mardi 29 octobre 2013

"Intempestive éternité"

Nous n'aurons pas fait le tour du sujet, certes... Mais au moins appris, durant ces deux jours de session du Colloque Gesché, à nous tenir dans l'humilité devant la pensée de l'éternité...  Des philosophes, un spécialiste du cinéma (pourquoi le cinéma, direz-vous? Et le "temps arrêté" dans les techniques de tournage, qu'est-ce que cela veut évoquer?), des biblistes, un spécialiste du bouddhisme indien, une autre de saint Augustin, un troisième de la littérature catholique du XVIIème siècle, et bien sûr des théologiens... tout ce monde aura dit et redit la nécessité de penser l'éternité pour avoir une chance de bien penser le temps qui passe, qui fuit, qui nous emporte. L'éternité, non pas comme une suite du temps, mais comme son autre, que des trouées dans le temps quelquefois permettent d'apercevoir, des moments de bonheur, de douleur (de deuil) ou simplement d'ennui (ce n'est peut-être pas pour rien que, dans la chanson de Trenet - mais cela, c'est un point de vue personnel - "les enfants s'ennuient le dimanche". Et pourquoi pas un autre jour?)
Dieu - si j'ose dire! - que tout cela était suggestif.
Il y a eu quelques beaux moments d'humour, dans toutes ces réflexions : ainsi lorsque Paul Scolas, évoquant,  au début de son intervention, un mariage qu'il a récemment célébré, racontait comment des époux avaient dit vouloir se promettre "un amour pour l'éternité", et lorsqu'il ajouta que c'était plus, beaucoup plus, que ce que l'Eglise, pourtant taxée d'être exigeante en ce domaine, demande aux fiancés, en souhaitant seulement qu'ils soient fidèles l'un à l'autre "jusqu'à ce que la mort les sépare". Mais cela ne veut-il pas dire que l'éternité serait comme  la trace d'une intensité, une intensité telle qu'elle subvertit le temps qui passe?
Ou bien lorsque Christian Belin fit observer que même ceux qui aiment croire à l'éternité semblent toujours et néanmoins estimer qu'elle est "pour demain" plutôt que "pour tout de suite"... Judicieuse remarque qui me fait maintenant désirer un sommeil mérité et un repos qu'au fond, en effet, je ne souhaite pas (encore) éternel...

dimanche 27 octobre 2013

Les pleurs de Robin

Robin pleurait, Adèle était toute tranquille : diversité des petits enfants qu'on  baptise dans la joie, comme ce matin à Hellebecq, au milieu d'une communauté dominicale sereine, priante, heureuse. Les grands-parents des enfants, ce soir, m'ont redit leur bonheur d'avoir participé à ce moment de grâce, tout pur dans la matinée venteuse et agitée de l'automne.
Et, sans grande transition, visites de deuil : deux personnes jeunes encore ont, assez vite, pris congé de cette terre, malmenées par la maladie. Détresse des familles, désarroi - on ne pensait pas que cela irait si vite, et puis la mort laisse désarçonnés, on l'oublie tellement, quand on vit. Accompagner cela, écouter, prier avec les familles... Entrer dans leurs histoires, aussi.
Et, cet après-midi, l'annonce d'un important vol d'œuvres d'art dans l'une de nos églises (Hoves), annonce qui relance le grand débat sur la protection du patrimoine. On ne peut même pas dire : sur l'ouverture des églises - elle était fermée, elle a été fracturée pendant la nuit. Mais que faire de ces trésors que possèdent nos communautés : les enfouir dans des musées où rares seront encore ceux et celles qui les verront? Davantage protéger les églises - mais ça coûte? Les pouvoirs publics sont responsables, autant que les autorités ecclésiastiques, c'est le principe même des Fabriques d'église, en Belgique. Qu'en fait-on? Qu'en fera-t-on? Je sais bien que les urgences peuvent sembler "ailleurs" (probablement l'ont-elles toujours été), et pourtant,  le patrimoine, la culture, ce n'est pas rien, non?
Demain, colloque déjà annoncé dans ce blog, à Louvain-La-Neuve, sur "l'éternité". Comme me disait un jour un ami enghiennois, à la fin d'un repas de confrérie où le menu annonçait en dessert "Le Prince noir et ses mystères", alors que je lui demandais s'il valait la peine de rester : "On ne sait jamais"... De ma vie, je n'ai autant ri! Avec l'éternité, la réponse doit valoir aussi...

lundi 21 octobre 2013

Nos rencontres de prêtres...

