samedi 27 février 2016

Le Père Marc-André...

Nous étions nombreux, mardi dernier, à recevoir l'expérience et l'enseignement du Père Marc-André, moine du Mont-des-Cats, à propos de la lectio divina, du lien nécessaire, pour un chrétien, entre la prière et la lecture de l'Ecriture Sainte de sorte  que celle-ci devienne Parole adressée à chacun par le Père.
Hier, vendredi, Marc-André a été nommé "supérieur" de son Abbaye, pour un temps indéterminé, suite à la démission du Père Jacques Delesalle, qui était Père Abbé depuis six ans.
C'est une tâche bien lourde, et, en le remerciant encore pour son intervention chez nous, nous lui disons notre prière fraternelle.
Voir l'information et, plus largement, se donner une idée de l'Abbaye du Mont-des-Cats sur le site des moines :

http://abbaye-montdescats.fr


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samedi 20 février 2016

"Le nom de la Rose"

Umberto Eco, formidable philosophe et sémiologue, romancier brillant du "Nom de la Rose", vient de mourir...
Justement, tiens, "Le Nom de la Rose", d'où vient ce titre qui orne une action mi policière, mi érudite, censée se dérouler au XIVème siècle?
Eh bien...
D'un vers écrit au XIIème par un moine-poète de Cluny, Bernard de Cluny, dans son De Contemptu mundi (vers 1140), et dont voici le rapport exact :

Nunc ubi Regulus aut ubi Romulus aut ubi Remus?
Stat Roma pristina nomine nomina nuda tenemus

A savoir :

"Et maintenant, où sont donc Regulus, ou Romulus, ou Remus?
La Rome ancienne ne tient debout que  par son nom,  nous ne tenons que des noms nus."

Comme quoi : Bernard de Cluny ne parlait pas de rose (rosa) mais de Rome (Roma), pour dire, de façon désabusée, que rien ne restait d'elle (la Rome de l'antiquité), sinon des noms tout nus, privés en quelque sorte de tout autre contenu.

Habile et poète lui aussi, Eco a changé une seule lettre : s plutôt que m, pour dire qu'il en va de même pour la rose, si fragile entre nos doigts, symbole finalement de toute chose nécessairement éphémère en ce monde, dont nous ne "tenons" que le nom.
Le "Nom de la Rose"...
Et pourtant peut-être, à travers elle, aussi quelque chose de sa présence?

On pressent le philosophe : sa sensibilité au pouvoir humain de nommer le monde, de mettre sur les choses des noms qui les retiennent en quelque sorte parmi nous.
Si peu.
Si fort.

Formidable Eco!

jeudi 11 février 2016

"Missionnaire de la miséricorde"

Retour de Rome, donc, où j'aurai vécu quelques jours en compagnie de confrères venus du monde entier, et du pape qui nous a envoyés proclamer, là où nous sommes, la miséricorde de Dieu. Par delà les signes officiels ou canoniques (pouvoir donné pendant une année de pardonner tous les péchés, absolument tous, même ceux dont l'absolution est normalement réservée au pape lui-même et à lui seul - comme, par exemple, un attentat sur sa propre personne), c'est la confiance faite par François à de pauvres hommes comme nous de porter avec lui, intimement unis à lui, une parole absolue de réconciliation. A travers ce geste, le pape veut donner un signe important : l'Eglise est là pour accueillir, "comme à la fois un père et une mère", nous a-t-il rappelé, tous les êtres humains, absolument tous, sans aucune exclusive, et il nous revient de le montrer non tant par des paroles ou des conférences que par des attitudes.
Arrêter, arrêter absolument, dans l'Eglise, de mépriser ou de catégoriser ceux qui ne croient pas comme nous, ou qui ne croient pas du tout. Et si la "religion" chrétienne se distingue des autres, qu'au moins elle s'en distingue d'abord par ce qui est non pas tant une tolérance (car au fond, le mot est devenu trop faible et condescendant) qu'un accueil a priori bienveillant de tout et de tous. Je dis bien : a priori. A posteriori, nous souhaiterions, sans naïveté, la réciproque, mais sans que jamais son absence ne nous conduise à la violence.
Arrêter, arrêter absolument, dans l'Eglise, les paroles de jugement des uns à propos des autres, les médisances et, a fortiori bien sûr, les calomnies. Je dis bien : dans l'Eglise, où, sous prétexte de saine et raisonnable critique, les clercs sont quelquefois eux-mêmes les spécialistes d'une détestable propension à la dérision fraternelle. C'est une honte.
Les "missionnaires de la miséricorde" sont appelés à exercer cette miséricorde envers eux-mêmes d'abord (sachant qu'évidemment il ne s'agit pas d'une complaisance), puis envers leurs confrères, puis envers l'Eglise, puis envers chaque personne rencontrée, en renonçant, nous disait le pape mardi, à une position de "juge" qui a souvent défini classiquement celle du confesseur particulier.
Et, crut-il bon d'ajouter, "sans poser de question" pour savoir le fin mot de l'affaire qu'on vous confie, mais en devinant par amour et par pudeur, les non-dits et, encore une fois, en pardonnant tout, toujours.
Je crois que c'est une avancée considérable dans la théologie du sacrement de la réconciliation - mais je laisse aux canonistes et aux théologiens le soin d'en décider. Comme d'habitude, dans l'Eglise, la pratique précède et fonde la théorie - la pastorale précède et fonde  la théologie.
Je pense surtout - et, pour ma part, je l'ai reçu comme tel - que c'est un signal fort que le pape veut donner à l'Eglise entière : qu'elle ouvre ses bras à toute détresse, qu'elle accueille toute peine, qu'elle se penche (oui, se penche, avec l'effort que cela suppose, et le mal de dos...) vers chaque petitesse, où elle trouvera la grandeur de Dieu.
J'ai demandé que le texte officiel  me confiant cette mission soit affiché pendant un an dans la sacristie de l'église d'Enghien, de même que, pendant les moments liturgiques idoines (carême, temps de réconciliation), j'userai de l'étole que le pape nous a offerte, durant cette même année jubilaire. Au signe majeur que François veut donner à l'Eglise et au monde, doivent correspondre de petits signaux qui annoncent et annoncent encore, malgré la dureté des temps, la joie évangélique du Père miséricordieux.
Qu'aurions-nous d'autre à dire au monde?

