samedi 28 juin 2014

Le décès de l'Echevine Josiane Gillaer

J'ai été très peiné d'apprendre, jeudi, le décès de Mme Josiane Gillaer, échevine - entre autres - de la culture, ici à Enghien. Je la savais souffrante depuis plusieurs mois, et la dernière fois que je l'avais vue, il y a quelques semaines, elle m'avait confié que son état de santé se dégradait.
Nous avions eu à collaborer ensemble, pratiquement dès mon arrivée ici, pour faire en sorte que la Bibliothèque, paroissiale à l'origine, puis  "mixte", devînt enfin la Bibliothèque communale d'Enghien. Il y avait là beaucoup d'embûches, d'enjeux et aussi de susceptibilités à ménager, et j'avais admiré avec quelle fermeté et aussi avec quelle attention aux personnes Mme Gillaer s'y prenait.
Elle était chrétienne, et, quand elle me parlait, c'était aussi en chrétienne, c'est-à-dire en évoquant, par-delà toutes ses craintes, l'espérance que nous partageons.
Nous célébrerons ses funérailles mardi prochain, à l'église Saint-Nicolas, à 11heures.
Chacun avec ses convictions, chacun, surtout, avec, au cœur, sa reconnaissance pour ce qu'elle fut et ce qu'elle reste,  gardant l'exemple de son dévouement au bien commun.

lundi 23 juin 2014

La Maîtrise de Geoffrey Legrand...

Eu la joie ce matin de participer au jury sanctionnant la Maîtrise en Théologie de Geoffrey Legrand. Son mémoire porte sur "La pastorale scolaire de Bruxelles-Brabant wallon en 2014 : repères théoriques, points de vue pratique et propositions théologiques pour l'avenir." C'est un très bon travail, que j'avais eu plaisir à lire, et j'ai constaté que l'étudiant avait traité le sujet avec enthousiasme autant qu'avec rigueur.
La question de la pastorale scolaire est importante et complexe dans tous nos diocèses. On trouve dans le travail de G. Legrand un exposé synthétique des points de vue exprimés par le Saint-Siège, les évêques belges et le Segec depuis environ cinquante ans : intéressantes évolutions. Mais la réflexion théologique du candidat portait sur des questions de fond : quelle spécificité (et non seulement "identité") honorer en pastorale scolaire? Suffit-il de rappeler des "valeurs" (souvent communes à beaucoup)? Quels partenaires associer à cet engagement évangélique essentiel? Quel statut donner à ses acteurs principaux? Et ainsi de suite...
Un texte, une recherche, qui permettront de progresser dans la réflexion!

dimanche 22 juin 2014

"Je n'ai jamais vu ça..."

C'est la réaction du Vicaire Episcopal et Président du Séminaire, Daniel Procureur, après la rentrée de la Procession d'Enghien ce midi. "Je n'ai jamais vu ça!" Un enthousiasme qui rassemble les paroissiens, certes, mais qui les rassemble dans le souci d'une liesse populaire capable de réjouir tout le monde, par-delà clivages et appartenances. La procession, c'est la fête de la Ville d'Enghien tout entière, dans toutes ses composantes!
Bravo aux organisateurs, qui rament dur à longueur d'année pour réussir pareille entreprise.
Bravo et merci : pour la Paroisse, pour Simon notre séminariste qui a été dignement félicité au terme de son stage pastoral, pour moi-même qui ai été ému aux larmes de constater avec quelle gentillesse on avait pensé à l'anniversaire de mon ordination, et pour la Ville, qui était en fête aujourd'hui grâce à tout cela. Oui, il fait bon vivre à Enghien, des jours comme aujourd'hui (et même les autres jours, quand la vie est plus difficile!)
NB. Plusieurs personnes m'avaient confié des "intentions particulières" pour cette procession : des malades, des personnes de ma famille, des paroissien(nes), tout cela souvent - toujours- pour des situations compliquées... Je les ai portées en portant le Saint-Sacrement, et j'y ai explicitement pensé.
         Et comme d'habitude, j'ai été sensible aux plus modestes, qui tiennent à orner leur façade d'une statue, d'une fleur, d'un rien qui est tout, qui dit tout, et à tous ceux et toutes celles, anonymes, jeunes - aussi - et plus âgés qui, je ne sais pas pourquoi (et cela reste heureusement leur secret et leur mystère) s'agenouillent lorsque passe devant eux le Saint-Sacrement. Pour nous chrétiens, Il  n'est rien moins que la Présence Réelle de Jésus aujourd'hui parmi nous.

dimanche 15 juin 2014

Le sourire grec...

