu d'intérêt, pourquoi pas un peu d'amour. Son père l'avait abandonnée à la naissance, et sa mère qui "ne lui avait jamais tenu la main" (c'est la première phrase du premier de ses textes autobiographiques) ne l'a guère considérée.
Quel gouffre abyssal de désir d'amour et de reconnaissance!
Elle a reproché à sa mère de n'avoir pas avorté.
Elle a elle-même avorté (à cinq mois et demi, et c'était atroce.)
Elle a reconnu en Simone de Beauvoir quelqu'un qui comprenait la détresse des femmes comme elle.
Je n'ai jamais été pour l'avortement, je crois que c'est un crime, même si sa dépénalisation est compréhensible.
Mais le film, tel qu'il est, tel qu'il est interprété, m'a aidé, lundi soir, à y voir plus clair sur l'avancée nécessaire du féminisme dans l'après-guerre, et sur le rôle ambigu certes, quelquefois déplaisant sans doute, que Beauvoir y a joué, avec talent. J'étais déjà, je reste très attaché à l'égalité foncière des hommes et des femmes, dans leurs rôles sociaux, dans leurs traitements (y compris professionnels) : on est loin d'y être! La domination de l'homme sur la femme, du mâle sur la femelle, d'un sexe sur l'autre, est absolument contraire au message de la Bible qui, dès la Genèse, instaure entre "elle" et "lui" un partenariat d'alliance, qui n'a rien affaire à la soumission, et qui tourne le dos, pour l'époque supposée de la rédaction de ces textes, aux civilisation environnantes. Même si les révoltes de Beauvoir et de Sartre - et dans leur sillage, de la pauvre et talentueuse petite Violette - étaient quelquefois excessives et inutilement (?) provocatrices, elles ont aidé à la mise en place d'une plus grande égalité. Point positif.
L'après-midi, j'avais vu au Louvre une exposition consacrée à la Renaissance florentine (1400-1460), et particulièrement à son impression dans la sculpture : intéressant de constater comment le sujet religieux, sans disparaître, est relégué à une espèce de motif décoratif, perd en tous les cas la portée catéchétique que le Moyen Âge lui attribuait, et met en avant l'homme, l'être humain, ses canons de beauté, sa puissance, sa force, le tout inspiré de l'Antiquité grecque. C'est du "Vive l'homme!", "Vive l'homme!"... Oui, oui, peut-être, mais n'en est-on pas un peu revenu, de l'homme rayonnant de puissance, "maître de lui comme de l'univers" (Corneille), maître du temps, de l'espace, du monde? On a appris  aussi les dégâts que cela pouvait faire...
Méditations parisiennes....
Je vous les livre en vrac, ce ne sont jamais que des impressions!

samedi 2 novembre 2013

La Caresse

Ce 2 novembre, nous pensons à nos morts.
C'était il y a 22 ans, déjà, mi-octobre 1991 : mon père, 81 ans, était allongé sur son lit d'hôpital, son lit de mourant, après une attaque cérébrale sévère. Complètement aphasique, hémiplégique, il attendait la mort, quelquefois énervé, la plupart du temps, serein. Maman était à côté de lui et soudain, quel miracle d'avoir été là, j'ai vu cet homme lever doucement sa main valide et la poser sur la joue de sa femme. C'était un adieu, un acte de foi et d'amour, une bénédiction, une absolution,  tout cela ensemble, et j'ai gardé dans le cœur et dans la mémoire ce geste magnifique  -  l'un des moments fondateurs de ma vie. J'avais déjà 34 ans, mais j'ai compris un peu mieux, ce jour-là, le don de l'amour.
J'ai parlé beaucoup, ces jours-ci, jour de Toussaint, jour des morts, des actes éternels qui, à travers la fluidité du temps, nous font apercevoir quelque chose de l'éternité, de Dieu. Et d'un bonheur qui, évidemment, n'est pas la satisfaction de tous nos appétits, mais l'accueil des béatitudes de pauvreté, de pureté, de douceur et de paix que Jésus annonce au début de sa prédication.
La Caresse, comme je la nomme maintenant dans mon for le plus interne avec une majuscule qui l'ennoblit encore, la Caresse était l'un de ces moments et pour toujours je rendrai grâce à Dieu d'avoir vu mes parents  se donner devant moi pareil témoignage de l'amour, qui est éternel.
Du dedans même de la mort, de ce qu'elle peut déchirer en nous, c'était,  c'est pour toujours, un geste de Vivants...

mardi 29 octobre 2013

"Intempestive éternité"

Nous n'aurons pas fait le tour du sujet, certes... Mais au moins appris, durant ces deux jours de session du Colloque Gesché, à nous tenir dans l'humilité devant la pensée de l'éternité...  Des philosophes, un spécialiste du cinéma (pourquoi le cinéma, direz-vous? Et le "temps arrêté" dans les techniques de tournage, qu'est-ce que cela veut évoquer?), des biblistes, un spécialiste du bouddhisme indien, une autre de saint Augustin, un troisième de la littérature catholique du XVIIème siècle, et bien sûr des théologiens... tout ce monde aura dit et redit la nécessité de penser l'éternité pour avoir une chance de bien penser le temps qui passe, qui fuit, qui nous emporte. L'éternité, non pas comme une suite du temps, mais comme son autre, que des trouées dans le temps quelquefois permettent d'apercevoir, des moments de bonheur, de douleur (de deuil) ou simplement d'ennui (ce n'est peut-être pas pour rien que, dans la chanson de Trenet - mais cela, c'est un point de vue personnel - "les enfants s'ennuient le dimanche". Et pourquoi pas un autre jour?)
Dieu - si j'ose dire! - que tout cela était suggestif.
Il y a eu quelques beaux moments d'humour, dans toutes ces réflexions : ainsi lorsque Paul Scolas, évoquant,  au début de son intervention, un mariage qu'il a récemment célébré, racontait comment des époux avaient dit vouloir se promettre "un amour pour l'éternité", et lorsqu'il ajouta que c'était plus, beaucoup plus, que ce que l'Eglise, pourtant taxée d'être exigeante en ce domaine, demande aux fiancés, en souhaitant seulement qu'ils soient fidèles l'un à l'autre "jusqu'à ce que la mort les sépare". Mais cela ne veut-il pas dire que l'éternité serait comme  la trace d'une intensité, une intensité telle qu'elle subvertit le temps qui passe?
Ou bien lorsque Christian Belin fit observer que même ceux qui aiment croire à l'éternité semblent toujours et néanmoins estimer qu'elle est "pour demain" plutôt que "pour tout de suite"... Judicieuse remarque qui me fait maintenant désirer un sommeil mérité et un repos qu'au fond, en effet, je ne souhaite pas (encore) éternel...

dimanche 27 octobre 2013

Les pleurs de Robin

Robin pleurait, Adèle était toute tranquille : diversité des petits enfants qu'on  baptise dans la joie, comme ce matin à Hellebecq, au milieu d'une communauté dominicale sereine, priante, heureuse. Les grands-parents des enfants, ce soir, m'ont redit leur bonheur d'avoir participé à ce moment de grâce, tout pur dans la matinée venteuse et agitée de l'automne.
Et, sans grande transition, visites de deuil : deux personnes jeunes encore ont, assez vite, pris congé de cette terre, malmenées par la maladie. Détresse des familles, désarroi - on ne pensait pas que cela irait si vite, et puis la mort laisse désarçonnés, on l'oublie tellement, quand on vit. Accompagner cela, écouter, prier avec les familles... Entrer dans leurs histoires, aussi.
Et, cet après-midi, l'annonce d'un important vol d'œuvres d'art dans l'une de nos églises (Hoves), annonce qui relance le grand débat sur la protection du patrimoine. On ne peut même pas dire : sur l'ouverture des églises - elle était fermée, elle a été fracturée pendant la nuit. Mais que faire de ces trésors que possèdent nos communautés : les enfouir dans des musées où rares seront encore ceux et celles qui les verront? Davantage protéger les églises - mais ça coûte? Les pouvoirs publics sont responsables, autant que les autorités ecclésiastiques, c'est le principe même des Fabriques d'église, en Belgique. Qu'en fait-on? Qu'en fera-t-on? Je sais bien que les urgences peuvent sembler "ailleurs" (probablement l'ont-elles toujours été), et pourtant,  le patrimoine, la culture, ce n'est pas rien, non?
Demain, colloque déjà annoncé dans ce blog, à Louvain-La-Neuve, sur "l'éternité". Comme me disait un jour un ami enghiennois, à la fin d'un repas de confrérie où le menu annonçait en dessert "Le Prince noir et ses mystères", alors que je lui demandais s'il valait la peine de rester : "On ne sait jamais"... De ma vie, je n'ai autant ri! Avec l'éternité, la réponse doit valoir aussi...

lundi 21 octobre 2013

Nos rencontres de prêtres...

Journée passée aujourd'hui, à Tournai, de 9h30 à 17h00 (et je ne suis rentré qu'après 18h30, il fallait tout de même faire des courses...) des "doyens du diocèse", ou plus précisément, comme on dit maintenant, des "responsables des unités pastorales" (quand on ne dit pas les RUP... "Qu'est-ce que vous faites dans la vie? Je suis RUP! Ah le beau métier! Si l'on pouvait un jour arracher de nos vocabulaires ces abréviations consternantes de bêtise!) Nous en avons eu notre compte, des abréviations, précisément, puisque l'après-midi était consacré à un passage en revue des structures régissant les rapports entre ASBL paroissiales et PO d'écoles subventionnées libres catholiques. Evidemment, tout cela est très utile et il faut que nous soyons bien au courant des politiques financières de la Fédération Wallonie-Bruxelles, des actes de propriété et des conventions dans les baux de cession, des droits des contractants, des conditions de reprise et d'emprunts, etc., etc.  Et je suis le premier à dire que nous ne devons pas ignorer cette législation complexe, nous les prêtres qui sommes les premiers responsables du patrimoine paroissial, notamment de celui qui est cédé à des écoles. Et je dois dire que les représentants de l'Enseignement ont fait tout leur possible pour tenir éveillés une cinquantaine de prêtres qui sortaient de déjeuner.
L'avant-midi, elle, était consacrée au catéchuménat et à ses enjeux pastoraux, liturgiques, et finalement humains : comment accueillir et accompagner toutes les demandes des personnes qui veulent fréquenter l'Eglise? Comment les respecter? Comment leur proposer une entrée dans la foi, si elles le veulent? Quel rôle les étapes rituelles prennent-elles là-dedans? Et ainsi de suite, la question est infinie.
Et d'autres objets, nombreux, trop nombreux pour une seule journée : par exemple, le projet des réformes de subvention des cultes   par la Région Wallonne, et ce qu'il suscite comme divergences de points de vue parmi les Parlementaires (même de la majorité) : indépendamment de questions relevant de modes immédiats de financement (évidemment, d'abord, de financement  des Fabriques d'églises), c'est la présence même de l'Eglise dans la société actuelle, une présence qu'il faut savoir et accepter minoritaire en nombre, mais peut-être pas dépourvue de signification, oui, c'est cette présence-là dont la question est posée. Pour le présent et pour l'avenir.

