jeudi 31 janvier 2013

Conférence sur la spiritualité

Plusieurs personnes m'ont demandé quand ils pourraient lire la conférence que j'ai donnée à l'UCL, récemment, sur la spiritualité.  Je signale que, comme promis il y a peu sur ce blog du reste, cette conférence est en ligne sur le site du doyenné d'Enghien : www.doyennedenghien.be

mercredi 30 janvier 2013

Mort et funérailles de Jean Dufrasne

L'abbé Jean Dufrasne était un prêtre du diocèse de Tournai, aimé et estimé de tous. Curé à diverses reprises, doyen de Pâturages (près de Mons), il fut longuement Président du Séminaire de Tournai (c'est surtout là que je l'ai connu) et Directeur des Pèlerinages Diocésains. De formation, de tempérament, il était liturgiste, admirable connaisseur de l'histoire de nos rites et fervent admirateur de la Réforme liturgique du Concile Vatican II, soucieux de la mettre en œuvre dans la pastorale diocésaine.
Ses funérailles, présidées ce matin par l'évêque de Tournai, ont été à son image : simples, paisibles, recueillies, des funérailles de village, sans prétention.
J'y ai vu et salué Paul De Clerck, l'ancien Directeur de l'Institut Supérieur de Liturgie de Paris (prêtre du diocèse de Bruxelles), le Prof. André Haquin, ancien Professeur de Liturgie à l'UCL, et beaucoup de confrères unis au défunt par l'amitié sacerdotale.
L'un des derniers mots de Jean, paraît-il, sur son lit d'hôpital, tandis qu'on lui lisait l'évangile du dimanche (Les Noces de Cana) : "Irénée de Lyon dit : ce vin est tellement abondant que nous boirons toujours du vin de Cana." Il était tout entier dans ce propos : référence érudite et profondeur spirituelle.
Prie pour nous, Jean!

PS. Mr Bellin, Président de la Fabrique d'église d'Enghien, me signale que Sœur Cécile, bien connue des Enghiennois, était la sœur de l'abbé Dufrasne, et qu'il a eu l'occasion de la remercier lors du départ des sœurs en 1997... Il m'a envoyé un fichier contenant ce mot de remerciement, fichier que je n'arrive pas à transporter sur ce blog (pour le moment).

vendredi 25 janvier 2013

Gouverner, c'est prévoir

L'annonce faite hier par Mittal d'arrêter une grande partie de la production sidérurgique dans le bassin liégeois, évidemment, me consterne : voilà, une nouvelle fois, des milliers de personnes menacées dans leur emploi, leurs ressources, finalement leur dignité.
Le cynisme du dirigeant d'origine indienne est, à coup sûr, consternant : seule compte la logique économique.
Une question me reste, quand même,  que je soumets à la sagacité d'analystes plus compétents que moi : le scénario n'était-il pas écrit? Les gouvernements successifs de la Région Wallonne et les syndicats - je dis bien les uns et les autres - n'avaient-ils aucun moyen d'anticiper? Ne sont-ils pas flanqués de conseillers et d'économistes capables de leur faire valoir que la sidérurgie en Région Wallonne était condamnée à court terme, non rentable, face à la concurrence, en Europe,  de bassins ouverts sur la mer, et à la concurrence internationale (par exemple en Chine)? Pourquoi a-t-on maintenu de la sorte  une industrie dont on savait sans doute qu'elle était, chez nous, vouée à disparaître? Pourquoi n'a-t-on pas pris la voie certes plus ardue mais sur le long terme plus efficace de la reconversion? Aveuglement volontaire? Maintien à tout prix de droits acquis? Illusion collective? Manque de recul des gouvernants?
Je ne sais pas. Et les responsabilités sont sans doute complexes, enchevêtrées.
Mais elles méritent d'être mises au jour.