Journée passée aujourd'hui, à Tournai, de 9h30 à 17h00 (et je ne suis rentré qu'après 18h30, il fallait tout de même faire des courses...) des "doyens du diocèse", ou plus précisément, comme on dit maintenant, des "responsables des unités pastorales" (quand on ne dit pas les RUP... "Qu'est-ce que vous faites dans la vie? Je suis RUP! Ah le beau métier! Si l'on pouvait un jour arracher de nos vocabulaires ces abréviations consternantes de bêtise!) Nous en avons eu notre compte, des abréviations, précisément, puisque l'après-midi était consacré à un passage en revue des structures régissant les rapports entre ASBL paroissiales et PO d'écoles subventionnées libres catholiques. Evidemment, tout cela est très utile et il faut que nous soyons bien au courant des politiques financières de la Fédération Wallonie-Bruxelles, des actes de propriété et des conventions dans les baux de cession, des droits des contractants, des conditions de reprise et d'emprunts, etc., etc.  Et je suis le premier à dire que nous ne devons pas ignorer cette législation complexe, nous les prêtres qui sommes les premiers responsables du patrimoine paroissial, notamment de celui qui est cédé à des écoles. Et je dois dire que les représentants de l'Enseignement ont fait tout leur possible pour tenir éveillés une cinquantaine de prêtres qui sortaient de déjeuner.
L'avant-midi, elle, était consacrée au catéchuménat et à ses enjeux pastoraux, liturgiques, et finalement humains : comment accueillir et accompagner toutes les demandes des personnes qui veulent fréquenter l'Eglise? Comment les respecter? Comment leur proposer une entrée dans la foi, si elles le veulent? Quel rôle les étapes rituelles prennent-elles là-dedans? Et ainsi de suite, la question est infinie.
Et d'autres objets, nombreux, trop nombreux pour une seule journée : par exemple, le projet des réformes de subvention des cultes   par la Région Wallonne, et ce qu'il suscite comme divergences de points de vue parmi les Parlementaires (même de la majorité) : indépendamment de questions relevant de modes immédiats de financement (évidemment, d'abord, de financement  des Fabriques d'églises), c'est la présence même de l'Eglise dans la société actuelle, une présence qu'il faut savoir et accepter minoritaire en nombre, mais peut-être pas dépourvue de signification, oui, c'est cette présence-là dont la question est posée. Pour le présent et pour l'avenir.

Je vais résumer en une formule  : ces journées sont fatigantes. Elles brassent trop de choses en trop peu de temps. Et puis je vais vous dire : le cul sur une chaise sept heures de suite, j'ai l'impression d'avoir passé l'âge et je finis par avoir mal aux fesses. Mais je sais que ces rencontres sont nécessaires, indispensables même, et pour alléger le tout, il y a la joie - la vraie joie, que peut-être les chrétiens ne soupçonnent pas assez - qu'ont les prêtres à se revoir, à se parler, à manger ensemble (évidemment), à prier et célébrer ensemble. Et, ne vous étonnez pas de ce dernier mot, mais s'il vous plaît mettez-le aussi en œuvre dans vos vies  : à rire ensemble!

Et si cela vous amuse, vous pouvez voir une photo de cette rencontre, car traditionnellement on prend chaque année une photo des doyens du diocèse au jour de leur rencontre, histoire de constater combien ils vieillissent, sur le site web du diocèse, www.diocese-tournai.be ...

J'ajoute que je dois remettre ça mercredi, à Mouscron: rencontre, cette fois, des doyens dits "principaux" dont j'ai la grâce et l'honneur de faire partie - nous ne serons plus que sept, mais probablement reparlerons des mêmes choses, en espérant les approfondir... Courage!

