mercredi 27 juin 2018

Emmanuel et François

On pense ce qu'on veut du pape.
On pense aussi ce qu'on veut de l'actuel Président de la République Française.
Le fait est qu'ils se sont rencontrés hier à Rome, et que cette audience privée a été la plus longue - jusqu'à présent - du pontificat de François, et s'est conclue par une accolade peut fréquente, inédite, dans ces entretiens diplomatiques.
Certains crient au compromis : Macron donnerait des gages de gentillesse au pape, pour mieux lui faire avaler les réformes qu'il a promises en matière de bioéthique (PMA, euthanasie, etc.)
J'en doute : les régimes politiques sont indépendants du religieux, le pape actuel est le premier à le savoir, même si évidemment il rappelle les points de vue - légitimes - de l'Eglise Catholique en ces domaines, mais dans un dialogue qui ne remet jamais en cause l'indépendance susdite.
Il me semble que l'affaire a un autre intérêt.
Voyons les Chefs d'Etat contemporains, ceux des "grandes puissances"  ou de quelques Etats, de plus en plus nombreux, de l'Union Européenne : Trump, Erdogan (au pouvoir récemment renforcé), Poutine, et en Europe la Hongrie, la Pologne, l'Italie, la Belgique (hélas!) : tendance populiste et nationaliste, quelquefois à relents fascisants.
L'Espagne, la France, la Grèce, quelques autres, essaient de résister.
Evidemment, ils ne m'étonnerait pas qu'ils recherchent et qu'ils trouvent un appui auprès du pape, pour favoriser une politique d'accueil en matière de migration, d'ouverture d'esprit en matière d'environnement, de générosité en matière de solidarité chez nous ou avec les autres pays de la Planète.
Il y a peut-être des simagrées. Mais je crois que, plus profondément, ceux-là se comprennent, s'estiment, se soutiennent.
Et j'ai l'impression que, sur l'échiquier international, comme on dit, ce n'est pas plus mal…
(Euh, je sais que certains trouvent Macron trop à droite, trop pour les riches, etc., et c'est bien possible. Mais je leur rappelle gentiment que, aux dernières élections présidentielles françaises - suffrage universel -, c'était, au second tour, lui ou Madame Le Pen…)

mardi 26 juin 2018

La Procession d'Enghien, encore une fois... Et les ordinations à Tournai

Dimanche dernier, le 24 juin, coïncidait exactement avec la Grande Procession de la Saint-Jean d'Enghien - Enghien fut en effet d'abord une église décanale dédicacée au Précurseur, Jean le Baptiste, dont une légende locale prétend qu'on retrouva la petite statue de bois flottant, au Moyen Âge, sur l'un des cours d'eau de la Cité. En tous les cas, cette petite statue en bois est l'un des fleurons de la Procession, aujourd'hui encore, au milieu de beaucoup d'autres, portés par plus de six cents personnes, dont au moins la moitié de jeunes! Et la participation dans les rues n'est pas moindre que dans les groupes : beaucoup de personnes, "à leur fenêtre" ou sur le seuil de leur porte, qui ont orné pour l'occasion, surtout dans les quartiers les plus modestes, leur devanture d'un cierge, d'un crucifix ou d'une statue : émouvante, cette piété est de la vraie piété populaire.
Le Baptiste, tiens, dont on fête la naissance terrestre au solstice d'été, puisque les jours vont commencer à raccourcir - tandis que, six mois plus tard, on fêtera la naissance terrestre de son cousin Jésus, "Celui qui doit venir", "Celui dont il n'est même pas digne de défaire la courroie des sandales", "Celui qui doit grandir alors que moi, je dois diminuer", disait Jean : figure de retrait dans l'accomplissement des promesses, genre : "Moi j'ai préparé, lui il fera tout!"  Et comment qu'il a préparé : en dénonçant l'injustice, en disant aux gens qu'ils devaient se purifier, en gueulant depuis son désert - comme cette année (année électorale…), il y avait pas mal de représentants du monde politique local, je leur ai fait doucement observer que ce Baptiste donnait un bon modèle de programme pour les semaines à venir!
C'est aussi un beau modèle de prêtre : dans l'après-midi étaient ordonnés prêtres, en la Cathédrale de Tournai, trois nouveaux confrères, dont notre ami Simon Naveau, qui a accompli ici un stage pastoral remarquable et remarqué. Trois jeunes adultes, déjà hyper-diplômés, et qui renoncent à beaucoup de confort matériel pour devenir eux aussi des "Jean Baptiste", des gens qui ne tirent pas à eux la couverture, mais qui annoncent un autre qu'eux comme Sauveur : ils montrent du doigt, ils désignent l' "Agneau de Dieu", sans jamais se prendre pour lui. Belle vie et beau ministère à eux trois, que nous aimons comme des frères plus jeunes, que nous aimons donc plus encore…
Jean Baptiste et Enghien : les  Enghiennois, toujours prompts à raccourcir les noms et à en faire des surnoms, ont fait du Baptiste le "Tiste", d'abord", puis en enghiennois, le "Titje".
Et voilà pourquoi nous sommes des "Titjes", fils et filles du Baptiste, après tout la filiation est recommandable. Il me semble que, vu la ferveur populaire, permise par l'admirable et efficace "Comité de la Procession" cette année encore, beaucoup, beaucoup d'Enghiennois se sont reconnus dans cette antique filiation… Pour la joie de tous!

