dimanche 31 décembre 2017

Voeux

Alors que l'année touche à sa fin, je profite de ce blog pour formuler des vœux : de bonheur, de santé, de paix pour tous.
Je souhaite que 2018 voie l'humanité se ressaisir - surtout chez nous, dans nos pays. Que les responsables des nations envisagent d'abord le bien commun à toute l'humanité, un bien qui n'est pas, faut-il encore le rappeler, une addition de biens particuliers, mais le bien d'une communauté, celle des êtres humains vivant sur une même planète.
Que dès lors les politiques économiques et sociales s'inquiètent d'abord d'une juste répartition du bien-être, dans tous les domaines : santé, travail, éducation, enseignement...  Qu'on n'oppose jamais les pauvretés venues d'ailleurs et celles d'ici : car ce sont les mêmes, et fondamentalement, elles ont les mêmes causes et ne seront réduites, précisément, que par un même souci du bien commun. Que les politiques d'accueil soient d'emblée généreuses, avant d'être restrictives, et surtout que l'on n'oublie jamais de respecter ceux qui viennent chez nous chercher refuge et réconfort, parce qu'ils ont tout perdu chez eux à cause de la guerre (guerre souvent alimentée par des armes vendues chez nous et à notre profit), de la famine, des maladies ou d'autres misères.
L'humanité est une, et ne survivra que si elle demeure solidaire, collectivement soucieuse aussi de la terre qui la porte et la nourrit.
Dans la longue prière que je me propose de formuler ce soir, il y aura d'abord ces vœux pour l'année à venir. Mais aussi une grande action de grâce pour tant et tant de visages croisés, et aimés, durant l'année écoulée, et que mon ministère de prêtre m'a permis de rencontrer. Familles joyeuses de célébrer des étapes dans la foi de leurs enfants, ou de faire baptiser leur bébé, ou de commencer une vie conjugale dans le sacrement du mariage, familles au contraire frappées par le deuil et les larmes, personnes isolées ou solitaires qui se sont confiées, si souvent, et quelquefois ont partagé leur prière autant que leur désarroi, équipes pastorales de toutes sortes (scolaires, de prêtres et diacre,  de secrétariat, de pastorale, etc.) qui cherchent ensemble à former une vraie communauté chrétienne dans ces paroisses de Silly et d'Enghien, jeunes des mouvements, patros et scouts, qui se donnent beaucoup de mal pour animer et faire pousser droit ceux qui leur sont confiés, personnes âgées rencontrées chez elles ou dans les homes, auxquelles je pense particulièrement en ce soir de fête, personnes isolées ou malades, étudiants croisés dans les cours et les travaux annexes... Et tant et tant, pour lesquels je souhaite ce soir prendre le temps de la prière, de l'action de grâce, de l'intercession.
A tous, à chacun, bonne, sainte et heureuse année nouvelle!

vendredi 29 décembre 2017

Petits pas vers l'horreur...

Le Goncourt 2017 a été attribué à un petit livre incisif, historique, magnifique, d'à peu près 160 pages seulement : L'Ordre du Jour, d'Eric Vuillard (Actes Sud). Ce récit, entre autres, rapporte l'entrevue qui eut lieu, dès février 1933, entre Hitler récemment élu Chancelier, Göring, et une bonne vingtaine de patrons allemands (Krupp, Opel, Siemens,...) sollicités par les premiers pour financer le parti nazi. Ce qui fut fait...
Pour ces patrons, financiers, capitalistes, c'était une opportunité politique, sans plus, une manière d'accroître encore leurs intérêts.
Pour le monde, ce furent quelques petits pas supplémentaires qui rendirent possible l'horreur que l'on sait...
On ne se méfie jamais assez des petits pas. On n'est jamais assez vigilant.
Ainsi, quand Monsieur De Wever prétend, dans une revue du Nord du Pays, que "Si Dieu existe, il vote pour lui...", c'est peut-être seulement une gaudriole. Peut-être...
C'est aussi un fâcheux souvenir : Gott mit uns, avait fait graver sur les crosses des armes SS le Régime pré-cité. Le moment où un système politique annexe Dieu à ses délires est un moment symptomatique, délicat : quelque chose bascule, quand on ose sacraliser ainsi, même si c'est avec une part de dérision, son appétit de toute-puissance.
Il y aura toujours un théologien sur la route de ces sbires-là. Pour dire "non", avec force, avec même une certaine violence dans la voix. Non, non et encore non! Vous n'annexerez pas Dieu à vos manigances. Dieu est libre, et le premier contestataire de vos simagrées!

