vendredi 24 février 2012

Irréformable Eglise?

Je voudrais rebondir sur l'article publié, sous le titre énoncé ci-dessus, mais sans point d'interrogation, par l'abbé Jacques Meurice, dans la Libre Belgique de ce matin (p.54). L'auteur y revient sur cette opposition vieille comme les chemins entre "l'Evangile" (supposé pur d'un côté) et "l'institution" (supposée de l'autre chargée de toutes les contrefaçons, de tous les péchés, même, du monde).
Je ne comprends pas que l'on puisse aujourd'hui encore tenir des propos pareillement simplistes.
Ils sont dénués de sens, d'abord du point de vue de la banale observation sociologique : ils tendraient à dire qu'il y a d'un côté des "chrétiens purs", hors institution ou qui prétendent l'être, et, de l'autre, des "chrétiens d'institution" tellement défigurés par elle qu'ils ne sont plus chrétiens du tout. Si l'on range dans la catégorie "chrétiens d'institution" (ce que j'imagine) les prêtres (dont l'auteur?), les évêques et le pape, oserait-on dire qu'aucun d'eux n'est plus fidèle à l'Evangile? Et si l'on regarde les chrétiens supposés "hors institution" (dont l'auteur? tiens...), cela signifie-t-il qu'ils seraient de ce fait tous fidèles à l'Evangile? Dans les deux cas, on doute...

Ces propos sont également absurdes du point de vue théologique : dès les Ecritures Saintes, dès le Nouveau Testament, on voit certes Jésus souffrir du fait de l'institution religieuse, mais on le voit aussi former, du moins de façon embryonnaire, une institution religieuse (le choix des Douze, la mission à eux confiée, etc.) La distinction foi/religion ne tient pas, dès les origines du christianisme.

Ces propos qui se veulent encore une charge virulente contre le dogme, ignorent aussi que le dogme dans la pensée chrétienne n'est pas une manière d'empêcher les personnes (chrétiennes ou non) de penser, mais qu'il consiste à leur donner à penser (autant qu'à croire), à partir d'un horizon de sens sans eux inaperçu. C'est tout le thème d'une "révélation" qui dégage la réflexion judéo-chrétienne de la simple raison, sans s'opposer à elle, mais en l'appelant à s'exhausser en elle (et aussi à s'exaucer en elle).

Enfin, l'article comporte une critique bêtasse du droit canonique, comme s'il fallait ignorer que toute société humaine a besoin de définir dans une charte les droits et les obligations des uns et des autres, des uns envers les autres. Ôtez le droit, c'est la jungle et la loi du plus fort. Ôtez le droit canonique dans l'Eglise, c'est la victoire des plus gueulards.

Comment peut-on pondre (et publier) aujourd'hui encore de pareilles bêtises?

mercredi 22 février 2012

le temporel aux laïcs, le spirituel aux prêtres

J'entends régulièrement revenir cette répartition des tâches que d'aucuns voudraient promouvoir dans nos paroisses : le "temporel" (gestion des biens matériels, asbl, fabriques d'église, etc.) aux laïcs; le "spirituel" (pastorale, catéchèse, etc.) aux prêtres. Certains arguments là-dedans ne sont pas faux : les laïcs sont généralement plus compétents dans les domaines de gestion, par exemple.
Mais cette attribution pure et simple est stupide : il est évident que la pastorale et ses orientations supposent de réfléchir aussi à la destination des fonds disponibles, comme il est évident que les laïcs sont associés et décideurs dans ces mêmes orientations pastorales.
Il convient donc de gérer ensemble, prêtres et laïcs, et "le temporel" et "le spirituel", et d'autant plus ensemble qu'il faut gérer l'un en fonction de l'autre : le temporel est au service du pastoral, mais si les orientations pastorales sont inenvisageables du point de vue financier, c'est qu'elles sont à revoir...
Cela signifie aussi qu'il faut penser autrement, et de façon plus authentique, le rôle du prêtre, qui n'est pas cantonné à la liturgie et à ses actes, mais sans être celui d'un PDG! Avec les laïcs choisis pour cela (chez nous, les membres de l'Equipe d'Animation Pastorale), en lien avec l'évêque et, par lui, avec l'Eglise tout entière, le prêtre-pasteur discerne le cap à tenir. L'EAP décide avec lui, après consultation des Conseils Locaux de pastorale, et on demande alors aux ASBL et Fabriques la "faisabilité" matérielle de ces projets et de leur mise en oeuvre. Si l'on ne s'en tient pas à cet organigramme, chacun prendra le pouvoir dans son coin sans assez d'estime du bien commun, dont je redirai encore cent fois qu'il n'est pas l'addition des biens individuels, mais le bien de la communauté...
Je constate souvent que cette manière de voir n'est pas spontanément dans les moeurs d'ici. Mais bon, avec le temps...

