lundi 24 mai 2010

De l'art de la procession...

Lundi de Pentecôte, procession du "Saint Sauveur" à Petit-Enghien, l'une des douze paroisses dont je suis le curé. Après la messe de 9h30, nous nous sommes mis en route derrière les cavaliers qui ouvraient la marche, les groupes qui représentaient des scènes évangéliques, les porteurs de statues, les jeunes qui viennent de faire profession de foi, et enfin les porteurs de flambeaux encadrant le "dais" sous lequel, par alternance, mon vicaire Honoré et moi-même avons porté le Saint Sacrement. Longue procession de plus de deux heures, sous le beau soleil printanier. Beaucoup de monde dans les campagnes, des curieux mais surtout des "pieux", qui avaient décoré leur maison et s'agenouillaient au passage du Seigneur. Une piété, en effet, simple mais sincère. Beaucoup de ces personnes ne viennent guère à l'église, mais ce matin l'église sortait vers eux et après tout c'est bien le moins. Les gens sont attachés à ces manifestations, et je les comprends. Je sais que certains parlent de "folklorisation" du religieux. Et après? Si le coeur de quelques-uns est touché, alors tout va bien, et nous n'aurons pas processionné en vain. Honoré, mon vicaire Africain, était impressionné : "On ne voit pas ça comme ça chez nous, ces maisons décorées", me disait-il... Il est vrai que notre vieux continent a encore de la mémoire chrétienne, et je me souviens d'un mot de Marie Noël dans ses magnifiques Notes Intimes, qui se demande ce qui resterait aux gens pour fêter, vraiment fêter leur vie, si on leur ôtait ces fêtes religieuses, déjà qualifiées, à son époque, de "folkloriques". Elle répond : "Des discours de ministres, et des chevaux de bois!" Tu parles d'une fête! Ce que nous proposons dans nos campagnes n'est peut-être pas parfait, mais au moins on y touche à du sacré, à de la sacralité, à du sacrement. Et les gens, les petites gens, ne s'y trompent pas. Ils sont souvent nos vrais juges...

samedi 22 mai 2010

La vie spirituelle

S'il est un mot à la mode aujourd'hui, c'est bien celui de "spiritualité". Il s'est substitué, peu à peu, au mot "religion" (voyez, par exemple, la dénomination des rayonnages dans les grandes librairies généralistes). On le trouve rassembleur, tandis que les religions sont jugées diviseuses, voire fauteuses de guerres... Fort bien. Le risque, évidemment, est de réunir sous ce vocable un peu tout et n'importe quoi. Admire-t-on un paysage? Nous voici en pleine "spiritualité" (Comte-Sponville). Pratique-t-on le "za-zen" à la façon des bouddhistes japonais? Nous voici en plein exercice "spirituel". Et ainsi de suite...
Ce soir et demain, les chrétiens célèbrent la Pentecôte, le don de l'Esprit. Pour eux, la vie spirituelle s'origine dans ce don : elle ne consiste pas (ou du moins pas seulement) en une longue et patiente introspection du soi, mais d'abord en un accueil. Mains ouvertes, coeur ouvert, le chrétien accueille l'Esprit, cet Autre de lui qui vient de Dieu, qui est Dieu même venu parachever l'oeuvre de la nouvelle naissance inaugurée au baptême. Dextrae Dei tu digitus, dit le Veni Creator : "Doigt de la droite de Dieu", tel le potier au terme de sa création, il affine l'ouvrage de ses mains et nous associe à la vie divine, nous transforme intérieurement, nous rend fils dans le Fils, libres de la liberté des fils. Aux Galates tentés par le retour à l'asservissement de la Loi, Paul dira : "Fils, vous l'êtes bien ; Dieu a envoyé dans nos coeurs l'Esprit de son Fils, qui crie : Abba - Père! Tu n'es donc plus esclave, mais fils; et, comme fils, tu es aussi héritier : c'est l'oeuvre de Dieu." (Ga 4, 6-7)
Voilà ce que nous devons dire et annoncer, ce que nous dirons ce soir à Enghien tandis que des jeunes gens recevront le sacrement de la confirmation. Ils reçoivent au coeur la plus grande liberté qui soit : celle même de Dieu.

samedi 15 mai 2010

Quelle unité?

