mardi 31 mars 2015

L'énigme du jeune homme tout nu...

Avant-hier dimanche, célébrant les Rameaux et la Passion du Seigneur, nous entendions le récit de l'arrestation, du jugement, de la condamnation et de l'exécution de Jésus d'après l'évangile de Marc. Or, ce dernier - et lui seul - place dans son texte, au jardin des Oliviers, un "jeune homme seulement vêtu d'un drap, qui, attrapé par le drap, le lâche, et s'enfuit tout nu." Etrange anecdote, et en même temps énigme narrative qui nous délivre un sens profond des récits de Passion et de Résurrection. Je n'en dis pas plus ici : on retrouve le jeune homme dans le texte, toujours en saint Marc, de la découverte du tombeau vide, texte que nous lirons dans la nuit de samedi à dimanche, lors de la grande Vigile de Pâques.
L'y verrez-vous?

jeudi 26 mars 2015

Les conférences de carême à Enghien

Joie de pouvoir vous dire, ce soir, que toutes les conférences de carême tenues à Enghien depuis plusieurs années, en ce compris les toutes récentes de 2015, peuvent être facilement visionnées en ligne. Elles sont sur YouTube, et pour s'y connecter rapidement, il suffit de passer par le site du doyenné : www.densi.be
Un grand merci à Samuel Bruyninckx, qui a mis son talent et ses compétences au service de cette réalisation! Cela va permettre à beaucoup de personnes de revoir ou de voir  ces moments de formation et d'approfondissement pour notre vie chrétienne.

vendredi 20 mars 2015

"La pire épreuve qui puisse accabler un prêtre..."

Relisant Mauriac, ces mois-ci, je tombe, dans l'un de ses romans, La Pharisienne, sur cette description des sentiments d'un prêtre :
"A ce moment de son existence, il (le prêtre en question) fléchissait sous la pire épreuve qui pût accabler un prêtre : cette certitude que la masse des hommes n'ont pas besoin de lui et que ce n'est pas assez dire qu'ils se moquent du Royaume de Dieu : ils ne se doutent pas de ce qu'il est, et n'ont jamais été touchés par la bonne nouvelle. A leurs yeux, il existe une organisation des rites prévus pour certaines circonstances de la vie et dont le clergé a l'entreprise. Cela ne va pas au-delà. Que reste-t-il donc au prêtre, sinon de se replier sur soi, et de maintenir dans son propre cœur une flamme vacillante pour lui-même et pour un petit nombre d'âmes, jusqu'à ce qu'enfin se manifeste avec éclat la pensée de Dieu sur le monde?" (La Pharisienne, in Œuvres romanesques et théâtrales complètes, Gallimard, Pléiade, III, 1981, p. 838.)
Mauriac a raison de parler d'une épreuve, et je dirais même, pour ma part, que c'est une tentation. C'est bien le sentiment que l'on peut avoir de temps en temps, qui confine en effet à celui de l'inutilité alors même qu'on multiplie à l'excès les prestations et les présences. Bernanos, pour sa part, appelait cela le sentiment de l ' "A quoi bon?" Mais c'est une tentation à laquelle il faut, comme aux autres, résister - c'est du reste tout l'intérêt spirituel des tentations  : la façon dont, si j'ose dire, on les renifle, on les débusque, on les combat; et dans ce combat même, on cède sa place à Celui qui vient en nous pour vaincre toute forme de mort. Comme le note encore Mauriac avec la finesse qui le caractérise, le risque de cette tentation n'est pas tant le découragement que le repli sur soi, et l'enfermement dans une tour d'ivoire qui, non sans mépris, couperait du monde.
Or, pour lui porter la Bonne Nouvelle (et moi j'y mets une double majuscule), le prêtre - et les autres, du reste - doivent accueillir le monde tel qu'il est, et s'efforcer toujours d'en repérer la bonté foncière. Il y a tant et tant de refoulement, de blessures (et quelquefois infligées  par des prêtres, précisément), et aussi, tout au fond,  de vrai et grand désir, sous des carapaces d'indifférence.
Chaque matin, dès la prière, dès l'oraison silencieuse, demander d'être capable de ne pas juger autrui, mais de l'accueillir. Derrière des demandes banales, routinières, de sacrements, il y a quelquefois des élans insoupçonnés. Et s'il faut toujours rester dans la vérité (ce qui suppose certaines exigences, certaines mises au point), on ne manifeste jamais assez de respect...
Mauriac est grand, qui rappelle là, par le détour d'un personnage, un défi majeur de la vie chrétienne et de la vie "apostolique" (pas seulement celle du prêtre, mais celle de tout "agent pastoral" comme on dit aujourd'hui dans des termes effrayants de laideur!)