vendredi 18 octobre 2013

Sur la foi

L'évangile de ce dimanche (Lc 18, 1-8) lie la persévérance dans la prière à la foi. Et se termine par une question redoutable, la seule qui m'ait jamais tourmenté vraiment quand je l'applique à moi-même (et je ne peux que l'appliquer à moi-même) : "Mais le Fils de l'Homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre?" Il ne s'agit évidemment pas de se demander si les autres "ont la foi", ou l'auront, ou la garderont, encore moins de savoir si les Etats sont ou seront chrétiens, institutionnellement convertis (on a vu dans le passé ce que ça pouvait donner...). C'est à sa terre personnelle que chacun est d'abord renvoyé.
Suis-je un homme de foi?
Et qu'est-ce que "ça" veut dire?
Non pas sans doute de souscrire les yeux bandés et l'intelligence en berne à une liste de "vérités à croire".
Non pas non plus cette espèce d'exaltation superficielle qui ferait chanter des alléluias en toutes les circonstances, même tragiques ou incompréhensibles, de l'existence.
Ni ce report naïf de notre espérance dans un au-delà qui nous dispenserait de travailler à changer les conditions de l'ici-bas, pour plus de justice, d'égalité, de fraternité - ce serait alors vraiment une drogue, l'opium dénoncé par Marx dans la Critique de la Philosophie du Droit de Hegel : la formule, à juste titre, est restée célèbre.
Mais alors, qu'est-ce que c'est, croire, être un homme - ou une femme évidemment - de foi?
Je ne suis pas sûr qu'il y ait une définition simple de la foi. Mais il me semble que cela touche au cœur de l'homme, à son intériorité la plus intime en même temps qu'à son engagement le plus visible, à son positionnement et à ses choix existentiels. On parlera peut-être de "regard intérieur", d'ouverture possible à la surprise, à l'inattendu. Ou d'accueil en soi d'une Altérité radicale, d'un Tout-Autre qui, de très haut et de tout près en même temps, appelle, suscite, ressuscite, relève, donne vie, donne la Vie. Fait traverser toutes choses quelquefois dans les larmes et les déchirements, dans les douleurs du réel accepté, dans les luttes et les coups, contre soi-même, contre le Mal et son mystère. En même temps, c'est  l'accueil d'une Douceur indicible, de la Douceur, de la tendresse, de ce que les Ecritures grecques appellent agapè, pur don d'amour, pur don de soi à l'autre.
Une Présence plus présente à soi que soi-même, qui bouleverse une vie entière, qui la retourne, tous les jours et une fois pour toutes, mais en vous laissant libres de lui claquer quand vous voulez la porte au nez.
Ce que le Fils de l'Homme a été sur la terre : l'incarnation même de la foi, lui,  "l'homme de foi" par excellence. Ce qu'il voudrait susciter et trouver en chacun. En moi, d'abord.
La prière s'origine là : c'est pourquoi elle est perpétuelle, "jour et nuit" comme dit Jésus. Elle peut bien, de temps en temps, se couler en formules ou en rituels - et même c'est nécessaire -, mais elle est, plus profondément, la source intarissable.
Ceux qui crient vers Dieu parce que quelque chose enfin les a touchés, a brisé la pierre de leur cœur, ceux qui en eux laissent couler la source, ceux qui acceptent de pleurer à l'intérieur, sur leur misère et leur péché, ceux qui demandent le don de compassion : sans tarder, oui, ils reçoivent justice et même la distribuent autour d'eux.
Il me semble que la foi a affaire à "ça", en moi, en nous, en tous.
Et la question de Jésus n'en est pas moins redoutable, décisive, déterminante pour ma vie tout entière - et pour la nôtre : "Le Fils de l'Homme, quand il viendra, trouvera-t-il "ça" sur la terre?"

"Le nationalisme ou le recul de l'histoire"

Ouvrant le journal ce matin, j'y découvre le compte-rendu du dernier ouvrage de Mark Eyskens, compte-rendu dans lequel sont admirablement exprimés les points de vue que j'ai tenté de développer avant-hier dans ce blog... Je signale cet article, et le titre du livre en question, que je vais m'empresser de me procurer : "Le confédéralisme, illusion dangereuse". Mark Esykens démonte l' "illusion" des thèses de la N-VA. Mise en garde, par Christian Laporte, dans La Libre Belgique du vendredi 18 octobre 2013, p.7, à propos de M. EYSKENS, Le nationalisme ou le recul de l'histoire, Avant-Propos, 123pp., 16,95 euros.

mercredi 16 octobre 2013

Diables Rougles versus NVA?

