dimanche 26 décembre 2021

Homélie de la nuit de Noël

N


     Nous venons d’entendre une fois encore le magnifique récit de la Nativité, dans l’évangile de Luc. Et une nouvelle fois, nous ne pouvons qu’être sensibles à quelques traits majeurs de ce texte.
     D’abord, la précarité de cette naissance. Il n’y a pas de place pour cette famille dont la mère va accoucher ! Combien de nos contemporains peuvent aujourd’hui se reconnaître dans ce constat : pas de place pour nous ! Pas de place pour les migrants qui s’entassent aux portes de l’Europe, croyant trouver chez nous un avenir meilleur ou tout simplement un avenir. Pas de place pour ces gens que l’on refoule quelquefois au nom de prétendues « valeurs » chrétiennes qu’il faudrait préserver, en oubliant Celui qui toute sa vie s’est assimilé aux exclus jusqu’à faire de l’accueil de ceux-ci un critère du Jugement Dernier (« J’étais un étranger et vous m’avez accueilli… ») Pas de place non plus pour les personnes qui errent, souvent en famille, et s’entassent dans les centres de nos grandes villes- elles sont de plus en plus nombreuses, ici à Bruxelles, qui dorment dans les rues. Pas de place… Oui, ce Dieu qui vient à nous, nous le reconnaissons dans tous ceux qui ne trouvent pas leur place parmi nous.
     Ensuite, combien cette naissance est un don. Oh certes, toute naissance est don. Mais la naissance de Jésus, nous y voyons avec l’évangéliste la naissance de Dieu dans l’humanité de l’homme, un Dieu bon, un Dieu qui se donne d’emblée dans une mangeoire, un Dieu qui va se laisser manger par l’humanité : déjà l’ombre de la crèche dessine une croix, déjà la crèche nous parle de l’Eucharistie. On comprend l’action de grâce des anges et que c’est à Dieu que revient la gloire de cette humble naissance : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux ! »

     Enfin, l’évangéliste insiste sur le fait que l’annonce de cette joie de Noël est confiée à des pauvres, à des exclus qui dorment dehors, les bergers qui gardent les troupeaux. Seuls les humbles peuvent découvrir Dieu dans ce tableau d’humilité. Seuls les humbles peuvent en témoigner, en répandre la nouvelle. Demandons ce soir d’être unis nous aussi à cette humilité de Dieu !



dimanche 19 décembre 2021

"Nos enfants seront-ils chrétiens?"

 Rencontré longuement, ce matin, à l'église du Finistère (rue Neuve) les parents des enfants qui sont en catéchèse. Belle et riche rencontre, où s'exprimaient beaucoup de choses.

D'abord, le désir de donner eux enfants le meilleur - et ce meilleur, pour les parents présents, c'est la foi chrétienne. 

Mais, aussi et tout de suite, la conscience des difficultés. D'abord, l'atmosphère d'indifférence religieuse dans laquelle nous baignons : les religions et, en particulier, le christianisme, sont délaissées voire méprisées. Ils rejoignaient là, sans le savoir, les propos récents de la philosophe Chantal Delsol qui parle de la "fin de la chrétienté" et d'un retour au paganisme, à des formes religieuses polythéistes - à quelque chose comme un "pré-christianisme" plus qu'un "post-christianisme".

Mais, paradoxalement, leurs enfants sont aussi confrontés à un brassage multiculturel et multicultuel : beaucoup sont en classe avec de petits musulmans qui interrogent, voire critiquent, leur jeune foi chrétienne, qui la mettent à l'épreuve. D'où la question : comment être tolérant, soucieux de dialogue, et en même temps bien enraciné dans sa foi? Voilà ce que des enfants peuvent et doivent attendre de la catéchèse...

Enfin, l'Eglise catholique n'a guère la cote, traînant avec elle une série de casseroles et perdant du crédit par certains de ses modes de gouvernance. Il appartient aux baptisés, tous ensemble, de restaurer encore et encore cette Eglise qui est la leur - propos bienvenus dans cette année synodale.


Oui, bel échange, vraiment, avec de vrais adultes dans la foi, soucieux d'une transmission respectueuse de ce qui les fait vivre!

dimanche 12 décembre 2021

Rorate caeli desuper...

 Emotion sans cesse intacte, sans cesse renouvelée, quand dans ces liturgies du temps de l'Avent, le "Rorate Caeli" s'élève, majestueux et suppliant tout ensemble, sous les voûtes de la Cathédrale. Oui, "que les cieux distillent leur rosée, que les nuées fassent pleuvoir le Juste..." 



dimanche 5 décembre 2021

Le pape à Lesbos

 J'ai pu regarder, en différé, sur Kto, les images de la rencontre du pape avec les migrants entassés dans l'île de Lesbos. Quelle émotion : le long parcours du Saint Père vers le podium, un parcours de mains serrées et d'appels à l'aide entendus, de longues embrassades aussi. Enfin quelqu'un qui s'arrête devant ces personnes et ne les considère pas d'abord comme un problème, mais comme des êtres humains. 

 Evidemment, le pape ne va pas résoudre les situations de ces milliers de demandeurs, sauf pour quelques-uns qu'il va ramener avec lui, semble-t-il. Mais il leur offre une présence, une attention, et cela change tout.

Du reste, tout ce voyage en Grèce est important : non seulement pour les migrants, mais aussi pour les relations avec l'orthodoxie qui, en particulier dans ce pays, ont été trop souvent tendues et difficiles.

Avec François, il y a vraiment du changement...


lundi 29 novembre 2021

Crèches à la Cathédrale de Bruxelles

 La Chorale "Tutti Canti" d'Enghien-Silly avait rejoint, hier après-midi, la Cathédrale de Bruxelles pour accompagner l'inauguration de l'exposition des crèches du monde entier, qui se tiendra jusqu'au 6 janvier prochain.

Un beau moment, de chants partagés, d'enthousiasme et de rencontres, de retrouvailles, aussi. Et la joie toujours recommencée de voir des visiteurs, déjà nombreux, venir admirer les crèches exposées et, à travers elles, appréhender  les problèmes, les joies, les ambiances surtout, de tel et tel pays. C'est vraiment un "espace d'émerveillement".

Belle manière d'entrer en Avent, dans l'attente et l'espérance...

samedi 20 novembre 2021

Etre Roi

 Ici en Belgique, nous savons ce que c'est qu'être Roi - nous en avons un, comme dans beaucoup d'autres démocraties européennes, et en premier la plus ancienne des démocraties du monde, la Grande Bretagne (en quoi du reste me semblent injustes, mais je peux me tromper, ceux qui prétendent que la monarchie constitutionnelle est contraire à démocratie : regardez le Royaume Uni, qui fut l'un des berceaux modernes de la démocratie, et qui est, oh combien, une monarchie. Bon, soit.)

Mais quand nous célébrons le Christ-Roi, nous célébrons une autre monarchie, une autre royauté. "Ma Royauté n'est pas d'ici", dit du reste Jésus dans le passage évangélique entendu aujourd'hui, et qui relate l'entrevue surréaliste entre Jésus prisonnier et Pilate, procurateur romain, représentant, donc, de l'Empereur, et qui a toutes les raisons de se méfier de celui dont on dit qu'il est Roi. Jésus essaie de lui faire entendre que, oui, il est Roi, mais pas comme il comprend les Rois - du reste, Pilate finira par en rester à cette titulature, qu'il fera écrire sur le panonceau fixé sur la Croix et qui dit le motif de la condamnation à mort : "Jésus de Nazareth, le Roi des Juifs." C'est donc un païen qui dira la juste titulature de Jésus - à méditer, cela.

Mais de quel Royaume, de quelle royauté, s'agit-il? Pas quelque chose qui se surajoute aux royaumes ou aux pouvoirs de la terre, ou, pire, qui les surplombe,  non - pourtant, c'était bien quelque chose comme cela que visait l'instauration de la fête du Christ-Roi par le pape Pie XI, en 1925. Non, décidément, autre chose. Un Royaume déjà présent dans les coeurs, mais encore à venir. Jésus le lie, toujours dans le passage proclamé aujourd'hui, à "la vérité". Non pas une vérité que l'on possède, mais une vérité qui nous possède, dont on serait les témoins : "Tous ceux qui appartiennent à la vérité entendent ma voix", dit-il à Pilate. Un Royaume dont les sujets sont possédés, disons-le ainsi, par la vérité.

Quel programme!  Et s'il se réalise dans les coeurs, quel changement pour les royaumes de la terre!

dimanche 14 novembre 2021

Elle passe, la figure de ce monde...

 L'univers passera, un jour, tout finira. Voilà ce que dit Jésus dans la page d'évangile lue aujourd'hui. A mesure en effet que nous approchons de la fin de l'année liturgique, nous lisons des textes qui parlent de la fin... des temps.

Il y aura donc une fin, et ce n'est pas dramatique : nous voyons bien que, pour ce que nous en connaissons, notre Univers n'est pas parfait, que des catastrophes s'y produisent - même quand l'être humain n'en est pas responsable! Non, envisager la fin, ce n'est pas envisager un drame, mais espérer que le temps et l'espace présents soient temps et espace de gestation - à travers beaucoup de difficultés, de tourments, de malheurs même, quelque chose d'autre est en train de naître, que Jésus appelait "le Royaume". 

Nous en voyons déjà les germes - comme ceux qui, ainsi en parlait l'évangile, voyant bourgeonner les branches du figuier, savent que l'été approche! Nous voyons en nous et autour de nous des semences de bonté, de justice, de réconciliation, de miséricorde, de paix - oh, il faut quelquefois aller les dénicher dans des monceaux de boue, c'est entendu, mais enfin, avec de bons yeux, avec les yeux du coeur, on peut les voir!

Et du reste, telle est la tâche des chrétiens : repérer partout ces semences, ces germes, les recueillir et les protéger, les faire pousser et grandir et ainsi hâter la survenue du Royaume. Car oui, "elle passe, la figure de ce monde!"

jeudi 4 novembre 2021

Eloge de la précarité

 En préparant l'homélie de ce dimanche, durant lequel nous lirons ensemble un passage de l'évangile de Marc (Mc 12, 41-44) dans lequel Jésus fait l'éloge d'une "pauvre veuve" qui, mettant seulement deux piécettes dans le trésor du Temple, "a pris de son  nécessaire, et non de son superflu" et "a donné tout ce qu'elle avait pour vivre." 

Refaisons encore l'éloge de la précarité. Jésus ne supporte décidément pas les suffisants, ceux qui, ostensiblement, font des largesses qui ne leur coûtent rien. Il aime la précarité de la veuve - rappelons qu'une veuve, à son époque, n'avait pas de pension de survie, ne disposait pas d'accès à la sécurité sociale, était nécessairement, dans la plupart des cas, démunie et dépendante. 

Elle donne peu - deux piécettes, par rapport au don des satisfaits, c'est dérisoire. Mais elle donne tout ou, pour le dire comme le texte le dit, "elle donne de son indigence." On a l'impression que, pour Jésus, c'est le seul don qui vaille, le don qui puise dans le manque et non dans le trop-plein. Faut-il ici rappeler que, dans l'étymologie latine, "précarité" a la même source que "prière"? Si ce don fait de la précarité est le seul qui vaille, c'est aussi, sans aucun doute, parce qu'il est une prière, la seule prière.

La seule prière vient du précaire en nous. Pas seulement - mais aussi, ne l'oublions jamais! - du précaire économique. Mais du précaire psychologique, du précaire spirituel, du manque, de ce manque foncier qui nous constitue tellement et que nous voudrions pourtant si vite combler - avec quoi? Avec de dérisoires remplissages!

Vénérer la précarité, c'est vénérer le Christ, qui nous montra cette économie du vagabondage et de l'éphémère pour nous raconter que, ce qui plaît à Dieu dans l'être humain, ce n'est pas son établissement, mais son aventure.

dimanche 31 octobre 2021

Deux commandements, trois amours

 Dans la réponse que, d'après l'évangile de Marc proclamé ce dimanche, Jésus fait au scribe qui lui demande quel est dans la Torah "le plus grand commandement", Jésus conjoint deux préceptes : "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ta force, de tout ton esprit" et "Tu aimeras ton prochain comme toi-même." 

