dimanche 23 janvier 2011

Capharnaüm

Au dire des évangiles - de Matthieu en particulier, dont on lisait aujourd'hui les versets qui relatent les débuts de la "vie publique" - Jésus a commencé sa prédication à Capharnaüm, capitale de la Galilée, "carrefour des païens".
Ce n'est pas d'abord à Jérusalem, lieu du Temple, lieu des prêtres, lieu de la "bonne doctrine", qu'il a commencé à dire la Révélation. C'est dans ce territoire métissé, baigné de toutes sortes de croyances et peuplé de toutes sortes de provenances. C'est là aussi qu'il a appelé les premiers "apôtres" et de là qu'il les a chargés d'annoncer avec lui l'incroyable nouvelle : Dieu est proche.
Des coeurs trop sûrs d'eux, trop rigoureux dans leur doctrine comme s'il s'agissait d'un "bon droit", auraient-ils pu l'entendre?
Capharnaüm, lieu traversé de toutes sortes de convictions,
Capharnaüm, notre lieu, notre monde,
où il convient de demeurer, sans doute, pour entendre aujourd'hui encore l'incroyable nouvelle.

jeudi 20 janvier 2011

La puissance de la prière (bis)

Dit ce soir à ma nièce, qui relève doucement donc, de cette terrible septicémie (toujours à l'hôpital, mais bon, on a vraiment l'impression d'aller vers une guérison aujourd'hui) : "Les antibiotiques ont fait leur travail, certes. Mais la puissance de la prière aussi." Ma nièce, qui est une merveille d'humanité, est peu sensible à la foi chrétienne - elle l'est sans doute, comme beaucoup de jeunes femmes de son âge, à la "spiritualité" plus vague, plus diffuse. Elle me dit : "C'est quoi, cette puissance?" Réponse : "C'est agapè. C'est l'amour donné. Rien à voir avec la magie. C'est, par exemple et entre autres, l'amour de femmes que je connais bien, des religieuses cloîtrées, dont je sais qu'elles ont dit dans leur coeur à Dieu : Reprenez-moi, mais que cette femme - toi - vive. Et il n'y avait là rien de morbide, rien de "sacrificiel" au sens bêtement doloriste du mot : elles pensaient simplement être là pour cela. Parce que la vie ne vaut, en ce bas-monde, que d'être donnée. A ses enfants. A son conjoint. A ses paroissiens. A des inconnus, pour lesquels on prie parce que, vraiment, on veut "forcer le ciel". Parce que là est, au bout du compte, le seul bonheur de la vie sur la terre..."
Ma nièce n'a pas répondu.
Dans le secret de son lit d'hôpital, elle y pense, j'en suis sûr.
C'est sa réponse à la prière qui l'a entourée durant toutes ces semaines, et c'est aussi, déjà, une prière.