Cela fait partie des simplismes du monde médiatique actuel, de ses simplismes et, osons le dire, de ses sottises : les succès footballistiques contribueraient à réduire la fièvre nationaliste du Nord, concrètement le programme séparatiste de la NVA.
A-t-on mesuré la bêtise de pareilles propositions?
Comme si l'avenir d'un pays était suspendu au score et aux buts de son équipe nationale, si glorieuse et si valeureuse soit-elle!
Comme si les motifs revendiqués par d'aucuns du séparatisme pouvaient céder devant des enthousiasmes sportifs, qui retomberont évidemment à la première défaite un peu cuisante (que je ne souhaite pas, mais qui viendra un jour, c'est le lot du sport que de trouver en face de soi de plus forts que soi).
C'est faire dépendre l'unité d'un pays d'un presque rien...
C'est oublier que le nationalisme est - hélas - partout présent en Europe : voyez le succès du FN en France, à Brignoles récemment, et le crédit que lui confèrent les sondages actuels. Voyez l'Italie, voyez l'Espagne, voyez les Pays-Bas et même les Pays scandinaves : la plaie est partout, elle est profonde.
C'est oublier que le nationalisme se nourrit de rancunes (si ce n'est pas de haines) tellement tenaces et d'oppositions tellement farouches qu'elles ne cèderont pas au premier succès national venu...
Je l'ai déjà dit et redit sur ce blog, en reprenant la formule décisive de François Mitterrand : "Le nationalisme, c'est la guerre!" Car le nationalisme, c'est l'égoïsme, le chacun pour soi, la fermeture des frontières extérieures et intérieures, le renoncement à la vie spirituelle au seul profit d'une mesure matérielle de la vie. Je vais le dire ici avec une force qui va surprendre, mais qui ne devrait pas surprendre sous la plume d'un curé : le nationalisme, c'est le Diable. Le vrai. Pas le "Diable rouge" que nous aimons, mais le Diviseur, le sournois, qui exacerbe la différence (de revenus, de confort, de privilège, de ce qu'on veut en ce genre) et qui gagne d'abord les cœurs.
La réponse au Diable, ce n'est pas le football (quelle que soit la révérence que j'aie pour ce noble sport) ou l'hymne national, la réponse au Diable, c'est la conversion personnelle, en chacun, à l'amour de l'autre parce qu'il est un autre, à l'amour du plus petit parce qu'il est plus petit, à l'amour du faible parce qu'il est faible. Et non par commisération. Mais parce que la reconnaissance de l'autre, du petit et du faible fonde la dignité de celui qui l'exerce.
En revanche, revendiquer contre l'autre sa grandeur, son autonomie, sa puissance, sa performance, et tout ce que vous voulez du même genre, c'est entrer dans un processus d'avilissement personnel qui a conduit les civilisations s'y livrant depuis toujours à la bêtise, et à la relégation au rang des animaux. Ce sont les animaux qui marquent leur territoire en pissant autour. Les êtres humains, eux, apprennent à se retenir. C'est toute la différence.

dimanche 13 octobre 2013

"La Margelle du Puits"

Comme il m'arrive de publier ou de collaborer de temps en temps à des publications, je suis heureux de signaler ici ma contribution au Collectif consacré au Professeur Adolphe Gesché, et qui vient de sortir, sous le titre : La Margelle du Puits. Adolphe Gesché, une introduction (B. Bourgine, P. Rodrigues, P. Scolas ed.), Cerf, 2013, où j'ai eu l'occasion de dire mon point de vue sur les rapports originaux que l'Œuvre de Gesché entretient avec la littérature.
Je suis heureux d'avoir ainsi pu apporter une toute petite pierre à la diffusion de ce que Gesché a fait pour la pensée théologique, et qui est si important.

Formidable après-midi catéchétique

Au Collège d'Enghien, cet après-midi, nos douze paroisses accueillaient les parents et les enfants qui ont des demandes précises de catéchèse (baptême, première communion, profession de foi, confirmation). L'EAP avait souhaité cette rencontre commune, au lieu d'éparpiller les "inscriptions" dans les diverses paroisses lors de soirées généralement froides et ennuyeuses...
Une vraie réussite : admirable "Power-Point" d'accueil, goûter convivial avec des personnes qui s'installent, qui sont heureuses de parler, de partager, temps de prière à la chapelle avec un magnifique  recueillement et une belle animation.
C'est vraiment ainsi qu'il faut envisager la vie paroissiale, ainsi qu'il faut donner à ceux qui viennent (encore) frapper à nos portes le visage d'une Eglise aimante, proche, souriante.
De tout cœur, je remercie  ceux et celles qui ont mis cela en œuvre - je ne cite personne en particulier, la liste serait trop longue, mais ils savent qu'ils ont rempli la mission que le Christ leur confie. J'ai été frappé hier au Synode, à Bonne-Espérance, par ce mot de l'évangile de Jean, ce mot de Jésus  entendu mille fois, mais dans mon cœur résonant hier comme pour une première fois, et je le redis comme tel à ceux et celles qui ont préparé et vécu cette après-midi "catéchétique" : "Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, c'est moi qui vous ai choisis, et établis pour que vous portiez du fruit, un fruit qui demeure."