Il y a donc deux commandements qui surplombent toute la Torah - et, notons-le, ce sont des commandements qui ne nous demandent pas de croire, mais "d'aimer". Et il y a trois amours : il faut aimer Dieu, il faut aimer son prochain, et... il faut s'aimer soi-même! Ces trois amours, en quelque sorte, font système. Ils s'équilibrent l'un l'autre : impossible d'aimer Dieu sans aimer son prochain - on serait menteur. Mais impossible aussi d'aimer Dieu sans s'aimer soi-même : car Dieu nous aime, chacune et chacun de nous, d'une façon particulière, personnelle et définitive, et comment aurions-nous du mépris pour ce que Dieu aime? Mais retournons encore les trois amours : impossible d'aimer le prochain sans aimer Dieu, au moins dans une perspective spirituelle, et sans s'aimer soi-même (les personnes qui prétendent "s'oublier" pour se mettre au service de leurs frères et soeurs... la bonne vieille nature humaine se rappelle vite à elles, par exemple en fabriquant une petite et sournoise maladie qui les oblige à prendre soin d'elles-mêmes!) Impossible, évidemment aussi, de s'aimer soi-même sans aimer les autres et sans aimer Dieu - on serait alors dans du narcissisme primaire, ou dans du pur et simple égoïsme.

Bref, il y a deux commandements et il y a trois amours. Et de l'équilibre de ces trois amours dépend l'équilibre de notre vie spirituelle!

jeudi 28 octobre 2021

Visite allemande à la Cathédrale

 Ce matin du 28 octobre, j'ai reçu, à sa demande, le Président du Bundesrat de la République allemande, le Docteur Reiner Haseloff - en visite officielle en Belgique. Il voulait commencer sa journée par les grands lieux de culte de la Ville, et, après la Synagogue, c'est à la Cathédrale qu'il a fait l'honneur de sa présence. Je l'ai accueilli au pied de la statue du Cardinal Mercier, obligé de lui dire, à sa descente de voiture, que cet archevêque avait été pendant la Première Guerre mondiale... un redoutable opposant au Reich de l'époque et à la guerre. Ce qui me valut la réponse "Es war richtig!" ("C'était juste!")

Pendant près d'une heure, nous avons ensemble, avec le très charmant Ambassadeur d'Allemagne près le Royaume de Belgique, visité cette église dont j'ai maintenant la charge - "Vraiment, l'une des plus belles d'Europe", m'a dit et je crois sans mentir Mr Haseloff. Il a été très heureux de voir, sur la Chaire de Vérité, la statue en bois de la "Femme de l'Apocalypse" couronnée d'étoiles - les douze étoiles du Drapeau européen, a-t-il insisté, avant d'ajouter : "Il faut faire voir cette Chaire à tous les dirigeants européens qui passent par Bruxelles, pour qu'ils n'oublient pas d'où vient l'idée même d'Union Européenne!"

Bref un beau moment, avec un échange de cadeaux : le superbe album édité par "Racines" sur la Cathédrale, pour lui et, pour moi, un stylo aux armes du Bundesrat. 

C'est qu'il y en a encore, des choses à écrire...

dimanche 17 octobre 2021

Mont-des-Cats et Chemin synodal... Heureux week-end

 Week-end chargé!

D'abord, de vendredi soir à dimanche midi, récollection à l'Abbaye du Mont-des-Cats, dans le Nord de la France, avec un groupe de paroissiens d'Enghien et Silly - récollection promise depuis longtemps, et sans cesse reportée pour cause de Covid, enfin honorée. Le thème : "L'itinéraire spirituel de Marie Noël", ce qui m'a permis, à moi aussi, de me replonger dans les textes de cette grande Dame qui compte tant pour moi. Au fond, on ne peut transmettre que ses propres enthousiasmes!

Dès dimanche midi, retour ici au Doyenné pour accueillir notre Cardinal De Kesel, qui après un an et demi revenait dans "sa " Cathédrale présider les Vêpres inaugurant dans le diocèse le Chemin Synodal souhaité par le pape pour l'Eglise universelle. Belle célébration, grande et juste homélie de notre archevêque, simplicité et fraternité : heureux moments, ponctués dans mon bureau par une entrevue amicale avec le Cardinal. Quel homme, quelle générosité, quelle lucidité! Quelle chance nous avons de l'avoir comme archevêque, ici, à Bruxelles!


Bref, fatigue sans doute, mais heureux de ces heures de rencontre!

dimanche 10 octobre 2021

L'homme riche qui s'en va tout triste...

 De quoi est-il riche, cet homme qui aimerait entrer dans le Royaume de Dieu? Le texte nous l'indique d'emblée : il est riche de ses observances, "tout cela, dit-il, en répondant à Jésus qui lui énumérait les grands commandements de la Torah, tout cela, je l'ai observé depuis ma jeunesse!" Et il demande une espèce d'assurance-vie éternelle : quelle pratique peut-il ajouter encore pour être sûr d'entrer dans le Royaume?

C'est la question d'un propriétaire, ou du moins de quelqu'un qui voudrait devenir propriétaire du Royaume, qui voudrait l'acheter à coup de mérites accumulés. Jésus lui répond de deux manières : d'abord, en le regardant (Marc est le seul des deux évangélistes qui rapportent l'épisode à noter ce fait) d'un regard d'amour, d'infinie bienveillance - un regard qui, si l'homme l'avait capté, eût suffi à le désentraver, à l'ouvrir au Règne que Jésus apporte et incarne. Mais ce regard, il semble bien qu'il ne l'ait pas perçu... L'autre réponse, verbale celle-là, est claire : "Arrête, semble lui dire Jésus, arrête d'accumuler des observances comme autant de richesses ou de titres de propriété, ce n'est pas ainsi qu'on entre dans un Royaume qu'on ne mérite jamais, qui est pur don, pure grâce, pure gratuité..."

Impossible conversion pour cet homme, qui ne peut que retourner à sa tristesse... Tous ses efforts n'auront servi à rien, et pourtant il s'arc-boute encore sur eux.

"Qui peut être sauvé?" Légitime question des Apôtres : si un pareil observant de la Torah n'entre pas dans le Salut, alors qui? L'épisode qui précède immédiatement - l'accueil par Jésus des enfants - est une première réponse : les enfants seuls seront sauvés, et ceux qui leur redeviennent semblables, qui ne s'étonnent pas de tout recevoir. Car pour les hommes - autre réponse - la conquête du salut est rigoureusement impossible. Le Royaume est un don de Dieu - à Dieu, à lui seul, tout est possible, car "lui seul est bon."

Laissons tomber nos rêves de conquêtes. On ne paie pas l'amour offert, on ne le mérite jamais!


(Méditation sur Mc 10, 19-31, évangile proclamé dans l'Eglise Catholique en ce 28ème dimanche du temps ordinaire.)

dimanche 3 octobre 2021

Bernanos, "la colère et la grâce"

 Retour de l'hôpital où j'ai subi une petite intervention chirurgicale, je prends ici au Doyenné quelques jours de convalescence et de repos, ce qui me donne de dévorer la biographie que l'excellent François Angelier vient de consacrer à Georges Bernanos (Georges Bernanos : La colère et la grâce, Paris, Seuil). Un texte remarquable, et remarquablement écrit, reprenant les grandes étapes de la vie et de l'oeuvre de Bernanos, avec une grande documentation et le souci du contexte.

Bernanos! Quel exemple! Si je cherche un homme libre au XXème siècle, c'est à lui que je pense, inévitablement. Catholique jusqu'au tréfonds de son coeur, il ne fut jamais un homme partisan ou d'institution, n'hésitant pas à critiquer, par exemple, les évêques espagnols qui en 1936 avaient un peu vite béni les massacres franquistes - c'est le départ de l'un de ses plus formidables essais, Les Grands Cimetières sous la Lune, paru en 1938. Mais il est aussi l'auteur du Journal d'un Curé de Campagne, le chef-d'oeuvre absolu de 1936, où il manifeste qu'il a vu, de l'intérieur, ce qu'est la foi chrétienne : une histoire de pauvreté et de grâce.

Bernanos est mort jeune, à soixante ans - mais laissant  derrière lui une Oeuvre qui comptera longtemps, et dont Angelier dit l'actualité,  sinon l'urgence.

dimanche 26 septembre 2021

Le Père Oscar, curé des "Riches Claires"

 Ce dimanche en fin de matinée, j'ai eu la joie d'installer canoniquement le Père Oscar Escobar dans ses fonctions de curé de Notre-Dame des Riches Claires, en plein centre historique de Bruxelles - sans doute dans le quartier le plus ancien, comme l'a rappelé dans son allocution le Président de la Fabrique d'église. Magnifique moment : la communauté des Riches Claires est essentiellement composée de "latinos", de sud-américains issus de divers pays de ce Continent mais qui ont en commun la langue espagnole. La magnifique église des Riches Claires était comble et résonnait des chants enthousiastes entonnés par la Chorale. On avait presqu'envie de danser! Beaucoup de jeunes dans l'assemblée, de jeunes familles, de jeunes couples. Quelle ambiance!

Le P. Oscar est un prêtre attentif à accueillir dans cette communauté les personnes migrantes ou réfugiées (c'est aujourd'hui la journée du migrant et du réfugié, ce pourquoi nous avions choisi cette date pour l'installation). Il déploie dans les bâtiments des Riches Claires une activité multiforme de catéchèse, certes, mais aussi d'alphabétisation et d'apprentissage des langues de chez nous, d'aide aussi financière et matérielle pour tant et tant de personnes qui manquent de tout en arrivant en Belgique. Une belle solidarité se déploie là, et se noue chaque dimanche autour de l'autel.

Merci Oscar pour ce témoignage. Et tous nos voeux dans cette mission que le Cardinal te confie aujourd'hui officiellement.

jeudi 23 septembre 2021

"Comment va ton âme?" Un mot du Roi Baudouin

 Hier j'ai eu la joie de déjeuner avec un petit-fils du dernier empereur d'Autriche, l'archiduc Christian de Habsbourg qui, par son mariage avec la grande-duchesse Marie-Astrid de Luxembourg, est aussi le neveu par alliance de nos Rois Baudouin et Albert. Belle figure, beau sourire, de paix pacifiante. Nous avons justement parlé du Roi Baudouin, et il me rapportait ce mot par lequel Baudouin engageait avec lui la conversation : "Alors, comment va ton âme?"

Cette question me trotte en tête depuis hier. Comment va "mon âme"? Je ne prends pas le Roi Baudouin pour un platonicien, j'imagine que, par cette interrogation toute simple et directe, il demandait à ses proches de lui parler de leur "intériorité", du plus profond d'eux-mêmes. Comment va mon âme? Ces tréfonds, que disent-ils au vieux corps que je deviens (que je suis déjà), qui va être opéré la semaine prochaine, qui s'use, s'use, s'use... 

Mais qu'importe! L'important, c'est "Comment va mon âme?"

mardi 21 septembre 2021

L'oeuvre de Geneviève Asse exposée à Bruxelles

 Samedi dernier, j'ai eu la chance et la joie d'assister au vernissage de l'exposition de l'Oeuvre de l'artiste peintre Geneviève Asse (1923-2021), récemment décédée. Une Oeuvre exemplaire, d'abstraction et de couleur (ah! le "bleu" Asse, entre ciel et mer!), une femme à la destinée remarquable (grande résistante, déportée, libre comme on ose à peine rêver la liberté!) C'est la Galerie Wittockiana, à Woluwe, qui accueille donc une présentation de son travail, en particulier du travail qu'elle a réalisé pour des auteurs en illustrant leurs livres, qu'il s'agisse de Silvia Baron Supervielle, Samuel Beckett, André du Bouchet, Pierre Lecuire ou Francis Ponge.