mercredi 23 janvier 2013

Actualité de la spiritualité chrétienne

Passé hier une bonne partie de ma journée à Louvain-La-Neuve, où je devais faire dans l'après-midi une conférence sur la "tradition spirituelle" des chrétiens, du moins sur les ressources actuelles de cette tradition. Beaucoup de monde - et quatre évêques francophones, dont le nôtre, et l'évêque de Liège que j'étais heureux de revoir, tant j'apprécie cet homme qui s'apprête à quitter sa charge. Dans les réactions qui ont suivi mon intervention, sur le moment ou plus tard (j'ai reçu plusieurs courriels), j'étais et reste frappé de constater combien des textes très anciens, ceux de la Bible, ceux de la littérature cistercienne ou de la mystique "rhéno-flamande" par exemple, sont encore parlants et correspondent à des attentes très contemporaines. "Ce que vous avez exprimé en citant Guerric d'Igny ou Maître Eckhart, me disait une participante, cela met des mots sur une vie intérieure que je n'étais jamais parvenue à exprimer avec autant de justesse."
Comment protéger ce trésor qui aide à vivre aujourd'hui? Comment le faire parler, aussi, de sorte qu'il débrouille certaines situations personnelles ou sociales extrêmement confuses (je suis de plus en plus frappé par le caractère idéologique de notre société, par le prêt-à-penser systématiquement  distillé sur bien des sujets par les médias de masse.)
Il faut continuer à travailler, à prier, à ouvrir des lieux de débats, à favoriser la participation de tous, à rendre possible la vie communautaire, à découvrir les trésors de fraternité dont la "Voie" chrétienne est porteuse, à partager ce qui est et doit rester pour tous une source de paix, de pacification.
Il y a du boulot!
(PS.  Normalement, le texte de mon intervention d'hier à LLN sera assez vite accessible sur le site du doyenné.)

jeudi 17 janvier 2013

L'incroyable nouveauté

Nous venons de quitter le temps liturgique de la Nativité. Je garde au cœur, comme chaque année mais de plus en plus profond, le sentiment de l'incroyable nouveauté de la foi chrétienne, d'une espèce de rupture qu'elle instaure avec la routine, et peut-être même avec la grisaille, de la condition humaine. Car enfin, ce qu'on nous annonce est probablement inconcevable pour des oreilles et des intelligences rompues à la modernité cartésienne : Dieu né d'une Vierge, le Créateur enfanté par une créature, l'origine de toute chose ré-enfantée dans la condition humaine, la mort - destinée pourtant commune à toute espèce vivante en notre monde - vaincue déjà dans la naissance de celui qui est venu pour cela, etc., etc.
En retraite la semaine dernière chez les Bénédictines de Saint-Thierry, près de Reims, je les entendais chanter, à Complies, l'antienne de Noël Alma Redemptoris Mater : Tu quae genuisti, natura mirante, tuum sanctum genitorem, virgo prius ac posterius, peccatorum miserere, dit-on à Marie ("Toi qui as enfanté, au grand étonnement de la nature, ton géniteur, vierge avant et après, prends pitié des pécheurs").  Je disais aux sœurs : pensons-nous vraiment à ce que nous chantons là? A la folie que c'est pour des raisonnements simplement rationnels? Et pensons-que le Moyen Âge, dans  lequel ces vers furent composés, était plus sot ou plus naïf que nous? Bien sûr que non : mais le Moyen Âge exprimait ainsi le bouleversement complet de l'ordre "naturel" des choses, que la foi chrétienne introduit dans la banalité des jours. La vie n'est plus simplement la vie, la mort n'est plus simplement la mort, la souffrance n'est plus simplement la souffrance, la joie n'est plus simplement la joie, et ainsi de suite : tout est devenu signe d'un indescriptible Amour, à la fois proche et déroutant.

"Il est descendu ici. Lui notre vie. Il a porté notre mort et l'a tuée par l'excès de sa vie. Comme un tonnerre, il a crié de revenir vers lui, à ce secret d'où premièrement il est sorti vers nous, de l'utérus d'une vierge, où la créature humaine, la chair mortelle, l'épousa, pour ne pas rester mortelle. Et de là, comme l'époux du lit de ses noces, il est sorti en courant à pas de géant sur la route. Il ne s'est pas attardé. Il a couru en criant avec ses mots, ses actes, sa mort, sa vie, sa descente, son ascension, en criant de revenir vers lui. Il a quitté nos yeux. Nous reviendrions au cœur pour le retrouver. Il a disparu, oui. Mais le voici. Il n'a pas voulu rester avec nous plus longtemps mais ne nous a pas abandonnés." (St AUGUSTIN, Confessions, IV, 19). Ah! Le génie d'Augustin, qui a tout compris! Comme je suis heureux que le Collège d'Enghien porte son nom, tiens! Et ces mots, qui indiquent la voie de toute vie spirituelle - de toute vie heureuse, je crois : "Nous reviendrions au cœur pour le retrouver." Ah! Le mec...

lundi 14 janvier 2013

Leçon de choses sur le populisme

Pour comprendre le populisme et comment il fonctionne, reprenons en leçon de choses le lamentable tapage autour de la Reine Fabiola.

