dimanche 27 février 2011

La droiture d'un homme

Certains paroissiens sont des "figures" qui marquent non seulement leur Eglise, mais la vie même de la cité. Je ne connaissais Georges que depuis mon arrivée, et encore, il était tellement discret qu'il m'a fallu un peu de temps pour comprendre que le même homme se cachait derrière une multitude de services rendus : au Collège Saint-Augustin, à l'association des Arbalétriers, à la Ville où il était conseiller communal après avoir siégé longuement comme échevin, etc. Je me suis toujours senti accueilli par lui, par son sourire, sa poignée de main, la parole de sagesse qu'il lâchait au moment opportun.
Lorsque, vendredi matin, j'ai appris sa mort inopinée, j'ai été envahi par un grand sentiment de tristesse, comme si le je le connaissais beaucoup mieux et depuis beaucoup plus longtemps que ce n'est le cas.
Il est certains hommes droits et justes, on n'a pas besoin de les fréquenter longtemps pour qu'ils vous marquent...

mardi 22 février 2011

Monseigneur Hudsyn

Parmi les trois nouveaux évêques auxiliaires que le pape vient de nommer auprès de Monseigneur Léonard, je suis heureux de voir figurer Mgr Jean-Luc Hudsyn, qui reçoit la charge pastorale du vicariat du Brabant Wallon. J'ai eu l'occasion de travailler à de nombreuses reprises avec lui dans le domaine de la formation des laïcs et de la pastorale catéchétique. Je suis sûr que son expérience portera de beaux fruits dans ce territoire voisin de notre doyenné...
Et j'encourage chacun à prier pour lui, pour les autres évêques élus, pour leur mission dont nul n'ignore la difficulté aujourd'hui!

samedi 19 février 2011

La Loi, pour être libre

L'évangile de ce dimanche est difficile à entendre, les exigences radicales que Jésus y propose semblent hors de portée. "Aimer ses ennemis"... beau programme, sur le papier, mais dans la vie quotidienne, hein!
Se souvenir de ceci : Jésus, dans ces chapitres matthéens, prononce "sur la montagne" son premier grand discours. Destiné à des chrétiens issus du judaïsme, l'évangile de Matthieu ne précise pas de quelle montagne il s'agit : lorsqu'on parle à des Juifs pieux de "la montagne", ils reconnaissent toujours le Sinaï, le lieu du don absolu de la Torah, du cadeau magnifique que Dieu fit au peuple libéré par Moïse, précisément pour que le peuple restât libre de cette sauvage liberté que Dieu lui offrait. Car la Torah n'entrave pas les libertés - c'est une conception restrictive, que Jésus toujours dénoncera, la conception pharisienne de la Loi, qui en fait une machine à empêcher! Jésus radicalise la loi, au sens étymologique de ce terme : il va à sa "racine" (radix, en latin). Le Talion, qui dans la Torah limite la vengeance hélas si commune dans la nature humaine (seulement un oeil pour un oeil, seulement une dent pour une dent...)? Jésus va jusqu'au bout de sa logique : le bonheur et la liberté, c'est d'apprendre à ne jamais se venger, jamais...
Ah! Quelle liberté!
Impossible au quotidien?
Difficile. A apprendre, en tous les cas, sans désemparer : c'est d'elle que nous vivrons en Dieu, c'est-à-dire dans la conformité parfaite à Dieu, notre origine et notre fin, devenus "parfaits comme le Père est parfait."
Quel programme!

mardi 15 février 2011

Bénir la vie de famille

Le week-end dernier, j'ai eu la grande joie de retrouver toute une famille d'amis, que je connais depuis plus de vingt-cinq ans. J'y vois grandir les enfants, j'écoute les parents me raconter les joies et les tourments que cela suscite. Au retour, une conviction : la vie de famille est un trésor, le premier sans aucun doute que l'on peut offrir à des petits d'homme qui ouvrent les yeux sur notre monde. On peut certes comprendre l'agacement qu'ont d'aucuns devant l'hypocrisie de certaines situations familiales (des doubles vies, des dissimulations, et la "morale bourgeoise" dénoncée depuis au moins le XIXème siècle), on peut même de temps à autre entendre le "Familles, je vous hais!" de Gide si ce cri pourfend les enfermements toujours possibles, les replis sur soi, auxquels peut conduire une vision étriquée de la famille.
Mais lorsqu'on y peut respirer, parler, échanger, doucement même se moquer des travers les uns des autres, se reprendre, se rappeler à l'ordre sans que cela fasse trop de drame, bref lorsqu'on y peut grandir ensemble, comme j'ai encore vu que c'était possible ce week-end, alors, vraiment : quel bonheur! Et l'on se dit que l'on touche là à de l'irremplaçable, à de l'essentiel, et qu'il faut y réfléchir à deux fois avant de mettre à mal la famille. Et qu'il faut au contraire l'aider, comme première cellule de vie, pour que notre monde tourne un peu plus rond...