samedi 15 janvier 2011

Question du mal, question de Dieu

La première objection contre Dieu est celle du mal : s'Il "existe", si de surcroît Il est le "Bon" Dieu, alors pourquoi permet-Il le mal sous toutes ses (ces) formes, celui dont nous sommes sinon coupables, du moins complices, et celui auquel nous ne pouvons rien, le "malheur"?
La théologie commence là : telle était l'intuition, en tous les cas, du Professeur Adolphe Gesché (Faculté de Théologie, UCL), mon éminent confrère décédé il y a quelques années, auteur d'une oeuvre remarquable intitulée "Dieu pour penser", et dont le premier volume s'intitule précisément : Le Mal (Cerf, 1993, 186pp.). La dominante est : quiconque ose parler de Dieu - en ce sens étymologique, quiconque est "théo-logien" - doit poser la question du mal et du malheur. Non pas, comme on le fait trop souvent, du point de vue moral ("sommes-nous coupables", etc...), mais du point de vue de la pensée : pourquoi le mal? Pourquoi la "toute-puissance" de Dieu, confessée dans le Credo, n'arrive-t-elle pas à dompter le mal - dont, encore une fois, certes nous sommes parfois complices mais jamais auteurs, et qui nous dépasse infiniment?
L'évangile de ce 2ème dimanche dans l'année (ordinaire), le début de l'évangile de Jean qui rapporte la prédication du Baptiste à propos de Jésus, nous livre une clé : le Baptiste "qui ne connaissait pas Jésus" dit-il, a reconnu en lui les signes du Messie, du Sauveur du Mal, du Fils Bien-Aimé, bref de Dieu, à l'humilité de cet homme qui s'est soumis, sans en avoir nul besoin, à son baptême pour en préparer un autre : celui du don, celui de l'amour. En Jésus, confesse Jean-Baptiste, il y a "l'Agneau de Dieu", celui qui prend sur lui pour l'emporter avec lui tout le mal du monde, et pour toujours. Voilà ce qu'a "vu" le Baptiste, avec les yeux de la foi, et que nous sommes conviés à voir avec lui.
"Cela ne se remarque pas", diront beaucoup : en effet. Le monde semble n'avoir pas changé, depuis Jésus, et le mal est encore là : partout, des guerres, des injustices, des épidémies, des maladies, des famines, partout la mort semblent régner.
Mais le chrétien, moderne Baptiste, sait que le mal est vaincu en Jésus, avec les yeux de la foi il le "voit" et le confesse - voilà l'espérance. Elle n'est pas morale (celle d'une meilleure "vertu" pour le plus grand nombre), elle n'est pas idéologique (celle de la "meilleure" religion pour tous), elle est de foi : dans le Christ, le mal, quelles que soient ses modalités, est vaincu, à tout jamais vaincu. Le chrétien sait qu'il souffrira encore, et aussi bien entendu qu'il mourra à cette vie terrestre. Mais il croit avec le Christ en la Vie avec un "V" majuscule, parce qu'il croit en la présence de Dieu qui, en Jésus, s'est lui-même abaissé jusqu'au bout du mal, pour le vaincre et nous en relever tous. Le chrétien, c'est quelqu'un qui, même s'il en souffre encore, n'a plus peur du mal.

vendredi 14 janvier 2011

Jean-Paul II béatifié

On apprend aujourd'hui que Jean-Paul II sera béatifié par son successeur le 1er mai prochain. C'est une nouvelle qui, personnellement, me réjouit beaucoup : Jean-Paul II a été un exemple d'ouverture du catholicisme aux diverses religions et à la complexité des cultures. Il a de façon infatigable promu la paix dans le monde par ses voyages et ses visites pastorales et voulu défendre les droits de l'homme là où ils étaient menacés. C'est une belle figure de l'histoire récente de l'Eglise qui devient ainsi un intercesseur : nous en avons bien besoin!

dimanche 9 janvier 2011

On ne peut que remercier...

J'ai ce soir un coeur débordant d'action de grâce : plusieurs centaines de personnes, ce matin, à la célébration du Baptême du Seigneur à Enghien, de jeunes familles, des enfants, des ados, des plus âgés : une communauté toute nuée de ses différences, accueillant d'abord un moment de catéchèse autour du Baptême et célébrant ensuite, dans une belle unanimité, la solennité présente.
Les catéchistes se donnent beaucoup de mal, préparent, travaillent, vont chercher les contenus importants de la foi, maîtrisent (bien mieux que moi!) les techniques de communication pour une "logistique" efficace, enthousiaste.
Je ne peux que remercier. Nous ne pouvons que remercier : Dieu, d'abord, qui nous donne la grâce et la joie de vivre ici à Enghien (et ailleurs dans le doyenné : car les expériences sont multiples) de semblables bonheurs pastoraux. Et les personnes ensuite, tous acteurs, tous en quête d'une vie spirituelle qui se nourrisse aux sources authentiques de la liturgie, de la Parole, des sacrements du Christ.
On ne peut que remercier...

samedi 8 janvier 2011

"On ne naît pas chrétien, on le devient..."