vendredi 22 décembre 2017

Le Noël de Marguerite Yourcenar

(Repris d'une citation de Jérôme Prigent, qui l'a relu grâce à Ronan Le Guen)


"La saison des Noëls commercialisés est déjà là. Pour presque tout le monde - les misérables mis à part, ce qui fait beaucoup d'exceptions - c'est une halte chaude et éclairée dans la grisaille de l'hiver. Pour la majorité des célébrants de nos jours, la grande fête chrétienne se borne à deux rites : acheter, de façon plus ou moins compulsive, des objets utiles ou non, et se gaver, ou gaver les personnes de leur cercle intime, en un inextricable mélange de sentiments où entrent à parts égales l'envie de faire plaisir, l'ostentation, et le besoin de prendre soi-même un peu de bon temps. Et n'oublions pas, symboles très anciens de la pérennité du monde végétal, les sapins toujours verts coupés dans la forêt et qui achèvent de mourir dans la chaleur du mazout, et les téléphériques déversant leurs skieurs sur la neige inviolée.
"N'étant ni catholique (sauf de naissance et de tradition), ni protestante (sauf par quelques lectures et l'influence de quelques grands exemples), ni même chrétienne sans doute au sens plein du terme, je n'en suis que plus portée à célébrer cette fête si riche de significations et son cortège de fêtes mineures, la Saint-Nicolas et la Sainte-Lucie nordiques, la fête des Rois et la Chandeleur. Mais bornons-nous à Noël, cette fête qui est à tous. Il s'agit d'une naissance, et d'une naissance comme elles devraient toujours l'être, celle d'un enfant attendu avec amour et respect, portant en soi l'espérance du monde. Il s'agit des pauvres : une vieille ballade française montre Marie et Joseph cherchant timidement dans Bethléem une hôtellerie selon leurs moyens, éconduits partout pour laisser place à des clients plus reluisants et plus riches, et finalement insultés par un patron qui 'hait la pauvrerie'. C'est la fête des hommes de bonne volonté, comme le disait une admirable formule qu'on ne retrouve plus toujours, malheureusement, dans les versions modernes des Evangiles, depuis la servante sourde-muette des contes du Moyen-Âge qui aida Marie dans ses couches jusqu'à Joseph chauffant devant un maigre feu les langes du nouveau-né, et jusqu'aux bergers enduits de suint et jugés dignes de la visite des anges. C'est la fête d'une 'race' trop souvent méprisée et persécutée puisque c'est en enfant juif que le nouveau-né du grand mythe chrétien paraît sur la terre (et j'emploie bien entendu le mot mythe avec respect, comme l'emploient les ethnologues de notre temps, et comme signifiant les grandes vérités qui nous dépassent et dont nous avons besoin pour vivre).
"C'est la fête des animaux qui participent au mystère sacré de cette nuit, merveilleux symbole dont saint François et quelques autres saints ont senti l'importance, mais dont trop de chrétiens de format courant ont négligé et négligent de s'inspirer. C'est la fête de la communauté humaine, puisque c'est, ou ce sera dans quelques jours, celle des Trois Rois dont la légende veut que l'un d'eux soit un Noir, allégorisant ainsi toutes les races de la terre qui apportent à l'enfant la variété de leurs dons. C'est une fête de joie, mais aussi teintée de pathétique, puisque ce petit qu'on adore sera un jour l'Homme des Douleurs. C'est enfin la fête de la Terre elle-même, que dans les icônes d'Europe de l'Est on voit souvent prosternée au seuil de la grotte où l'enfant a choisi de naître, de la Terre qui dans sa marche dépasse à ce moment le point du solstice d'hiver et nous entraîne tous vers le printemps. Et pour cette raison, avant que l'Eglise ait fixé cette date pour la naissance du Christ, c'était déjà, aux temps antiques, la fête du Soleil.
Il semble qu'il ne soit pas mauvais de rappeler ces choses, que tout le monde sait, et que tant de nous oublient."


(M. YOURCENAR, Le Temps, ce grand sculpteur, Gallimard, 1983, pp. 131-133.)


Comment tenter encore  une homélie, après cela, dans la nuit de Noël?

dimanche 17 décembre 2017

Gaudete... Les Concerts de Noël à Enghien!