L'évangile de ce septième dimanche de Pâques, extrait du dix-septième chapitre de Jean, nous rapporte de longs passages de la prière sacerdotale de Jésus, son testament en quelque sorte. Le Christ "passant au Père", prie pour que soit fait aux siens le don de l'Unité.
Nous cherchons toujours l'unité dans nos vies : l'unité intérieure, mais aussi l'unité entre nous.
Les façons politiques de faire l'unité, nous le voyons dans notre monde, sont pragmatiques : soit - c'est la problématique belgo-belge - chaque communauté tente de préserver aussi loin que possible son autonomie, et on maintient en commun un minimum hors lequel il n'y a plus d'unité du tout. Soit - c'est le processus de l'intégration européenne, par exemple - on transfère des compétences et des pouvoirs décisionnels de plus en plus nombreux à une communauté élargie de nations, pour que l'intérêt commun ainsi dégagé prévale sur les intérêts particuliers (c'est ce qui a permis à l'Europe de vivre en paix depuis soixante-cinq ans, il ne faudrait tout de même pas l'oublier). Tout cela est bel et bon, mais c'est une unité où le souci premier reste le souci personnel, défendu aussi loin que possible.
Dans l'aventure chrétienne, l'unité demandée est autre : elle se fonde sur le souci de l'autre reconnu comme premier. Voilà comment "le Père et le Fils" sont un dans la liberté de l'Esprit, dans un don mutuel et total de leur amour réciproque. Voilà ce que Jésus demande, comme don de l'Esprit, sur ceux qui vont se réclamer de lui dans leur vie : une unité entre eux et dans le monde non pas fondée sur la sauvegarde des intérêts particuliers, mais sur la prise en compte, avant tout, des intérêts d'autrui. Impossible? Non : c'est un don de Dieu, et Dieu donne toujours aux siens ce qui est bon, ce que le Fils a demandé au Père au moment ultime, toujours il l'accorde. C'est de cette unité que sont appelés à témoigner les chrétiens, par leur vie communautaire : vaste chantier!

vendredi 14 mai 2010

L'accueil des immigrés

Je constate une fois encore que, dans le discours prononcé hier à Fatima au Portugal, le Pape a mis dans la liste des priorités éthiques de l'Europe "l'accueil des immigrés". Je le souligne ici parce que c'est une constante - ce blog en témoigne - que ni les médias ni les blogs "papistes" ne relèvent, par je ne sais quelle discrétion concertée (ou par une discrétion que je connais trop bien).

mardi 11 mai 2010

Puissance du pardon

J'ai reçu hier un courriel d'une dame qui dirige une grande école du pays, et qui poursuit elle-même un intinéraire de conversion chrétienne que je trouve admirable. Avec sa permission, je publie ici quelques passages de ce témoignage, dans lequel elle relate un événement de sa vie professionnelle et l'émerveillement qui est le sien devant l'intacte puissance du pardon manifesté. Voici donc :
"A 8h00 ce matin je procédais à l'audition d'un élève, de ses parents et de son avocat dans le cadre d'une exclusion définitive. C'est une expérience récurrente en cours d'année, et le bien collectif réclame parfois de l'institution que je représente de prendre ce genre de décision. Je le fais en conscience, mais jamais sans état d'âme. (...) Ce matin, la situation était assez tragique. En vrac : élève majeur, rupture avec ses parents, décrochage scolaire, nombreuses mises en garde et recadrage fréquent de notre part depuis un an, vente massive de cannabis au sein de l'école, plainte de notre part à la Police sur le témoignage d'élèves anonymes, perquisition, découverte de H en grande quantité dans son casier à l'école, arrestation, cinq jours de préventive à la prison, effondrement du père qui tombe des nues, prise en charge de la maman qui renoue avec son fils en prison... Libéré vendredi, il était présent ce matin à l'audition avec sa maman et son avocat. (...) Je découvre un autre élève : de l'arrogance et du déni antérieurs, il ne reste rien. Il dit le cauchemar de la prison, la honte, l'électrochoc et la découverte de son amour vrai pour ses parents à qui il a tant fait de mal. Il me remet une lettre dans laquelle il présente ses excuses, acceptant la sanction sans broncher et toutes les conditions du juge. Il se montre déterminé à aller de l'avant, à toucher enfin le coeur de son vrai désir : son futur métier, et aussi renouer avec sa famille, avoir des relations plus saines avec les autres, ne plus mentir, ne plus se mentir.
(...) A sa demande, avant de le quitter, je le rassure : "Tu as mon pardon, tu auras besoin de celui de tes proches et surtout du tien." Il me répond que celui-là sera le plus difficile à obtenir. J'avais vraiment envie de lui dire qu'il avait encore besoin de celui de Quelqu'un d'autre, qui lui pardonnera même s'il ne le demande pas, qui lui a déjà pardonné. Il m'a dit merci. Quand ils sont sortis, j'ai insisté : "N'oublie pas, tu es pardonné." Il pleurait en souriant. Je ne l'avais en trois ans jamais vu sourire comme cela.
J'ai entendu chez ce grand garçon un appel vital, auquel ni moi ni personne ne pouvons répondre. J'espère qu'il trouvera Celui qui peut l'entendre. Il a commencé un chemin difficile, mais vrai. Cela crève les yeux et les oreilles. Je voulais vous dire que, ce matin, le pardon reçu m'apparaît dans toute sa lumière comme aussi nécessaire à notre vie que le sang de nos veines. Imprévisible prière au coeur de la boue de nos misères. Imprévisible louange à la vie, ce cri d'adolescent.
Là, j'ai envie de croire en Dieu."
Et moi, je vous remercie pour ce don, ce pardon et ce témoignage.

