jeudi 11 février 2016

"Missionnaire de la miséricorde"

Retour de Rome, donc, où j'aurai vécu quelques jours en compagnie de confrères venus du monde entier, et du pape qui nous a envoyés proclamer, là où nous sommes, la miséricorde de Dieu. Par delà les signes officiels ou canoniques (pouvoir donné pendant une année de pardonner tous les péchés, absolument tous, même ceux dont l'absolution est normalement réservée au pape lui-même et à lui seul - comme, par exemple, un attentat sur sa propre personne), c'est la confiance faite par François à de pauvres hommes comme nous de porter avec lui, intimement unis à lui, une parole absolue de réconciliation. A travers ce geste, le pape veut donner un signe important : l'Eglise est là pour accueillir, "comme à la fois un père et une mère", nous a-t-il rappelé, tous les êtres humains, absolument tous, sans aucune exclusive, et il nous revient de le montrer non tant par des paroles ou des conférences que par des attitudes.
Arrêter, arrêter absolument, dans l'Eglise, de mépriser ou de catégoriser ceux qui ne croient pas comme nous, ou qui ne croient pas du tout. Et si la "religion" chrétienne se distingue des autres, qu'au moins elle s'en distingue d'abord par ce qui est non pas tant une tolérance (car au fond, le mot est devenu trop faible et condescendant) qu'un accueil a priori bienveillant de tout et de tous. Je dis bien : a priori. A posteriori, nous souhaiterions, sans naïveté, la réciproque, mais sans que jamais son absence ne nous conduise à la violence.
Arrêter, arrêter absolument, dans l'Eglise, les paroles de jugement des uns à propos des autres, les médisances et, a fortiori bien sûr, les calomnies. Je dis bien : dans l'Eglise, où, sous prétexte de saine et raisonnable critique, les clercs sont quelquefois eux-mêmes les spécialistes d'une détestable propension à la dérision fraternelle. C'est une honte.
Les "missionnaires de la miséricorde" sont appelés à exercer cette miséricorde envers eux-mêmes d'abord (sachant qu'évidemment il ne s'agit pas d'une complaisance), puis envers leurs confrères, puis envers l'Eglise, puis envers chaque personne rencontrée, en renonçant, nous disait le pape mardi, à une position de "juge" qui a souvent défini classiquement celle du confesseur particulier.
Et, crut-il bon d'ajouter, "sans poser de question" pour savoir le fin mot de l'affaire qu'on vous confie, mais en devinant par amour et par pudeur, les non-dits et, encore une fois, en pardonnant tout, toujours.
Je crois que c'est une avancée considérable dans la théologie du sacrement de la réconciliation - mais je laisse aux canonistes et aux théologiens le soin d'en décider. Comme d'habitude, dans l'Eglise, la pratique précède et fonde la théorie - la pastorale précède et fonde  la théologie.
Je pense surtout - et, pour ma part, je l'ai reçu comme tel - que c'est un signal fort que le pape veut donner à l'Eglise entière : qu'elle ouvre ses bras à toute détresse, qu'elle accueille toute peine, qu'elle se penche (oui, se penche, avec l'effort que cela suppose, et le mal de dos...) vers chaque petitesse, où elle trouvera la grandeur de Dieu.
J'ai demandé que le texte officiel  me confiant cette mission soit affiché pendant un an dans la sacristie de l'église d'Enghien, de même que, pendant les moments liturgiques idoines (carême, temps de réconciliation), j'userai de l'étole que le pape nous a offerte, durant cette même année jubilaire. Au signe majeur que François veut donner à l'Eglise et au monde, doivent correspondre de petits signaux qui annoncent et annoncent encore, malgré la dureté des temps, la joie évangélique du Père miséricordieux.
Qu'aurions-nous d'autre à dire au monde?

1 commentaire:

  1. Dieu merci pour sa miséricorde infinie ! Et merci à notre Pape François d'ouvrir son cœur, d'ouvrir celui de ses frères, le tien, le nôtre, de l'ouvrir absolument à chacun sans exclusive !

    Merci à toi, Benoît, de nous transmettre ce message de joie qui nous amènera à agir avec plus de vigueur selon le cœur de Dieu. Nous devons le faire et nous devons le dire et l'entendre, nous devons avancer ensemble dans cette action primordiale avec nous tous qui le voulons, nous sachant en réseau, en cordée, en communion d'abaissement et de prière les uns pour les autres, en unité d'amour réciproque.

    Une parole adressée avant-hier soir à mon artisan-vendeur marocain de pommes-frites belges, une simple question, le sourire aux lèvres, sur d'où il nous vient — du centre du Maroc — un simple échange sur l'essentiel de ce qui fait notre fraternité, la cordialité, la réconciliation, au-delà des appréhensions, des préjugés présupposés chez l'autre et inhérents au silence que nous lui imposons aussi longtemps que nous ne passons pas à l'acte libre d'une prise de parole, tout cela a produit en moi, en rentrant chez moi, une explosion de joie. Il a fallu que je lui dise que les enfants attendaient les frites pour interrompre notre conversation. Oui, me dit-il en souriant, il ne faut pas qu'elles soient froides quand vous arrivez à table ! Merci à toi, l'immigré musulman, de m'ouvrir le cœur à plus de joie...

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