Je vais résumer en une formule  : ces journées sont fatigantes. Elles brassent trop de choses en trop peu de temps. Et puis je vais vous dire : le cul sur une chaise sept heures de suite, j'ai l'impression d'avoir passé l'âge et je finis par avoir mal aux fesses. Mais je sais que ces rencontres sont nécessaires, indispensables même, et pour alléger le tout, il y a la joie - la vraie joie, que peut-être les chrétiens ne soupçonnent pas assez - qu'ont les prêtres à se revoir, à se parler, à manger ensemble (évidemment), à prier et célébrer ensemble. Et, ne vous étonnez pas de ce dernier mot, mais s'il vous plaît mettez-le aussi en œuvre dans vos vies  : à rire ensemble!

Et si cela vous amuse, vous pouvez voir une photo de cette rencontre, car traditionnellement on prend chaque année une photo des doyens du diocèse au jour de leur rencontre, histoire de constater combien ils vieillissent, sur le site web du diocèse, www.diocese-tournai.be ...

J'ajoute que je dois remettre ça mercredi, à Mouscron: rencontre, cette fois, des doyens dits "principaux" dont j'ai la grâce et l'honneur de faire partie - nous ne serons plus que sept, mais probablement reparlerons des mêmes choses, en espérant les approfondir... Courage!

vendredi 18 octobre 2013

Sur la foi

L'évangile de ce dimanche (Lc 18, 1-8) lie la persévérance dans la prière à la foi. Et se termine par une question redoutable, la seule qui m'ait jamais tourmenté vraiment quand je l'applique à moi-même (et je ne peux que l'appliquer à moi-même) : "Mais le Fils de l'Homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre?" Il ne s'agit évidemment pas de se demander si les autres "ont la foi", ou l'auront, ou la garderont, encore moins de savoir si les Etats sont ou seront chrétiens, institutionnellement convertis (on a vu dans le passé ce que ça pouvait donner...). C'est à sa terre personnelle que chacun est d'abord renvoyé.
Suis-je un homme de foi?
Et qu'est-ce que "ça" veut dire?
Non pas sans doute de souscrire les yeux bandés et l'intelligence en berne à une liste de "vérités à croire".
Non pas non plus cette espèce d'exaltation superficielle qui ferait chanter des alléluias en toutes les circonstances, même tragiques ou incompréhensibles, de l'existence.
Ni ce report naïf de notre espérance dans un au-delà qui nous dispenserait de travailler à changer les conditions de l'ici-bas, pour plus de justice, d'égalité, de fraternité - ce serait alors vraiment une drogue, l'opium dénoncé par Marx dans la Critique de la Philosophie du Droit de Hegel : la formule, à juste titre, est restée célèbre.
Mais alors, qu'est-ce que c'est, croire, être un homme - ou une femme évidemment - de foi?
Je ne suis pas sûr qu'il y ait une définition simple de la foi. Mais il me semble que cela touche au cœur de l'homme, à son intériorité la plus intime en même temps qu'à son engagement le plus visible, à son positionnement et à ses choix existentiels. On parlera peut-être de "regard intérieur", d'ouverture possible à la surprise, à l'inattendu. Ou d'accueil en soi d'une Altérité radicale, d'un Tout-Autre qui, de très haut et de tout près en même temps, appelle, suscite, ressuscite, relève, donne vie, donne la Vie. Fait traverser toutes choses quelquefois dans les larmes et les déchirements, dans les douleurs du réel accepté, dans les luttes et les coups, contre soi-même, contre le Mal et son mystère. En même temps, c'est  l'accueil d'une Douceur indicible, de la Douceur, de la tendresse, de ce que les Ecritures grecques appellent agapè, pur don d'amour, pur don de soi à l'autre.
Une Présence plus présente à soi que soi-même, qui bouleverse une vie entière, qui la retourne, tous les jours et une fois pour toutes, mais en vous laissant libres de lui claquer quand vous voulez la porte au nez.
Ce que le Fils de l'Homme a été sur la terre : l'incarnation même de la foi, lui,  "l'homme de foi" par excellence. Ce qu'il voudrait susciter et trouver en chacun. En moi, d'abord.
La prière s'origine là : c'est pourquoi elle est perpétuelle, "jour et nuit" comme dit Jésus. Elle peut bien, de temps en temps, se couler en formules ou en rituels - et même c'est nécessaire -, mais elle est, plus profondément, la source intarissable.
Ceux qui crient vers Dieu parce que quelque chose enfin les a touchés, a brisé la pierre de leur cœur, ceux qui en eux laissent couler la source, ceux qui acceptent de pleurer à l'intérieur, sur leur misère et leur péché, ceux qui demandent le don de compassion : sans tarder, oui, ils reçoivent justice et même la distribuent autour d'eux.
Il me semble que la foi a affaire à "ça", en moi, en nous, en tous.
Et la question de Jésus n'en est pas moins redoutable, décisive, déterminante pour ma vie tout entière - et pour la nôtre : "Le Fils de l'Homme, quand il viendra, trouvera-t-il "ça" sur la terre?"

"Le nationalisme ou le recul de l'histoire"

Ouvrant le journal ce matin, j'y découvre le compte-rendu du dernier ouvrage de Mark Eyskens, compte-rendu dans lequel sont admirablement exprimés les points de vue que j'ai tenté de développer avant-hier dans ce blog... Je signale cet article, et le titre du livre en question, que je vais m'empresser de me procurer : "Le confédéralisme, illusion dangereuse". Mark Esykens démonte l' "illusion" des thèses de la N-VA. Mise en garde, par Christian Laporte, dans La Libre Belgique du vendredi 18 octobre 2013, p.7, à propos de M. EYSKENS, Le nationalisme ou le recul de l'histoire, Avant-Propos, 123pp., 16,95 euros.

mercredi 16 octobre 2013

Diables Rougles versus NVA?

Cela fait partie des simplismes du monde médiatique actuel, de ses simplismes et, osons le dire, de ses sottises : les succès footballistiques contribueraient à réduire la fièvre nationaliste du Nord, concrètement le programme séparatiste de la NVA.
A-t-on mesuré la bêtise de pareilles propositions?
Comme si l'avenir d'un pays était suspendu au score et aux buts de son équipe nationale, si glorieuse et si valeureuse soit-elle!
Comme si les motifs revendiqués par d'aucuns du séparatisme pouvaient céder devant des enthousiasmes sportifs, qui retomberont évidemment à la première défaite un peu cuisante (que je ne souhaite pas, mais qui viendra un jour, c'est le lot du sport que de trouver en face de soi de plus forts que soi).
C'est faire dépendre l'unité d'un pays d'un presque rien...
C'est oublier que le nationalisme est - hélas - partout présent en Europe : voyez le succès du FN en France, à Brignoles récemment, et le crédit que lui confèrent les sondages actuels. Voyez l'Italie, voyez l'Espagne, voyez les Pays-Bas et même les Pays scandinaves : la plaie est partout, elle est profonde.
C'est oublier que le nationalisme se nourrit de rancunes (si ce n'est pas de haines) tellement tenaces et d'oppositions tellement farouches qu'elles ne cèderont pas au premier succès national venu...
Je l'ai déjà dit et redit sur ce blog, en reprenant la formule décisive de François Mitterrand : "Le nationalisme, c'est la guerre!" Car le nationalisme, c'est l'égoïsme, le chacun pour soi, la fermeture des frontières extérieures et intérieures, le renoncement à la vie spirituelle au seul profit d'une mesure matérielle de la vie. Je vais le dire ici avec une force qui va surprendre, mais qui ne devrait pas surprendre sous la plume d'un curé : le nationalisme, c'est le Diable. Le vrai. Pas le "Diable rouge" que nous aimons, mais le Diviseur, le sournois, qui exacerbe la différence (de revenus, de confort, de privilège, de ce qu'on veut en ce genre) et qui gagne d'abord les cœurs.
La réponse au Diable, ce n'est pas le football (quelle que soit la révérence que j'aie pour ce noble sport) ou l'hymne national, la réponse au Diable, c'est la conversion personnelle, en chacun, à l'amour de l'autre parce qu'il est un autre, à l'amour du plus petit parce qu'il est plus petit, à l'amour du faible parce qu'il est faible. Et non par commisération. Mais parce que la reconnaissance de l'autre, du petit et du faible fonde la dignité de celui qui l'exerce.
En revanche, revendiquer contre l'autre sa grandeur, son autonomie, sa puissance, sa performance, et tout ce que vous voulez du même genre, c'est entrer dans un processus d'avilissement personnel qui a conduit les civilisations s'y livrant depuis toujours à la bêtise, et à la relégation au rang des animaux. Ce sont les animaux qui marquent leur territoire en pissant autour. Les êtres humains, eux, apprennent à se retenir. C'est toute la différence.

dimanche 13 octobre 2013

"La Margelle du Puits"

Comme il m'arrive de publier ou de collaborer de temps en temps à des publications, je suis heureux de signaler ici ma contribution au Collectif consacré au Professeur Adolphe Gesché, et qui vient de sortir, sous le titre : La Margelle du Puits. Adolphe Gesché, une introduction (B. Bourgine, P. Rodrigues, P. Scolas ed.), Cerf, 2013, où j'ai eu l'occasion de dire mon point de vue sur les rapports originaux que l'Œuvre de Gesché entretient avec la littérature.
Je suis heureux d'avoir ainsi pu apporter une toute petite pierre à la diffusion de ce que Gesché a fait pour la pensée théologique, et qui est si important.