Autre chose, plus importante : aujourd'hui, nous entrons en Carême. Il n'est pas, comme je l'ai écrit dans l'éditorial du Journal "Dimanche", le "ramadan des catholiques", mais une période profondément baptismale, durant laquelle nous accompagnons les catéchumènes qui vont devenir chrétiens à Pâques, en nous souvenant de notre propre baptême et du lien d'intimité que celui-ci a inauguré entre le Christ et chacun(e) de nous. Saint François de Sales l'appelle joliment "l'automne de la vie spirituelle", parce qu'il est le temps béni durant lequel nous recueillons les fruits que le baptême a semés en nous... On est ici au coeur de la joie spirituelle!

dimanche 19 février 2012

La vérité, de la bouche des enfants?

Retour de visites chez des amis, je m'arrête ce soir après Mons, dans un petit bistrot, pour y dîner. A la table voisine de la mienne, une belle famille : papa, maman, une petite fille de plus ou moins 7-8 ans, un petit garçon de plus ou moins 5-6 ans. La conversation roule sur... la messe du matin (eh oui, apparemment, certains y vont encore!) Du coup, je laisse un peu plus traîner mon oreille indiscrète.

- "Tu étais contente de la messe, ce matin?" demande le papa à sa petite fille.
- "Moyen", dit-elle.
- "Pourquoi"
- "Ben, tant qu'on lit l'histoire de Jésus dans le grand livre, je comprends. Mais quand le monsieur parle..."
- "Tu veux dire 'le prêtre'?", dit le papa...
- "Oui, quand le trêtre parle (vous avez bien lu, tous les psychanalystes du monde se réjouissent avec moi, évidemment), alors je ne comprends plus rien..."

Ah! les enfants! la vérité, de leur bouche???