samedi 12 octobre 2013

Questions du Synode

Voici donc passée la dernière session du Synode diocésain de Tournai - la dernière session, mais non la clôture solennelle, ouverte cette fois à tous, le samedi 30 novembre prochain en la Collégiale Sainte-Waudru de Mons, et à laquelle déjà tous les diocésains, je dis bien tous, sont invités (des affiches et des rappels opportuns seront, sont déjà, disponibles, rassurez-vous).
Le Synode a donné des pistes de réponse aux grandes questions que l'Evêque posait à ses diocésains. Maintenant, dépositaire de ces réponses, il revient à Mgr Harpigny de prier, de consulter et de rédiger des décrets qui répondent... à ces réponses, et qui vont déterminer la vie de notre diocèse pour les années à venir. Parmi ces problèmes, j'en épingle deux : le Synode a souhaité des "lieux" (l'expert théologien, Arnaud Join-Lambet, de l'UCL, a souligné ce fait) nouveaux de présence de la foi, comme si les lieux anciens (paroisses, églises, institutions, etc.) n'y répondaient pas assez. Des maisons, des instances d'accueil (on a beaucoup insisté sur l'accueil), pour tous, handicapés de la vie, pauvres de toutes sortes, jeunes qui se cherchent, etc., etc. Evidemment, cela coûte ou coûterait, en argent, en énergies humaines, en ardeur et conviction aussi.
Autre question, que je ressens ici vivement : oui - un oui massif - à un regroupement des paroisses, et même, à terme, à une paroisse unique qui corresponde peu ou prou au territoire de nos "Unités Pastorales Nouvelles", avec une mise en commun des asbl, des moyens, des finances, des conseils, des décisions, des... célébrations. La raréfaction des prêtres et l'urgence de la situation le commande, certes, mais comment respecter en même temps l'originalité et la particularité des communautés d'origine? (Depuis près de quarante ans - 1975 -  et la réforme de Mr Michel au plan civil, concernant la "fusion des communes", on voit que les communes fusionnées  se sentent toujours lésées, et elles n'ont pas tort). Un seul point, par exemple  : les célébrations. On ne peut pas contraindre les paroissiens à venir tout le temps en un endroit unique, pour l'eucharistie du dimanche, c'est évident; en même temps, on ne saurait démultiplier les prêtres pour célébrer partout une messe dominicale. Alors comment faire? Des assemblées sans prêtres, entend-on dire? Les Evêques refusent de les programmer, et ils ont raison : ces célébrations non eucharistiques, en effet, si elles sont réitérées de façon automatique, finissent par faire perdre le sens de ce qu'est l'Eucharistie - les gens disent : "Belle messe!" à la sortie d'une célébration qui n'en est pas une (de messe), surtout si l'on y donne systématiquement la communion. On ne saurait procéder ainsi sans affaiblir le sens des sacrements, et du reste on a tenté cela il y a une vingtaine d'années, et on en est revenu, même les paroissiens, agacés de voir toujours les mêmes prendre la parole, et finalement le pouvoir. (Bon, moi j'ai bien une réponse, et c'est privé, n'en parlez à personne, et l'Evêque ne pourrait rien dire à ça, car ce n'est pas à lui d'en décider, mais seulement au Pape. Voilà : dans certaines de nos paroisses existent des gens d'expérience, mariés, pères de familles ou déjà grands-pères, estimés de tous, et qui en pratique exercent les fonctions du curé d'autrefois. Eh bien, ordonnons-les, ce ne sera jamais que sanctionner sacramentellement une situation de fait ratifiée et je crois demandée par le "Peuple de Dieu". Ici, dans le doyenné d'Enghien, nous en connaissons : concrètement, ils remplissent déjà ce rôle, ou  peu près, du curé d'autrefois. Et il n'est sans doute pas besoin d'assassiner leur épouse pour autant, aux fins qu'ils deviennent célibataires... j'ai l'impression que le nouveau Secrétaire d'Etat du Vatican, Mgr Parolin, qui va prendre ses fonctions après-demain, a émis un propos qui n'est pas contraire à cette idée. Un ballon d'essai dans le monde catholique?) Comment faire donc? Le fin mot  nous échappe en partie, certes, mais je crois que l'Evêque peut tout de même proposer des solutions sans doute provisoires, mais équilibrées.
En même temps, je reste frappé par la très grande vitalité de notre Eglise, que relevait aussi Arnaud. C'est une Eglise diocésaine rompue plus que d'autres à l'exercice démocratique de la consultation, de la coopération, et cela je l'ai senti en animant ce matin un atelier précisément consacré aux communautés locales : capacité d'écoute les uns des autres, de rédaction d'une motion commune, d'une proposition synthétisée, d'un appel vigoureux. Les délégués au Synode ont vraiment "fait leur métier", rempli leur mission.
Moi, je suis fier de mon diocèse. Il est vivant, il est beau dans la diversité de ses points de vue, il est fraternel. Il est un magnifique lieu de vie chrétienne.
Et maintenant... Je faisais partie du "Comité" du Synode, mais j'imagine que ce Comité est dissous par le fait même de la fin des sessions. Maintenant, le boulot, c'est... à vous, Monseigneur l'Evêque!
Alors, on prie pour vous...
Et nous attendons vos décrets, dans la joie d'avoir vécu ensemble ces quelque deux années qui ont été de belles années, fatigantes, certes, mais belles, de notre diocèse.