Formidable après-midi catéchétique

Au Collège d'Enghien, cet après-midi, nos douze paroisses accueillaient les parents et les enfants qui ont des demandes précises de catéchèse (baptême, première communion, profession de foi, confirmation). L'EAP avait souhaité cette rencontre commune, au lieu d'éparpiller les "inscriptions" dans les diverses paroisses lors de soirées généralement froides et ennuyeuses...
Une vraie réussite : admirable "Power-Point" d'accueil, goûter convivial avec des personnes qui s'installent, qui sont heureuses de parler, de partager, temps de prière à la chapelle avec un magnifique  recueillement et une belle animation.
C'est vraiment ainsi qu'il faut envisager la vie paroissiale, ainsi qu'il faut donner à ceux qui viennent (encore) frapper à nos portes le visage d'une Eglise aimante, proche, souriante.
De tout cœur, je remercie  ceux et celles qui ont mis cela en œuvre - je ne cite personne en particulier, la liste serait trop longue, mais ils savent qu'ils ont rempli la mission que le Christ leur confie. J'ai été frappé hier au Synode, à Bonne-Espérance, par ce mot de l'évangile de Jean, ce mot de Jésus  entendu mille fois, mais dans mon cœur résonant hier comme pour une première fois, et je le redis comme tel à ceux et celles qui ont préparé et vécu cette après-midi "catéchétique" : "Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, c'est moi qui vous ai choisis, et établis pour que vous portiez du fruit, un fruit qui demeure."

samedi 12 octobre 2013

Questions du Synode

Voici donc passée la dernière session du Synode diocésain de Tournai - la dernière session, mais non la clôture solennelle, ouverte cette fois à tous, le samedi 30 novembre prochain en la Collégiale Sainte-Waudru de Mons, et à laquelle déjà tous les diocésains, je dis bien tous, sont invités (des affiches et des rappels opportuns seront, sont déjà, disponibles, rassurez-vous).
Le Synode a donné des pistes de réponse aux grandes questions que l'Evêque posait à ses diocésains. Maintenant, dépositaire de ces réponses, il revient à Mgr Harpigny de prier, de consulter et de rédiger des décrets qui répondent... à ces réponses, et qui vont déterminer la vie de notre diocèse pour les années à venir. Parmi ces problèmes, j'en épingle deux : le Synode a souhaité des "lieux" (l'expert théologien, Arnaud Join-Lambet, de l'UCL, a souligné ce fait) nouveaux de présence de la foi, comme si les lieux anciens (paroisses, églises, institutions, etc.) n'y répondaient pas assez. Des maisons, des instances d'accueil (on a beaucoup insisté sur l'accueil), pour tous, handicapés de la vie, pauvres de toutes sortes, jeunes qui se cherchent, etc., etc. Evidemment, cela coûte ou coûterait, en argent, en énergies humaines, en ardeur et conviction aussi.
Autre question, que je ressens ici vivement : oui - un oui massif - à un regroupement des paroisses, et même, à terme, à une paroisse unique qui corresponde peu ou prou au territoire de nos "Unités Pastorales Nouvelles", avec une mise en commun des asbl, des moyens, des finances, des conseils, des décisions, des... célébrations. La raréfaction des prêtres et l'urgence de la situation le commande, certes, mais comment respecter en même temps l'originalité et la particularité des communautés d'origine? (Depuis près de quarante ans - 1975 -  et la réforme de Mr Michel au plan civil, concernant la "fusion des communes", on voit que les communes fusionnées  se sentent toujours lésées, et elles n'ont pas tort). Un seul point, par exemple  : les célébrations. On ne peut pas contraindre les paroissiens à venir tout le temps en un endroit unique, pour l'eucharistie du dimanche, c'est évident; en même temps, on ne saurait démultiplier les prêtres pour célébrer partout une messe dominicale. Alors comment faire? Des assemblées sans prêtres, entend-on dire? Les Evêques refusent de les programmer, et ils ont raison : ces célébrations non eucharistiques, en effet, si elles sont réitérées de façon automatique, finissent par faire perdre le sens de ce qu'est l'Eucharistie - les gens disent : "Belle messe!" à la sortie d'une célébration qui n'en est pas une (de messe), surtout si l'on y donne systématiquement la communion. On ne saurait procéder ainsi sans affaiblir le sens des sacrements, et du reste on a tenté cela il y a une vingtaine d'années, et on en est revenu, même les paroissiens, agacés de voir toujours les mêmes prendre la parole, et finalement le pouvoir. (Bon, moi j'ai bien une réponse, et c'est privé, n'en parlez à personne, et l'Evêque ne pourrait rien dire à ça, car ce n'est pas à lui d'en décider, mais seulement au Pape. Voilà : dans certaines de nos paroisses existent des gens d'expérience, mariés, pères de familles ou déjà grands-pères, estimés de tous, et qui en pratique exercent les fonctions du curé d'autrefois. Eh bien, ordonnons-les, ce ne sera jamais que sanctionner sacramentellement une situation de fait ratifiée et je crois demandée par le "Peuple de Dieu". Ici, dans le doyenné d'Enghien, nous en connaissons : concrètement, ils remplissent déjà ce rôle, ou  peu près, du curé d'autrefois. Et il n'est sans doute pas besoin d'assassiner leur épouse pour autant, aux fins qu'ils deviennent célibataires... j'ai l'impression que le nouveau Secrétaire d'Etat du Vatican, Mgr Parolin, qui va prendre ses fonctions après-demain, a émis un propos qui n'est pas contraire à cette idée. Un ballon d'essai dans le monde catholique?) Comment faire donc? Le fin mot  nous échappe en partie, certes, mais je crois que l'Evêque peut tout de même proposer des solutions sans doute provisoires, mais équilibrées.
En même temps, je reste frappé par la très grande vitalité de notre Eglise, que relevait aussi Arnaud. C'est une Eglise diocésaine rompue plus que d'autres à l'exercice démocratique de la consultation, de la coopération, et cela je l'ai senti en animant ce matin un atelier précisément consacré aux communautés locales : capacité d'écoute les uns des autres, de rédaction d'une motion commune, d'une proposition synthétisée, d'un appel vigoureux. Les délégués au Synode ont vraiment "fait leur métier", rempli leur mission.
Moi, je suis fier de mon diocèse. Il est vivant, il est beau dans la diversité de ses points de vue, il est fraternel. Il est un magnifique lieu de vie chrétienne.
Et maintenant... Je faisais partie du "Comité" du Synode, mais j'imagine que ce Comité est dissous par le fait même de la fin des sessions. Maintenant, le boulot, c'est... à vous, Monseigneur l'Evêque!
Alors, on prie pour vous...
Et nous attendons vos décrets, dans la joie d'avoir vécu ensemble ces quelque deux années qui ont été de belles années, fatigantes, certes, mais belles, de notre diocèse.

vendredi 11 octobre 2013

Les vertus du football...

J'avais la joie ce soir d'être invité à la Réception du 100ème anniversaire du FC Enghiennois, le club de football d'Enghien. Je dis bien la joie - une joie qui fut doublée, presqu'en direct, par la qualification des Diables.
J'étais heureux de voir l'enthousiasme des personnes présentes, qui disaient l'importance de ce sport dans la vie de la ville, et qui espéraient - comme moi du reste - que davantage de jeunes puissent rejoindre les entraînements. Je crois en effet que le football, comme les autres sports collectifs, a bien des vertus : il apprend l'endurance mais aussi l'esprit d'équipe, la lutte contre l'adversaire mais aussi le "fair-play".
Quelle école!

samedi 5 octobre 2013

Des "serviteurs quelconques"?

Le dernier verset de la page d'évangile proclamée et méditée ce dimanche a de quoi nous choquer : "Vous aussi, dit Jésus, quand vous aurez fait tout ce que Dieu vous a commandé, dites-vous : Nous sommes des serviteurs quelconques : nous n'avons fait que notre devoir." (Lc 17, 10) Dans un monde où chacun a tellement soif de reconnaissance personnelle, voire de "starisation", dans un monde où les cabinets de psys sont remplis de celles et ceux qui souffrent précisément d'avoir été traités, ou de l'être encore, comme des "quelconques", sinon comme des "serviteurs"... On dira : où est l'épanouissement humain, là-dedans, quelle dégradante considération!

Enfonçons-le clou, pourtant : le texte grec ne parle pas de "serviteur" seulement, mais utilise un terme plus fort, doulos, "esclave". Encore pire, dira-t-on : Jésus demanderait-il aux siens d'être des esclaves, des gens privés de liberté?

Il me semble qu'on ne peut entrer dans la demande de Jésus qu'en se souvenant de ceci : le même terme est utilisé pour lui, et à plusieurs reprises, dans le Nouveau Testament, notamment dans l'hymne célèbre de la Lettre de Paul aux Philippiens (Ph 2, 6-11), où il est question du Christ "subsistant en forme de Dieu et ayant pris forme d'esclave (doulos)".

Pour nous, chrétiens, on ne le dira jamais assez, Jésus n'est pas seulement un personnage intéressant du passé, un maître de doctrine ou de morale dont quelques idées seraient encore bonnes à retenir. Il est Celui qui nous raconte Dieu. Dire qu'il est "esclave", ou plutôt qu'il s'est volontairement "fait esclave", que volontairement il en a pris la "forme", c'est dire ce qu'est Dieu : le Tout-Puissant dont la Toute-Puissance n'est que dans l'accueil volontaire et aimant de la Toute-Faiblesse, et si vous comprenez la Puissance, ou la Gloire, ou la Force de Dieu en-dehors de cela, en-dehors de cette incarnation en Jésus qui nous en fait voire la vraie portée, vous êtes idolâtres.