mercredi 18 mars 2015

La paix par la diplomatie

Nous recevions hier soir, pour une conférence de carême, Mgr Lebeaupin, Nonce Apostolique (ambassadeur du pape) auprès de l'Union Européenne. Il est assez rare que des diplomates de cette envergure s'expriment sur leur mission, et notre invité le fit avec beaucoup de clarté et de finesse.
De ses propos, je retiens :
- que, historiquement, c'est souvent le Saint-Siège qui a réclamé la séparation de l'Eglise et des Etats, et a tenu à manifester son indépendance, en refusant pour le pape tout protectorat ou en refusant énergiquement l'idée même d' "Eglise nationale". La souveraineté pontificale possède une longue histoire, qui est étroitement liée à celle de la liberté religieuse...
- que la représentation diplomatique de l'Eglise catholique, auprès de très nombreux Etats ou Institutions Internationales, possède sur les autres représentations un avantage évident : elle peut s'appuyer sur le réseau ecclésial local. Un Nonce ne parle pas seulement au nom du pape, mais au nom des catholiques présents dans les lieux où il représente le pape.
- que tous les traités du monde, aussi importants soient-ils, doivent s'accompagner de changements de mentalité pour porter des fruits de paix : ainsi au Proche-Orient, ainsi en Afrique, ainsi partout. Cela suppose de  cultiver, dans les relations entre Etats, la vertu de patience, et de ne jamais craindre de recommencer encore et encore...
- que la paix n'est donc jamais acquise une fois pour toutes, et qu'il faut se méfier de la résurgence de réflexes nombrilistes, égoïstes, égocentrés, etc. Par exemple : autant on peut comprendre que les autorités grecque et allemande négocient avec difficulté, autant on ne saurait admettre que les populations grecque et allemande se laissent gagner par des caricatures méprisantes de l'autre, il y a là une dangereuse régression.

     Et beaucoup d'autres choses, que vous pourrez retrouver en visionnant prochainement sur YouTube la vidéo de cette conférence!

dimanche 15 mars 2015

La vertu des vieilles amitiés

Revu aujourd'hui à Enghien, où il était venu prendre avec moi le repas de midi, Jacques Sojcher, professeur émérite à l'ULB. Jacques est un philosophe (athée) d'origine juive, extrêmement érudit, grand connaisseur de la littérature chrétienne (et extra-chrétienne), avec lequel j'ai eu le bonheur de rédiger il y a bien des années un ouvrage de spiritualité.
Il est pour moi une espèce de grand frère, avec ses questions et ses indignations, mais avec sa protection, aussi.
Nous sommes vraiment "tombés" dans les bras l'un de l'autre, parce que nous ne nous étions pas vus depuis longtemps, et pourtant c'était comme si nous reprenions une conversation interrompue hier...
Ainsi vont sans doute les grandes, les vraies amitiés, qui transgressent les frontières trop commodes, trop claires, et dans lesquelles on ose tout se dire.
J'espère parvenir à le faire un jour venir à Enghien - ou plutôt "revenir", car avant d'être un professeur brillant à l'ULB, il a enseigné la  morale laïque ici à l'Athénée d'Enghien - pour que nous puissions tenir publiquement un débat sur la place du religieux dans la société. Il me semble que cela pourrait nous aider pour progresser dans  cette question dont les lecteurs de ce blog voient bien qu'elle me préoccupe...

jeudi 12 mars 2015

La religion, une "affaire privée"?