vendredi 11 octobre 2013

Les vertus du football...

J'avais la joie ce soir d'être invité à la Réception du 100ème anniversaire du FC Enghiennois, le club de football d'Enghien. Je dis bien la joie - une joie qui fut doublée, presqu'en direct, par la qualification des Diables.
J'étais heureux de voir l'enthousiasme des personnes présentes, qui disaient l'importance de ce sport dans la vie de la ville, et qui espéraient - comme moi du reste - que davantage de jeunes puissent rejoindre les entraînements. Je crois en effet que le football, comme les autres sports collectifs, a bien des vertus : il apprend l'endurance mais aussi l'esprit d'équipe, la lutte contre l'adversaire mais aussi le "fair-play".
Quelle école!

samedi 5 octobre 2013

Des "serviteurs quelconques"?

Le dernier verset de la page d'évangile proclamée et méditée ce dimanche a de quoi nous choquer : "Vous aussi, dit Jésus, quand vous aurez fait tout ce que Dieu vous a commandé, dites-vous : Nous sommes des serviteurs quelconques : nous n'avons fait que notre devoir." (Lc 17, 10) Dans un monde où chacun a tellement soif de reconnaissance personnelle, voire de "starisation", dans un monde où les cabinets de psys sont remplis de celles et ceux qui souffrent précisément d'avoir été traités, ou de l'être encore, comme des "quelconques", sinon comme des "serviteurs"... On dira : où est l'épanouissement humain, là-dedans, quelle dégradante considération!

Enfonçons-le clou, pourtant : le texte grec ne parle pas de "serviteur" seulement, mais utilise un terme plus fort, doulos, "esclave". Encore pire, dira-t-on : Jésus demanderait-il aux siens d'être des esclaves, des gens privés de liberté?

Il me semble qu'on ne peut entrer dans la demande de Jésus qu'en se souvenant de ceci : le même terme est utilisé pour lui, et à plusieurs reprises, dans le Nouveau Testament, notamment dans l'hymne célèbre de la Lettre de Paul aux Philippiens (Ph 2, 6-11), où il est question du Christ "subsistant en forme de Dieu et ayant pris forme d'esclave (doulos)".

Pour nous, chrétiens, on ne le dira jamais assez, Jésus n'est pas seulement un personnage intéressant du passé, un maître de doctrine ou de morale dont quelques idées seraient encore bonnes à retenir. Il est Celui qui nous raconte Dieu. Dire qu'il est "esclave", ou plutôt qu'il s'est volontairement "fait esclave", que volontairement il en a pris la "forme", c'est dire ce qu'est Dieu : le Tout-Puissant dont la Toute-Puissance n'est que dans l'accueil volontaire et aimant de la Toute-Faiblesse, et si vous comprenez la Puissance, ou la Gloire, ou la Force de Dieu en-dehors de cela, en-dehors de cette incarnation en Jésus qui nous en fait voire la vraie portée, vous êtes idolâtres.