1° Il faut un bouc-émissaire dans une situation économique de "crise" où les responsables politiques pataugent un peu : une vieille Reine, c'est tout trouvé, elle coûte cher et ne sert plus à rien, ce sera parfait. On oublie donc ce qu'elle a été, ce qu'elle est encore, ce qu'elle a fait, ce qu'elle fait encore, ce qu'elle a donné et qu'elle donne encore (pour résumer, mettons, sa vie au service d'un pays) et on fait feu avec un chœur admirable. On n'hésite pas : ce qui est légal passera pour ne pas l'être, on reprochera à la vieille dame de ne pas appliquer des lois qui n'existent pas, de toucher l'argent qu'on lui verse (dont on revote pourtant soi-même chaque année le montant), et surtout d'avoir des pensées catholiques lorsqu'elle entend disposer de son patrimoine en fonction de ce qui a toujours conduit sa vie. Sur le plateau de la RTBF, ce dimanche midi, un imbécile doublé d'un inculte ira même jusqu'à prétendre que les tableaux de valeur qu'elle possède par héritage et à titre privé, elle n'a pas le droit de les vendre - ce serait un patrimoine national. Il ne sera pas contredit, de même que le sera à peine une autre imbécile prétendant qu'elle ne doit aucun respect à une femme (la Reine) qui n'en a pas pour l'éthique. Rien moins messieurs-dames! Et le bon peuple d'exulter devant ce lynchage à distance de la dame de 85 ans aux fraises, qui n'a guère de moyens de défense, et sur laquelle il est commode de faire porter les péchés et l'incurie de ceux qui sont aux commandes. La démonstration du populisme est ici pratiquement parfaite : jeter des os au peuple, le détournant ainsi de chercher (et, qui sait, de trouver) les responsables véritables des inégalités socio-économiques honteuses qui, à longueur de vie, défigurent en effet notre pays.
2° Dans le même temps, on continue comme si de rien n'était. On accueille à bras ouverts les exilés fiscaux de la France ou d'ailleurs, qui viennent habiter les quartiers huppés de la Région de Tournai ou de Uccle, sous prétexte qu'ils rapportent de l'argent à notre beau pays - qu'ils délaissent le leur ne semble pas inquiéter nos responsables. Belle leçon de solidarité européenne, en vérité.  Et c'est "ca" qui prétend faire la morale à la Reine Fabiola?

     Je suis inquiet de tout cela. Mon beau-frère, que j'ai vu hier lors d'une réunion de famille, le Prof. Dupuis, spécialiste  depuis près de trente ans de questions d'éthique à l'UCL, se disait lui aussi consterné par la bassesse du niveau politique et médiatique actuel. Et nous sommes lui et moi infiniment perplexes devant ce que cela veut dire, devant ces questions que l'on sent bien et qui restent sans réponse... sauf à imaginer le pire : pourquoi veut-on flinguer l'un après l'autre les membres de la Famille Royale (Laurent, Philippe et Mathilde, leurs enfants, le Roi et maintenant Fabiola. A qui le tour), alors que, telle qu'elle est, avec ses défauts et ses qualités (personne ne prétend que ces gens soient parfaits), la monarchie reste chez nous un rempart favorable à une certaine idée de l'unité, de la solidarité, de la fraternité entre des citoyens plus riches et d'autres plus pauvres? Pourquoi les politiciens du Sud se mettent-ils à hurler avec les loups de la NVA, qu'ils dénonçaient il y a peu? Pourquoi use-t-on de procédés dignes de la propagande (ou de la délation) fascistes (traîner dans la boue médiatique quelqu'un qui, en rigueur de termes, n'a rien fait ni de mal ni d'illégal)? Ne peut-on pas soupçonner que c'est le côté catholique avoué qui est ici en cause (soyons explicite : aurait-on pareillement tempêté si la Reine avait souhaité destiner, par Fondation, une part de son argent au Centre d'Action Laïque?)
Etc. Etc.

     Questions sans réponse, pour le moment. Questions inquiétantes, précisément pour la santé morale de notre pays. Oui, je suis inquiet de tout cela!