Comment pourriez-vous, chrétiens, vivre en une autre "forme" que celle de l'esclavage volontaire, de l'agenouillement devant l'autre, de la capture consentie même, alors que  Celui dont vous vous réclamez, le Christ, en a fait le cœur de l'épanouissement véritable de l'homme?  Attention : c'est dans la liberté que tout cela se passe, paradoxalement, c'est librement que le Fils a consenti a devenir esclave de tous, pour que, librement, tous deviennent des fils. Saint Paul encore, aux Romains, aux Galates, a abondamment traité ce thème : le consentement volontaire à cette condition de serviteur est, en Jésus, et en tous, profondément libérante. Et même : il n'y a pas de vraie liberté hors cette radicale mise au service, hors cet agenouillement devant l'autre, devant tous.

Le chrétien est au fond quelqu'un qui est, comme on dit, revenu de tout : les glorioles et les honneurs du monde, les promotions et les enrichissements, les belles places et compagnie, il sait, et d'une science définitive, que cela n'épanouit pas (nécessairement, en tous les cas) son humanité, que ce sont là des "vanités" (le terme est un classique de la littérature spirituelle), et il sait même qu'il y a là beaucoup plus de risques d'emprisonnements que de liberté.  L'homme vraiment libre n'a rien, n'est rien, est radicalement pauvre : leçon de saint François d'Assise, célébré hier 4 octobre. La liberté est pauvre. La vérité, aussi. Elles savent que la mise au service, toujours, est la garantie de leur grandeur. Il n'y a, dans la vie, aucun autre secret.
Tout le reste, comme disait Claudel, "Pfuit! On se mouche, et c'est fini!"

mercredi 2 octobre 2013

Tournants en douceur mais décisifs du pape François (suite)

Dans un entretien récent  donné à La Repubblica à Scalfari (athée déclaré), depuis le Vatican où il l'avait convié, le pape déclare, entre autres, ceci :

- "Le prosélytisme est une pompeuse absurdité, cela n'a aucun sens. Il faut savoir se connaître, s'écouter les uns les autres et faire grandir la connaissance du monde qui nous entoure."

- "Les dirigeants de l'Eglise ont été souvent des narcisses en proie aux flatteries et aux coups d'aiguillons de leurs propres courtisans. L'esprit de cour est la lèpre de la papauté."

- "Lorsque j'ai devant moi un tenant du cléricalisme, je deviens soudain anticlérical. Le cléricalisme ne devrait rien avoir affaire avec le christianisme."

- "Les mystiques jouent un rôle  fondamental pour l'Eglise. Une religion sans mystiques est une philosophie."

- "Je pense qu'être une minorité est une force. Nous devons être un levain de vie et d'amour et le levain est une quantité infiniment plus petite que la masse de fruits, de fleurs et d'arbres qui naissent de ce levain. Notre objectif n'est pas le prosélytisme mais l'écoute des besoins, des vœux, des illusions perdues, du désespoir, de l'espérance. Nous devons rendre espoir aux jeunes, aider les vieux, nous tourner vers l'avenir, répandre l'amour. Pauvres parmi les pauvres. Nous devons ouvrir la porte aux exclus et prêcher la paix. Le Concile Vatican II, inspiré par le pape Jean et par Paul VI, a décidé de regarder l'avenir dans un esprit moderne et de s'ouvrir à la culture moderne. Les Pères conciliaires savaient que cette ouverture à la culture moderne était synonyme d'œcuménisme et de dialogue avec les non-croyants. Après eux, on fit bien peu dans cette direction. J'ai l'humilité et l'ambition de vouloir le faire."

- "La politique est la première des activités civiles et elle a son propre champ d'action, qui n'est pas celui de la religion. Les institutions politiques sont laïques par définition et opèrent dans des domaines indépendants. Mes prédécesseurs, depuis déjà de nombreuses années, n'ont cessé de le dire, chacun à sa manière. Je crois que les catholiques engagés dans la politique portent en eux les valeurs de la religion avec toute la maturité de conscience et les compétences nécessaires pour les mettre en œuvre. L'Eglise ne franchira jamais les limites de sa tâche, qui est d'exprimer et de communiquer ces valeurs - du moins tant que j'y serai."

jeudi 26 septembre 2013

Tournants en douceur, mais décisifs, du pape François

Mine de rien, le pape change tout dans l'Eglise, et dans le bon sens.
Mine de rien, bien sûr, car l'Eglise institutionnelle est une grande dame âgée qui ne supporterait pas les remises en question trop brutales, mais qui, au cours des siècles, a toujours consenti aux changements "en douceur", de ces changements en apparence ténus, mais essentiels.
Des exemples?
- dire aux évêques que l'épiscopat ne doit pas se nourrir  d'ambition, qu'ils seraient adultères s'ils voulaient comme dans une carrière diplomatique "gravir des échelons" en lorgnant vers un autre évêché que le leur, un plus grand ou un plus confortable, par exemple,  qu'ils arrêtent de circuler partout dans le monde (finis, les "évêques d'aéroports", dit-il joliment), qu'ils doivent se consacrer avant tout à leur peuple et à leurs prêtres : tout le monde le sait, bien sûr. Mais c'est dit d'une façon qui, sans changer radicalement et du jour au lendemain le cours des choses, reconduira certains pasteurs à leur premier devoir.
- dire que les femmes doivent occuper des postes significatifs dans l'Eglise, en conformité avec la place éminente qui est la leur : sans bouger en rien à la doctrine actuelle des ministères, c'est ouvrir la porte à des changements qui, j'en suis sûr, vont surprendre. Pourquoi pas, en effet, des femmes responsables de dicastères ou de congrégations (il ne faut pas être prêtre ou évêque pour cela)?
- faire rappeler par le nouveau Secrétaire d'Etat que le célibat des prêtres est une question de discipline, non de doctrine : c'est faire rappeler une chose que tout le monde sait, mais qu'un accord tacite des autorités épiscopales vaticanes ou diocésaines se complaisait à taire.
- dire que les personnes homosexuelles ne doivent absolument pas être jugées, c'est là aussi rappeler un avis du pape Paul VI déjà (dans Persona humana), mais un avis très peu suivi d'effets concrets - au contraire. Le pape actuel entend bien aller jusqu'au bout des conséquences de cet avis : cesser tout soutien à ce qui, d'une façon ou d'une autre, contribue à faire que les personnes homosexuelles se sentent jugées dans la société. Cela  n'a l'air de rien. C'est énorme!

     Et ainsi de suite.
     Je suis de ceux (nombreux) qui attendaient depuis longtemps ces - mettons - infléchissements : ils  s'avéreront sous peu être de vrais et durables changements.
     En même temps, je prie (comme tous les Catholiques j'espère) pour ce pape, car il va souffrir, comme tous ceux qui essaient de faire bouger les choses. Les rivalités, les jalousies, et finalement toutes les manœuvres du Diable ne sont pas loin pour le faire chanceler, ça, je n'en doute pas. Mais c'est un jésuite... et vis-à-vis des jésuites, même les ruses du Démon doivent, elles aussi,  être redoublées...

Les enfants des écoles d'Enghien et de Silly nous montrent le chemin

Belle journée d'animation pastorale pour quelque trois cents enfants des écoles paroissiales de Silly, Enghien et Petit-Enghien (les classes de 4e et 5e) : le matin, au Parc, ateliers de découvertes et de partage autour de l'Evangile, de la nature et du silence. Puis, à 14h00, réunion magnifique à l'église, pour parler de la parabole retenue (Mt 20, 1-16 : les ouvriers "de la dernière heure". Ah! Difficile à comprendre, cette magnifique injustice de l'amour du Père, qui "veut donner aux derniers venus autant qu'aux premiers", parce qu'il est "libre de faire ce qu'il veut de son bien" et que "lui, il est bon"...) Et puis des questions préparées par les enfants, depuis "Qu'est-ce qu'un doyen?" (Réponse : "Un super-curé avec des super-pouvoirs, genre Goldorak"), jusqu'à : "Est-ce que Jésus est vraiment ressuscité?" Et beaucoup d'autres, auxquelles je n'ai pas pu répondre en direct, mais promis, je le ferai par e-mail.  Et des chants, appris et répétés dans les ateliers, connus et interprétés avec un enthousiasme à faire vaciller les murs de la vieille église!
Merci à toute l'équipe qui a préparé, coordonné tout cela. Quelle merveille!
Ah! Y a de la vie, à Enghien!

mercredi 25 septembre 2013

Difficile vie communautaire

Retour d'une visite dans une Abbaye très aimée - des moniales, dont certaines que j'accompagne.
L'Abbesse me fait comprendre que la vie communautaire est un combat sans cesse recommencé : tous les jours neuve, en effet, le souhait d'écouter le plus loin possible le désir de chaque sœur, d'en voir même ou d'en surprendre les motivations, et tous les jours neuf, surtout, le talent d'accorder tout cela avec le désir des autres sœurs...
Il en va de même dans toute vie communautaire : prenez une paroisse, ou un ensemble de paroisses - bon, vous connaissez là-dessus mes joies, certes, mais aussi mes désappointements, quand chacun veut imposer son point de vue, son orientation, son idée.
C'est normal : une communauté se construit dans la fatigue, dans l'écoute, le plus loin qu'il est possible, des différences d'origine, d'appréciation, de sens de l'Eglise, et ainsi de suite, et dans la volonté maintenue coûte que coûte de faire vivre ces personnes ensemble, les jeunes et les vieux, les blasés et les enthousiastes, les ritualistes et les sociaux, les gens de gauche et ceux de droite - et ceux du centre, aussi.
Avons-nous tort, cette Abbesse, et moi, et tant d'autres, d'user là-dessus nos énergies, alors que tant de démons nous crient (mais ce sont des démons...) que c'est une entreprise utopique et dérisoire, d'avance vouée à l'échec?
Non seulement nous n'avons pas tort, mais nous assumons notre tâche. Nous pourrions laisser chacun faire ce qu'il veut dans son coin - ce serait de la lâcheté par rapport à notre mission. Nous pourrions, pour avoir la paix, imposer une ligne - la nôtre propre - et laisser ceux qui n'y sont pas sensibles s'en aller à pas feutrés ou revendicatifs. Autre lâcheté. Nous pourrions aussi ne rien faire, et laisser s'installer le "bazar" (troisième lâcheté).
Puisqu'on nous a mis là, assumons. Nous devons donner au monde le signe de l'Eglise, qui est le Christ, le Christ en sa miséricorde, en sa compassion, en sa complexité, en sa beauté, en sa grandeur et en sa petitesse, signe modeste et éloquent. Et cela passe par la reprise quotidienne, à travers tant et tant d'activités, de la vie communautaire dans nos paroisses, nos Abbayes ou autres.
La fragilité même, la fragilité interne et externe, de ces communautés d'Eglise, est un signe de leur authenticité.
Le Christ est fragile.

lundi 23 septembre 2013

Quoi? L'éternité...