 Mes vieux amis  René de Ceccatty, écrivain, éditeur, traducteur, et Silvia Baron Supervielle avaient fait le déplacement de Paris, et nous avons pu dîner ensemble après le vernissage - qui fut rehaussé, le mot n'est pas trop fort, par la présentation du Professeur Francis Delpérée. Et le lendemain dimanche, j'eus la chance d'accueillir tout ce petit monde à la messe du Sablon, à 12h00, et d'y savourer avec eux la qualité incroyable des parties musicales (merci, Benoît Mernier...) Un déjeuner encore, pris "sur le pouce", et ils repartaient vers la Capitale française.

Allez voir l'expo consacrée à Geneviève Asse. Je vous en redonne les coordonnées : Musée des Arts du Livre et de la Reliure, Rue du Bermel 23 à 1150 Woluwe-saint-Pierre. Tél. : 02 770 53 33. 

Mail : info@wittochiana.org et site : http : // wittochiana.org


Et régalez-vous!

samedi 11 septembre 2021

Homélie de Mgr Marsset aux funérailles de Jean-Paul Belmondo

 Voici le texte de la très belle homélie prononcée hier par Mgr Philippe Marsset, évêque auxiliaire de Paris, pour les funérailles de Jean-Paul Belmondo en l'église parisienne de Saint-Germain-des-Prés

« Si le grain de blé meurt, il porte beaucoup de fruits… » Avec Paul son fils, nous avons choisi cette page d’Évangile pour vivre avec vous son enterrement, son enciellement, le vivre sous le regard de la Parole de Dieu. Nous avons d’abord pensé évidemment à tous ces fruits que vos témoignages disent, et ceux des Français, ces fruits que révèlent tous ces hommages des artistes et des anonymes. Lui, l’homme à la gaîté communicative, à la joie généreuse, à l’empathie ruisselante… Le comédien qu’il était, vivait dans sa vie ordinaire ce qu’il savait donner aux autres : la joie, la générosité, l’humour. Dans Itinéraire d’un enfant gâté, il nous dévoilait peut-être quelque chose de lui, quand il disait à Richard Anconina : « Ce qui intéresse les personnes, c’est que tu leur parles d’eux, pas de toi ». Et nous savons tous comment il a su insuffler à ses personnages sa sympathie, sa bonne humeur, son charme d’homme heureux.

Ainsi quand il a tourné Léon Morin, prêtre, François Mauriac avait écrit dans le Figaro littéraire : « La grâce s’imite donc, me disais-je. Qu’un bon acteur comme Belmondo puisse devenir n’importe quelle créature, entrer dans toutes les peaux, je le savais. Mais ici, dans ce rôle-là, il fallait devenir ce saint qui ne sait pas qu’il est saint et qu’il fût en même temps ce garçon aimé d’une jeune femme et qui sait qu’il est aimé ».

Il y avait en lui une vraie unité de vie qui a contribué à le faire aimer. Il était aimé des gens parce qu’il aimait les gens, on l’a souvent dit et redit !

Mais cette page d’Évangile nous parle d’abord d’une autre mort symbolisée par ce grain de blé tombé en terre. C’est la manière pour Jésus-Christ de parler de sa mort et de notre mort, de sa vie et de notre vie. Oui, on ne meurt pas pour rien. La mort fait partie de la vie. Elle n’en est pas le terme, elle est notre naissance dans le mystère de Dieu. C’est le sens de ce geste d’eau bénite que je ferai tout à l’heure à la sortie de la célébration sur son corps, comme un autre prêtre l’a fait, il y a 88 ans, le jour de son baptême. Nous sommes tous sortis, un jour, du ventre de notre maman. Et ce jour-là, on a découvert ce qu’était une maison, un arbre, un frère, un chien… tout ce qu’on ne peut pas imaginer dans le sein de sa mère. On a aussi découvert notre père, notre mère, nos amis.

De la même manière, au jour de notre mort, nous sortons du ventre de notre terre et nous naissons à une réalité inimaginable. Dans cette réalité, au centre de tout, il y a notre Père qui est aux Cieux. Et son Fils, grain de blé semé pour poser en nous la vie divine. Et nous découvrons notre famille humaine dans son intégralité. Jean-Paul Belmondo était baptisé, pas franchement pratiquant dans le domaine liturgique, mais il a gardé dans sa belle humanité des traces indélébiles de sa ressemblance filiale avec Dieu.

Dans une interview, il disait qu’il ne craignait pas la mort : « Elle est inéluctable, disait-il, et il y a longtemps que je me suis fait une raison ». Aujourd’hui, l’homme de brio rencontre le Fils du Très Haut. Le « bien-aimé des hommes » Jean-Paul Belmondo, découvre le Bien-Aimé du Père, celui que le Père des Cieux appelle son « Fils bien-aimé : Jésus ». Le grain de blé était volontairement tombé en terre, il y a deux mille ans, pour que nos propres vies humaines ne se terminent pas par un saut dans le vide, mais soient absorbées dans sa vie divine. Et ce sera pour Jean-Paul, comme pour nous, chacun à notre heure, une divine surprise.

Dans les rares paroles qu’il a laissées sur sa vie de baptisé, Jean-Paul Belmondo parlait plus d’une deuxième vie qui prolongerait, mais en mieux, les amours et les amitiés de la terre. Il avait dit qu’il retrouverait autour d’une bonne table Lino, Gabin, Audiard et tous ces autres compères. Ses parents aussi, sa fille Patricia… Sa surprise aujourd’hui, c’est de découvrir que la mort n’est pas une heureuse (ou douloureuse) prolongation de la vie terrestre, c’est une totale transformation. Quand on est mort, on est mort. Et c’est pour la vie ! On ne se survit pas à soi-même ! S’il y a une autre vie, elle ne peut pas venir de nous. Elle vient forcément de Dieu. Et ni Dieu, ni l’éternité ne sont comme nous l’imaginons. Bien heureusement !

Du coup, la mort a bien deux visages. Celui d’une souffrance, pour nous qui restons sur la terre. Et cette souffrance est proportionnée au bien qu’a fait cet homme, si peu ordinaire et pourtant si ordinaire, une souffrance qui est proportionnée à l’amour que chacun avait pour lui. Ce visage de la mort est peiné, même s’il est admiratif et louangeur parce qu’il est une séparation : oui, Jean-Paul Belmondo est mort.

Mais l’autre visage de la mort, c’est celui du mort qui découvre cet instant « D », l’instant DIEU non comme un flop, mais comme une rencontre. La mort, c’est être libéré du temps « chronos », du temps-souffrance, du temps-vieillissement, et entrer dans le temps « kairos », le temps de Dieu, le temps de l’Amour de Dieu, le temps de l’accomplissement de notre vie devant notre Créateur et notre Sauveur.

Pour nous, pour vous, sa famille charnelle et sa famille de cœur, la mort est encore un point d’interrogation. Mais en présence de Dieu, elle est un point d’exclamation ! Qui mourra, verra. La mort est un passage de l’amour en humanité à l’Amour en éternité, ce lieu où les vraies amours trouvent toute leur place dans le cœur de Dieu.

« Seigneur, je ne te demande pas pourquoi tu nous as enlevé Jean-Paul Belmondo, je te remercie de nous l’avoir donné ».

samedi 28 août 2021

Saint Augustin

Aujourd'hui 28 août nous faisons dans l'Eglise mémoire de saint Augustin (354-430), l'un des plus grands parmi les Pères latins. Intellectuel qui avait fréquenté tous les courants de pensée de son époque et les avait approfondis (surtout le manichéisme), sa conversion au christianisme avait été préparée non seulement par les prières et supplications de sa mère Monique, mais aussi par sa culture classique - l'un de mes professeurs de littérature latine, aujourd'hui décédé, le P. Maurice Testard, avait écrit sa thèse sur l'influence de Cicéron dans la conversion chrétienne d'Augustin. Conversion néanmoins subite, racontée dans Les Confessions, lorsqu'il entend dans la rue à Milan un petit enfant qui chantonne Tolle, lege ("Prends et lis") - Augustin prend alors le livre des Ecritures qui est posé devant lui et lit au hasard un verset de saint Paul qui lui "parle" pour la première fois. Il recevra le baptême des mains de l'évêque Ambroise, en 387, en même temps que son fils Adéodat.
A propos de cet épisode, il écrira, toujours dans Les Confessions, ce raccourci magnifique : Non dubia sed certa conscientia, Domine, amo te. Percussisti cor meum Verbo tuo et amavi te ("Je ne doute pas, je suis sûr dans ma conscience, Seigneur, que je t'aime. Tu as frappé - tu as "percuté" - mon coeur de ton Verbe, et je t'ai aimé.") Pour la première fois de sa vie, un verset biblique est devenu "Parole de Dieu", "Verbe" et Augustin en a eu le coeur retourné.
Le reste est connu aussi : la mort de ses proches, son retour en Afrique du Nord, sa décision de devenir moine, décision contrariée par les besoins du service pastoral -  Augustin est ordonné prêtre puis évêque d'Hippone, où, après avoir rédigé une Oeuvre impressionnante (commentaires de l'Evangile, homélies, traités...) il meurt dans sa ville épiscopale assiégée par les Vandales.
Magnifique figure, figure majeure de la foi chrétienne en Occident, aujourd'hui encore il nous est proche et combien nécessaire...

dimanche 15 août 2021

La chaire de vérité de la Cathédrale de Bruxelles et la Femme de l'Apocalypse

 Venez voir la Cathédrale de Bruxelles. Elle est tout entière magnifique! Mais admirez, à mi-hauteur de la nef, la Chaire de Vérité, remarquable meuble de 1699 - un "emprunt" fait à une église jésuite de Louvain, qui devait fermer.

On y voit, en bas, Adam et Eve chassés du Paradis terrestre - oh, ils n'ont pas l'air heureux, ces deux-là : Eve pleure, la tête dans les mains, en cheveux, la robe déchirée, tenant encore dans sa senestre le fameux fruit qui a tout gâché. Et Adam n'a pas l'air plus glorieux - au fait, c'est... nous, ces deux-là, c'est humanité hors du Paradis, c'est bien notre destinée!

A gauche, on voit le long corps de cette saloperie de serpent qui remonte dans le Jardin luxuriant, son forfait accompli. Oh, il a bien réussi son coup, cette crapule. On cherche sa tête : il faut se reculer un peu pour admirer la statue qui recouvre l'abat-voix. C'est la Femme de l'Apocalypse, dont nous parle la Première Lecture de cette solennité de l'Assomption. Marie, oui, mais plus vraisemblablement encore l'Eglise tout entière, "la lune sous les pieds et sur la tête une couronne de douze étoiles". Elle a empoigné la Croix du Christ, et elle en transperce la tête du serpent. Le Mal est vaincu!

Dans un seul meuble, donc, le début et la fin de notre Bible, un raccourci saisissant qui nous transporte de la Genèse à l'Apocalypse, et nous dévoile déjà la fin de l'Histoire : oui,  le Mal est vaincu, en ce compris la mort qui sait si bien nous déchirer et délabrer nos affections.

L'Assomption de la Sainte Vierge, aujourd'hui célébrée dans la joie, nous dévoile aussi cette fin de l'Histoire : Marie, la première d'entre nous, vit avec son corps dans la gloire de Dieu. Elle nous y attend et un jour nous partagerons avec elle cette gloire de ressuscités.

lundi 9 août 2021

Edith Stein, sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix

 Chaque année, c'est avec une grande émotion que nous célébrons dans l'Eglise Catholique la fête de sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix, co-patronne de l'Europe. Née Edith Stein, dans une famille juive à la fin du XIXème siècle, Edith a d'abord voulu se consacrer à une carrière de philosophe. Disciple de Edmund Husserl, le père et fondateur du courant "phénoménologique" en philosophie - ce courant qui souhaite appréhender le réel en considérant les "phénomènes", les "manifestations" à travers lesquels le réel nous apparaît -, elle rédige une thèse brillante et devient enseignante dans une Ecole Normale pour jeunes filles. Assez tôt, en effet, l'enseignement universitaire lui est interdit, à cause de son judaïsme et des lois discriminantes du nazisme. Pendant cet enseignement, durant lequel elle développe des idées avant-gardistes (pour l'époque) sur les femmes, elle fréquente un couvent de Soeurs Bénédictines et, puisant dans leur bibliothèque, lit avec passion l'autobiographie de Thérèse d'Avila, une "phénoménologue" avant l'heure, qui décrit comme ils apparaissent, précisément, les mouvements de son coeur priant. Révélation décisive : Edith demande le baptême et, dans la foulée, est admise au Carmel de Cologne, où elle prend le voile sous le nom de "Soeur Thérèse-Bénédicte de la Croix". Quelques années plus tard, vu les menaces qui planent sur les religieux allemands d'origine juive, elle est accueillie dans un Carmel de Hollande. En 1942, les évêques hollandais ayant publié une lettre contre les exactions anti-juives des nazis, les religieux d'origine juive sont, en représailles, arrêtés et déportés. Le 9 août 1942, Soeur Thérèse-Bénédicte est gazée à Auschwitz, peu de temps après son arrivée dans le camp de la mort.