    

vendredi 11 janvier 2013

A propos de Fabiola : hypocrisie des médias et du monde politique

Retour de quelques jours de retraite, je découvre le battage orchestré (car il n'y a pas d'autre mot) autour de la fondation souhaitée par la Reine Fabiola. Je suis éberlué par l'hypocrisie médiatique et politique qui provoque cette agitation...
Qui de vous, ou de ceux qui critiquent cette femme, possédant d'une part une fortune personnelle issue d'héritages familiaux (en l'occurrence, pour elle, ses parents et son époux) et touchant, d'autre part, une "pension" (je veux bien que la pension en question soit confortable, mais bon, la dame était Reine), qui donc, dirait à l'Etat qui lui verse sa pension (et en a librement fixé le montant, pour rappel) : bon, c'est trop, reprenez ça?  Et qui, disposant donc par héritage d'un bien confortable, ne souhaiterait pas qu'il fût transmis selon ses vœux et de façon à payer le moins possible de droits de succession?
S'il faut verser à la Reine une rente moins importante, ce n'est pas à elle de le dire, mais à ceux qui la lui versent : les hommes et femmes politiques qui pour le moment hurlent avec les loups, mais sont incapables de régler entre eux la question.
S'il faut empêcher que des fondations soient faites, qui sont en effet plus économes en droits de succession, ce n'est pas à la Reine d'en décider, mais... aux mêmes hommes et femmes politiques, qui jugent, au Gouvernement fédéral, de ces questions.
Je trouve qu'on est dans une grande hypocrisie  quand, d'un côté, on donne de l'argent à quelqu'un (sans qu'il l'ait réclamé, du reste) et que, d'un autre, on lui reproche de le recevoir; et quand on reproche également,  à ce même quelqu'un,  d'appliquer une loi qu'on est seul en pouvoir de changer, mais qu'on garde en l'état.
Alors on dit : elle devrait comprendre qu'elle a trop d'argent, dans cette période de crise, etc...  Je répète : qui de nous, du Baron Frère au plus modeste des chômeurs, a spontanément envie de dire cela à celui qui le rémunère, s'il vous plaît? C'est tout de même culotté d'aller souhaiter cela de quelqu'un, alors qu'on ne le souhaiterait évidemment pas pour soi-même! D'autant, je le répète, que cette femme n'a jamais rien demandé, n'a jamais rien dit de la rémunération en question, et, puisqu'on la lui donne, en dispose, comme n'importe quel citoyen, de la façon dont elle l'entend. (Elle consacrerait même l'argent de la dotation royale à sa fondation, que cela ne me choquerait pas : chacun fait ce qu'il lui plaît de ce qu'il gagne, dans un pays prétendument libre!)
Qui plus est, les buts de la fondation projetée ne me semblent pas immoraux : de son patrimoine personnel (et il ne s'agit donc que de cela),  vouloir aider des membres de sa famille, favoriser la mémoire de ce qu'on a été et de ce qu'on a fait, promouvoir les causes (en l'occurrence, généreuses) qui ont mobilisé votre vie et aider les personnes qui partagent la même foi que vous à grandir dans cette foi... cela ne me semble vraiment pas extravagant!
Alors... Faire, si j'ose dire - et voyez-y un sourire - porter le chapeau à Fabiola,
allons...
elle le fait déjà, et avec plus, infiniment plus d'élégance que vous, mesdames et messieurs les ministres qui pour l'instant vous gaussez, et mesdames et messieurs les journalistes qui n'aviez pour l'instant rien de mieux à vous mettre sous la dent!

samedi 5 janvier 2013

Belle soirée avec des jeunes

A l'initiative de Simon, le séminariste qui est en stage chez nous, et de membres de l'EAP, et avec le concours d'un certain nombre de paroissien(-nes, surtout), nous avons pu aujourd'hui passer une belle soirée, chez moi, avec une petite quinzaine de jeunes confirmés. Partage d'un repas, de la galette des rois (eh oui!), partage d'information, et surtout de la Parole et de la prière : les timidités ont tout de même été assez vite dépassées pour qu'un groupe se forme et, j'espère, devienne un groupe porteur de projets et de vie commune. J'étais heureux de voir cette petite bande attablée chez moi, j'étais profondément réjoui de les entendre parler et rire et risquer quelquefois un propos plus personnel.
Comme Dieu est jeune, infiniment plus jeune que nous et comme, ce soir, il nous a raconté sa jeunesse!

vendredi 4 janvier 2013

"Qu'est-ce que cela pour tant de monde?"