dimanche 9 mai 2010

L'accueil et l'intégration des immigrés

Dans le discours du pape Benoît XVI aux évêques belges, le samedi 8 mai 2010, je relève que le Saint Père estime être importants l'accueil et l'intégration des personnes immigrées. C'est, dit-il, l'une des tâches de l'Eglise en Belgique que d'y veiller.
Une constante de son enseignement et de ses recommandations...

samedi 8 mai 2010

Les évêques de Belgique et les Universités catholiques du Royaume

Dans le discours de Mgr Léonard, archevêque de Malines-Bruxelles et Primat de Belgique, adressé ce samedi 8 mai au Saint Père en clôture de la visite ad limina apostolorum de nos évêques, je trouve important de relever ceci : pour "jouer humblement et courageusement son rôle dans la société fortement sécularisée où se déroule sa mission", dit Mgr Léonard, l'Eglise de Belgique veut "se laisser plus résolument instruire par l'expertise remarquable et jusqu'ici trop peu exploitée de nos Universités catholiques, lesquelles ne sont pas d'abord une source de problèmes éthiques pour l'Eglise, mais une chance extraordinaire de rapport éclairé aux sciences humaines et exactes."
Comme pareille perspective est réjouissante pour tous!

vendredi 7 mai 2010

Funérailles dans l'amitié

Ce matin, à Ellezelles, j'ai concélébré les funérailles du papa d'un ami prêtre, avec lequel j'ai poursuivi toute ma formation théologique au Séminaire, il y trente ans! Il avait choisi - beau courage - de présider lui-même la messe, qui fut simple, sobre, sublime donc, dans le vrai sens du mot : au-delà des frontières communes, dans la vérité d'une vie, celle de son papa, modeste et fidèle et généreuse. Tout cela fut dit sans emphase, avec les mots de la terre, sans doute les seuls vrais. Ainsi, et par exemple, parmi les pépites que j'emporte avec moi de cette richesse célébrée, ce mot du papa, il y a quelques années, alors qu'on lui conseillait de "placer" son épouse atteinte d'un Alzeihmer plutôt que de se fatiguer à la soigner chez lui : "Elle ne l'aurait pas fait pour moi. Je ne le ferai pas pour elle." Richesse de la fidélité, témoignage de l'alliance conjugale vécue au quotidien et jusqu'au bout.
Par un étrange retournement que permet l'amitié, c'est moi qui ai pleuré tout le temps, et mon ami - le fils - avait la force de dire la vérité simple, la vérité juste, la nue vérité si belle, de la vie de son papa.
Toute cette célébration nous a offert un instant de rare humanité, de rare christianisme, de foi étymologiquement "sub-lime" : reconnaissant les limites de ce monde et de "la douloureuse espèce" (Bernanos) qui le peuple, et les dépassant dans l'abandon à l'amour offert, reçu, donné.
Ce soir, la lecture de la messe (Jn 15 ) : le seul commandement (entolè, en grec, "injonction") que Jésus laisse : "Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. Vous êtes mes amis..." Comme on a encombré tout cela, comme le christianisme est simple, si l'on veut. Un seul commandement, UN SEUL! Le seul laissé par le Christ, non? Ou alors, je ne sais pas lire...

mercredi 5 mai 2010

Prière pour soirs de fatigue et pour tous les jours

Parce que je suis fatigué, ce soir, j'ai remis la main sur cette prière qui vient d'on ne sait où et qui se transmet on ne sait comment. Tout le monde dit ce qu'un jour quelqu'un en a dit : "Trouvé dans une église de Baltimore et daté de 1693". Après tout, pourquoi pas?