Elle sera béatifiée en 1987, puis canonisée en 1998 par saint Jean-Paul II et, dans la foulée, proclamée "co-patronne de l'Europe". Ce fut là une volonté du pape de voir cette femme présentée comme un modèle, martyre à la fois pour son judaïsme (qu'elle n'a jamais renié) et son christianisme, témoin douloureux de la plus grande barbarie qui a ensanglanté le XXème siècle, femme aussi d'une très grande intelligence spéculative, et que cette intelligence a contribué à faire grandir dans la foi juive et chrétienne.

Quelle figure! Quelle émotion de pouvoir la célébrer et la prier, en demandant qu'elle ne cesse pas d'intercéder pour notre temps qui ne manque pas, lui non plus, de barbaries...

samedi 24 juillet 2021

Que faut-il changer?

 Ce soir, nouvelles images terribles, déprimantes, d'inondations importantes à Dinant. On a l'impression que le cauchemar recommence...

Il va falloir changer beaucoup de choses.

Mais prenons bien conscience de ce qui ne va pas changer, parce que cela ne dépend pas de nous, ou pas uniquement de nous. Le climat change - ce sont, semble-t-il, des cycles qui se succèdent et sans aucun doute l'activité humaine y a une part, comme nous le répètent scientifiques et climatologues versés dans la question. Nous pouvons donc changer quelque chose - éviter de bâtir dans des zones inondables, par exemple, chez nous et surtout dans d'autres continents, comme l'Asie du Sud-Est ou la Floride. Réduire drastiquement nos émissions polluantes dont on sait qu'elles contribuent au dérèglement climatique. Cela, on peut et on doit le faire, mais on doit aussi savoir et dire que cela ne résoudra pas tout, car tout n'est pas au pouvoir de l'être humain - des catastrophes continueront, comme celle qu'on vient de connaître chez nous où nous pensions de façon un peu béate qu'elles étaient réservées aux "autres" (ailleurs, bien loin... eh bien, non.) La question devient donc : comment, au milieu de ce qu'on ne peut changer, ou du moins, pas totalement changer, se comporter comme des êtres humains raisonnables, respectueux les uns des autres et soucieux , non de sauver la peau des plus aisés, mais de secourir les plus faibles? 

Même question pour la pandémie virale dont nous ne sommes pas quittes. Certes, nos ripostes sont  pour une part efficaces (en particulier, les vaccins), mais le virus - celui-là et d'autres, à sa suite, dont pas mal de virus émergents liés précisément aux changements climatiques), le virus, oui, va continuer à se répliquer - c'est son devoir, en quelque sorte, il veut vivre et trouver pour cela des réceptacles susceptibles de le faire proliférer - le corps humain étant l'un de ces réceptacles. La question est la même que précédemment : comment allons nous vivre avec cette pandémie et d'autres qui vont nécessairement suivre, vivre donc en hommes raisonnables, respectueux les uns des autres et soucieux, non de sauver sa peau, non de sauver la peau des plus aisés, mais de secourir les plus faibles?

Même question pour les migrations, les clandestins, les sans -papiers qui déferlent dans les centres de nos villes européennes supposées être des eldorados - et qui sont des miroirs aux alouettes, des eldorados trompeurs. On n'empêchera pas ces migrations, on ne renverra pas ces gens chez eux (et d'ailleurs, c'est où, chez eux? La terre est à tout le monde...) Regardons ce qui les fait fuir : la misère, l'impossibilité même de vivre, les guerres, les famines et tout le reste de la détresse du monde. Non, ici encore, la question n'est pas de changer ce qui ne peut l'être, mais elle devient : comment, au milieu de ce qu'on ne peut changer, ou du moins, pas totalement changer, se comporter comme des êtres humains raisonnables, respectueux les uns des autres et soucieux, non de sauver la peau des plus aisés, mais de secourir les plus faibles?


A chacun, au seuil de ce dimanche, de méditer là-dessus...

mardi 20 juillet 2021

Deuil et Fête Nationale

 Ce midi, à la Cathédrale de Bruxelles, silence  - la minute d'hommage aux victimes des inondations, demandée par le Gouvernement Fédéral. Puis, pendant un quart d'heure, le glas qui disait à tous la peine des Belges. Et, à midi trente, la messe "pro defunctis" célébrée pour les morts de cette catastrophe nationale, pour leurs proches, pour toutes les victimes. A treize heures, le Discours remarquable du Roi, un discours à la fois d'empathie et d'espoir.

Cette après-midi, grande activité toujours à la Cathédrale : les fleuristes s'activent, le Personnel du Palais, aussi, et la Sécurité : demain à 10h00, j'accueillerai le Roi et la Reine pour le Te Deum qui inaugure la Fête Nationale.

Passer du deuil à la fête, est-ce normal? Eh bien, oui, même si la fête bien sûr sera marquée par le deuil,  comme le deuil déjà ouvre un peu à la fête. Les chrétiens le savent bien : nous ne sommes jamais, nous ne restons jamais sans espérance, que celle-ci soit laïque ou religieuse.

Et cela, c'est précisément comme inscrit dans le "tempérament" belge...

jeudi 15 juillet 2021

Inondations

 Hier j'ai posté sur mon blog un avis sans doute pétri d'humour mais, au regard des événements d'aujourd'hui, un peu léger. Hier, donc, on ne prenait pas encore conscience de l'ampleur de la catastrophe qui, avec la pluie incessante, s'abat sur notre pays et, en particulier, sur la Wallonie. Je veux dire maintenant  ma compassion pour celles et ceux qui, dans ce drame, perdent tout ou beaucoup - et, comme on le sait ce soir, pour six d'entre eux au moins, pour celles et ceux qui ont là-dedans perdu la vie, et pour leurs proches.

Une catastrophe est toujours une tragédie incompréhensible et celle-ci s'ajoute, pour beaucoup, à l'autre, sanitaire celle-là, qui n'a pas encore fini de nous meurtrir. Je ne peux que joindre ma prière à celle de l'Eglise de Belgique qui, par la voix du Primat le Cardinal De Kesel, vient de faire connaître son désarroi et sa solidarité, son appui aussi à toutes les formes d'aide qui peuvent venir au secours des sinistrés.

Je n'oublie pas non plus, au milieu de cette catastrophe, l'épouvantable appel au secours des sans-papiers du Béguinage (une église de "mon" doyenné) ou de l'ULB. Comme l'a également écrit le Cardinal De Kesel, ils méritent toute notre attention et celle des Pouvoirs Publics, même si la situation est évidemment délicate. J'ai signé ce matin une pétition relayée par mon amie le Professeur Isabelle Stengers, de l'ULB, allant dans le sens d'une prise en considération maximale et urgente de cette situation dramatique.

Que de dossiers, mon Dieu, que de dossiers, que de peines, que de travail pour tous, chrétiens compris au milieu des autres, pour que soient partout assurés, dans notre Pays, la sécurité des personnes et des biens, leur dignité, leur respect.

mercredi 14 juillet 2021

Bureau des réclamations

 A voir le déluge qui se déverse sur notre pauvre pays, j'ai appelé le Bureau des Réclamations, directement au Ciel.  N'ai eu qu'un fonctionnaire - saint Michel, dont il paraît que je suis ici-bas l'un des représentants, administrateur de l'une de ses nombreuses églises. Me suis plaint, évidemment, auprès de lui et il m'a répondu par son prénom : "Mi che 'el?", "Qui est comme Dieu?" et n'oublie pas, a-t-il ajouté, que ce n'est qu'une question à laquelle la réponse est nécessairement "Personne!"

Bon, me voilà gras, avec ça. 

J'ai osé, j'ai appelé la Sainte Vierge : on dit qu'elle intercède mieux que personne, auprès de son Fils, dont elle aurait l'oreille. Réponse gentille : "Je vais voir ce que je peux faire, mais vous savez, mon Fils est débordé... " Moi, évidemment : "Y'a pas que lui qui soit débordé, les camps des jeunes patronnés, filles et garçons, des scouts et des guides et des autres jeunes remplis de belle et bonne volonté aussi, ils sont débordés! Et ça ne lui fait rien, au Fils en question?..." (Là, je confesse, je montrais un peu mon  humeur...) Réponse : "Savez-vous par quoi lui, il est débordé? Par des questions de famines et de gens qui  même chez vous, vont crever de faim si vous ne les soutenez pas. Par des questions de guerres, et même de gué-guerres, avec des pays dont les dirigeants se fichent de vos démocraties et veulent asservir tout le monde, par des questions de mépris des personnes, partout, partout, partout, il n'en finit plus de répondre - c'est-à-dire, pour lui, de mourir d'amour - pour tous. Je sais que vos jeunes gens ont du mal, et je vais introduire la demande..."

Bon, elle est brave, la Sainte Vierge. Elle m'a répondu : meilleur temps, et même soleil sur la Belgique, d'ici vendredi. On ne peut rien faire avant paraît-il.


Quand même, merci, là-haut! Les réclamations, ça peut fonctionner. J'avais appris cela en lisant le Livre de Job, tiens...

dimanche 11 juillet 2021

"Miracle de nos mains vides..."

 Lorsque Bernanos prête la plume à son imaginaire "Curé de Campagne", il lui fait écrire son "Journal", et notamment commenter le fait que, prêtre privé de ferveur, de prière et peut-être même de foi, il ait pu rendre la paix à une Comtesse depuis longtemps troublée dans son rapport à Dieu : "Merveille,  écrit-il, que l'on puisse ainsi faire présent de ce que l'on ne possède pas soi-même, ô doux miracle de nos mains vides!" 

L'Evangile de ce dimanche montre la pauvreté des moyens recommandée par Jésus aux premiers missionnaires - ses apôtres : pas d'argent dans la besace, même pas de vêtements de rechange, pas de trouble si la Parole n'est pas reçue, un dénuement autant matériel que psychologique. C'est que l'annonce du Dieu chrétien - un Dieu si étrange, si paradoxal, si plein de son vide - ne se fait pas par des performances communicationnelles. On n'a pas besoin d'ingénieurs, de savants, de chasseurs de têtes, pour annoncer l'Evangile, mais de gens fragiles conscients de leur fragilité et la sachant habitée par une autre puissance, une autre force que la leur.

Dans l'économie chrétienne du salut, en effet, on "donne ce qu'on ne possède pas soi-même" et on s'émerveille du "miracle de nos mains vides". Quand on prétend donner ce qu'on a, ce qu'on possède, sa richesse, son bien, on est toujours dans une certaine condescendance - on songe, sans oser y songer vraiment ou évidemment sans oser le formuler, que "Dieu a bien de la chance de nous avoir", pour propager sa cause. Alors, on se trompe soi-même, et bien entendu on trompe tout le monde.

A côté de la plaque : voilà ce que l'on est alors - et cela se traduit très vite dans des dysfonctionnements ecclésiaux, dans des dévouements prétendus mais dévoyés, dans des générosités suspectes parce qu'avides toujours de reconnaissance humaine et de gloriole.

Dans l'économie chrétienne du salut, on sait son manque, on connaît sa faille, et on sait que c'est par là que Dieu passe à travers nous, souvent malgré nous, quelquefois contre nous, parce que nous sommes de pauvres instruments malhabiles. Et c'est ainsi que la grâce - qui n'a pas besoin de nos mérites - fait son chemin parmi les hommes.

samedi 3 juillet 2021

"Il n'y a pas pire sourd...

 ... que celui qui ne veut pas entendre!"