dimanche 6 février 2011

Sur les divorces

Je suis pour l'instant entouré de jeunes ou relativement jeunes ménages qui divorcent, ou qui songent à divorcer. Une amie (depuis longtemps, et très chère) - quatre enfants, quatre divorces, la dernière séparation datant d'il y a quinze jours - me dit : "Ne les mariez plus, par pitié!" Or, presque tous les samedis matin, je reçois environ trois couples de fiancés qui demandent le mariage sacramentel. Ils ne connaissent pas grand chose à la foi, mais je les crois sincères lorsqu'ils disent que, pour eux, le mariage sacramentel est la seule façon de "s'engager vraiment", "pour toujours", "comme ils le veulent au plus intime d'eux-mêmes". Alors, que faire? Suivre le conseil de mon amie, mère de famille déplorant la situation de ses enfants? Non, je continuerai à préparer et à célébrer des mariages sacramentels. Mais j'insisterai plus encore que je ne le fais sur ceci : le sacrement a affaire à la foi. L'interrogation qu'il faut se poser, et poser à ces jeunes gens, n'est ni d'ordre éthique, ni d'ordre psychologique, mais d'ordre spirituel : quel rapport ont-ils au Christ? A sa Pâque? A son mystère de résurrection? Je suis de plus en plus persuadé que, hors cette dimension de la vie conjugale, les exigences sacramentelles du mariage sont aujourd'hui absolument impossibles.
Et pourtant, on catéchise si peu de ce point de vue... On a confiné la catéchèse dans le domaine de l'enfance et de la pré-adolescence, oubliant qu'elle est une dimension constitutive et permanente de toute vie chrétienne. On l'a coupée de ses sources liturgiques, oubliant qu'elle n'est pas un enseignement scolaire. Voilà le résultat, et voilà le chantier : redonner du souffle - et un souffle qui dure - à l'occasion d'étapes importantes comme la célébration de leur amour conjugal, à ces jeunes gens qui viennent encore frapper aux portes de nos églises. Du souffle, dis-je, non de la morale : nous sommes saturés de morale, eux les premiers, et la réitération des règles ne changera rien aux fragilités présentes.
Comment, dans nos églises, créer des lieux de respiration et d'échange, des lieux où les situations se débloquent, avancent, même si l'on rame? Les "psys" font ce qu'ils peuvent, certes, dans la gestion des conflits conjugaux, mais la question est bien plus profonde que les soutainements psychologiques de nos vies. La question est celle du souffle de nos existences...
Quel chantier pour nous, qui n'avons rien d'autre à dire au monde!

jeudi 3 février 2011

Proust et l'intériorité

La télévision, quelquefois (trop rarement) offre des bonheurs. Ainsi le téléfilm de Nina Companeez, diffusé avant-hier et hier soir sur France 2, et adapté de l'oeuvre de Marcel Proust,"A la recherche du temps perdu". Passons sur l'excellence de la mise en scène, sur le caractère éblouissant des costumes et des décors, sur le jeu des comédiens (Micha Lescot, remarquable dans le rôle du Narrateur, Didier Sandre, exceptionnel dans celui de Charlus, etc.) Cette adaptation - entre toutes difficile - d'une oeuvre qui est sans doute la plus importante de toute la littérature française du XXème siècle, a eu le mérite de (re)donner le goût de lire Proust. En tous les cas, en ce qui me concerne! J'avais lu "La Recherche" lorsque l'étais en rhéto au Collège de Bonne-Espérance (à 18 ans, donc!) et cela avait été une expérience essentielle. Je me revois, au printemps, arpentant la "charmille" pendant les heures de liberté que laissait l'internat, avec à la main "Du côté de chez Swann" dans l'édition Folio. Après la diffusion du premier épisode, avant-hier donc, je décidai, ayant assez (re)lu Mauriac, de reprendre l'édition "Pléiade" de " La Recherche" pour mes lectures d'avant-dodo.
Quelle expérience, quelle initiation à la vie!
Et cette évidence, des années après mes dix-huit ans (!) : ce qui est essentiel, là-dedans, c'est la formulation de l'intériorité. Proust ne décrit pas tant un monde (celui des salons du début du XXème siècle) qu'il ne décrit "son" monde, avec une précision non pas scientifique, mais littéraire, toute dans la métaphore, dans la justesse du style. Il ouvre ainsi au lecteur le domaine de sa propre intériorité, et lui suggère en quelque sorte d'en faire autant.
Thérèse d'Avila ("La Madre"), au XVIème siècle, Thérèse de Lisieux au XIXème, n'ont pas fait autre chose, dans le domaine de la vie spirituelle, que de décrire d'abord leurs "états d'âme", avec sans doute moins d'éclat, moins de virtuosité, que Proust (quoique). Mais c'est le même sillon, nécessaire à tous dans une vie spirituelle : retrouver son intériorité, la formuler, dire son "je" ou son "moi" - et, si l'on tente l'aventure de la prière - laisser ce "moi" être investi par l'Autre, celui qui mieux que nous sait notre énigme.
Dans l'une de ses "Pensées" les plus étranges, Pascal avait écrit, à la hâte : "Platon, pour préparer au christianisme". Relisant Proust ces temps-ci (et avec les trois volumes en Pléiade, me voilà parti pour un bon moment : merci, Mme Campaneez!), on pourrait parodier : "Proust, pour préparer au christianisme".