vendredi 22 juin 2018

Il y a un Islam magnifique...

Parmi les tâches qui clôturent l'année académique, les examens ne sont pas rien… Ils permettent de faire le point sur les études entreprises, sur les matières assimilées, sur la qualité des cours enseignés. Quelquefois, ils réservent d'agréables surprises. Faisant passer cette année les épreuves qui validaient à la Faculté de Théologie de l'UCL mon cours sur "L'Histoire de la Spiritualité Chrétienne", j'ai eu le bonheur d'entendre, entre autres, trois étudiants musulmans - une fille et deux garçons.
Ces jeunes gens veulent approfondir de la façon la plus scientifique possible leur connaissance non seulement de leur propre religion, mais aussi des autres et, en particulier, des autres monothéismes. Ils le font avec une ouverture d'esprit et de cœur qui m'a vraiment retourné. Il y a chez eux une bienveillance intellectuelle qui les rend capables de voir la richesse d'une tradition spirituelle autre que la leur propre. J'ai entendu des commentaires sur tel passage des Confessions de Saint Augustin, sur telle Homélie de Saint Bernard de Clairvaux, sur tel Sermon de Maître Eckhart, sur telle Conférence du Cardinal de Bérulle… que j'en suis resté baba! Ba-ba! Car on peut savoir des choses, intellectuellement, parce qu'on les a emmagasinées, mais on peut aussi connaître les choses, c'est-à-dire les co-naître, naître à leur contact dans une vision du monde élargie, renouvelée…
Ces trois-là, qui sont déjà inscrits à mon autre cours de l'an prochain portant, lui, sur "La Lecture de Textes Spirituels Catholiques Contemporains", veulent être chez nous les pionniers d'un dialogue bienveillant, ouvert, érudit. De tout mon cœur je les admire et je les encourage. Face au vide politique en ce qui concerne la place des religions dans la société - alors que la question est cruciale, le monde politique répond en général par de vieux réflexes de séparation laïciste -, face au besoin de plus en plus criant de voir se lever dans l'Islam de chez nous des intellectuels capables de rendre raison de leur foi en un dialogue réel avec d'autres, fondé sur une formation adéquate, ces jeunes donnent un magnifique exemple de ce que les religions peuvent produire de mieux. Ils montrent un visage trop méconnu de l'Islam, souriant et bienveillant.
Ils seront la joie de mes vacances et, j'espère, des vôtres!

mardi 5 juin 2018

La Convention Européenne des Droits de l'Homme

Votée à Rome  en 1950 avec le souci d'appliquer en Europe la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948, la Convention Européenne des Droits de l'Homme est entrée en vigueur en 1953. Elle oblige aujourd'hui  tous les pays de l'Union Européenne. Monsieur Francken, Secrétaire d'Etat du Royaume de Belgique, chargé, entre autres, de l'asile et de la migration, vient de déclarer qu'il fallait "contourner" l'article 3 de cette Convention.
Pour que les choses soient claires, ou pour information, voici donc le texte - bref - de cet article 3 :


"Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants."


Chacun jugera...

dimanche 3 juin 2018

Les plus belles conversations...