     Ainsi dit le proverbe, et avec raison. Lorsque Dieu envoie en mission le prophète Ezéchiel - sans doute au début du VIème siècle et sans doute à un Peuple déjà déporté -, il le prévient : il l'envoie vers une "engeance de rebelles, des gens qui n'écoutent pas." Ezéchiel est envoyé à des sourds, sourds à la Parole de Dieu, et cette surdité vient de l'orgueil du Peuple, qui l'a fait se détourner de Dieu et se tourner vers les idoles des nations voisines. Ce pourquoi, d'ailleurs, ce Peuple vit maintenant en terre étrangère.

     Semblablement, au dire de l'Evangile de Marc, lorsque Jésus revient dans son pays, on ne veut pas croire en lui, on refuse de reconnaître en lui "le" Prophète espéré - c'est qu'on le connaît trop bien, on sait ses origines, on se dit que cet homme-là n'a rien de nouveau à enseigner.

     Nous sommes toujours sourds aux appels prophétiques. C'est qu'ils nous dérangent, évidemment, aujourd'hui comme hier. Alors, tous les prétextes sont bons pour fermer nos oreilles : "on sait déjà, on connaît la chanson, on a déjà chanté ces refrains-là, rien de neuf dans ce qu'on nous raconte, etc., etc." Fermer ainsi ses oreilles et son coeur à la nouveauté dérangeante de Dieu, c'est sans doute le premier péché - comme pour le Peuple en exil, c'est un péché d'orgueil.

samedi 26 juin 2021

"Dieu n'a pas fait la mort..."

 Les lectures bibliques de ce dimanche - treizième dans l'année - nous invitent à méditer encore une fois sur la mort. Sur notre mort.

Inévitable, d'abord et comme l'écrivait mon ami Hector Bianciotti dans le premier tome de son autobiographie, alors qu'il avait l'âge que j'ai aujourd'hui (et même moins) : "Aussi longue soit l'étendue du sursis, l'échéance est pour demain..." Nécessaire, évidemment : que ferait-on si l'on ne mourait pas? Où mettrait-on tout le monde? La mort individuelle est indispensable au renouvellement de l'espèce! Cruelle, pourtant : nos deuils sont toujours difficiles, et surtout lorsque c'est un enfant qui meurt, comme le rapporte l'épisode évangélique proclamé (Mc 5), avec l'histoire de cette petite fille que Jésus va ressusciter - je peux imaginer qu'il n'y a pas de plus grande souffrance que la perte d'un enfant.

Pourtant, comme l'indique clairement le Livre de la Sagesse (Sg 1, 13) : "Dieu n'a pas fait la mort et ne prend pas plaisir à la perte des vivants." Et Jésus ressuscite les morts - et notamment dans la page évangélique précitée et ces résurrections, qui ne sont encore que des retours provisoires à la vie terrestre, la vie d'avant, sont déjà des prémices de ce que notre foi porte en son coeur : "la" Résurrection, celle de Jésus lui-même, qui n'est pas une reprise ou un prolongement de la vie antérieure, mais l'ouverture d'une Vie inédite, nouvelle, définitive. 

Oui, nous allons vers la mort, certes. Mais les chrétiens que nous sommes le savent bien : nous allons du même pas vers la Vie.

jeudi 24 juin 2021

Trente-sept ans!


 Le 24 juin 1984, il y a donc exactement trente-sept ans aujourd'hui, j'ai été ordonné prêtre par Mgr Jean Huard, dans la Cathédrale de Tournai. Je n'ai pas le goût des nostalgies, mais ce matin je n'ai pu m'empêcher de jeter un bref regard par-dessus mon épaule. 

Les difficultés n'ont pas manqué, certes, ni les traversées douloureuses, les deuils, les maladies, les perplexités, aussi. Mais ce qui domine, c'est l'action de grâce pour tant et tant de visages croisés, d'amitiés nouées, d'accompagnements de toutes sortes.

Ce qui domine, oui,  plus que la fatigue - à certains jours présente, tout de même, hein, avec l'âge! -, ce qui domine, c'est la joie!

dimanche 6 juin 2021

Des nouvelles...

 Absent depuis plusieurs semaines, je reprends doucement contact. J'ai été par deux fois opéré d'un déchirement de la rétine à un oeil, avec des conséquences qui ne sont pas encore finies... Occasion de mieux comprendre le soulagement apporté par Jésus aux aveugles qu'il guérit dans les Evangiles! On redécouvre combien, entre tous, la vue est un sens précieux.

Cela dit, je tire aussi mon chapeau à l'équipe d'ophtalmos qui m'ont entouré et soigné (et continuent de le faire) à l'Hôpital Saint-Pierre, ici à Bruxelles : attention, réconfort et gentillesse étaient toujours au rendez-vous!

Je n'en écris donc pas plus... Il faut que je repose encore mes yeux!

dimanche 9 mai 2021

Plis de l'invisible

 A partir de ce mardi 11 mai et jusqu'au 11 juillet, la Cathédrale de Bruxelles accueille le travail de Caroline Chariot-Dayez. Des huiles présentées dans le déambulatoire, étoffes plissées dans les interstices desquelles le spectateur peut se glisser pour épouser ce qui est offert, là, à sa contemplation. Evocations de scènes bibliques à travers des drapés et des envolées : on respire en entrant par ces plis dans les Ecritures suggérées.

La Cathédrale offre un écrin somptueux à cette exposition d'une oeuvre rare. 

samedi 1 mai 2021

Vigne et sarments

 Je rêve quelquefois à un sondage "sortie des églises" (pour parodier les sondages "sortie des urnes") - mais, évidemment, vu le peu de paroissiens présents à nos messes, il n'aurait pas grande représentativité... La question en serait : "Quel est le rapport que le chrétien entretient avec le Christ?" Je gage que l'on  serait surpris des réponses.

Probablement entendrait-on des choses du genre : "Le Christ reste un grand modèle de vie et d'enseignement pour toute l'humanité". Ou : "Il a été l'un des grands personnages de l'Histoire humaine." Ou encore : "On ne peut qu'admirer encore aujourd'hui ce qu'il a dit et ce qu'il a fait..."

Propos sympathiques mais nettement insuffisants pour les chrétiens. 

Il est la vigne, nous dit-il lui-même dans l'Evangile entendu ce dimanche. Et nous, les sarments. Le rapport du chrétien au Christ est un rapport de... sève. Le chrétien reçoit du Christ sa vie présente, sa renaissance et son éternité. Sa fécondité, aussi car "en-dehors de moi, vous ne pouvez rien faire!" Depuis son baptême, le chrétien ne vit que par le Christ, grâce au Christ, dans le Christ. Sans lui, il est un sarment sec et mort, "bon à être ramassé et jeté au feu."

Revenir, encore et encore, à cette perpétuelle initiation chrétienne que nous offrent les sacrements!

samedi 24 avril 2021

Le Bon Pasteur

 Il n'y a qu'un "Bon Pasteur" : c'est le Christ. Sur lui repose désormais cette titulature que déjà le Peuple élu accordait au Dieu tout-puissant, lui, le seul et unique pasteur, le seul et unique passeur aussi. Le vrai pasteur, dit Jésus en s'attribuant ce titre, est celui qui donne sa vie pour les brebis. Le Christ le fait, non seulement l'a fait une fois dans l'Histoire des hommes, mais ne cesse de le faire. 

Son humanité, il l'offre sans cesse au Père, dans une intercession de tous les instants.

Sa divinité, il l'offre sans cesse aux hommes, dans un don de tous les instants.

Ainsi est-il, lui, l'unique Prêtre - un sacerdoce auquel sont greffés par le baptême tous les chrétiens de tous les temps, eux qui forment peu à peu un unique Peuple de "prêtres, de prophètes et de rois." Oui, le sacrement qui fait les prêtres, c'est d'abord... le baptême, on risque toujours de l'oublier!

"Mais n'y en a-t-il pas, dans votre Eglise, qui sont plus prêtres que les autres?" On entend venir l'objection... Oui, il y a dans l'Eglise des "ministres ordonnés", évêques, prêtres et diacres qui sont plus particulièrement témoins du don de Dieu en Jésus, de la prévenance de ce don. Si, en Jésus, la divinité ne se donnait pas, l'humanité ne pourrait s'offrir... Les ministres ordonnés sont nécessaires pour rappeler à tous que l'Eglise est un Peuple convoqué par ce don, qui précède tout et permet tout. En ce sens, ils sont un sacrement, un rappel constant - l'Eglise n'est pas une "asbl", une association parmi d'autres. Elle est une assemblée convoquée, qui, dans la diversité de ses provenances, de ses cultures, de ses âges, de ses charismes, répond à un appel commun.

Il faut pour cela des ministres ordonnés, choisis non d'abord pour leurs vertus particulières, mais choisis parce qu'appelés à être cela. Ils ne sont pas "plus" prêtres, ils le sont autant que les autres par leur baptême, et, par leur ordination, ils rappellent dans toutes les activités de l'Eglise cette dimension de convocation qui toujours risque d'être oubliée.


vendredi 16 avril 2021

Lire les Ecritures

 "Alors, il leur ouvrit l'intelligence pour comprendre les Ecritures..." (Lc 24, 45). Dans le récit d'apparition du Ressuscité aux Onze, lu ce dimanche en saint Luc, il y a, comme dans d'autres récits, cette relecture que Jésus propose aux siens pour qu'ils puissent reconnaître, à travers les Ecritures, sa présence de Vivant.

Les chrétiens entretiennent avec leurs saintes Ecritures un rapport particulier, que l'on peut dire "christocentré". Ils ne lisent pas la Bible pour y trouver des préceptes moraux. Ou des récits historiques. Ou des récits mythiques. Ou des poèmes et des chants. Ou de ténébreuses révélations. Pourtant, ils lisent dans la Bible tous ces genres littéraires, si divers entre eux, ils lisent le Pentateuque et les Livres des Rois, la Genèse et l'Exode, les Psaumes et le Cantique des Cantiques, les Evangiles et les Lettres de Paul, et l'Apocalypse... Mais à travers tous ces textes, ce qu'ils recherchent, c'est la rencontre avec le Seigneur Ressuscité.

Voyez le rituel de la lecture publique de l'Evangile, à la messe : lorsque l'évêque, le prêtre ou le diacre a fini sa proclamation, il présente le lectionnaire à la vénération de l'assemblée, en lançant : "Acclamons le Parole de Dieu!" Et le peuple assemblé répond  "Louange à toi, Seigneur Jésus!" Le lecteur ne demande pas d'acclamer une péricope évangélique, ni la matérialité d'un Livre, mais d'acclamer une Personne, le Christ, qui est Parole vivante de Dieu.

A travers la lecture, donc, il n'y a pas simplement la volonté de recueillir des informations, comme lorsqu'on lit un journal. Il y a une rencontre avec Quelqu'un, le Ressuscité. C'est ce que les moines, surtout dans la tradition bénédictine, nomment lectio, "lecture savoureuse", "lecture aimante". C'est une rencontre quasiment aussi forte, aussi nourrissante, que la rencontre de la communion eucharistique. Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit de se nourrir. Le texte est une table, la première dans nos célébrations.

On est loin des fondamentalismes si déplorables et pourtant si fréquents dans les religions dites "du Livre", lorsque, sans aucune considération critique, on prend les versets sacrés pour des préceptes à appliquer tels quels, de façon souvent moralisatrice. Et c'est malheureusement encore le cas chez nombre de chrétiens, et quelquefois de catholiques, qui sont pourtant prévenus contre ce genre de dérive. Nous ne sommes pas, à vrai dire, une "religion du Livre", mais bien plutôt une "religion de la Parole". C'est tout autre chose!

dimanche 11 avril 2021

La foi de Thomas

 Thomas, "dont le nom signifie jumeau"... Thomas notre double, notre jumeau, parangon de l'acte de foi. D'abord par son doute : qui d'entre nous ne voudrait, comme lui, "voir pour croire"? Du reste, la foi n'est pas la crédulité : il a raison, notre Thomas, de vouloir vérifier. La foi - on omet trop souvent de le rappeler - suppose aussi la distance critique, le recul et même la vérification scientifique. L'Eglise catholique s'est toujours méfiée, à juste titre, du "fidéisme", cette tentation récurrente qui voudrait (faire) croire sans cette distance critique, arguant quelquefois que "c'est encore plus beau de croire quand c'est absurde..." Le Concile Vatican I, par exemple, en 1870, s'est sévèrement distancié de cette malfaçon.