Nous sommes, au troisième dimanche de l'Avent, dans la Gaudete ("Réjouissez-vous"), premier mot de l'Introït d'autrefois et tonalité dominante de cette journée : la Joie, une joie rude (son représentant est Jean Baptiste, tout de même vêtu de peaux de bêtes et nourri de sauterelles et de miel sauvage au désert, ça donne une idée, nous ne sommes pas dans les splendeurs cosy du champagne et petits fours...), une joie prophétique.
La semaine dernière, à Enghien, hier à Petit-Enghien (et aujourd'hui encore), deux concerts de Noël, bien différents, bien complémentaires : chanter, chanter, chanter! Magnifique participation des chorales et des choristes, magnifiques directions, surtout magnifique organisation par "Enghien Animation", son Président et ses membres, que je ne saurais assez remercier. Moments de pur grâce, de pur bonheur, de convivialité non seulement chrétienne, mais "citoyenne" comme on dit - tout le monde est là, tout le monde se sent, je crois, le bienvenu, quelles que soient les convictions : l'église, l'espace-église, est pour tout le monde, c'est à la fois, et sans contradiction, un espace du culte catholique et un espace public.
Je ne sais quelles peuplades disent que chanter, faire de la musique, c'est faire reculer les ténèbres.
Ils l'ont fait, tous et chacun... On sentait, presque physiquement, les ténèbres reculer!
J'en conçois une immense gratitude, et du plus profond je demande que chacun soit rejoint, béni, réconforté, ragaillardi, rassuré, par quelque chose de la lumière de Noël.