samedi 11 février 2012

L'exclusion dans nos contrées, et l'identité chrétienne

Le froid persistant fait émerger, comme d'un marasme enfoui et presqu'oublié, des réalités sociales que nous n'aimons pas voir : chez nous, certains sont exclus de la satisfaction de besoins élémentaires d'une vie humaine vécue dans la dignité. A plusieurs reprises la semaine dernière, j'ai passé des heures à essayer d'aider, de diverses façons, des personnes souvent isolées et qui crevaient littéralement de froid, incapables d'acheter le pétrole nécessaire à chauffer un minimum leur habitation. La solidarité paroissiale est en marche, et avec d'autres - et en premier avec les pouvoirs publics - je suis sûr que cette crise du froid nous permettra non seulement d'aider ponctuellement ces personnes, mais, mieux encore, de voir quelles mesures à plus long terme peuvent être entreprises.
Le froid persistant mobilise aussi, donc, des solidarités : voir l'initiative de la RTBF. Et la générosité de téléspectateurs qui, émus comme nous le sommes tous, répondent. A ma grande joie, et presqu'à ma grande surprise, cela signifie d'abord que nos concitoyens sont encore touchés par la misère de ceux et celles qui vivent à côté d'eux. L'individiualisme ambiant en aurait, quelquefois, fait douter. Mais non : finalement, nous sommes généreux. Certes, la spontanéité du don ne règle pas tout - les Belges, contrairement aux Français, ne sont guère des théoriciens de la chose sociale et des mouvements du capital! Mais cette spontanéité, qui probablement ne survivra pas au froid, nous permet d'abord d'être optimistes quant au coeur humain, capable de compassion. C'est déjà énorme!
Elle dit aussi autre chose : que la générosité n'est pas l'apanage des chrétiens. Se soucier de l'autre, en prendre compassion, est certes identitairement chrétien, mais pas spécifiquement chrétien. On n'est pas chrétien sans cela, mais le coeur de la foi n'est pas là. Le coeur de la foi, c'est le Christ, et ce qu'il révèle de la compassion du Père - tenez, dans l'évangile de ce dimanche par exemple (Mc 1, 40-45), lorsqu'au début de son ministère public Jésus touche le lépreux et qu'il en devient lui-même indésirable, exclu. Alors, il raconte mieux que par n'importe quelle parole ce qu'est Dieu, un Dieu qui n'a pas peur de la contagion, de la maladie contractée chez les hommes, mais qui se laisse toucher par elles pour en guérir ceux qu'il vient visiter. Voilà notre spécificité - elle ne se réduit pas à une admirable philanthropie, même si elle en prend les chemins. Elle raconte quelque chose de Dieu, de son amour, et les célèbre, en célébrant la grandeur de l'homme visité dans sa misère par l'agenouillement de la miséricorde.

dimanche 5 février 2012

Reprise des cours...

Depuis lundi dernier, j'ai repris mon cours hebdomadaire à la Faculté de Théologie de l'Université de Louvain. C'est chaque année une joie magnifique (au fond, j'adore faire cours), et un travail nouveau -même si le sujet est toujours identique. J'enseigne les questions (ou plutôt des questions) de spiritualité chrétienne, ce qui passe par une revisitation de l'Ecriture pour y apprendre le rôle de l'Esprit, un parcours historique pour y lire les récits de ceux et celles qui, dans l'Eglise, ont écrit quelque chose de leur expérience spirituelle, une synthèse aussi des éléments récurrents et constitutifs d'une spiritualité proprement chrétienne. C'est que le mot est à la mode : tout le monde entend vivre "sa" spiritualité, et quelquefois les chrétiens oublient qu'ils possèdent un trésor spécifique. Pour eux, la vie spirituelle, c'est la vie du Saint Esprit en eux - et non pas seulement la vie de leur propre esprit. Ce qui suppose d'accueillir une altérité, de s'ouvrir à l'étrangeté de Dieu, à sa différence...
Tout un programme!

mercredi 1 février 2012

Deuxième rencontre de notre EAP

Hier soir, deuxième rencontre de notre "Equipe d'Animation Pastorale".
Belle rencontre : les personnes présentes sont vraiment soucieuses d'un travail méthodique, dans l'écoute des opinions de chacun, dans le respect d'une procédure indispensable à l'avancement de nos projets.
Nous avons hier soir fait - à l'unanimité - le choix de traiter d'abord la question des pauvretés sociales, psychologiques ou spirituelles que nous voyons malheureusement croître ici dans le doyenné. Nous voudrions pouvoir manifester avec une vigueur renouvelée que l'Eglise se soucie en premier lieu des laissés pour compte, des gens qui "n'y arrivent plus". Et, pour cela, nous voudrions commencer par nous mettre à l'écoute des personnes qui, depuis très longtemps, se dévouent ici à cette cause, en leur demandant leur point de vue sur la question et ce qu'elles attendent de notre vie paroissiale.
Nous les inviterons à participer, si elles le souhaitent, à notre prochaine rencontre, pour jeter les bases d'une meilleure collaboration.
Avançons, avançons...