Mais ce que voit Thomas - du reste, les autres, une semaine avant, l'avaient également vu - n'est pas ce qu'il croit. Il voit - touche-t-il?, le texte ne le dit pas - les plaies du Crucifié, mais ce qu'il reconnaît en lui c'est "son Seigneur et son Dieu". Il y a, il y aura toujours, un "saut" dans la foi, qui confessera, à travers les signes visibles, la réalité invisible.

Thomas, notre jumeau, que ton acte de foi inspire le nôtre!

vendredi 9 avril 2021

Paganisation de la fête de Pâques?

 Cette année plus que les autres (confinements à répétition?) j'ai l'impression que même les chrétiens perdent ou ont perdu la signification bouleversante de Pâques. Oui, on veut bien du printemps qui revient, des petites fleurs qui repoussent et d'un certain renouveau saisonnier. Mais Pâques, ce n'est pas cela, pour les chrétiens!

Pâques, c'est la Vie pour toujours plus forte que la mort. Et je veux bien que le renouvellement des saisons en soit une image, mais enfin ce n'en est pas la réalité. Car après le printemps de 2021 reviendra l'hiver de 2021, et le cycle des saisons (du moins dans notre hémisphère!) recommencera.

Or, comme dit saint Paul dans la Lettre aux Romains, "ressuscité d'entre les morts, le Christ ne meurt plus. Sur lui la mort n'a plus aucun pouvoir!" Le Jour de Pâques, c'est un jour absolument neuf, et pour toujours neuf, qui ne connaîtra plus ni d'automne, ni d'hiver. La Résurrection du Christ a fait briller sur notre monde, sur nos destinées humaines, sur nos tombes, sur nos maladies et sur nos morts, une espérance inédite et que rien  n'entamera jamais. Bien sûr, nous allons mourir comme tout, et comme tout le monde - mais aussi nous allons vivre, d'une Vie promise en ce radieux petit matin d'un premier jour de la semaine, à Jérusalem, dans le nouveau Jardin où le tombeau, le tombeau neuf, "où personne encore n'avait été déposé",  était aussi un tombeau vide.

Quelle différence, avec nos petits lapins en chocolat!

Crénom, Baudelaire!

 Aujourd'hui, 9 avril 2021, nous commémorons le deux-centième anniversaire de la naissance de Baudelaire. Poète maudit et magnifique, dandy drogué mais génial, transgresseur en tout genre, sorte de Gainsbourg de son époque, il a jeté dans son siècle une centaine de poèmes - cent Fleurs du Mal vénéneuses et sublimes!

On a besoin de vous, poètes, faites bouger nos frontières, par pitié ne nous manquez jamais!


(Pour commémorer l'autre grand Charles, donc, j'ai lu le livre que lui consacre avec effronterie un dandy bien de notre époque, celui-là : Jean Teulé. Sa biographie du poète est, comme tout ce qu'il écrit, drôle, irrévérencieuse, à la hauteur du sujet. Voir : J. TEULE, Crénom, Baudelaire!, Paris, Mialet-Barrault, 2010, 432pp. Le titre fait référence à l'attaque cérébrale dont fut victime le poète, peu de temps avant sa mort, à Namur, en visitant les stalles magnifiques de l'église Saint-Loup. Tout à coup, frappé par cet AVC, Baudelaire ne parvint plus à dire que  "Crénom!" L'aphasie avait gagné...)

Rendons hommage au grand homme, prince des poètes, "semblable au prince des nuées", avec l'un de ses propres textes intitulé L'Albatros :


     Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage

     Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,

     Qui suivent, indolents compagnons de voyage,

     Le navire glissant sur les gouffres amers.


     A peine les ont-ils déposés sur les planches,

     Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,

     Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches

     Comme des avirons traîner à côté d'eux.


     Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule!

     Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid!

     L'un agace son bec avec un brûle-gueule,

     L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait!


     Le Poète est semblable au prince des nuées

     Qui hante la tempête et se rit de l'archer;

     Exilé sur le sol au milieu des huées,

     Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.

samedi 3 avril 2021

Pâques, le jeune homme retrouvé

 L'avez-vous retrouvé, ce jeune homme, dans le récit du "tombeau vide" d'après l'évangile de Marc? Pas si vide que ça, d'ailleurs, ce tombeau. Il est habité par... notre jeune homme, non plus nu mais revêtu d'une robe blanche. Et c'est lui qui accueille les femmes au radieux petit matin du premier jour de la semaine! Et qui leur donne mission d'aller proclamer aux apôtres et à Pierre la nouvelle de la résurrection, la Bonne Nouvelle!

Ce jeune homme, dans la Passion du Christ, a été dépouillé de tout - et même du drap qui le couvrait. Quand on sait que le mot grec traduit par "drap" signifie plus exactement "linceul", on comprend mieux: toutes les protections dérisoires dont nous nous revêtons pour masquer, durant notre vie, notre fragilité, notre finitude, toutes, et même ce dernier drap, nous devrons les lâcher. Inévitablement, la Passion nous confronte à notre nudité. Nous devrons un jour nous enfuir, nous aussi, de ce monde d'en bas, et nous nous enfuirons tout nus!

Mais le Christ nous offre de partager sa victoire sur la mort. Il nous assied, triomphants, dans nos tombeaux. Avec lui nous sommes "renés" à une vie nouvelle, désormais éternelle et qu'aucune forme de mort ou de péché ne détruira plus. Déjà, en lui, nous sommes ressuscités! Le vêtement blanc que nous portons en est le signe : c'est le vêtement de notre renaissance, le vêtement baptismal. Car le baptême nous a pour toujours unis au Christ en sa Passion et en sa victoire!

Et ce baptême aussi nous fait prédicateurs de la Bonne Nouvelle, chargés de la dire et de la faire dire à tous : "Allez proclamer!" Oui, allons chercher le Vivant qui nous précède en Galilée, dans ce "carrefour des nations", c'est-à-dire partout dans le monde, et par exemple ici dans la Grande Ville de Bruxelles, autre et nouveau carrefour de nations et de cultures. 

Allons proclamer la victoire de la Vie : Christ est ressuscité, et nous aussi, déjà, en lui!

vendredi 26 mars 2021

Où est-il donc passé, le jeune homme tout nu?

 Dans le récit de la Passion d'après l'évangile de Marc, que nous lisons cette année au Dimanche des Rameaux, un détail frappe par son originalité - il n'est du reste présent que chez Marc (Mc 14, 51-52). Un jeune homme, nous dit-on (en grec, et cela a son importance, neaniscos) est présent au moment de l'arrestation  de Jésus, au Jardin des Oliviers. Il est vêtu seulement d'un drap...  Tandis qu'on tente de l'arrêter, il parvient à s'enfuir en lâchant le drap, et s'encourt tout nu!

Mais où est-il donc passé?

Si nous sommes attentifs le jour de Pâques, lorsque nous proclamerons le récit de la Résurrection d'après le même évangile de Marc, nous le retrouverons... 

Lecteur fidèle, sois attentif!

vendredi 19 mars 2021

"Rends-moi la joie d'être sauvé!"

 La clé d'entrée dans les lectures de ce cinquième dimanche de Carême (année B) pourrait bien être ce verset magnifique du Psaume 50 : "Rends-moi la joie d'être sauvé. Que l'esprit généreux me soutienne!" (Ps 50, 14)

"Rends-moi"... comme si la joie de l'Evangile, nous l'avions perdue, comme si elle nous faisait défaut. Elle nous manque en effet, à cause des circonstances sanitaires présentes, à cause de nos tristesses accumulées et en particulier de la tristesse du Mal qui rôde et du péché qui blesse! Elle est un don de Dieu, c'est pourquoi notre prière doit sans cesse la demander et la redemander.

Ce n'est pas, cette joie, la rigolade qui s'esclaffe, on n'y rit pas à gorge déployée. C'est la paix intérieure et la jubilation intense de qui se sait appelé à vivre dans "l'Alliance nouvelle" promise par le prophète Jérémie - première lecture de ce dimanche. Une Alliance qui transforme les coeurs, qui chamboule l'intériorité, une Alliance stable et stabilisante au milieu de tout ce qui remue en nous.

Cette joie est la joie du salut, plus précisément, "la joie d'être sauvé", avec la remarquable tournure passive du verbe. Ce n'est pas nous qui nous sauvons nous-mêmes, le salut se reçoit. C'est le Christ qui nous l'obtient et le don de sa vie à la Croix. Car il est ce "grain de blé tombé en terre" et qui "porte beaucoup de fruit". Il est ce Fils de l'Homme élevé qui attire nos regards. Celui qui, par les blessures de sa Passion, a appris l'obéissance, disait encore la Lettre aux Hébreux et est "ainsi devenu cause du salut éternel!" Invitation encore et encore à nous tourner vers Lui, la cause de notre salut - le Carême nous invite à ce mouvement du coeur, des yeux du coeur, vers la Croix du Grand Vendredi.

"Rends-moi la joie d'être sauvé. Que l'esprit généreux me soutienne!"

L'homosexualité, une abomination? Un péché?

 "Tu ne coucheras pas avec un homme comme on couche avec une femme : ce serait une abomination". Les contempteurs de l'homosexualité citent souvent ce verset du Lévitique (Lv 18, 22) pour étayer leur point de vue, en ajoutant que "c'est clair dans la Bible". 

Bon. On devrait quand même les renvoyer à la nécessité de l'interprétation de la Bible (pour parler savamment, de l' "herméneutique"), et leur faire comprendre que sa lecture littéraliste, fondamentaliste, est effrayante.

Ces mêmes contempteurs voudraient-ils donc vendre leur fille comme servante, conformément à Ex 21,7?

Voudraient-ils posséder des esclaves, comme Lv 25, 44 le permet?

Pourraient-ils mettre à mort un voisin qui travaille le samedi, conformément à ce que réclame Ex 35, 2?

Vont-ils éviter de se faire couper les cheveux autour des tempes, comme l'interdit expressément Lv 19, 27?

Vont-ils lapider eux-mêmes les membres de leur famille qui plantent deux types de cultures différents dans leur champ (ce qui est contraire à Lv 19, 19), comme le réclame Lv 24, 10-16? 

On pourrait continuer...

Quant à dire que l'homosexualité est un péché, cela relève d'une méconnaissance complète de la notion théologique de "péché". L'homosexualité est un fait, qui précède toute volonté ou tout choix - et sans la volonté de pécher, il n'y a pas de péché!

(Tout cela à propos de la réaction de Mgr Bonny et des évêques de Belgique à la "réponse" - négative - de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi sur la possibilité de bénir des unions homosexuelles stables...)

jeudi 11 mars 2021

Laetare

 Ce dimanche, quatrième du Carême, nous sommes à la moitié de la route vers Pâques, qui déjà dévoile un peu de sa lumière. L'antienne de la messe est Laetare ("Réjouissez-vous"), réjouissez-vous de voir enfin approcher votre salut.

L'évangile, à partir de ce dimanche et, globalement, jusqu'à Pentecôte - avec quelques notables exceptions comme la Semaine Sainte ou la Première Semaine de Pâques - sera l'évangile de Jean, dont la lecture englobe en quelque sorte, dans sa distribution liturgique, les solennités à venir. Avec raison : y a-t-il texte plus "mystagogique", plus initiateur que celui-là? Avec le quatrième évangile, nous sommes introduits et sans cesse réintroduits dans le mystère de notre foi.

Et, ce dimanche, nous lisons quelques versets de l'étrange conversation liminaire de ce grand texte, au chapitre troisième : la conversation nocturne entre Jésus et Nicodème. Ce dernier est un curieux personnage, qui n'apparaît que dans cet évangile, et à trois reprises, au début donc, au milieu et à la fin, au Calvaire. Fascinant Nicodème, qui peut bien nous représenter tous - ne sommes-nous pas tous en quête de lumière, dans nos obscurités, ne marchons-nous pas tous à tâtons vers plus de clarté, ne pressentons-nous pas que le Christ peut nous offrir ce nouveau soleil?