Comment pourriez-vous, chrétiens, vivre en une autre "forme" que celle de l'esclavage volontaire, de l'agenouillement devant l'autre, de la capture consentie même, alors que  Celui dont vous vous réclamez, le Christ, en a fait le cœur de l'épanouissement véritable de l'homme?  Attention : c'est dans la liberté que tout cela se passe, paradoxalement, c'est librement que le Fils a consenti a devenir esclave de tous, pour que, librement, tous deviennent des fils. Saint Paul encore, aux Romains, aux Galates, a abondamment traité ce thème : le consentement volontaire à cette condition de serviteur est, en Jésus, et en tous, profondément libérante. Et même : il n'y a pas de vraie liberté hors cette radicale mise au service, hors cet agenouillement devant l'autre, devant tous.

Le chrétien est au fond quelqu'un qui est, comme on dit, revenu de tout : les glorioles et les honneurs du monde, les promotions et les enrichissements, les belles places et compagnie, il sait, et d'une science définitive, que cela n'épanouit pas (nécessairement, en tous les cas) son humanité, que ce sont là des "vanités" (le terme est un classique de la littérature spirituelle), et il sait même qu'il y a là beaucoup plus de risques d'emprisonnements que de liberté.  L'homme vraiment libre n'a rien, n'est rien, est radicalement pauvre : leçon de saint François d'Assise, célébré hier 4 octobre. La liberté est pauvre. La vérité, aussi. Elles savent que la mise au service, toujours, est la garantie de leur grandeur. Il n'y a, dans la vie, aucun autre secret.
Tout le reste, comme disait Claudel, "Pfuit! On se mouche, et c'est fini!"

mercredi 2 octobre 2013

Tournants en douceur mais décisifs du pape François (suite)

Dans un entretien récent  donné à La Repubblica à Scalfari (athée déclaré), depuis le Vatican où il l'avait convié, le pape déclare, entre autres, ceci :

- "Le prosélytisme est une pompeuse absurdité, cela n'a aucun sens. Il faut savoir se connaître, s'écouter les uns les autres et faire grandir la connaissance du monde qui nous entoure."

- "Les dirigeants de l'Eglise ont été souvent des narcisses en proie aux flatteries et aux coups d'aiguillons de leurs propres courtisans. L'esprit de cour est la lèpre de la papauté."

- "Lorsque j'ai devant moi un tenant du cléricalisme, je deviens soudain anticlérical. Le cléricalisme ne devrait rien avoir affaire avec le christianisme."

- "Les mystiques jouent un rôle  fondamental pour l'Eglise. Une religion sans mystiques est une philosophie."

- "Je pense qu'être une minorité est une force. Nous devons être un levain de vie et d'amour et le levain est une quantité infiniment plus petite que la masse de fruits, de fleurs et d'arbres qui naissent de ce levain. Notre objectif n'est pas le prosélytisme mais l'écoute des besoins, des vœux, des illusions perdues, du désespoir, de l'espérance. Nous devons rendre espoir aux jeunes, aider les vieux, nous tourner vers l'avenir, répandre l'amour. Pauvres parmi les pauvres. Nous devons ouvrir la porte aux exclus et prêcher la paix. Le Concile Vatican II, inspiré par le pape Jean et par Paul VI, a décidé de regarder l'avenir dans un esprit moderne et de s'ouvrir à la culture moderne. Les Pères conciliaires savaient que cette ouverture à la culture moderne était synonyme d'œcuménisme et de dialogue avec les non-croyants. Après eux, on fit bien peu dans cette direction. J'ai l'humilité et l'ambition de vouloir le faire."

- "La politique est la première des activités civiles et elle a son propre champ d'action, qui n'est pas celui de la religion. Les institutions politiques sont laïques par définition et opèrent dans des domaines indépendants. Mes prédécesseurs, depuis déjà de nombreuses années, n'ont cessé de le dire, chacun à sa manière. Je crois que les catholiques engagés dans la politique portent en eux les valeurs de la religion avec toute la maturité de conscience et les compétences nécessaires pour les mettre en œuvre. L'Eglise ne franchira jamais les limites de sa tâche, qui est d'exprimer et de communiquer ces valeurs - du moins tant que j'y serai."