Avec mes collègues de la Faculté de Théologie de l'UCL, nous mettons la dernière main à la préparation et à la présentation d'un Colloque (le XIIème des "Colloques Gesché", en mémoire du Professeur du même nom), qui se tiendra à Louvain-La-Neuve les 28 et 29 octobre prochains. Le thème : Intempestive éternité.
Je sais que tout le monde là-dessus a son point de vue : notre temps suffit, diront d'aucuns, point besoin d'au-delà. Mais, sans cet au-delà, ou cet autrement, du temps, quel accomplissement de l'humain?, rétorqueront les autres. Et l'éternité se confond-elle avec l'au-delà? Et n'est-elle pas le piège d'une aliénation? Etc., etc.
Ne vaut-il pas la peine de s'interroger une fois, une bonne fois, en pèlerins que nous sommes encore sur cette terre (bon, après, hein, on verra bien et si j'ose ainsi dire, il sera trop tard!) sur l'éternité, sur sa possibilité et ses pièges dans la pensée, sur ce qu'elle propose comme horizon à l'anthropologie, au déploiement de l'être humain? Notre monde a-t-il bien fait de la congédier un peu vite, comme aliénante?
Philosophes, artistes, théologiens sont convoqués : ceux qui le connaissent ici à Enghien retrouveront mon beau-frère Michel Dupuis, le 28 octobre ("La tentation de l'éternité"), mais on y parlera aussi de l'éternité au cinéma (car au cinéma, l'instant peut être éternel, eh oui, avec Sébastien  Fevry) ou dans le bouddhisme (Philippe Cornu, théologien de l'UCL), ou encore, le 29, de l'éternité chez saint Augustin (venez les anciens du Collège d'Enghien, c'est avec Isabelle Bochet de l'Institut Catholique de Paris) ou de la belle lecture qu'en fait Christian Belin, de l'Université de Montpellier (que j'aurai, dans la dernière après-midi du Colloque, le bonheur de présenter : son livre exigeant, récemment paru, Le Corps pensant. Essai sur la méditation chrétienne, Seuil, 2012, me passionne, et j'ai envie de rencontrer cet enseignant que je n'ai jamais vu, mais qui a sans aucun doute beaucoup à nous apprendre. Je me réjouis de présider la dernière partie du Colloque, durant laquelle il interviendra avec Paul Scolas, que tout le monde connaît dans notre Diocèse).

Bon. Beau programme, non, pour se préparer à la Toussaint? Les paroissiens trouveront affiches et folders dans les églises pour s'inscrire, s'ils le veulent, à ces deux journées de méditations et de débats, pas si loin de chez nous, après tout... Belle occasion d'ouverture à la foi chrétienne, nous qui sommes tellement en demande de formation!

Et dirons-nous comme Rimbaud : "Elle est retrouvée. Quoi? L'éternité..."?

Lieu : auditoires Montesquieu 10 à LLN. Suivre le fléchage "Colloque Gesché". Paf : 25 euros. Informations au secrétariat de la Faculté de Théologie : secretaire-teco@uclouvain.be ou 010 473604.

samedi 21 septembre 2013

Quand les bonnes nouvelles (ou "la Bonne Nouvelle"?) viennent de Rome...

Dans Civiltà Cattolica, revue jésuite italienne, le pape publie ces jours-ci une interview appelée à faire du bruit, beaucoup de bruit. Il y dit que le souci premier de l'Eglise ne consiste pas à se focaliser sur les questions éthiques récurrentes (il cite : homosexualité, mariage des homos, avortement...), parce que cette focalisation même finirait pas détruire la morale qu'elle entend défendre. On oublierait que ces recommandations catholiques n'ont de sens qu'à partir de l'annonce joyeuse et miséricordieuse de l'Evangile, qui est tout autre chose.
Si l'on ajoute à cette interview le discours tenu ces jours-ci aux quelque cent-vingt  évêques récemment élus (dont notre cher Monseigneur Delville, évêque de Liège), on lira : que les évêques ne sauraient être des princes dans leurs modes de vie et leurs comportements, qu'ils doivent être d'abord soucieux de leurs prêtres (et, par exemple, si l'un de ceux-ci les appelle, le recevoir immédiatement, toutes affaires cessantes, comme on reçoit quelqu'un de la famille proche); qu'ils ne sauraient passer leur vie dans les aéroports, car ils sont en quelque sorte "mariés" à leur diocèse, et que leur devoir de résidence a des fondements théologiques; qu'ils ne sauraient, évidemment, être ambitieux, souhaiter un poste plus prestigieux, sans se comporter comme des adultères, puisqu'ils sont mariés à leur peuple diocésain.
Oufti! Comme on dit à Liège!
Voilà qui, à tous égards, me réjouit profondément.
Quand les bonnes nouvelles viennent de Rome...

mardi 17 septembre 2013

Sainte Hildegarde...

Aujourd'hui 17 septembre, nous célébrons dans l'Eglise la mémoire de sainte Hildegarde de Bingen, docteur de l'Eglise - et vous savez, amis lecteurs de ce blog, l'amitié qui me lie à cette moniale bénédictine du XIIème siècle dont le moins que l'on puisse dire est qu'elle n'avait pas froid aux yeux. Rendons grâce pour ses multiples talents, de visionnaire, d'herboriste, de compositrice, de conférencière, de thaumaturge, d'abbesse, bref de... maitresse-femme!

dimanche 15 septembre 2013

Retraite...

J'ai toujours des scrupules à quitter le doyenné... Et pourtant, je viens de passer quelques jours bienfaisants de retraite au Mont-des-Cats (depuis mercredi midi jusqu'à cet après-midi), une retraite complétée  par deux conférences données dans cette même Abbaye à un groupe remarquable de "journalistes et écrivains" français et belges.
Retraite, temps de désert, mais franchement pas de désertion - certes, je sais que des choses importantes ont été vécues ici ce week-end : une rencontre des jeunes "plus treize", la rentrée de certains mouvements de jeunesse, la messe des couples jubilaires.  Mais chaque week-end, il y a quelque chose, et si l'on voulait toujours rester, on ne se  "recueillerait" plus.
Car il s'agit de cela : se recueillir,  c'est-à-dire, au sens étymologique, se rassembler. La vie nous disperse (en tous les cas, me disperse) en des tâches et obligations multiples, quelquefois contradictoires, avec des sphères de préoccupation très éloignées les unes des autres : rencontrer des personnes et leurs soucis, gérer des questions administratives, accueillir des demandes sacramentelles, veiller au patrimoine et aux bâtiments de l'Eglise, coordonner l'activité pastorale et celle des confrères, préparer et célébrer les liturgies, lire et écrire des homélies, des cours et des conférences, etc. J'aime chacune de ces activités en particulier, et même la somme de "travail" (si l'on peut parler ainsi) que représente leur ensemble, mais quelquefois, l'unité de tout cela a besoin d'être refaite par l'intérieur, depuis l'intériorité à laquelle on accepte de consacrer tout le temps disponible d'une journée. C'est-à-dire : ne rien faire d'autre, pendant quelques heures, qu'être là, assis ou agenouillé dans un oratoire, dans un face à face sans paroles, balbutiant, avec l'Autre, qui nous révèle à nous-mêmes ce que nous ignorons de nous-mêmes... Le corps participe à cet exercice, et enfin se détend. Et puis, les moines, ces frères indispensables! Quel bonheur de les revoir, de vivre avec eux!
La session avec les journalistes et écrivains était également porteuse de sens : rencontrer ces gens speedés par l'actualité qui acceptent et assument le silence d'une Abbaye pendant quarante-huit heures, et qui souhaitent s'interroger sur la pertinence de la foi chrétienne dans nos sociétés, c'est tout de même suggestif - il y en avait du Figaro, de La Croix, de France 2, de ces personnes  hyper-au-courant de tout, mais qui précisément à cause de cela pensent indispensable de s'arrêter un peu, de se poser dans le climat d'oraison d'une abbaye. C'est Michel Cool,  mon vieil ami journaliste et écrivain, qui a eu l'initiative de cette session, et je reconnais bien là sa lucidité : nous avons besoin de cela, comme de pain.
Bon, et demain, vive l'aventure quotidienne!

jeudi 5 septembre 2013

Indécence

L'indécence ne consiste pas à se foutre à poil, mais à exposer ses histoires les plus intimes dans la vulgarité des médias.
Quels que soient les motifs qui les y poussent, leurs auteurs, probablement malheureux (ou malheureuses) ne sont guère les témoins de la grandeur qu'ils veulent par ailleurs revendiquer, au nom de ce qu'ils (ou elles) nomment "la vérité".

mercredi 4 septembre 2013

Urgence de prier pour la paix

La situation internationale est une nouvelle fois très tendue. Les Etats-Unis et la France, sans l'aval de l'ONU, menacent la Syrie de représailles après l'utilisation (prouvée) d'armes chimiques, peut-être (cela, en revanche,  n'est pas formellement prouvé) par le Gouvernement syrien lui-même contre son propre peuple.
Cette situation pose une nouvelle fois des questions théoriques et pratiques : de quel droit des puissances qui n'ont pas reçu d'aval international décident-elles de "punir" un pays indépendant? Avec quelles idées en tête pour l'avenir et quelle idée présente de l'ordre du monde? Si elles  le font, qu'en sera-t-il de la proportionnalité de la prétendue punition, dont on sait par expérience qu'elle n'est jamais sans dommage collatéral pour les populations, souvent ainsi meurtries deux fois? Qu'en sera-t-il des conséquences, de l'éventuel réarmement par la Russie du Gouvernement syrien, et de l'embrasement probable d'un Proche-Orient déjà extrêmement fragile? J'imagine que les stratèges américains et français évaluent ces questions, bien entendu, mais nous pouvons tous espérer qu'ils renoncent à des comportements de "va-t-en-guerre"...
Le pape, depuis quelques jours, exprime sa vive inquiétude face à cette menace. Il invite à jeûner et à prier pour la paix samedi prochain 7 septembre... Il me semble qu'il faut entendre cet appel, et y répondre.

mardi 27 août 2013

Le poète a toujours raison...

