samedi 31 mars 2012

L'énigme du jeune homme tout nu...

Cette année, nous lisons l'évangile de Marc.
Et, pour ouvrir notre Semaine Sainte, nous lisons donc ce soir et demain le récit de la Passion tel qu'écrit par cet évangéliste. Or celui-ci est le seul à mentionner un détail étrange, incongru : aux versets 51-52 du chapître quatorzième, tandis qu'il relate la scène de Jésus présent au Jardin d'agonie, il indique la présence d'un "jeune homme" (neaniscos) seulement vêtu d'un "linge" (sindona, qui veut dire également "linceul"). Pris par la peur, la panique, même, lors de l'arrestation de Jésus, ce jeune homme, nous dit Marc, "lâcha le linge et s'enfuit tout nu".
Qui est ce jeune homme?
Oh, on a glosé! On y a vu l'évangéliste lui-même, et pourquoi pas!
Ne serait-il pas chacun de nous, chacun de nous renvoyé à sa nudité, à son manque, à sa perte de repères, à son vide, à sa honte (Freud doit se réjouir : ah les rêves où nous cauchemardons d'être tous nus face à des gens, face à une foule, comme Marc apparemment les faisait déjà!) ? Devant l'agonie, devant la mort, devant la fin de tout, on est nu.

On retrouve ce jeune homme, plus loin... Nous le retrouverons dimanche prochain, le jour de Pâques, ensemble, si vous le voulez bien...

Où donc, direz-vous?

Cherchez, dans l'évangile de Marc, un peu plus loin. Il y est...
Bravo! Nous y sommes!

Bonne Semaine Sainte!

jeudi 22 mars 2012

De tout, un peu - et pourtant, du même

J'essaie de nouer une synthèse de divers événements paroissiaux, nationaux ou internationaux qui nous émeuvent tous.
Il y sera beaucoup question d'enfants, notre avenir, notre devenir, et le critère sans doute de notre humanité elle-même.
La conférence du Professeur van Meerbeeck, d'abord, à laquelle je reviens : beaucoup de réactions sont très chaleureuses, résumées dans ce que j'ai reçu ce soir d'un paroissien qui me dit apprécier davantage encore le célibat consacré des prêtres, religieux et religieuses! L'une ou l'autre (et vraiment l'une ou l'autre, c'est-à-dire, jusqu'à présent, pas plus de deux!), sont plus choquées, surtout en ce qui concerne les "remèdes" préconisés par le conférencier... L'essentiel, à mes yeux : faire la vérité, il n'y a pas de progrès sans elle. Je crois que cette conférence a contribué à ce que les magistrats appellent "l'établissement de la vérité" - je pense en particulier à cette mise au point : la pédophilie si déplorable de certains prêtres n'est pas vraiment de la pédophilie, mais de l'homosexualité éphébophilique (une séduction de jeunes garçons juste pubères, et non pas de petits enfants). Et il est vrai que cette distinction conduit à poser des questions à l'Eglise catholique par rapport au "recrutement" de ses prêtres, d'abord, à leur formation, ensuite.

C'est peut-être lorsque l'enfant est en cause que notre société (re)prend conscience du Mal, ici orné d'une majuscule non pour le grandir, mais parce qu'il est une puissance dont l'énigme nous échappe. La mort, nous connaissons. La mort des enfants, pire, le meurtre d'enfants : impensable. Voilà d'où vient la majuscule au mot "Mal", Mal absolu. Nous ne ferons aucun progrès dans notre foi sans regarder le Mal en face, comme Jésus l'a regardé du haut de sa vie donnée - ce pourquoi la Croix n'est plus seulement un instrument de supplice, mais la signature d'un Dieu engagé dans l'histoire des hommes pour en faire l'histoire d'un Amour plus fort que le Mal et ses détours. Pour voir dans la Croix le signe de cet Amour, il faut en effet changer son regard, le regard de son coeur : cette conversion permanente est ce que l'on appelle "la foi". Bien autre chose que d'épouser des habitudes sociologiques qui nous rattacheraient encore à je ne sais quelle nostalgie de chrétienté, où "avoir la foi" consistait à voter catholique et manger du poisson le vendredi, à l'inverse des "ennemis" d'en face qui faisaient le contraire. Epoque finie, révolue : qui s'en plaindrait? D'autres formes, d'autres manifestations de cette foi enracinée dans la Pâque du Christ sont à inventer, d'autres manières d'en devenir le "sacrement", comme dit notre évêque lorsqu'il nous pose la question, à l'aube du synode diocésain : dites-moi, précisément, quelles formes nouvelles vous jugez bon d'en vivre...