Retour de quelques jours passés à Athènes avec les confrères de mon cours (trente années d'ordination!), ce souvenir, parmi beaucoup d'autres : au (remarquable) Musée de l'Acropole, devant la succession des statues (les Korai et les Kouroi, jeunes femmes ou jeunes hommes), nous nous sommes interrogés sur le sourire "grec". Car toutes ces statues, surtout les plus anciennes, présentent des visages souriants. Et je dirais presque : nous sourient, à nous qui ne sourions plus guère.
Question, énigme : pourquoi?
Nous avions à cela diverses réponses.
Peut-être parce que la vie grecque était une vie bienheureuse - elle l'est du reste un peu restée, malgré la terrible crise économique : il y a là une douceur de vivre.
Bon. Cela ne suffit pas, évidemment.
La réponse d'un d'entre nous  : ce sont des statues qui représentent des personnes faisant offrande aux dieux. Et, lorsqu'on offre, on sourit. Pour s'attirer les bonnes grâces, sans doute. Pour montrer le meilleur de soi-même, plus sûrement.
Le sourire, expression du bonheur, serait ainsi ce qui marque le visage humain lorsqu'il s'offre.
Une leçon grecque.
Une bonne leçon!

samedi 7 juin 2014

Nous vivons de l'Esprit

C'est l'Esprit Saint qui nous fait vivre.
La phrase a l'air banale, je voudrais essayer de dire ici ce qu'elle signifie pour moi.
Pour moi, donc, elle veut dire à peu près ceci : je ne pourrais pas vivre aujourd'hui sans être chrétien. Je connais et reconnais les failles innombrables de l'institution catholique - et j'en pleure à genoux quand les scandales sont effrayants.
Mais le Christ est ma vie. Je ne pourrais pas vivre sans lui, sans sa présence quotidienne, sans la célébration toutes les heures, tous les jours, tous les ans recommencée, de son amour.
Non, je ne pourrais pas : ne pas célébrer la Liturgie des Heures, au quotidien; la messe, au quotidien; la prière silencieuse dans ma chambre, au quotidien; la récurrence des moments liturgiques, année après année - temps de l'Avent et temps de la Nativité; temps du Carême et Cinquantaine pascale, et les autres fêtes de la Vierge et des Saints.
Mon cœur est profondément trouble, comme, je suppose, celui de tous les êtres humains, tiraillés entre de terribles tensions, les "tourbillons de vanité" que chante une hymne de Pentecôte, et il y a en moi des gouffres de méchanceté et de bêtise sur lesquels je n'ai même pas encore osé me pencher. Je crois que Rousseau est un imbécile, qui prétendait que "l'homme est bon par nature". L'homme est un étrange animal, plutôt du genre crétin - de ce point de vue, l'affirmation chrétienne, augustinienne, du "péché originel" me convient tout-à-fait - et ce qui est bon en lui, eh bien je crois que cela vient de Dieu.
De l'Esprit de Dieu, qui certes déborde dans son Souffle les institutions catholiques et donne, où il veut, de la Vie, de la Vie, de la Vie, de cette Vie que Jésus a annoncée non tant par ses discours que par sa propre Vie, par sa mort aussi et surtout par sa Résurrection.
Oui, nous vivons de l'Esprit de Dieu.
C'est étrange de dire cela sur un média, internet, et dans un monde - notre monde - qui, a priori, s'en fout. Pourtant, je crois que tout ce qui est bon dans l'être humain, dans sa culture, dans sa générosité, dans son altruisme, dans le respect de son monde, oui, que tout cela vient de l'Esprit de Dieu, et qu'on le reconnaisse ou non n'a guère d'importance. C'est le fait qui est important.
Je passe ma vie à l'Université à enseigner ces choses-là à mes étudiants, en regardant avec eux ce que l'Esprit de Dieu a provoqué comme comportements, comme pensées, comme paroles et comme écrits chez un certain nombre de personnes que l'on appelle précisément pour cela des "spirituels" : entre autres, Origène et Augustin, Benoît de Nursie et Bernard de Clervaux, Hildegarde de Bingen et Thérèse d'Avila, Edith Stein et Etty Hillesum... Des merveilles d'humanité.
Ce soir, à Thoricourt, j'ai conclu la Cinquantaine pascale en éteignant, après la messe de la Pentecôte, le Cierge pascal.
La flamme est maintenant au plus intime de chacun.
Invisible.
Présente.

vendredi 6 juin 2014

Beauté du monde, beauté ... de mon jardin!