Patrice de la Tour du Pin est sans doute l'un des grands poètes du XXème siècle.

Sur ceux qui n'arrivent plus à croire en Dieu, ou ne qui le veulent plus, peu importe, voici :

"Ceux qui vous ont perdu, comment peuvent-ils vous déceler?- Déjà pour nous vous êtes souvent un Dieu tellement caché! (...) Nous nous sommes emmurés par inattention, repliés sous une écorce dense. Et pourtant les crevasses du ciel deviennent parfois des éclaircies, et les cordes atones rendent parfois des voix. Tantôt une plainte et tantôt un murmure d'amour, tantôt un cri de détresse et tantôt une louange. (...)
Ils ne vous ont pas reconnu quand il était encore temps, et maintenant ils ont remplacé ce qui peuple l'âme par des habitants imaginaires."

(Petite Somme de Poésie, Poésie/Gallimard, 1966, pp. 192-193)

Et, sur la solitude intérieure, et la prière :

"Voici que j'ai compris que la plus belle prière ne devait pas être dite en mon nom, mais au nom de tous. Peut-être ai-je été créé pour découvrir les mots et la musique d'une prière, mais nous la réciterons en commun. Tous ceux que j'ai pris dans le chœur de mon âme, ceux qui sont des figures ou des dons d'amitié, ceux qui me viennent par le sang et la tendresse, ceux du hasard et les créatures d'une même grâce. C'est ainsi que j'ai compris la liturgie intérieure - que je demeure en moi sans rester isolé." (Ibid., p. 193)

Comment dire ceux et celles qui nous peuplent, qui peuplent notre attention, notre prière, notre souci, mieux que par ces mots : "Ceux qui me viennent par le sang et la tendresse, ceux du hasard et les créatures d'une même grâce"?

lundi 26 août 2013

Sur la porte étroite

Revenons aux lectures d'hier, en particulier au texte difficile de Lc 13, 22-30.
Je constate d'abord un paradoxe : nous avons du mal à accepter que Dieu juge, il est de bon ton de lui refuser cet attribut (pourtant traditionnel : depuis la Bible, Ancien et Nouveau Testament, jusqu'aux tympans des cathédrales et au for interne de nos consciences!), sous prétexte que, n'étant qu'amour, accueil et miséricorde, Dieu ne saurait être Juge.
En revanche, ce rôle que nous lui dénions, nous nous l'attribuons de plus en plus à nous-mêmes, et avec une rudesse qui fait peine à voir : nous entendons dire qu'on n'est jamais assez sévère, que la justice est laxiste, que la vie dans les prisons est trop luxueuse, que les remises de peines et les libérations conditionnelles (!) sont inconcevables, voire qu'il faudrait rétablir la peine de mort, etc., etc. Ce que nous refusons à Dieu, nous nous en attribuons le rôle, et de façon oh combien impitoyable! C'est probablement que nous nous pensons impeccables, mieux que les autres, et aptes donc, du haut de cette vertu auto-proclamée, à exercer envers eux le jugement même de Dieu.
Ouais.
Attention : la porte est étroite, dit Jésus. C'est d'abord une bonne nouvelle : pour entrer dans le Royaume, il y a bien une porte.
Mais elle est étroite.
Comment fait-on pour franchir une porte étroite, mmh? On se débarrasse de tout ce qui gêne, qui encombre, qui alourdit - un peu comme,  pour franchir les portiques de sécurité dans les aéroports, on laisse tout ce qui fait "bip" jusqu'à être dénudé! Il est clair que porter sur soi le poids de sa vertu, de sa supériorité, de sa superbe ou de son arrogance morale ne doit pas aider à franchir la porte étroite. De même que les appartenances institutionnelles qui seraient des garanties formelles... Le dépouillement de soi-même est un exercice quotidien. Et il suppose un discernement que Dieu seul peut opérer en nous, par sa Parole, par la lumière de son Esprit.
Mais oui : par son... jugement!
La question de savoir s'il y aura "beaucoup de sauvés" n'a pas d'objet - du reste, Jésus n'y répond pas.
Mais l'histoire de la porte invite à penser qu'il y aura des surprises :"des premiers qui seront derniers, et des derniers qui seront premiers."
Vaudrait mieux faire gaffe...

jeudi 22 août 2013

Ah!

Quart d'heure de déprime.
Marre, de recevoir dans la figure tout ce que nous devrions faire et que nous ne faisons pas, marre d'être responsables de tout : "Votre Eglise..." Merde, c'est la vôtre, d'abord! Et si vous ne vous sentez pas bien chez elle, faites en sorte de la changer, soit, mais de l'intérieur, s'il vous plaît!
Et les gens jamais contents, les consommateurs de religieux qui n'ont pas eu leur compte de ceci ou de cela, et qui sont prêts à vous dire - ah! le grand argument! - qu'on est pourtant payés pour! Payés pour faire que tout marche à leur place, sans qu'il y ait besoin de la foi ou même de la plus petite inquiétude à son sujet, c'est ça? Payés pour faire que tout continue comme avant, quand il y avait un curé dans chaque paroisse, avec l'un ou l'autre vicaire dans les plus importantes? Quels emmerdeurs! Quels ignares! Quels ingrats! Quels cons! Ah! Les cons! Seigneur, délivrez-nous des cons!

Bon, de l'avoir dit, ça va mieux...
Et maintenant, rendons grâce pour tous les bonheurs reçus : Valentin, par exemple, venu à la suite de Sébastien me raconter le choc positif de ses JMJ, et qui promet de se couper en quatre pour en rendre témoignage dans les mois à venir! Comme je le remercie! Des familles emplies de reconnaissance pour le soin qu'on essaie de prendre d'elles, d'autres qui remercient pour la façon dont on a accompagné leur deuil. Et, quand même, une belle collaboration de tant et tant de personnes - mais qui découvrent aussi, à mesure qu'elles s'engagent, la difficulté de la tâche pastorale.

Pourquoi faut-il toujours que l'on ne retienne que les cons? Peut-être parce que ce sont ceux (et celles, je ne voudrais exclure aucun sexe) que l'on voudrait convaincre en premier, mais qui, précisément par état et presque par substance, sont incapables d'être convaincus. Nous devons à Brassens ce mot définitif, et définitivement éclairant : "Quand on est con, on est con!"

samedi 17 août 2013

Désolation en Egypte

On comprend les réactions des Chancelleries du monde occidental, européen ou américain : la répression des manifestations en Egypte a quelque chose d'une boucherie intolérable, c'est la guerre civile qui commence...
En même temps, j'ai aussi tendance à comprendre l'arrêt du processus dit "démocratique", la mise à pied du Président élu certes par une majorité, mais visiblement à la solde des "Frères Musulmans". Nous avons vu se dérouler des faits analogues en Algérie il y a quelque vingt ans, avec un même coup d'arrêt donné aux élections. Et, si l'on remonte plus haut dans l'histoire, l'accession de Hitler au pouvoir en Allemagne dans les années trente s'est déroulée au terme d'un processus prétendument démocratique.
Notez les réserves que j'émets : un processus "dit" démocratique, "prétendument" démocratique... C'est que la démocratie n'est pas seulement un comptage de voix et l'accession au pouvoir de la majorité arithmétique. Elle suppose aussi de cultiver des valeurs qui lui sont corrélatives : le respect des droits de l'homme, des minorités (ethniques ou religieuses), le désir de faire coexister pacifiquement les religions, le souci d'un enseignement pour tous, etc., etc. Dans les deux exemples que j'ai cités, et malheureusement en Egypte aujourd'hui, on en est loin...
Je comprends dès lors que l'on stoppe le processus électoral, celui-ci ne suffisant pas, seul, à garantir une vraie démocratie. Evidemment, que ce soit l'armée qui le fasse est un peu gênant : on la soupçonnera toujours de préserver ses propres intérêts! Mais qui d'autre? La "communauté internationale", ce n'est souvent qu'un mot, elle a peu de moyens de pression.
Attentons, voyons et... prions pour le peuple égyptien qui mérite mieux que cette catastrophe.

mardi 13 août 2013

JMJ... L'enthousiasme de Sébastien

Je viens de recevoir Sébastien, qui voulait, retour du Brésil, partager son enthousiasme après le mois de rencontres et de célébrations qu'il a vécu là-bas, en compagnie de Valentin. Un enthousiasme débordant, qui ne sait par où commencer : "Que du bonheur!", me dit-il : le séjour passé, durant la première semaine, dans un centre de réinsertion pour toxicomanes et le partage avec eux du travail et de la vie quotidienne; les rencontres multiples dans les familles brésiliennes; les conversations incessantes avec les jeunes venus de partout; les catéchèses matinales; les recueillements; les nuits sans sommeil à apprendre des pas de danse des quatre coins du monde; la Veillée et les célébrations avec "pape François"; la découverte du Brésil et de sa diversité culturelle ou géographique. Et tant et tant de trésors accumulés!
Et, traversant tout, cette expérience : que "la foi est la chose la plus simple du monde", comme il me le dit, "quand elle est ainsi partagée". Que "ce sont les plus pauvres qui sont les plus enclins à donner, alors que chez nous, riches, nous nous calfeutrons dans nos propriétés de toutes sortes." Et ce constat : "qu'il y a du pain sur la planche pour réveiller ici les consciences de tout le monde!"
Je remercie Sébastien de m'avoir ainsi fait part de son expérience, je remercie son compère Valentin qui viendra sans doute m'en parler lui aussi l'un de ces jours et qui a vécu également un moment très fort. Il faut maintenant qu'ils laissent se décanter tout cela et que, avec le temps, ils deviennent  au milieu de nous des témoins nécessaires, précieux,  de la foi dans ce qu'elle a de plus inattendu, après deux mille ans : sa jeunesse!