(J'ai toujours été tellement intrigué par Nicodème, que je lui ai consacré un petit livre, qui a connu deux éditions sous deux titres différents : Un homme, la nuit et Renaître à la vie spirituelle... Mais bon, fermons cette parenthèse publicitaire!)

Jésus a donc dit à Nicodème que, pour accéder à plus de lumière, il doit renaître - et cet homme pourtant lettré, pharisien de surcroît, n'a rien compris à ce propos, il lui a tout au plus donné un sens premier, évidemment ridicule - "Je ne peux quand même pas rentrer dans le ventre de ma mère pour en ressortir", bévue dont Jésus s'est bien moqué : "Tu es sage en Israël et tu ne comprends pas ces vérités élémentaires de la vie spirituelle!" Dans les versets que nous lisons ce dimanche, Jésus ajoute qu'il doit lui, le Fils de l'Homme, être élevé comme le fut au désert le serpent de bronze qui guérissait de la morsure brûlante des serpents - entendez, qui guérissait du péché. Evocation déjà du Grand Vendredi de la Passion. Là, le Fils de l'Homme donnera sa vie par amour, écartelé entre ciel et terre, et ceux qui regarderont vers lui seront pareillement sauvés : "Car Dieu n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui." (Jn 3, 17) Oh, comme nous avons besoin de nous convertir encore et encore à cette parole pourtant toute simple, mais si décisive : le Fils de l'Homme n'est pas là pour juger, mais pour sauver. Quand cesserons-nous, nous chrétiens, nous fils dans le Fils,  de nous vouloir juges du monde? Quand refléterons-nous la lumière du salut que le Christ apporte à nos propres ténèbres?

Laetare, donc, "réjouissez-vous", car voici la lumière qui déjà brille dans nos nuits, pour révéler au monde combien nos oeuvres bonnes sont des oeuvres vraies, des oeuvres de Dieu, qui baignent dans cette clarté.

Autre bonne nouvelle pour les Bruxellois : à partir de ce samedi soir, les célébrations eucharistiques reprennent à la Cathédrale les samedis à 17h30 et dimanches à 9h30 et 11h00... pour quinze personnes maximum et sur inscription préalable au secrétariat (02 229 24 90). Qu'on se le dise!

samedi 6 mars 2021

Le coeur de notre foi

 Pour ce troisième dimanche du Carême, année B, attachons-nous à méditer la deuxième lecture. Elle est extraite de la Première Lettre de Paul aux Corinthiens, et reprend quelques versets du premier chapitre (1Co 1, 22-25). Je retranscris ce texte, en le traduisant au plus près du grec :

"Les Juifs réclament des signes et les Grecs recherchent une sagesse; mais nous, celui que nous proclamons comme Messie, c'est un crucifié, ce qui pour les Juifs est un scandale, et pour les Grecs, une folie. Mais pour ceux qui sont appelés, qu'ils soient Juifs ou Grecs, il est Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes."

Ce texte est capital. Avec le génie qui le caractérise, Paul nous décrit le coeur de la foi chrétienne. Il le fait par opposition à deux conceptions de la religion. "Les Juifs", dit-il d'abord, pour croire, réclament des signes extraordinaires de la puissance de Dieu : que la Mer Rouge s'ouvre en deux pour laisser passer le Peuple élu, que s'écroulent les murailles de Jéricho, tout ce que vous voulez de semblable, alors, oui, on croit, ébloui par ces démonstrations éclatantes! "Les Grecs", eux, ne réclament rien, ils "cherchent une sagesse" - ce sont des philosophes, il faut que leur raison soit satisfaite, que la foi soit raisonnable. Avouons-le : il y a du "Juif" en nous - une part de nous réclame sans cesse des signes extérieurs de la puissance divine, nous nous disons que nous pourrions plus facilement croire s'ils nous étaient donnés. Et il y a du "Grec" en nous : une autre part de nous-mêmes veut que tout cela soit raisonnable, que la foi ne nous embringue pas dans des délires. 

Or, ce petit Juif et ce petit Grec qui sans cesse se livrent bataille en nous, les voilà démentis par la proclamation chrétienne. Car pour elle, le Messie, le Sauveur, c'est... un Crucifié, un condamné à mort pendu au bois du supplice. Avouons que, comme signe de puissance, cela "se pose un peu là". Et comme raison... qu'y a-t-il de plus saugrenu que l'affirmation d'un salut venu à nous par un homme exécuté?

Mais, "pour ceux qui sont appelés", c'est-à-dire pour nous, les chrétiens, ce  Crucifié est Christ, "Oint" de Dieu, véritable puissance divine, véritable sagesse divine. Et la conclusion est magnifique : "ce qui est folie de Dieu - oui, il y a de la folie en Dieu, c'est la folie de son amour! - est une sagesse plus sage que la sagesse des hommes. Et "ce qui est faiblesse de Dieu" - oui, il y a de la faiblesse en ce Dieu tout-puissant, une faiblesse d'amour - est plus fort que la force des hommes.

Voilà notre foi, la clé de notre salut, notre plus profonde conviction à propos du Dieu de Jésus-Christ.

vendredi 5 mars 2021

François en Irak

 A partir de ce vendredi et jusqu'à lundi, le pape François sera en Irak - terre sainte par excellence. C'est une première pour un Souverain Pontife, et cette visite présente plusieurs aspects essentiels. C'est d'abord un voyage apostolique destiné à soutenir la communauté catholique très minoritaire de ce pays, et qui a beaucoup souffert du "prétendu" Etat islamique et de ses exactions. Mais c'est aussi un séjour à caractère "interreligieux", le pape rencontrant les autorités islamiques (surtout chiites) du Pays, et veillant avec elles à favoriser des dialogues de pacification. Enfin, c'est un pèlerinage sur les traces anciennes et vénérables du Patriarche Abraham, père des croyants.

Un voyage essentiel, donc, qui réclame notre soutien et notre prière!

samedi 27 février 2021

Défigurés, transfigurés

 La liturgie catholique célèbre à deux reprises la Transfiguration du Seigneur : le 6 août (et c'est alors une fête, avec pratiquement la même solennité que dans les Eglises d'Orient) et chaque année au deuxième dimanche du Carême - ce dimanche, donc. Cette année dans la version de Marc, on proclame l'évangile de la transfiguration et on raconte comment Pierre, Jacques et Jean - les trois apôtres qui seront étroitement associés à Jésus au Jardin d'agonie - sont témoins, sur la montagne, de cette scène hallucinante : les vêtements de Jésus deviennent d'une blancheur "telle qu'il n'y en a pas sur la terre" et apparaissent à ses côtés deux grandes figures bibliques : Moïse, le législateur et Elie, le prophète. L'événement est aussi marqué par une "théophanie" : la voix du Père se fait entendre pour attester que Jésus est le Fils bien-aimé. Son identité divine est ainsi dévoilée pour les trois privilégiés, qui sont toutefois tenus de garder le silence jusqu'à la résurrection de Jésus - car cette gloire ne doit pas être dégradée en gloriole, elle est inséparable de la Croix. 

 Cette dernière remarque montre bien par quel biais nous pouvons être associés à l'épisode, toujours contemporain et non seulement historique, de la transfiguration. Dressons la liste de ce qui nous défigure et de ce qui défigure notre monde,  la liste de nos croix, souvent peu glorieuses, et pour cela même difficiles à porter au quotidien. Nos laideurs sont innombrables, que nous en soyons ou non les complices, comme est omniprésent  le mal du monde. Indispensable étape du cheminement vers Pâques,  nous faisons halte sur la montagne où nous les voyons guéries, ces laideurs, et transformées par la Croix du Christ en lieux de gloire.

Je songe à ce mot, de saint Jean de la Croix : "Si l'âme que la blessure d'amour touche est déjà blessée par le poids de ses misères et de ses péchés, elle la laisse aussitôt blessée d'amour, et les plaies qui lui venaient d'une autre cause deviennent des plaies d'amour." (Cantique spirituel. Explication, 1, 11, Pléiade, p. 722) Nous sommes tous défigurés par "le poids de nos misères et de nos péchés", mais la "blessure d'amour" - l'amour du coeur de notre Dieu, qui se manifeste à la Croix - est seule capable de transfigurer ces laideurs, ce poids, en blessures d'amour. Et dès lors, ce qui nous empêchait d'aimer devient ce qui nous permet d'aimer : "les plaies qui nous venaient d'une autre cause deviennent des plaies d'amour."

Défigurés, oui. Mais transfigurés, dans le Christ.

samedi 20 février 2021

Nos tentations

 Des trois "synoptiques", l'évangile de Marc est le plus discret sur les tentations de Jésus au désert, ce moment de quarante jours par lequel il inaugure son ministère public après le baptême de Jean - il n'en précise par exemple pas le contenu.

 De quoi nous interroger sur la nécessité de la tentation. Les Pères sont unanimes à déclarer que les tentations sont indispensables à la vie spirituelle. Il ne s'agit pas de les éviter, mais de les habiter. Elles mettent à l'épreuve nos dispositions les plus profondes en faisant miroiter les facettes de nos égoïsmes, de nos replis sur nous-mêmes. Elles sont en nous la trace du Diable, étymologiquement "celui qui divise" alors que toute vie spirituelle est essai d'unification intérieure, ou pour reprendre le terme utilisé par Marc, la trace du "Satan", étymologiquement cette fois, "celui qui accuse". Le Satan ne cesse de nous accuser : "tu n'y arriveras pas, tu n'es pas assez fort pour résister, regarde tes faiblesses et complais-toi en elles, elles sont plus fortes que toi, etc." Le Satan a partiellement raison, comme toujours il mêle de la vérité à son mensonge : notre faiblesse, en effet, est grande et par nous-mêmes nous n'en sortirons jamais. Celui qui peut vaincre en nous le Satan, c'est le Christ, qui revit en nos coeurs son expérience du désert, en particulier pendant ces quarante jours de Carême. 

 N'avons-nous donc rien à faire? Serions-nous dans la passivité complète? Oh que non - mais tout notre effort consiste à passer au Christ les rênes de nos vies, à le laisser nous guider vers le Père. C'est un effort de... démission, si l'on veut. Consentir à notre pauvreté et donc, nous en remettre à Celui qui en nous est vainqueur du Mal et du Malin. 

 Une vie n'y suffit pas. Mais l'entraînement du Carême nous rappelle l'urgence de cet exercice spirituel - de cette "ascèse", la véritable ascèse, que nous demandons en priant le "Notre Père", et d'une façon plus fine depuis que la nouvelle traduction française nous invite à dire : "Ne nous laisse pas entrer en tentation", "ne nous laisse pas embobiner par le Satan", "fais de la tentation en nous un acte de foi au Christ Sauveur."

mardi 16 février 2021

Temps du Carême, temps baptismal

 Ce mercredi, avec la célébration des Cendres, s'ouvre le temps béni du Carême. Non pas une période de privations, d'austérités ou d'auto-flagellation. Non : le temps du Carême, c'est d'abord la période durant laquelle les catéchumènes vivent leur ultime préparation à leur baptême, qui sera célébré durant la Vigile de Pâques. 

Et pour ceux et celles qui sont déjà baptisés, il s'agit dès lors d'un temps liturgique dont la connotation est aussi baptismale : renouer avec la puissance de Vie que le baptême a inaugurée en nous et qui gît au plus profond, trop souvent inemployée. 

Nous sommes passés de la mort à la Vie dans et par la résurrection du Christ : le Carême est déjà, en quelque sorte, adossé à Pâques. Mais reprendre conscience de cette source en nous, c'est rejoindre notre intériorité - l'évangile entendu ce mercredi nous invite à cela, à retourner "dans le secret" de nos coeurs, pour y prier, pour y décider généreusement de nos aumônes, pour y jeûner, aussi. Que rien ne soit accompli sous le regard des hommes, pour se faire valoir, dit Jésus. Mais qu'on cherche seulement le regard du Père, "lui qui voit dans le secret."