Grâce à un magnifique jardinier, qui a l'art, le métier et la manière avec les plantes (tout ce qui me manque!), mon jardin ici commence à devenir lui aussi magnifique. Une explosion de couleurs, entre les arbustes verts et les roses (j'adore les roses!) qui s'expriment en riant!
Je viens de sortir pour tailler quelques rosiers - de façon malhabile, sans doute, j'espère que le jardinier ne me fera pas de reproches.
Quel beau moment, cette paix du soir, cette beauté à la fois naturelle et domestiquée!
Quand ce jardin sera beau, beau, beau, beau, à son maximum de beauté, comme je voudrais l'ouvrir à tous, pour qu'il devienne lieu de rencontre! Il est fait pour cela!

Deux jours de conseils...

Conseil presbytéral, hier à Mesvin, presque toute la journée.
Puis, ce matin, à Tournai, Conseil épiscopal.
Puis, à Tournai, encore, l'après-midi, réunion des Doyens Principaux avec l'Equipe Diocésaine d'Animation Pastorale.
Des journées passées le derrière sur une chaise. C'est épuisant...
Mais, au total, je dois dire que ce n'est pas inutile, dans la mesure où ce sont - je l'ai senti  ces jours-ci plus que d'autres - de vrais conseils, dans lesquels la parole est libre, dans lesquels le bien du diocèse tout entier est recherché, dans lesquels on essaie de faire vraiment avancer la vie chrétienne en Hainaut.
Il faut y être.
Mais on peut aussi être soulagé d'en revenir...

jeudi 5 juin 2014

Isaac de Ninive...

Avant d'aller dormir...
Ce texte d'un ami d'autrefois, Isaac de Ninive, ou Isaac le Syrien (occasion, nous souvenant de son origine, de prier pour la Syrie), un moine du VIIème siècle, dont il faut toujours porter sur soi, ou mieux en soi, les apophtegmes et les pensées :

"Laisse-toi persécuter, mais toi, ne persécute pas.
Laisse-toi offenser, mais toi, n'offense pas.
Laisse-toi calomnier, mais toi, ne calomnie pas.
Réjouis-toi avec ceux qui se réjouissent.
Pleure avec ceux qui pleurent : c'est le signe de la pureté.
Avec ceux qui souffrent, sois dans la peine.
Verse des larmes avec les pécheurs.
Sois dans la joie avec ceux qui se repentent.

Sois l'ami de tous.
Mais, dans ton esprit,
reste seul."

Seul, avec Dieu, le Seul... Ho Monos!

Les deux voies, contraires et dangereuses, de l'évangélisation

A toutes les époques, les chrétiens se posent la même question : "Comment annoncer l'Evangile?" C'est normal : la nécessité s'impose à eux de transmettre la joie dont ils vivent. "Malheur à moi si je n'annonçais pas l'Evangile", s'écrie Paul (1Co 9, 16) et Jean, au début de sa Première Lettre, indique à ses correspondants que, s'il prend la peine de leur écrire, c'est pour que "sa joie soit parfaite" (1Jn 1, 4)  : nous lisons bien "sa" joie, non la leur d'abord. Celui qui a découvert la Bonne Nouvelle du Christ ne connaît pas la joie parfaite si cette joie n'est pas transmise.
Comment cette nécessité est-elle aujourd'hui recevable, aujourd'hui, je veux dire dans un monde pluriel, pluriculturel, pluricultuel? Comment ne pas être taxé de prosélytisme et, plus foncièrement, comment ne pas y succomber?
La question est sérieuse.
Elle suppose, me semble-t-il, de s'écarter de deux voies contraires mais également dangereuses l'une et l'autre.