dimanche 11 août 2013

La foi comme aventure

"Abraham partit, sans savoir où il allait" (He 11, 8). J'ai toujours été émerveillé par  ce mot, qui évoque  la foi du "Père des croyants" : partir, sans savoir où l'on va. C'est tellement contraire aux représentations sécurisantes de la foi, qui font d'elle une accumulation de doctrine, de rites, de dogmes, de préceptes, que sais-je... Dans son surgissement, la foi est un mouvement, une aventure, un abandon, un consentement - et, notons-le bien, un consentement à une promesse : "Je te bénirai" avait dit Dieu à Abraham.
Partir sur une promesse, et ainsi vivre sa vie, c'est bien autre chose que cadenasser de certitudes ses horizons et son présent.
Les Pères de l'Eglise, les mystiques, ne diront pas autre chose : "Qu'il faut aventurer la vie!" (Thérèse d'Avila).
En baptisant, ce matin, à Labliau puis à Enghien, des petits enfants, lors de belles assemblées nombreuses, attentives, priantes, j'étais heureux de pouvoir commenter ce texte, ce geste d'Abraham, tandis que le baptême lui donnait, en quelque sorte, de nouveaux "arrière-arrière-arrière... petits-enfants"!

samedi 27 juillet 2013

Bravo aux Mouvements de Jeunesse!

J'ai visité, ces derniers jours, quelques camps de Mouvements - scouts et patros. Et vraiment, cela m'a rendu très heureux. Il y a là une générosité, une fraîcheur magnifiques dans le service que de grands jeunes rendent à de plus jeunes, pour, à travers les jeux et les animations, les sensibiliser à des valeurs fondamentales de la vie - du moins telle que nous la concevons tous ici, chers lecteurs! Donner de son temps pour l'autre, vivre dans une proximité un peu rugueuse, sans les conforts et les soins-soins du chez-soi, apprendre à faire les choses ensemble, la cuisine, le ménage, la découverte de la nature : quelle école! Je remercie les dirigeants et les chefs, de tout cœur, je veux leur dire qu'ils m'épatent dans le choix qu'ils font de consacrer des jours de vacances à cette animation.
Avec les patros d'Enghien, filles et garçons (c'était possible de leur part et de la mienne), j'ai eu en outre la joie de célébrer la messe, et c'était chaque fois un beau moment, et je crois ressenti comme tel par tout le monde. Je les remercie de leur accueil, qui fut chaleureux et parfait.
Je remercie aussi Gauthier et Simon, qui constituent avec moi cette "petite équipe"  faisant le lien entre les Mouvements d'Enghien et de Silly et le doyenné. Je sais qu'ils ont fait beaucoup de visites, spécialement auprès des Scouts, mais aussi auprès des Patros de Silly. Simon m'a dit ce matin (il était à Florennes, auprès du Patro d'Enghien) qu'ils avaient été contents de leurs rencontres, eux aussi.
Quelle richesse, que tout cela! Quelle richesse humaine et spirituelle!
Et qu'on arrête de dire que "les jeunes" sont désespérants! Ils sont formidables, et ils ont toute ma confiance!
Et ce soir , grâce à eux, je suis un doyen heureux!

lundi 22 juillet 2013

Le Pape à Rio

Le Pape François vient d'arriver à Rio, au Brésil, où il a été accueilli par la Présidente Dilma Roussef : beau moment d'échanges et de complicités entres ces grandes et belles personnalités de l'Amérique du Sud, qui savent l'une et l'autre que l'avenir de la Planète se joue, dans ce Continent (ou quasi-Continent) et qui, à des titres divers mais bien réels, en sont responsables. Le Pape va donc à la rencontre d'une Jeunesse venue de partout (parmi laquelle, le rappellerons-nous jamais assez, nos Enghiennois Sébastien et Valentin). La question est, à mon sens, pour nous : qu'est-ce que cela veut dire?
Et j'ose esquisser ici quelques réponses.
En négatif, d'abord : contrairement à ce que prétendent les commentaires de certains médias télévisés, il ne s'agit pas de récupérer des jeunes pour la foi catholique contre l'engouement grandissant des évangélistes au Brésil. Pareille analyse pèche par étroitesse d'esprit et méconnaissance de la foi chrétienne, pour laquelle l'esprit missionnaire (bien présent) ne cherche pas à faire des adeptes supplémentaires (à faire du chiffre, à faire du nombre ou, pire, comme dans un parti, à récupérer des voix perdues grâce à de nouveaux slogans et à de nouvelles prestations), mais invite simplement à parler de la joie du Christ Ressuscité, et si certaines formes parlent mieux, pourvu qu'elles ne soient pas sectaires, so what?
En positif, surtout, il s'agit d'accueillir la Jeunesse du monde. Il faut avouer que, dans notre vieux continent européen, nous en sommes devenus bien incapables. Même dans le cadre de l'Union Européenne, nous privilégions encore des différences entre pays riches et pauvres, et nous nous fichons comme d'une guigne de ce que peut vivre et attendre la Jeunesse de zones moins favorisées. Pire : dans notre Belgique fédérale, les égoïsmes nationalistes, pour ne pas dire tribaux, sont là, qui guettent, et veulent à tout prix préserver des privilèges non plus aristocratiques ou royaux (oh que non!) mais stupidement, vulgairement, intéressés et égoïstes. Quelle saleté! Le raisonnement est toujours le même : nous d'abord - et les autres, qu'ils se débrouillent. (On sait ce que cela donne, le Roi Albert l'avait redit très justement dans l'un de ses récents discours : voyez les années trente. Pendant les quelques jours de vacances que j'ai eu la chance de pouvoir prendre, j'ai relu le témoignage admirable, publié dans les années septante, du grand Primo Levi, Si c'est un homme, témoignage sur la mécanique des camps de concentration des Nazis, à laquelle conduit inévitablement la mise à l'écart de l'autre. La démonstration de ce Juif Italien est implacable, elle devrait résonner comme une leçon dans nos démocraties menacées par le repli sur soi et la tentation du bouc émissaire. Je voudrais que ce livre devînt une lecture obligatoire dans toutes les écoles du pays!)
Ce que l'on peut constater chez nous, ou à l'échelle de l'Union Européenne, voilà ce qui est le défi de la Jeunesse du monde  : vivre autrement. Le christianisme - et l'une de ses formes mondiales les plus marquantes, le catholicisme - ne sera jamais d'accord avec l'égoïsme mondial, continental, national ou régional, et cela quelles que soient ses propres faiblesses, qu'il reconnaît volontiers, à toutes les époques, dans une demande de pénitence sans cesse réitérée, pour ses compromissions avec "le Monde", avec "ce Monde-là".
En positif, donc, le Pape va à la rencontre d'une Jeunesse mondiale qui veut autre chose, qui en assez de ces répartitions et de ces a priori injustes et inhumains. Ce qui me semble remarquable, c'est que cette Jeunesse, spontanément, continue de faire confiance à l'Eglise pour cela, qui n'est pas un rêve, mais un but. Et l'Eglise, toute faible qu'elle ait été, toute pauvresse et dolente de ses insupportables maladies de grandeur, continue à comprendre cet appel et cette confiance des jeunes, et continue à se convertir elle-même en premier, avec une espèce de surprise, à la jeunesse sans cesse nouvelle de l'Evangile, qui dépasse tellement ses indécrottables vieilleries! C'est la même chose à tous les niveaux : je le vois ici à Enghien, où notre Eglise locale est misérable à tant d'égards (moi en premier!) et où elle est pourtant si attendue! (Ainsi dimanche matin, ce petit "Patroné" qui, au moment de partir au camp, a couru me demander :"Tu viendras nous voir, dis?" J'en avais les larmes aux yeux, moi qui dois tant apprendre de ces jeunes! Bien  sûr, que je vais venir, mon gamin!) Oui, c'est la même chose à tous les niveaux, comme le disait déjà saint Paul, dans sa deuxième Lettre aux Corinthiens, les vases sont d'argile (c'est nous!), mais le trésor qu'ils portent est indispensable pour aérer ce monde et lui donner de quoi vivre.
La rencontre du Pape et des Jeunes du Monde est à lire à ce niveau-là.
Sébastien et Valentin, vous nous raconterez - nous en avons besoin!

samedi 20 juillet 2013

Vive le Roi!