Enfin, un mot sur la situation internationale. Elle n'est pas belle. Les crimes de Toulouse rappellent la présence du terrorisme et la désespérance de certains jeunes de chez nous qui se jettent dans ces causes violentes pour donner à leur vie un semblant de sens (Philippe van Meerbeeck en a parlé aussi, du reste, mardi soir.) Ce qu'on appelle alors "religion" en est dénaturé et la cohabitation multicultuelle et multicuturelle de nos sociétés, durablement mise à mal. Il faudra des années de patience, de dialogue, d'efforts de convivialité pour réparer un drame comme celui qui vient de se passer en France, au coeur de la campagne présidentielle et alors que des loups plus affamés les uns que les autres (les catholiques intégristes, les Le Pen et compagnie, par exemple) sont prêts à sauter sur l'occasion pour redorer leur misérable blason. On est loin de la foi chrétienne, vraiment très loin, même et quelquefois surtout chez ceux qui prétendent la défendre bec et ongles...

Montons vers Pâques, mes amis, le coeur souvent brisé par la tristesse du monde, car la vie, privée ou publique, n'est pas toujours rose. Montons vers Pâques dans la certitude de l'aurore à venir et de la perpétuelle jeunesse de Dieu, qu'attesteront bientôt les mystères célébrés!

mardi 20 mars 2012

Chrétiens et sexualité

Nous terminons, ce soir, le cycle de nos conférences de carême 2012 sur le thème général : "Chrétiens et sexualité". Le Professeur Philippe van Meerbeeck a réuni un public nombreux (et attendu) en évoquant la question précise des prêtres et de leur sexualité, sans tabou, avec ce petit rien de provocateur qui rend son propos attachant, dérangeant, outre que lesté de sa longue expérience clinique de psychiatre et de psychanalyste. La semaine précédente, nous avions parlé avec Jean-Pierre Rosa, le délégué des Semaines Sociales de France, de l'histoire du féminisme et de la théorie du "gender" si discutée en France. Et en premier, c'était le Professeur André Wénin qui avait pour nous ouvert la Bible en commentant quelques versets du deuxième chapître de la Genèse : "mâle et femelle, il les créa." La différence sexuelle, disait-il, est seconde par rapport à l'ouverture à l'altérité qui est est demandée à "l'adam" pour accomplir son humanité...
Tout n'est pas dit, certes, tout reste à méditer, à reprendre : les conférences jamais n'épuisent un sujet, mais elles permettent - et ici, ce fut, je crois, le cas - de prendre de la hauteur par rapport à une question, en l'occurrence, à une question difficile. Elles permettent de ne plus s'en tenir, jamais, à des conversations de comptoir ou à des jugements d'autant plus définitifs qu'ils sont a priori, peu informés, et souvent partiaux ou partisans.
C'est la formation dont nous avons tous besoin, pour grandir dans la foi, pour la rendre adulte.
Ce n'est pas un luxe!

mercredi 14 mars 2012

La mort "injuste"

Aucune mort n'est juste.
Même si elle est nécessaire (biologiquement), la mort apparaît toujours comme un scandale, ne serait-ce que par l'unicité irréductible de la personne qu'elle atteint - il n'y a jamais eu, avant "moi" (et chacun pour soi peut dire la même chose) personne qui ait été "moi " dans l'immense histoire de l'humanité, et personne ne sera non plus jamais "moi" dans l'histoire de l'humanité à venir. La mort détruit toujours un être absolument unique, d'où son scandale lui aussi absolu. La mort pourtant est nécessaire - la mort individuelle est la garantie de survie de l'espèce (où mettrait-on tout le monde si jamais les individus ne mouraient?)

Mais ces réflexions cèdent devant l'injustice de la mort des enfants. Eux, ils avaient la vie devant eux. Leur mort n'était pas "nécessaire" dans le renouvellement de l'espèce. Lorsqu'en outre cette mort survient dans un accident comme celui qui a frappé la nuit dernière en Suisse, alors l'incompréhension est à son comble. Tout cela n'a aucun sens, tout cela est révoltant.

Et le premier contre lequel on se révolte, si du moins on est croyant, c'est Dieu.
S'il existe, s'il est "tout-puissant" comme on dit qu'il l'est, pourquoi "permet"-il cela?
Serait-il aveugle, sourd, insensible à la souffrance des êtres humains brutalement déchirés dans leur affection la plus forte, celle qu'ils portent à leurs enfants?

Il faut regarder cette question en face.

C'est une question de la foi, peut-être bien la première, même et surtout si l'on ose le geste de croire. C'est une question qui emporte la foi loin des certitudes tranquillisantes, loin des habitudes sociologiques, loin des routines.