L'arrêt de la Cour Constitutionnelle aujourd'hui en Belgique, s'il maintient l'obligation faite à l'Enseignement public d'organiser des cours "philosophiques" (religions reconnues ou morale non confessionnelle), interdit de contraindre  les élèves à y prendre part. Je note au passage, comme viennent de le faire les évêques de Tournai et de Liège, que l'arrêt ne déclare pas ces cours "facultatifs" mais semble faciliter des dispenses.... Ce n'est pas la même chose.
En tous les cas, on verra ce que cela donne.
Pour l'instant, je constate que l'on progresse résolument vers ce que d'aucuns désirent et appellent une "privatisation" du religieux : celui-ci devrait disparaître de la sphère publique, des financements publics, du débat public.
Je ne pense pas, mais alors pas du tout, qu'il y ait là un progrès pour notre société. Au contraire, j'y vois plutôt un risque non de privatisation, mais de marginalisation du religieux. A court terme, celui-ci sera refoulé en effet dans des sphères plus cachées que privées, d'où les instances étatiques, universitaires, scolaires, sociétales seront exclues, sans aucune possibilité d'exercer le moindre contrôle ou d'offrir un cadre au moindre débat.
Je crains alors les effets "boomerang" : ainsi dénié, le religieux explosera fatalement, de façon encore beaucoup plus violente qu'aujourd'hui, et l'Etat se sera interdit, à son égard,  toute parole de dialogue, sauf la parole répressive - on voit ce que cela donne : en France, c'est dans les prisons que grandissent les pires terroristes religieux et c'est là qu'ils renforcent leur haine de la société.
Pour ces motifs, tous les grands chefs d'Etat, dans l'histoire, ont toujours tenu à donner une audience publique au religieux - quelles que fussent, par ailleurs, leurs convictions personnelles, et quelquefois avec excès : voyez Napoléon, par exemple, héritier d'une Révolution "tueuse de prêtres", mais qui avait voulu stratégiquement, par le Concordat, relier l'Eglise à son Empire - histoire de renforcer celui-ci et de contrôler celle-là. Voyez aujourd'hui Monsieur Poutine, qui entend bien appuyer son nationalisme sur l'orthodoxie russe pour revenir de quelques décennies de répression du religieux dans l'ex-URSS. C'est ce que j'appelle des "effets boomerang"...
La présente évolution m'inquiète. Je me demande si nos responsables politiques envisagent vraiment, sur le long terme, le bien public ou s'ils cèdent simplement à des sirènes idéologiques...
L'avenir nous instruira là-dessus!

mercredi 11 mars 2015

"Faut-il avoir peur de l'Islam?"

C'est sous ce titre que notre évêque, Monseigneur Guy Harpigny, est venu hier soir prononcer à Enghien la première de nos trois conférences de Carême. Mgr Harpigny est, de formation, "islamologue" - entendez, spécialiste de l'Islam, qu'il connaît comme théologien mieux que personne. Rappels historiques sur ce qu'est l'Islam, sur les motifs de la présence de plus en plus importante des Musulmans dans nos pays, sur les causes internationales des massacres terroristes perpétrés par les djihadistes : le recadrage de nos préoccupations en ce domaine a été effectué de main de maître. Et la réponse à la question s'ensuivit, claire : non, il ne faut pas avoir peur de l'Islam ("la peur est mauvaise conseillère"), mais il faut recommencer encore et encore, et partout et toujours, le dialogue patient, un dialogue nécessaire dans une société laïque - la nôtre - qui prétend régler les problèmes "comme si Dieu n'existait pas", ce qui à la fois constitue une chance et une difficulté. La chance : ce cadre permet la coexistence; la difficulté : pour certaines traditions, l'hypothèse laïque est "hors culture", inaudible, et il faut donc apporter d'autres arguments.
Le chantier est vaste.
Hier soir, notre évêque nous a aidés à le débroussailler, et à nous retrousser les manches pour le mettre en œuvre(s).

dimanche 1 mars 2015

Emerveillé par l'ampleur de la vie chrétienne, ici

Les statistiques en matière de vie chrétienne sont désespérantes. A les lire, il n'y aurait plus personne nulle part, dans aucune église du pays.
Souvent, pourtant, dans nos  paroisses d'Enghien et de Silly, je constate... le contraire.
Ce matin, à Silly, par exemple, église comble, archi-comble même: enfants, jeunes, jeunes couples, et plus âgés : magnifique moment passé ensemble à chanter, à célébrer, à écouter, à recevoir l'Evangile - cette "transfiguration" du Seigneur, qu'on nous lit tous les deuxièmes dimanches du Carême, et qui raconte si bien notre espérance : oui, beaucoup de choses en nous et autour de nous sont "défigurées", mais nous marchons vers Pâques, nous accompagnons le Christ vers la Montagne Sainte, où est le renouveau de tout, la "transfiguration" promise et attendue, et d'abord celle de nos cœurs.
Joie de concélébrer cette messe avec Gustave, le nouveau desservant de Silly, et Germain, notre diacre, joie de chanter, entraînés par Samuel et Marie et les enfants qu'ils avaient regroupés autour d'eux, moments de grâce, de pur bonheur.
Joie de retrouver des élèves et le directeur de l'Ecole Saint-Nicolas d'Enghien, qui venaient évoquer leur choix d'entraide avec un magnifique projet de développement en Afrique.
Le tout couronné par le baptême de la petite Violette, à midi - dont j'ai découvert que l'un des grands-pères était un copain de rhéto!
Les statistiques? Je m'en fiche. Je sais, je vois, qu'ici, il y a de la vie.
Une vie plus forte que tout...