Cultiver ce regard secret, intérieur, entre lui et nous, entrer dans notre chambre la plus enfouie. Quel programme!

jeudi 11 février 2021

GUERIS DE NOS LEPRES

 La lèpre est toujours et partout une maladie effrayante. Elle est le prototype, à toutes les époques, de ce mal infestant qui exclut sa victime, qui en fait un paria. Et c'est pourquoi le "baiser au lépreux", ce geste qui a donné le titre de l'un des meilleurs romans de Mauriac, est un geste transgressif : toujours, il signale la volonté chrétienne de relever, de réintégrer, de rendre dignité à qui est exclu - ainsi, par exemple, François d'Assise, le Poverello, en fit-il le signe décisif de sa conversion.

Ce geste s'autorise du miracle rapporté dans la page évangélique de ce dimanche, et qui reproduit la finale du premier chapitre de l'évangile de Marc. La mission de Jésus, déjà décrite dans les versets précédents, est ici comme résumée. Il est le Messie qui, de la part de Dieu, vient purifier de leurs lèpres et réintégrer les exclus dans la société religieuse, les remettre dans l'Alliance, et déjà les ressusciter socialement.

Jésus, nous dit-on, est "pris de pitié" lorsqu'il entend la supplique du lépreux ("Si tu le veux, tu peux me purifier", Mc 1, 40) - une autre leçon, plus vraisemblable, note qu'il est "irrité". Peut-être irrité devant la demande de cet homme, mais plus vraisemblablement face à une société prétendument religieuse et qui exclut ceux qu'elle considère comme des impurs, parce que leur peau est marquée par des plaies que l'on sait contagieuses. Avouons que nous n'avons pas beaucoup changé : la façon dont, récemment, chez nous, on a pu stigmatiser les malades du Sida ou, dans l'actuelle pandémie, isoler plus qu'elles ne le sont déjà les personnes âgées, oui, tout cela ne plaide guère en notre faveur. Notre société reste une machine à exclure, avec la bonne conscience qu'ainsi elle protège.

Jésus plaide pour une autre voie, celle du salut - salus, en latin, qui signifie "la bonne santé"... Comme il le dit au lépreux, il veut que nous soyons purifiés. Et nous le sommes à son contact (il a "étendu la main, et l'a touché" geste, on l'a dit, éminemment transgressif...) Oh, nous ne sommes pas tous atteints de cette maladie cutanée, heureusement, mais nous sommes tous lépreux dans nos coeurs, portant toujours en nous ces blessures profondément enracinées, et qui suintent doucement en surface, contaminant nos proches, nos voisinages, et nous rendant incapables d'aimer. De cela, de nos plaies enfouies, Jésus veut nous guérir, nous relever, nous ressusciter en nous touchant à l'intime de nous-mêmes.

Etrange est la consigne de ne rien dire à personne, mais d'aller seulement se montrer au prêtre qui peut authentifier la guérison et réintroduire le malade dans le Peuple. Etrange et pourtant constante dans l'évangile de Marc, cette volonté de "secret messianique", comme l'appellent certains exégètes, un secret qui ne sera levé que lors du procès de Jésus devant le Sanhédrin, quand il sera face à ses juges, nu et dépouillé de tout - alors seulement, on pourra dire qu'il est le Messie et on portera vraiment témoignage de son salut. L'enthousiasme du lépreux guéri, bien compréhensible, est un signe qui doit lui-même encore être purifié : la puissance du Sauveur ne se verra pleinement que dans le mystère de la Passion, car, comme l'avait prédit Isaïe en entrevoyant le Serviteur souffrant, "c'est par ses blessures que nous sommes guéris."

vendredi 5 février 2021

Le salut

 Nous poursuivons ce dimanche, cinquième ordinaire dans l'année, la lecture de l'évangile de Marc, et nous lisons un sommaire, un résumé, de la première prédication de Jésus et de sa première activité. Cette activité est principalement "thaumaturgique" : Jésus guérit les malades, il soigne les plaies physiques autant que spirituelles, il expulse aussi les démons.

Il apporte bien "le salut" - le mot, venu du latin salus, désigne en effet la bonne santé, ou la santé rétablie. Quand on "se salue", quand on se dit "salut!", on se souhaite, sans plus trop le savoir, d'être en bonne ou en meilleure santé. Le nom de Jésus, en hébreu, ne signifie-t-il pas "le Seigneur sauve"? En Jésus, Dieu se manifeste, se donne à voir et à connaître, se révèle - pour employer ici un mot de l'arsenal théologique - comme "le vrai médecin des âmes et des corps". Il ne se présente pas à nous d'abord comme un Juge, ou comme un comptable, ou comme un copain.

Comment l'accueillir, alors? En reconnaissant que nous sommes malades, que nous avons besoin de guérison. Si nous nous pensons en parfaite santé physique, morale ou spirituelle, nous n'avons pas besoin du salut. "Si nous disons que nous n'avons pas de péché, nous sommes des menteurs", écrira l'auteur de la Première Lettre de Jean. Le premier pas de la vie spirituelle, de la vie de prière, consiste à reconnaître nos plaies pour les offrir au doux toucher du Christ Sauveur. Ce n'est pas facile : nous avons souvent recouvert nos blessures enfouies de bandages provisoires, pour les oublier, et n'aimons guère défaire ces pansements usagés pour que la thérapie soit véritable et l'assainissement, profond. Nous préférons vivre avec des emplâtres, mais rien à faire : les vieilles plaies suintent et nous rendent difficiles à vivre. D'elles viennent nos jugements, nos récriminations, nos hystéries, nos incapacités à aimer autrui, à l'écouter, nos manques de compassion, nos colères, bref, nos caractères infernaux. 

Le sommaire de la première activité de Jésus nous invite à le reconnaître comme celui qui peut nous guérir entièrement, aujourd'hui encore comme il le fit hier...

samedi 30 janvier 2021

L'autorité de Jésus

 "Autorité" : le mot fait peur. Tout de suite, on pense glisser avec lui vers l'autoritarisme, vers la prise ou l'abus de pouvoir. Pourtant, l'étymologie (le latin auctoritas renvoie au verbe augere, qui signifie "faire grandir", "augmenter") devrait nous rassurer : l'autorité véritable est là pour donner la croissance à l'autre, non pour le rapetisser! Il ne faut certes pas ignorer les dérives des pratiques autoritaires, mais ce n'est pas une raison pour renoncer à l'autorité - nous en avons tous besoin, les uns par rapport aux autres, et dans divers domaines de compétence. Heureusement qu'il y a une autorité médicale (sans laquelle nous ne serions pas soignés), une autorité parentale (sans laquelle les enfants ne grandiraient pas droitement), une autorité spirituelle (sans laquelle les gourous auraient beau jeu), une autorité gouvernementale (sans laquelle un pays serait anarchique), etc.

L'évangile de ce dimanche, qui nous permet de poursuivre la lecture de Marc, nous présente les réactions des contemporains de Jésus face à sa première prédication et à ses premiers gestes (des exorcismes) : on est "frappé par son autorité". On ajoute qu'il "ne parle pas comme les scribes". Le terme, grec cette fois, est exousia : une "manière d'être là", un "apparaître qui manifeste l'être", une "façon d'être à l'extérieur ce qu'on est à l'intérieur". Jésus habite sa parole, si l'on veut, il est ce qu'il dit, il est ce qu'il fait : magnifique cohérence. Les scribes avaient coutume de commenter les Ecritures et de s'appuyer pour cela sur des "autorités" diverses, du genre : "Rabbi Untel dit que tel verset signifie ceci, mais Rabbi Untel dit qu'au contraire il faut le comprendre autrement..." Jésus dit : "Je", en lui Ecritures et présence se confondent, et cette parole est efficace, elle repousse le Mal, elle chasse les démons. Il y a de quoi être impressionné, en effet.

Cette autorité de Jésus, comment la retrouver aujourd'hui dans l'Eglise? Sans doute pas dans l'artifice des jeux de pouvoir, non. Mais dans une parole habitée de l'intérieur, dans une parole authentique et libératrice. Cela se demande...

samedi 23 janvier 2021

Se convertir, c'est croire

 Le passage évangélique proclamé ce dimanche, troisième du temps ordinaire dans l'année, est extrait du début de l'Evangile de Marc (Mc 1, 14-20) et rapporte sans doute très exactement le contenu de la toute première prédication de Jésus. Quatre choses : "Les temps sont accomplis, le Royaume de Dieu s'est approché. Convertissez-vous et croyez à l'Evangile."

"Les temps sont accomplis" : nous ne sommes plus dans les promesses, mais dans leur réalisation. Dieu a commencé à faire ce qu'il a promis depuis toujours.

"Le Royaume de Dieu s'est approché" : voilà la réalisation. En Jésus, le Royaume est proche de nous, en Jésus Dieu lui-même est tout proche. Nous n'avons plus affaire à une divinité lointaine mais à un Dieu préoccupé de l'homme, de chaque être humain, de façon personnelle. Chaque histoire humaine, chaque destinée humaine, aussi inconnue, sombre ou isolée soit-elle, est dans la main de Dieu.

"Convertissez-vous" : il ne s'agit pas d'une prescription morale, il ne s'agit pas pour l'être humain de faire des efforts pour améliorer ses vertus. Mais alors, de quoi s'agit-il? 

"Et croyez à l'Evangile" : voilà le contenu de la conversion. La conjonction "et" (kai, en grec) peut aussi bien être traduite par "c'est-à-dire". Se convertir, c'est croire que la proximité du Royaume survenu en Jésus est "la Bonne Nouvelle", la meilleure nouvelle entendue depuis toujours. C'est une "nouvelle", en effet - quelle nouveauté, cette réalisation des promesses! Et c'est "vraiment bon" pour les êtres humains que nous sommes tous. Se convertir, c'est, étymologiquement, "se retourner", tourner tout son être désormais vers ce Dieu qui s'est approché de nous et l'accueillir avec joie et reconnaissance. Comment, en effet, pourrions-nous tourner le dos à un pareil Dieu?

Oui, "y a de la joie" dans l'Evangile de ce dimanche, "y a de la joie" dans la première prédication de Jésus, dans le premier contenu de cette Parole nouvelle.

vendredi 22 janvier 2021

Joe Biden, saint Augustin et l'intelligence de la chose publique

 Mercredi soir, nous écoutions  le discours inaugural du nouveau Président des Etats d'Unis d'Amérique, Joe Biden. Et, ô surprise, nous entendions dans sa bouche une citation de saint Augustin, précisément de La Cité de Dieu! C'est tout de même assez rare pour être relevé, même si l'on sait que le nouveau Président est un catholique pratiquant.

Mais revenons à la citation elle-même, que voici : "Le peuple est une multitude d'êtres raisonnables associés par la participation dans la concorde aux biens qu'ils aiment. Alors, assurément, pour savoir ce qu'est chaque peuple, il faut considérer l'objet de son amour." (St AUGUSTIN, La Cité de Dieu, 19, 24, Bibliothèque Augustinienne, p. 163)

Saint Augustin donne ici une définition magistrale de ce qu'en morale habituelle on nomme "le bien commun" : non pas une addition de biens individuels, addition jamais honorée (et du reste peu honorable), mais le bien d'une communauté de destinées, une ambition commune, pourrait-on aussi dire. Trop souvent, dans nos sociétés, nous voyons le monde politique soucieux de satisfaire des lobbys particuliers ou partisans, pour se ménager une clientèle électorale. Ce comportement ne sert pas le bien commun. Aux politiques, en revanche, il revient de déterminer quel est le bien de la communauté dont ils acceptent de prendre le gouvernement. On peut songer, par exemple, dans le contexte pandémique actuel, à la santé publique qui doit primer sur d'autres biens particuliers. Et il leur revient ensuite de gouverner en ayant ce bien comme but. Ce n'est jamais facile, mais c'est cela qui fait un peuple et qui permet son unité. Augustin nous donne un exemple de sa hauteur de vue politique. 

Et on remercie Mr Biden de nous l'avoir rappelée, cette hauteur de vue, alors qu'il prend en mains l'une des principales puissances de notre monde.