"Va paisiblement ton chemin à travers le bruit et la hâte et souviens-toi que le silence est paix. Autant que faire se peut et sans courber la tête, sois ami avec tes semblables; exprime ta vérité calmement et clairement. Ecoute les autres, même les plus ennuyeux ou les plus ignorants : eux aussi ont quelque chose à dire. Fuis l'homme à la voix haute et autoritaire : il pèche contre l'esprit. Ne te compare pas aux autres par crainte de devenir vain ou amer, car toujours tu trouveras meilleur ou pire que toi. Jouis de tes succès mais aussi de tes plans. Aime ton travail, aussi humble soit-il, car c'est un bien réel dans un monde incertain. Sois sage en affaires, car le monde est trompeur. Mais n'ignore pas non plus que vertu il y a, que beaucoup d'hommes poursuivent un idéal et que l'héroïsme n'est pas chose si rare. Sois toi-même et surtout ne feins pas l'amitié. N'aborde pas non plus l'amour avec cynisme, car malgré les vicissitudes et les désenchantements, il est aussi vivace que l'herbe que tu foules. Incline-toi devant l'inévitable passage des ans, laissant sans regret la jeunesse et ses plaisirs. Sache que pour être fort, tu dois te préparer, mais ne succombe pas aux craintes chimériques qu'engendrent souvent fatigue et solitude. En deçà d'une sage discipline, sois bon avec toi-même. Tu es bien fils de l'univers, tout comme les arbres et les étoiles : tu y as ta place! Quoi que tu en penses, il est clair que l'univers continue sa marche comme il se doit. Sois donc en paix avec Dieu, quel qu'il puisse être pour toi. Et quelles que soient ta tâche et tes aspirations dans le bruit et la confusion, garde ton âme en paix.
Malgré les vilenies, les labeurs, les rêves déçus, la vie a encore sa beauté.
Sois prudent.
Essaie d'être heureux."

mardi 4 mai 2010

Un christianisme pour temps de rupture

Avec le Conseil local de Pastorale et avec le groupe ACI "Agir en chrétiens informés", nous préparons - lointainement mais sûrement - les conférences de Carême de 2011. Un thème apparemment retenu : quel christianisme pour temps de ruptures? Ou : comment le christianisme se rend-il capable, dans nos régions, d'accompagner les ruptures qui marquent et blessent une vie humaine? Ruptures conjugales, par exemple, hélas si nombreuses. Ruptures familiales, avec le décrochage ou, pire, le suicide de grands jeunes. Ruptures socio-économiques, encore, avec le chômage qui brise soudain le cours d'une existence. Ruptures du deuil, évidemment et peut-être d'abord, lorsque tout bascule quand un proche s'en va... Comment, dans ces diverses circonstances, le christianisme présente-t-il sa foi, son espérance et sa charité de façon audible, crédible, avec un réel accompagnement des personnes? Comment les communautés chrétiennes peuvent-elles devenir un lieu de cet accompagnement?
On voit que le chantier est vaste.
Intervenants déjà pressentis : pour chacun des trois sujets, un regard philosophique, un regard économique, un regard théologique. Par exemple : le Professeur Michel Dupuis, philosophe, de l'Université Catholique de Louvain; le Professeur Mark Eyskens, économiste, de la Katholieke Universiteit te Leuven, Ministre d'Etat; le Professseur Lytta Basset, théologienne, de la Faculté Protestante de Théologie de Neuchâtel (Suisse). D'autres noms sont possibles, prenons le temps...
Mais le sujet, lui, est urgent!

dimanche 2 mai 2010

Un peu de bon sens...

La Belgique, une nouvelle fois "en crise"... Ce matin, de façon inattendue, une équipe télé de RTL-TVI m'attendait à l'église d'Enghien (église bondée, célébration des professions de foi). "Nous voulons savoir, demandent-ils, s'il vous arrive de célébrer dans les deux langues ici à Enghien..." "Mais certainement, dis-je, tous les samedis à 17h30, la messe dominicale est bilingue."
"Pouvez-vous, poursuivent-ils, dire au début de la célébration quelques mots en néerlandais et pouvons-nous vous filmer à ce moment?" "Je ne vois pas d'objection, dis-je, si c'est pour témoigner qu'ici à Enghien, en effet, la cohabitation de deux langues et de deux cultures ne pose aucun problème... en tous les cas, à l'église!" Ainsi fut donc fait.
Un petit effort vers l'autre en essayant de parler sa langue pour mieux cohabiter, ce n'est tout de même pas sorcier. Cela désamorcerait bien des crispations, non?
Ce tout petit effort, n'est-il pas seulement "un peu de bon sens"?
Et tant mieux si l'église (et même l'Eglise) en donne, comme elle peut, un témoignage!