Pas très original, ce titre, évidemment, et pourtant c'est bien ce que je ressens depuis l'annonce de l'abdication d'Albert II et de l'avènement de son fils Philippe. Contrairement à certaines idées qui courent ici et là dans les médias, je trouve que, dans l'Europe Occidentale, la monarchie constitutionnelle reste un exemple achevé de démocratie - même si le paradoxe est que le Chef de l'Etat n'est pas élu. Mais la démocratie ne suppose pas l'élection de tous par tous et à tous les niveaux de pouvoir...
Si nous regardons l'Union Européenne, nous constatons que, même dans les Républiques, il est assez rare que les Chefs de l'Etat soient élus directement au suffrage universel - l'exemple le plus éminent, mais aussi le plus difficile, étant celui de la France.  La réduction plus récente du septennat au quinquennat, alignant les élections présidentielles et parlementaires, et ainsi concentrant les pouvoirs aux mains d'un seul personnage de l'Etat (qui a le pouvoir de dissoudre les Chambres), voilà qui fait du Président de la République Française un monarque élu, certes, mais terriblement puissant. Sur lui se concentrent aussi bien les espérances et les inévitables ressentiments du Peuple - on le voit aujourd'hui chez nos voisins. En France, le Président, roi élu, non seulement règne, mais gouverne. Est-ce un gain pour la démocratie?
Dans les pays européens de monarchie constitutionnelle, le Benelux, les pays scandinaves, le Royaume-Uni, l'Espagne, le Roi règne mais ne gouverne pas. Il exerce bien une autorité, mais qui n'est pas d'ordre politique, qui est d'ordre moral. Il assure la continuité historique de son pays et exerce un pouvoir d'influence qui n'est pas rien - c'est du reste pour cela que certains le lui contestent!
Je rends grâce de tout cœur pour le règne d'Albert II et remercie le nouveau Roi d'avoir accepté sa charge et d'assumer sa destinée (imaginez un instant qu'il ait dit "non", préférant une vie mieux réglée, moins exposée, plus intime, après tout il en aurait le droit comme n'importe lequel d'entre nous!) C'est un don de soi que de régner, c'est s'offrir et s'exposer sans l'avoir choisi. Car les hommes politiques ont choisi de se présenter aux suffrages, de comparer leurs mérites, de faire valoir leurs titres. Pas le Roi, qui n'a rien choisi du tout, mais accueille une destinée : pur service rendu, et vraiment don de sa personne, et de sa famille.
De quoi rendre grâce, oui, vraiment.
Avec vous, Sire, et de tout cœur!

jeudi 27 juin 2013

Le mensonge de la question "euthanasique"

D'un simple point de vue philosophique, il y a un mensonge dans la question posée par la dépénalisation de l'euthanasie active, et par la question récemment soulevée en Belgique de l'extension de cette dépénalisation à des mineurs.
Ce mensonge tourne autour de la liberté.
L'argument de fond, en effet, des promoteurs de pareille loi, est que "chacun - même les mineurs d'âge, donc - doit être le plus libre possible". Le problème, c'est que la mort est une privation de la liberté, une privation absolue, et que l'on n'est absolument pas libre d'accepter ou de refuser la mort. On peut la hâter, certes, ou la reculer, avec des thérapeutiques de plus en plus ciblées, mais cette accélération ou ce retard ne portent que sur le moment de la mort, non sur la mort elle-même. Le mensonge - et il est ici grossier, grotesque même - consiste à faire croire que l'homme serait "libre de disposer de sa mort" (formule quelquefois entendue, et qui bien entendu est absolument ridicule).
On ne dispose pas de sa mort, comme on ne dispose pas de sa vie, quels que soient les artifices médicaux qui sélectionnent ou qui prorogent. La mort et la vie, en l'état présent du moins de la condition humaine, ne sont pas du ressort du choix, mais de l'acceptation. Et il y a une perversion de la pensée à faire croire que l'une ou l'autre pourraient relever d'une pure liberté humaine, d'une liberté prométhéenne, absolue... alors que c'est précisément là que les plus grandes contraintes nous corsettent. Nous n'avons pas choisi nos parents, ni le lieu ni l'époque de notre naissance, ni la couleur de nos yeux, ni notre caractère, et s'il y a des gènes qui prédisposent à telle ou telle maladie, nous ne connaissons même pas encore ceux qui prédisposent à la connerie, la maladie la plus répandue et qu'on soigne le moins bien! Quant à notre mort, nous aurons beau signer des "testaments de vie" (tu parles!), elle nous fauchera peut-être dans la rue, sous les roues d'un conducteur mal avisé, ou sous le coup d'un infarctus foudroyant parce que ce soir-là nous aurons trop dîné, alors que nous allions, allégrement remplis de "libres" projets pour le lendemain et les jours à venir!
Il ne faudrait tout de même pas nous parler de "grande liberté" là où la vie, la vie telle qu'elle est, nous apprend ses plus grandes limites.
Il ne s'agit donc pas, il ne saurait s'agir de la mort. Evidemment, s'il s'agit de la souffrance, la question est différente : comment l'accompagne-t-on? Quels moyens donne-t-on à cela? Jusqu'où cet accompagnement est-il possible?
La souffrance est, et peut toujours davantage devenir, un lieu de liberté, y compris pour les décideurs politiques qui proposent, et notamment par des priorités budgétaires, de la soulager le mieux possible. Là, on voit une orientation politique différente, et je dirais même : quels qu'en soient les retentissements concrets.
Mais, par pitié, ne parlons pas de "liberté" dans le "choix" de mourir... Réfléchissons à deux fois, comme on dit, avant d'utiliser certains termes!

mercredi 26 juin 2013

Le pape, à Rome

C'est un mercredi ordinaire, à Rome, le dernier mercredi de juin, rempli de soleil et de joie de vivre.
Place Saint-Pierre (je viens de voir la retransmission par KTO), des dizaines de milliers de personnes.
Vous rendez-vous compte de ce que j'écris? Des dizaines de milliers de personnes, alors qu'on est un mercredi "ordinaire"...
Voudriez-vous me dire quel Chef d'Etat, quel ministre, quel "grand de ce monde" a cela toutes les semaines autour de lui?
Et qu'est-ce qu'ils attendent, ces gens? Que sont-ils venu voir? Ou écouter?
Un homme, que voilà : sa voiture, découverte, non blindée, offerte aux attentats et aux coups de feu ou de poignards, montre une personne offerte d'abord à l'autre, et qui, dix fois, vingt fois, s'arrête. Cet homme prend dans ses bras, accueille, reçoit et donne des signes d'amitié, d'amour. Sa calotte blanche est un peu de traviole, on voit son pantalon à travers la soutane trop légère et quand il s'arrête, au son d'une fanfare qui a plus des airs de samba que de Bach dans ses partitions, il claudique un peu vers son siège. Pas impressionné, le mec, il trouve cela normal que la foule soit pareillement là pour lui.
Pour lui?
Non, pour une parole qui le dépasse, et que le monde veut entendre : il y a de l'amour dans l'air, recevez-le.
A-t-on assez observé que, depuis les mois qu'il est pape, il n'a jamais prononcé une parole de condamnation particulière? Oh, il a bien dit que telle ou telle attitude, en général, ne conduisait pas au bonheur, certes. Mais il n'a condamné personne. Au contraire : il a estimé que ceux, dans l'Eglise catholique, qui avaient la condamnation trop facile, qui fulminaient l'éthique sans se souvenir de l'amour, se rendaient ainsi semblables aux pharisiens que Jésus ne ménage pas. Il a demandé au Nonces, ses ambassadeurs  rassemblés la semaine dernière auprès de lui - et dont l'une des tâches est de l'aider à choisir des évêques partout dans le monde - , d'écarter a priori ceux qui ambitionnaient de devenir évêques (signe évident qu'ils n'étaient pas faits pour cela) et de choisir des prêtres proches des fidèles, non des théoriciens du catholicisme.
Quelque chose bouge, dans la Curie romaine, certes, mais aussi dans le monde.
Que les gens soient croyants ou non, catholiques ou pas, il y a là, à Rome, une espèce de signal qui est donné : l'humanité vaut mieux que les lois mécaniques de l'économie, que les implacables jeux de pouvoir entre nations (ou continents), entre personnes rivalisant d'ambition et d'ego mal placés. L'humanité vaut mieux que des querelles idéologiques qui se parent (tel le geai des plumes du paon!) des couleurs de "la religion" - voyez en France, comment l'Eglise catholique a récemment risqué de se déshonorer  dans des parades vaines, quelquefois violentes.
Une page est tournée. Et, sous des apparences nonchalantes, avec vigueur.
Et qu'on n'en parle plus.
Et qu'on parle d'autre chose : des plus pauvres, qui sont au cœur.
Et que le discours évangélique recommence en parlant d'eux, en leur parlant.
Merci, pape! Et bravo!
Et fais gaffe à toi : "ils" (de tous les côtés)  ne vont pas supporter ça longtemps, qu'on leur dise l'Evangile - Jésus, aux meilleures estimations, on l'a supporté trois ans!

dimanche 23 juin 2013

La joie de vivre à Enghien

Procession d'Enghien ce matin, malgré les incertitudes météorologiques! A travers tout - et à travers les quelques ondées - la volonté commune de montrer un visage uni de la Ville, de la Paroisse aussi, Ville et Paroisse fidèles à leur histoire, à leur patrimoine et donc ouvertes à l'aventure du vivre-ensemble avec la plus grande détermination. Je suis heureux que la Paroisse joue là-dedans un rôle moteur et en même temps respectueux de toutes les convictions. Vraiment, la Procession d'Enghien n'est pas là pour imposer "la vraie religion" à une population en manque, oh que non! Elle est là pour rassembler, fédérer les énergies, créer et renouveler un espace communautaire. Importance, dans ce contexte, de la présence très respectueuse, très discrète et très sensible, du Bourgmestre et des échevins. Importance, toujours dans ce contexte, de la présence du Duc d'Arenberg, le Prince Léopold, qui incarnait en quelque sorte un passé tellement présent dans la Cité quelquefois appelée de son nom. Importance de sentir la chaleur des gens, leur réponse qui se lit sur les visages, leur accueil.
J'étais heureux aussi de voir  Tanguy, récemment ordonné prêtre pour l'Abbaye de Leffe, et qui a présidé avec moi cette célébration, comme dernier prêtre "en date" issu du doyenné. Et Simon bien sûr, "notre" séminariste toujours si fidèlement attentif au bon ordre de la liturgie et des acolytes. Et je voudrais remercier tellement de personnes, tellement, que ce n'est pas possible.
La petite visite que nous avons faite au Patro après le déjeuner a permis de montrer au Duc l'importance de cette institution paroissiale, son esprit d'initiative, sa nécessité sociale. Et j'ai bien vu qu'il percevait tout cela.
Œuvrer pour le bien, pour le bien des personnes.
Au nom du Christ, certes, pour ce qui concerne les catholiques de cette Ville, et non seulement en son nom mais comme son Corps. Mais, comme son Corps, vraiment, se soucier d'abord de ce bien commun! De temps en temps, on sent  que tout le monde perçoit cela, que les gens comprennent  tout d'un coup que l'Eglise n'est pas là pour elle-même, pour augmenter ses adeptes, pour grossir ses rangs, pour je ne sais quoi, non : elle est, comme le Christ, comme le Corps du Christ montré en procession dans les rues de notre Ville, pour servir chacun.
Moment de grâce dont je remercie tous les acteurs, et Dieu lui-même, qui est le premier d'entre eux!