mercredi 3 février 2016

L'Europe perd-elle son âme?

De tous les côtés, et tous les jours, de mauvaises nouvelles nous arrivent, qui concernent la santé spirituelle de l'Union Européenne. Elle perd son âme, goutte à goutte, comme des mourants perdent leur sang. Et il ne semble pas que beaucoup veuillent la transfuser...
Le sujet? L'accueil des réfugiés.
Qu'on les appelle comme on veut : demandeurs d'asile, migrants, immigrés, réfugiés... Après quelques mois d'ouverture, tous semblent se liguer pour les refouler. Chez nous : "Qu'on ne les nourrisse pas" (le propos se suffit à lui-même, pas besoin d'en rajouter dans un procès d'ignominie. Mais enfin, l'homme qui a prononcé ces paroles est - et reste - gouverneur d'une province de notre Pays? Hallucinant!) En Allemagne : "Que la loi permette de tirer sur eux" (le propos est d'une députée d'extrême-droite, ce qui est plus compréhensible que pour la citation précédente, quoique. D'une part la mort lente, par inanition, de l'autre, l'exécution sans sommation : cruauté des deux côtés, mais bien malin qui jouera au plus cruel.) Chez nous : on a l'impression d'un immobilisme effrayant quand il s'agit de voir comment, concrètement, on peut accueillir des personnes réfugiées - et, nous en parlions lundi soir en EAP, ce n'est pas du fait de la Commune, qui, nous en sommes certains, se veut généreuse, mais d'autorités supérieures qui font traîner les choses.
Beurk!
L'Europe perd son âme. Elle veut se réduire à un espace protégé de nantis (oui, de nantis, même si certains le sont évidemment plus que d'autres, et je veux bien me compter parmi ces "certains", en ajoutant que, dans nos paroisses d'Enghien et de Silly,  tout est fait pour essayer d'aider ceux qui en ont besoin, et que nos paroisses, j'en suis témoin - et acteur -y contribuent avec générosité.) Que devient un corps sans âme? Je vous laisse répondre, ou je réponds moi-même? Bon, je réponds moi-même : il est mort.
La générosité, l'accueil, la défense des droits de l'homme, c'est l'âme de l'Europe. Qu'elle perde cela - et elle est en train de le perdre : elle meurt. L'Union Européenne a promis - promis, pas encore donné, évidemment! - trois milliards d'euros à la Turquie pour qu'elle garde chez elle les réfugiés syriens ou irakiens qui voudraient, depuis la Grèce, passer en Europe. Voilà qu'on paie (ou plutôt qu'on promet de payer) pour rester égoïstes - c'est, littéralement, vendre son âme au Diable (le Diable n'est évidemment pas la  Turquie,  c'est, vous l'aurez compris, l'argent-Mammon.)
Beurk!
Et c'est cela qu'on va apprendre à nos enfants, dans nos écoles, dans nos collèges, dans nos mouvements de jeunesse, etc.? Alors je ne donne pas cher de leur peau! Vingt-cinq siècles d'humanisme (car, par-delà le christianisme, il y a l'humanisme grec, il y a La République de Platon et les méditations d'Eschyle et de Sophocle...), vingt-cinq siècles d'humanisme pour en arriver à cette poubelle de la pensée et de la générosité!
Non.
Nous devons dire non.
Non ne devons pas être naïfs, certes - il y a aussi des crétins, des salauds et peut-être des terroristes en puissance parmi les réfugiés, et c'est normal, ils appartiennent comme nous à l'humanité faible et soumise à ses démons. Mais nous devons être accueillants, ouverts, généreux, en même temps et d'un même mouvement, aux démunis de chez nous et aux démunis de partout.
J'ai reçu hier un appel du pape à me rendre mardi et mercredi prochains à ses côtés, au Vatican, pour recevoir de lui, avec beaucoup d'autres prêtres, d'ici et du monde entier, la tâche de "missionnaire de la miséricorde". J'irai donc passer deux jours - mon entrée en Carême, cette année - avec le Saint Père François pour revenir, avec plus d'enthousiasme encore, dire la nécessité de retrouver notre âme.  Notre âme, dit notre foi, s'origine en Dieu, miséricorde - non pas condescendance, non pas "pitié", mais ouverture et accueil, abaissement devant l'autre, devant l'homme.