La solennité du Baptême du Seigneur, qui clôture ce dimanche les fêtes de la Nativité, nous reconduit à une méditation soutenue sur notre propre baptême.
Ou plutôt sur les trois sacrements indissociables du baptême, de la confirmation et de l'eucharistie, sacrements dits depuis l'Antiquité "de l'initiation chrétienne", par lesquels on ne cesse de devenir chrétien.
Car, pour reprendre la formule de Tertullien, "on ne naît pas chrétien, on le devient" (fiunt, non nascuntur christiani)! la "chrétienté" occidentale a pu laisser croire qu'on "naissait" chrétien, puisqu'on baptisait les enfants quam primum ("le plus tôt possible"). Mais même alors, il y a toujours eu un espace, si réduit ait-il été, pour le choix (des parents, au moins) : devenir chrétien est un choix. C'est sans doute le choix essentiel d'une vie, qui est non seulement ponctuel, mais permanent : le baptême et la confirmation sont conférés une fois, une seule fois. Mais l'eucharistie, elle aussi sacrement de l'initiation, c'est-à-dire du "devenir" chrétien, est sans cesse réitérée : chrétien, on le devient un jour, on le devient tous les jours, on ne cesse pas de le devenir, de refaire au plus intime le choix du début.
La naissance du Christ dans la chair des hommes est célébrée par la solennité de son baptême, qui préfigure le nôtre : sa naissance et sa croissance en chacun de nous, une naissance et une croissance jamais achevées.

vendredi 7 janvier 2011

Le péché originel à Enghien

Soir de fatigue.
Ce mot de Bellet, pour rire et me consoler et m'instruire (Bellet fut l'un de mes professeurs à Paris, et toujours, depuis, je l'ai revu et relu avec plaisir, et je suis heureux de ce dernier petit volume de lui que des amis m'ont offert, ici à Enghien) :

"Si vous voulez comprendre
ce qu'est le péché originel,
vous pouvez relire la Genèse
ou l'épître aux Romains.
Si ce n'est pas assez clair, ouvrez le journal."

(Minuscule traité acide de spiritualité, Bayard, 2010, p. 92).

"Ici à Enghien", comme je viens de l'écrire, nous avons des gens qui vous font ces beaux et intelligents cadeaux mais aussi, outre les journaux imprimés que tout le monde connaît, quelques gazettes locales (surtout de la presse féminine : je constate, je ne suis pas plus misogyne que ça!), et, de temps en temps, mon Dieu, comme on aimerait entendre autre chose que des supputations hystériques, des racontars, des chuchotements de petite ville bourgeoise, des vilenies, des frustrations, des jalousies, des mesquineries, des diableries, des petitesses de gens qui se croient supérieurs...
Mais bon, c'est notre "péché originel" à nous, n'est-ce pas, si j'en crois Bellet?
Alors il mérite comme les autres d'être sauvé.
Y'a du boulot!

mercredi 5 janvier 2011

Un dossier du "Nouvel Observateur"

En lien avec mon précédent message, je voudrais signaler ce dossier remarquable paru dans le dernier numéro en date du "Nouvel Observateur" (N° 2407-8 du 23 décembre 2010 au 5 janvier 2011), dossier intitulé "Ces chrétiens qu'on persécute" et signé Jean-Paul Mari (pp.14-24 du numéro). Pour ceux qui ne connaissent pas cet hebdomadaire français, je signale qu'il n'est pas suspect a priori - loin de là! - de collusion avec la foi catholique (il serait plutôt de "centre-gauche", comme on dit en France)... Voici les quelques lignes introductrices de cet article :