J'ai eu, durant tout ce printemps, la joie de confirmer beaucoup de jeunes dans la foi, par ce sacrement qui scelle sur eux le don de l'Esprit. Encore ce matin, une dizaine, à Bassilly. A chaque onction, j'aime par-dessus tout ce petit moment magnifique, comme volé au temps, de la conversation - une conversation brève, certes, quelques secondes, mais faut-il être long pour être intense?
Qu'est-ce qu'on se dit, dans ce face à face entre "confirmateur" et "confirmé"?
L'essentiel.
"Es-tu heureux (-se)?"
"Oui"
"De ce jour-ci ou en général"
"Les deux"
"Au plus profond de toi, maintenant, tu as la source du bonheur : l'Esprit même de l'amour. Fais-lui confiance, toujours."
"Oui, je le sais bien."
"Tu promets de ne jamais être triste au point de désespérer, même si tu dois traverser des épreuves."
"Oui, je promets. "
"Tu seras fort(e) maintenant, hein, et garde toujours ce magnifique sourire que je vois sur tes lèvres!"
"Oui"
"Alors, vas-y!"
(Et une petite tape amicale pour l'envoyer dans la vie de l'Esprit!)


Quelle joie partagée avec ces jeunes. A la sortie, avant que les photographes amateurs ne viennent flasher, je leur demande : "C'était pas trop long?"  - "Oh non, me dit un grand gamin tout joyeux, moi je trouvais que ça aurait pu durer encore." "Oui, bien sûr, lui dis-je, mais tu dois penser que moi je suis vieux, alors je ne peux pas tenir plus longtemps." - "Ah, si c'est ça, ok!" (On est potes, ou on ne l'est pas...)


Mais quel bonheur!

samedi 2 juin 2018

Traiter la religion avec les égards qui lui sont dus...

Les épouvantables tueries de Liège donnent encore et encore à penser. Evidemment, on a affaire à de la délinquance, à de petites frappes qui se récupèrent en prison autour de projets délirants, et qui n'ont plus rien à perdre.
La société occidentale a une responsabilité énorme là-dedans : elle n'est guère parvenue à faire des prisons des lieux autres que de moisissure, qu'il s'agisse du reste de l'architecture ou des détenus. Ce n'est pas normal : les prisons, dans leur fonction, doivent œuvrer à la réinsertion sociale, elles n'en ont pas les moyens, ni humains (en personnel, par exemple: que gagne par mois un gardien?), ni psychologiques, ni spirituels... Echec, prévu de longue date dans le livre indépassable du Philosophe Michel Foucault, Surveiller et punir... depuis des décennies! Il y a donc une profonde réforme à penser, à mettre en œuvre, non seulement de répression du mal, mais de son "traitement", en envisageant ses origines sociales, ses complicités, les insuffisances qu'il dénote en matière scolaire, économique, etc. Nos politiques, ceux qui vont se présenter à nos suffrages, d'abord dans quelques mois, pour les communales, puis dans un an, pour les législatives, que disent-ils là-dessus? Mais nous, les interrogeons-nous là-dessus? Que leur faisons-nous dire là-dessus? Certains pays de l'UE sont plus décidés que nous sur ces questions, en particulier les pays scandinaves - interroge-t-on leurs pratiques?
Malheureusement, outre le sort général des prisons, la religion entre pour une bonne part, semble-t-il, dans un processus en effet  pénitentiaire, qui exacerbe des rancunes et provoque des passages à l'acte pour des délinquants "en fond de peine" (et qui parient là-dessus pour n'être plus surveillés du tout, c'est-à-dire que n'ayant bénéficié d'aucune remise de peine, ils ne sont plus contrôlables, manière évidente de tourner la générosité du système en faveur d'une impunité inédite).  La religion, oui, comme prétexte, pour des gens qui trouvent dans cet horizon prétendument eschatologique ("tu iras au Paradis") une justification à leur rancœur de malades mentaux.
S'ils ont pu, s'ils peuvent, se servir de la religion (quelle qu'elle soit) comme prétexte à leurs actes terroristes, c'est bien sûr que le système pénitentiaire est mal adapté,  qu'ils sont des fous non repérés comme tels par ce même système alors que leur place devrait être en "défense sociale" psychiatrique, mais c'est aussi que la religion est mal connue et mal traitée dans nos sociétés. Sous le prétexte de la laïcité (qui est une excellente chose, cette séparation bienvenue des pouvoirs), celles-ci en effet ont tendance à se moquer du religieux, au mieux à le folkloriser, au pire à le dénigrer et à mépriser les personnes qui "croient encore à tout cela".
La réaction, attendue par ceux qui connaissent un peu l'histoire du phénomène religieux dans les sociétés humaines, est, et ne peut être, qu'un boomerang.  En prend-on la mesure?