La première est celle de "l'enfouissement", comme on disait quelquefois dans les années septante : ne disons rien, ne nous montrons pas, rayonnons intérieurement et, fatalement subjugué par un pareil témoignage silencieux, le monde autour de nous découvrira la joie du Christ. Je caricature à peine : ôtez-moi ces signes d'appartenance chrétienne, enlevez tout ce qui peut choquer les autres, taisez vos convictions - par exemple en matière éthique - si nous ne voulez pas être ringardisés, moqués ou vilipendés. Les grandes institutions catholiques elles-mêmes (ou ce qu'il en reste), par exemple les écoles, les mouvements de jeunesse, les hôpitaux, les syndicats, les partis politiques, se voient  ainsi priés de vivre  dans "l'enfouissement" et de ne plus rien exhiber de leur appartenance chrétienne, pour ne choquer personne. A force, évidemment, on devient invisible et l'annonce même de la Bonne Nouvelle disparaît de la sphère publique, de la place publique, de l'agora,  des rencontres de toutes sortes où il convient que les chrétiens disent leur parole au milieu de celle des autres. Cette injonction du "Taisons-nous", du "Cachons-nous", quelquefois du "Taisez-vous" et du "Cachez-vous" n'est pas conforme à la vocation baptismale, qui nous demande de devenir dans le monde des lieux de lumière et de témoigner, publiquement, de ce que nous sommes parce que nous l'avons reçu et que nous en vivons - parce que cela fait de nous des "Vivants".
La seconde attitude est celle de la provocation. Devenus des "va-t-en guerre", les chrétiens devraient, nous dit-on (sur notre droite), tirer sur tout ce qui bouge (mal), c'est-à-dire invectiver tout le monde pour sa mauvaise conduite : les autres religions parce qu'elles sont dans l'erreur; les autres confessions chrétiennes parce qu'elles ne sont pas, comme nous, aussi bien que nous, fidèles au Christ; les incroyants parce qu'ils sont immoraux (vieille question déjà posée chez Kant...), les laïcards parce qu'ils sont idéologues, etc. Dans cette optique, on se place au centre d'un cercle invisible mais bien réel où l'on prétend détenir la vérité, la seule, la vraie de vraie, puisque le "bon" Dieu est chez nous - ailleurs, ce sont des faux (dieux). Dans cette optique, on oublie que la vérité ne se détient pas, mais se cherche tous les jours, patiemment, dans la prière, l'étude et le dialogue. On oublie que la prétention incroyable à cette détention est profondément, définitivement perverse : elle conduit à l'arrogance, à la satisfaction de soi, à l'oubli de ses propres fautes morales (voir ce qu'on vient de découvrir en Irlande... sans commentaire!), au mépris d'autrui, et, un jour ou l'autre, fatalement, nécessairement, à la violence et aux guerres de religion. L'intégrisme n'est pas l'apanage de l'Islam : tous les monothéismes, hélas, sécrètent le leur comme un poison - le catholicisme romain ne manque pas du sien, aujourd'hui encore, il suffit de surfer sur certains sites cathos "restaurateurs" pour comprendre ce que l'ignorance et la bêtise peuvent engendrer de méchanceté.

Alors, entre les deux? Sur un difficile chemin de crête, conjoindre l'audace de l'annonce et le respect de l'autre, de sa différence. Récuser un monde aseptisé où aucune vérité religieuse ne pourrait trouver son expression publique (et en premier lieu dans les  institutions mandatées pour : écoles, hôpitaux, etc., voir la liste ci-dessus). Lui préférer un monde du débat pour lequel les politiques doivent avoir le courage - c'est leur  mission - d'ouvrir sans cesse des espaces (si c'est cela que signifie la "neutralité" de l'Etat, je signe des deux mains; si, en revanche, il s'agit de bannir ou de cacher toutes les expressions publiques de la foi, en ce compris ses expressions culturelles, alors je prétends que c'est une machine à défaire le lien social plutôt qu'à le construire.)

C'est difficile? Oh que oui! On ne sait jamais d'avance ce qu'est le respect d'autrui. On l'apprend, avec patience, en battant sa coulpe pour ses maladresses. Mais la véritable équation est là, dans ce paradoxe : c'est en cultivant son propre fonds, sa propre foi, sa propre tradition, en en voyant la complexité et la richesse, que l'on se rend capable d'ouverture à ceux qui sont plantés ailleurs, autrement. Je crois que c'est cela, cette attitude, qu'il faut appeler : la tolérance.
(Pour mémoire, j'ai écrit là-dessus un essai, il y a quelques années : Tolérance et Vérité. Il y a peut-être encore quelques bonnes idées à glaner dans ce vieux livre avant de le jeter...)