"Imaginez une terre où un homme n'aurait pas le droit de prier son Dieu ni de transporter sur lui des textes religieux, où ses voisins d'immeuble cracheraient au passage de sa femme, où personne ne lui dirait bonjour, détournant le regard, refusant de partager le même robinet d'eau potable, une eau 'souillée' par l'intouchable. Un homme qui devrait s'abstenir de boire, manger et de fumer quand les autres jeûnent, de prier à voix haute et devrait se battre des années pour espérer l'autorisation de construire son lieu de culte. Son nom et sa confession suffiraient à l'écarter de la fonction publique et il n'aurait pas le droit d'enseigner la langue du pays, d'entrer dans la police ou l'armée, de devenir doyen de faculté, ambassadeur ou ministre. Imaginez des familles entières obligées de se cacher pour assister à l'office, tremblant à l'idée qu'un commando terroriste interrompe la cérémonie, massacre indifféremment hommes, femmes et enfants à coups de fusils d'assaut et de grenades. Des croyants, installés depuis deux mille ans sur leur terre, qui se feraient régulièrement insulter, humilier, suspecter, traiter d'étrangers, d'espions, de traîtres à leur pays. Imaginez des populations entières forcées de choisir entre la conversion ou la mort. Et qui n'auraient plus comme issue, après trop de sang, de larmes et de désespoir, que le chemin de l'exil. Imaginez... Une terre de cauchemar, non?
C'est pourtant dans des pays semblables, entre l'Orient et l'Asie, en terre d'islam, que vivent une vingtaine de millions d'humains : les chrétiens."
Il ne faudrait pas qu'un texte pareil suscite de notre part une haine indistincte contre l'islam : celui-ci, comme tel n'est pas en cause. Ce qui est en cause, comme toujours dans l'histoire des monothéismes et plus largement des religions, c'est l'utilisation du religieux à des fins politiques - et, dans leur propre passé, les chrétiens n'ont hélas pas été en reste à ce sujet! Il faut bénir les avancées théologiques du Concile Vatican II, qui a voulu promouvoir une saine laïcité (une saine séparation des cultes et des Etats) en même temps qu'un oecuménisme et un dialogue interreligieux plus indispensables aujourd'hui que jamais. Il faut rendre grâce de ce que nous, chrétiens d'Occident, puissions vivre notre foi librement dans des Etats de droit (quoi qu'en disent certains grincheux!) Il faut apprendre à ouvrir les yeux sur une situation intolérable parce que d'intolérance, et au moins prier pour nos frères et soeurs des pays sus-nommés pour qu'ils puissent supporter cette persécution. Il faut faire pression sur nos responsables politiques, pour qu'ils relaient dans les instances internationales l'indignation des chrétiens d'Occident et du monde entier. La liberté religieuse appartient aux droits de l'homme, c'est-à-dire à la dignité naturelle de tout être humain en ce monde...

lundi 3 janvier 2011

Prier pour les chrétiens persécutés

Il semble que nous assistions à une recrudescence, dans certains pays du Proche-Orient, d'anti-christianisme de la part de quelques musulmans intégristes (ils sont loin d'être majoritaires), qui veulent terroriser les chrétiens et les pousser à partir. Cet état de fait (voir les récents événements en Egypte, où des Coptes ont été durement touchés) est intolérable : il porte atteinte à la liberté religieuse qui est un droit fondamental de la personne humaine partout dans le monde, et le pape Benoît XVI a eu raison d'appeler à une mobilisation de la communauté internationale pour que cesse ce scandale. Un scandale d'autant plus douloureux qu'il touche les pays de "première chrétienté" : c'est notamment dans le désert égyptien que le monachisme chrétien est né, à la suite d'Antoine, de Pacôme ou de tant d'autres "anachorètes".
Dans cette affaire, le christianisme ne doit cependant rien nier de son message central : seul le dialogue pacifique entre les religions viendra à bout des extrémismes, et il est hors de question de revenir à des velléités de "croisade" qui ont entaché son existence dans le Moyen Âge occidental. Le soutien du pape Benoît XVI à la prochaine prière interreligieuse pour la paix parle évidemment dans ce sens. Il faut dénoncer les extrémismes où qu'ils se trouvent, et désamorcer ainsi les foyers de haine et de méfiance réciproques. C'est un immense chantier, si difficile, et qui prend tellement d'énergies. En ce mois de janvier, on ne peut que prier pour qu'il progresse dans les coeurs et dans les nations...