On ne s'en remet pas. Jamais.
Il ne faut pas s'en remettre...

dimanche 11 mars 2012

"Il nous unit"

Des années après la mort de Simon, un jeune garçon de mes amis trop tôt parti au ciel suite à un cancer incurable, j'ai retrouvé ce week-end sa famille, ses parents, frère et soeurs, cousins, cousines, oncles, tantes, grands-parents et amis. Des dizaines de personnes fidèles à ce rendez-vous annuel célébré à la fois dans la prière, la liturgie et la joie festive de retrouvailles. Lors d'une belle promenade, ce matin sur une plage de la Baie de Somme, sa maman me disait : "Incroyable comme Simon nous soude, nous unit tous, nous est présent." Incroyable en effet comme la Vie peut être présente à partir des tourments mêmes de la mort, et cela, pendant des années, à condition bien entendu qu'on veuille bien ouvrir son coeur, les yeux de son coeur, à cette présence. "Sinon, comme dit saint Augustin dans une page célèbre du Livre X des Confessions, sinon, c'est à des sourds que le ciel et la terre disent tes louanges!" La mort est toujours cruelle. La mort d'un enfant, d'un adolescent, en particulier, est un défi - le plus grand de tous - à l'intelligence (on se dit que tout est absurde) et à la foi (on se dit que Dieu ne peut pas exister, s'il "accepte" ou, pire encore "permet" cela). Mais lorsque des personnes, chacune dans son for intérieur, chacune à son rythme, et ensemble, en famille, acceptent d'ouvrir leur coeur à une certaine intelligence de la foi (pour remettre ensemble les deux termes ci-dessus utilisés), alors des chemins inattendus s'ouvrent, comme ceux qui firent passer Israël à travers la Mer infranchissable, alors on est à Pâques.
De tout mon coeur, je remercie cette famille, des amis et plus que des amis, des frères et des soeurs, tous. Je les aime, pour ce qu'ils sont et ce qu'ils racontent à travers leur vie quotidienne. Ils le savent...

mardi 6 mars 2012

"Elle grandit avec ses lecteurs..."

"Elle grandit avec ses lecteurs..." Qui ça? La Bible! Le mot est de saint Grégoire le Grand, dans son commentaire du Livre de Job, lorsque, parlant de la Bible, il annonce : aliquo modo cum legentibus crescit, "d'une certaine façon, (donc), elle grandit avec ceux qui la lisent". La formule peut sembler étrange : la Bible ne change tout de même pas de volume, le nombre de ses Livres ne croît ni ne décroît pas! Ce que veut dire Grégoire, c'est que la muliplicité de ses lecteurs induit une espèce d'accroissement de son sens, de "ses" sens multiples, qui, au gré des époques, multiplie aussi sa richesse.
C'est une expérience que nous avons touchée du doigt ce soir lors de la première conférence de Carême, ici à Enghien. Avec l'érudition mais aussi la pédagogie du Prof. Wénin, nous avons lu les premiers versets de la Genèse, pour nous introduire à une réflexion judéo-chrétienne, et donc d'abord biblique, sur la sexualité humaine. André Wénin a fait jouer les mots et les significations pour (dé)montrer que, dès son orée, le texte de la Genèse souhaite à l'humain de s'accomplir dans l'accueil maximal de la différence, de l'étrangeté et finalement du mystère de l'autre.
Une grande leçon, recueillie dans une écoute magnifique et attentive de très nombreuses personnes qui ont appris à reconnaître en la Bible un texte contemporain, éloigné des idées poussiéreuses qu'il est commode (et paresseux) de se faire de lui...

vendredi 2 mars 2012

Réunion importante du 28 février dernier

Mardi dernier au soir, à l'initiative de l'Equipe d'Animation Pastorale, plusieurs personnes et organisations actives au service des plus démunis d'Enghien et Silly se sont retrouvés dans la chapelle ND de Messines à l'église d'Enghien. J'étais vraiment heureux de cette rencontre, à laquelle les pouvoirs publics étaient présents. J'étais aussi heureux de la qualité des propos qui y furent tenus, chacun essayant, je crois, de dire comment, à partir de ses compétences et de ses fonctions, il envisageait la problématique des pauvretés (de toutes sortes, psychologiques ou spirituelles aussi) sur le territoire de ce doyenné, et de proposer des manières d'avancer dans une collaboration accrue entre nous. J'étais surtout ému de voir que l'Eglise locale pouvait, par delà les clivages et les appartenances habituels, trouver ou retrouver un rôle de "plate-forme", devenir un lieu d'échanges et de synergies au service de tous, ce qui est l'une de ses missions et que l'Equipe d'Animation Pastorale entend bien honorer. A nous, et à tous, de faire maintenant en sorte que cette première rencontre soit suivie d'autres, que cet enthousiasme, palpable mardi soir, ne soit pas que d'un moment.
Mais bon, même si tout reste encore à faire, cela fait grandement bien de voir que les acteurs de la société, dans leur diversité même, veulent collaborer pour le service des plus fragiles!