vendredi 15 décembre 2017

La mort de Louis XVI

Je vais avoir l'air (et peut-être la chanson entière...) complètement décalé. Mais... Dans un peu plus d'un mois, on commémorera la mort de Louis XVI, qui fut exécuté sur la Place de la Révolution, (devenue aujourd'hui Place de la Concorde) à Paris le 21 janvier 1793, vers 10h20 du matin (il y aura donc bientôt 225 ans), par décapitation à la guillotine. Vous me direz : qu'est-ce que nous en avons à faire?
Eh bien, eh bien, plus sans doute qu'on ne le pense spontanément.
Passons sur les aspects fâcheux de la chose, d'abord pour Louis XVI lui-même, ensuite pour la toute jeune Première République Française, qui ne fit pas montre en cette occurrence d'un très grand sens de la justice. Le procès fut bâclé, uniquement à charge (l'ancien Roi avait de piètres avocats), l'issue connue d'avance, les accusations infondées, etc. C'est peut-être paradoxalement Saint-Just, le plus ardent partisan de la peine de mort, qui avança les arguments véritables : "Tout Roi, dit-il en substance devant la Convention chargée de juger Louis XVI, est un tyran, en ce qu'il confisque la souveraineté populaire. Etre Roi, ou l'avoir été, ne peut mériter que la mort." Ce jeune homme de vingt-cinq ans, blondinet et beau à souhait, "l'archange de la Révolution", avait de l'emphase...
Le Roi Louis XVI ne fut donc pas condamné à mort pour des erreurs de tactique, ou de gouvernement, ou pour s'être mal comporté pendant la longue période révolutionnaire qui court, globalement, de 1789 à sa déchéance - tous arguments infondés - , mais il le fut parce que le principe même de la souveraineté personnalisée en un monarque de droit divin n'était plus admissible.
La "Nation" s'y était substituée.
Et donc, le précédent système, et son incarnation, devaient périr.
Louis avait été toute sa vie ce que l'on peut appeler "un brave homme". Sans doute le meilleur des Rois de France depuis longtemps, bien meilleur que son grand-père Louis XV, et beaucoup moins arbitraire que son aïeul Louis XIV. Certains même diront : "trop bon"...  Il a payé pour les autres, pour l'autre système, devenu imbuvable.
Et le "massacre" fut, en ce jour ténébreux, rempli de brouillard et d'un peu de neige, en ce sinistre petit matin du 21 janvier 1793, le rituel contrarié du "sacre" : le Roi déchu fut  conduit lentement en voiture par les rues de Paris depuis sa prison du Temple,  au milieu d'une double ou triple haie de Gardes Nationaux, au son assommant des tambours, jusqu'à l'échafaud, pendant près de deux heures. Et décapité, lui dont la tête avait été ointe du Saint- Chrème, le corps revêtu de la dalmatique des sous-diacres, à Reims, en 1775, le chef ceint de la Couronne et qui ainsi devait incarner l'idée même de "Nation" - l'autre Corps du Roi, intercesseur entre Dieu et le Peuple.
Après l'Empire, la Restauration n'y pouvant rien, l'idée même de monarchie restera rompue - les deux règnes de ses frères, Louis XVIII et, le plus entêté des deux, sans aucun doute, Charles X, qui aura même tenté de renouer avec le sacre de Reims, seront de ce point de vue inutiles.
Et voilà qui nous importe : on a vraiment changé de Régime, quels que soient les mérites de ceux qui incarnèrent - et incarnent - l'Ancien et le Nouveau. La députation du Peuple constitue le Corps véritable de la Nation, car l'autre Corps a été décapité. Et, au fond, même quand il y en a encore, il n'y a plus de Roi, au sens de ce qu'on appelle à juste titre "l'Ancien Régime", ancien parce que révolu.
Je me suis souvent dit qu'on n'avait pas pris vraiment la mesure de ces événements. Ni le peuple, ni ses représentants, ni ses gouvernants. Car tout le sacre repose désormais sur la députation du Peuple souverain. C'est remarquablement démocratique. C'est aussi terriblement fragile : la mort de Louis XVI inaugure en France les années horribles de la "Terreur" révolutionnaire, cette volonté puritaine et démagogique de couper (physiquement) la tête à tout ce qui ne serait pas sans cesse dans le mouvement "révolutionnaire" - contre tout pouvoir installé : les rues de Paris suaient et puaient le sang, et la guillotine finit par décapiter les gens de la Terreur eux-mêmes et en premier Robespierre "l'incorruptible".  Un certain Bonaparte, un général - comme toujours, c'est l'armée qui ramasse la mise sous le prétexte de "rétablir l'ordre" - profita du chaos : "La couronne traînait dans le caniveau, je l'ai ramassée..." Puis ce fut l'Empire - et, sans complexe,  un nouveau sacre pour ce fils de la Révolution, mais pas à Reims, il n'aurait pas osé! Quand même à Paris, à Notre-Dame, et en présence du pape de l'époque, Pie VII, qui y fut humilié on sait comment! - Puis, en 1815, à Waterloo, la fin de l'Empire. Puis la Restauration, et le retour des frères de Louis XVI, Louis XVIII (Louis XVII, le pauvre petit garçon du Roi déchu, avait été privé de tout à la Prison du Temple et on l'avait laissé mourir dans sa crasse - il avait sept ans, ce n'est pas à la gloire de la Première République), et Charles X. Et le retour du cousin, ensuite, Louis-Philippe, le grand-père de "nos" rois des Belges...
Pourquoi se ressouvenir de tout cela, ce soir?
Parce que vous aurez fait vous-mêmes les parallèles. Si l'Histoire ne se répète pas, elle bégaie... La souveraineté véritable est aux représentants élus du Peuple. C'est une chance inouïe. Ils sont aujourd'hui le Corps véritable de la Nation. C'est une responsabilité incroyable, non plus sacrale, mais révocable par les élections. Inviolables durant leur mandat, comme le Roi le fut, mais fragiles comme il le devint. Le "Nouveau Régime" est même plus fragile que "l'Ancien" : car il est supporté par des majorités  chez nous relatives, soumis aux pressions populaires et quelquefois démagogiques. Il faut du courage, beaucoup de courage et d'abnégation, pour assumer la souveraineté populaire. Je sais que beaucoup n'en manquent pas, et j'admire ceux et celles qui "y vont", soucieux de faire valoir le bien commun.
Ils risquent leur tête, eux aussi - de la même manière que Louis XVI. Non pas sur la guillotine, évidemment - nous répugnons heureusement à faire couler le sang. Mais, par exemple, dans les médias ou les diatribes populistes. Ce n'est pas toujours mieux...
Eh bien le 21 janvier prochain, jour anniversaire de la mort de Louis XVI, qui pardonna à ses bourreaux en montant à l'échafaud et pria pour que "son sang ne retombât point sur les Français", je prierai pour nos responsables politiques, pour que le courage ne leur manque pas. Car œuvrer pour le bien commun, sous quelque Régime que ce soit, c'est quand même toujours "donner sa vie"...

jeudi 7 décembre 2017

Un nouvel archevêque à Paris

On savait le Cardinal Vingt-Trois atteint par la limite d'âge (75ans) et désireux de ne pas prolonger son mandat.
On apprend aujourd'hui, jeudi 7 décembre, que le pape François a nommé Mgr Michel Aupetit archevêque de Paris.
Avant d'être prêtre, Mgr Aupetit était - et reste - médecin, ayant exercé comme généraliste et spécialisé aussi dans les questions délicates de bioéthique.
Un médecin archevêque, signe que nous avons besoin de pasteurs capables de prodiguer des soins...