Un peu accablé, tous ces premiers jours de janvier, par l'abondance de demandes et de prestations en tous sens. Et il faut toujours être fringant, et au "top",  et ne jamais paraître fatigué, sinon on vous le reprocherait encore... A certains soirs, je pense que j'ai mon âge après tout, et que d'autres au même âge préparent tranquillement leur retraite (ou au moins leur pré-retraite). A certains soirs, j'ai envie de poser mes  fesses dans un fauteuil et mes pieds sur une chaise devant les conneries de la télé. Et surtout, j'ai envie de ne plus voir personne, de ne plus répondre au téléphone ni aller ouvrir la porte quand on y sonne, chez moi.
C'est une situation psychologique qui ne dure pas (là, je rassure), mais qui - peut-être la seule - ravive de l'angoisse en moi, non pour moi, mais pour l'Eglise, et quand je dis l'Eglise, je ne dis pas "l'Eglise" comme ça, comme institution, mais les personnes qui me sont pour l'instant confiées, des personnes concrètes en chair et en os, et leurs enfants plus tard : dans cinq ans, il y aura moitié moins de prêtres encore. C'est statistique, inévitable. Et la plupart des paroissiens  ne se rendent pas compte de cela, ne le voient pas ou ne veulent pas le voir. Il y a toujours, chez la plupart, et même inconsciemment, et sans que ça soit volontaire évidemment ou encore moins méchant, ce réflexe spontané : "Vous allez quand même bien faire ça pour nous, pour moi, vous n'allez pas me dire que vous ne pourrez plus assumer le baptême de mon enfant à telle date, le mariage de ma fille à telle autre, mes funérailles... quand le moment sera venu, ma procession ce jour-là, à cette heure-là, la messe à Saint-Machin cet autre jour, parce que vous comprenez on toujours célébré Saint-Machin ce jour-là et on ne voit pas pourquoi on changerait, etc. etc." Et je vous laisse imaginer le reste. Mais ce n'est pas le plus fatigant. Le plus fatigant, ce sont les paroissiens qui, semblant conscients du problème, possèdent, semble-t-il, les solutions "clé sur porte" : "il n'y a qu'à", dans le désordre, ordonner des hommes mariés (comme s'ils se bousculaient au portillon, tiens!), des femmes (je serais femme, je ne serais pas contente d'être envisagée comme une solution de remplacement), laisser faire les laïcs (mais je ne demande pas mieux, moi, mais alors pourquoi veulent-ils tous d'un prêtre?), décharger les prêtres de toute responsabilité matérielle (il serait joli, tiens, le bordel, si chacun dans son coin gérait les biens paroissiaux selon des intérêts particuliers, aussi légitimes soient-ils,  sans le souci pastoral de l'ensemble, un ensemble souvent très vaste), etc., etc.
Bref, à certains soirs, on se sent coinçé, on se dit : "Seigneur, y en a marre!"
Alors il faut, je crois, revenir à nos Ecritures fondatrices : c'est, de façon récurrente, le sentiment de Moïse et de tous les pasteurs que la Bible nous présente, et on ne voit donc pas pourquoi les "pasteurs" d'aujourd'hui y échapperaient. Dans cette fatigue m'est revenu, peut-être à contretemps, le propos d'André, frère de Simon-Pierre, accablé comme les autres disciples par l'incapacité de nourrir "la grande foule" venue écouter Jésus, et qui, très dépité, dit au Rabbi : "Il y a bien là un jeune homme(paidarion, dit le grec, "un petit jeune homme") qui a cinq pains d'orge et deux petits poissons, mais qu'est-ce que cela pour tant de monde?" (Jn 6, 9) En effet ce n'est pas grand chose, et les "pasteurs" d'aujourd'hui, comme probablement ceux d'hier et ceux de demain, n'ont guère plus entre leurs pauvres mains, ils ne sont eux aussi que "ces jeunes hommes" (!), eux-même peu nombreux,  avec très peu pour donner beaucoup à manger. On sait ce que Jésus - lui seul en est capable - fit de ce peu, ce qu'il continue à en faire.
Et au fond, heureusement qu'il en aille  ainsi : ce n'est pas la logique de l'entreprise, la logique entreprenariale de "l'homme adéquat à la place adéquate". Jésus n'a pas eu la stratégie  des "chasseurs de têtes" contemporains, qui sont payés pour recruter les meilleurs communicants, les plus diplômés, les plus efficaces, et pour y investir beaucoup de moyens - quitte à les renvoyer si ça ne marche pas. Il a choisi de pauvres bougres, pas très malins, peu lettrés, pêcheurs du bord du Lac - mais remplis d'incroyable espérance.  Là est  la logique évangélique, celle du manque assumé, de la fatigue offerte.
(Et je précise pour tel ou tel de mes lecteurs qui serait choqué par tel ou tel des termes que j'ai choisis dans cette page, que ce choix est, d'une part, absolument délibéré car propre à traduire stylistiquement la fatigue décrite par ailleurs, et, d'autre part, absolument conforme au meilleur usage de la langue française. Que les offusqués du vocabulaire veuillent bien vérifier dans les dictionnaires en usage!)