mercredi 29 juin 2011

Jean qui rit, Jean qui pleure...

Hier, aujourd'hui : remise de diplômes dans une école fondamentale (l'Ecole Saint-Nicolas) ou au Collège Saint-Augustin d'Enghien.
En marge, des nouvelles des miens (neveu, nièce) qui traversent des épreuves universitaires analogues.
Demain, délibérations à Louvain-La-Neuve tout l'après-midi (et qui sait? au-delà) pour les épreuves de la Faculté de Théologie.
Chaque fois, des constats : échec ou réussite.
La question - comme dans nos vies, du reste, et l'enseignement, c'est une part de nos vies - n'est pas : se lamenter/se réjouir. La question est : que faire soit de l'échec, soit de la réussite?
L'échec (on a tendance à l'oublier), c'est fait pour être traversé : on regarde pourquoi il a eu lieu, on recommence autrement, on repart.
La réussite; c'est aussi fait pour être traversé : on apprécie le travail fourni, on ne s'endort pas sur ses lauriers, on se demande comment poursuivre.
Dans les deux cas, des "challenge's", comme on dit en franglais.
Dans les deux cas, des étapes, pas des conclusions.
La vie est un mouvement perpétuel, un parcours par essais et erreurs. On apprend de ses échecs au moins autant (plus?) que de ses succès...

jeudi 23 juin 2011

Fête-Dieu et procession à Enghien

Cette année, la Procession d'Enghien correspond à la solennité de la Fête-Dieu, la Fête du Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Seigneur. C'est une belle opportunité de rappeler la grandeur de ce Sacrement, que le pape a nommé mercredi dernier, dans sa catéchèse, "le plus grand trésor des chrétiens et même de l'humanité". Belle expression. Qui ne cherche un trésor? Qui n'est déçu par sa recherche, s'il ne cherche là où est le vrai trésor?
Or, dans l'Eucharistie montrée, exhibée en procession, nous montrons l'amour le plus grand qui soit au monde - dans toute l'histoire de l'humanité. Tout donner, absolument tout : son corps, son sang, se laisser manger par l'autre, jusqu'à l'anéantissement absolu du soi englouti.
Ainsi fait Dieu pour l'homme, en Jésus. Ainsi fit-il, ainsi continue-t-il de faire.
Y a-t-il plus grand amour montrable, possible?
Et, dans une procession, cet amour-là rejoint nos pauvretés, nos manques, nos résistances.
Dans une procession, - dans la belle procession d'Enghien - cet amour-là est précédé par les statues, les rappels imagés, de ceux et celles qui ont tenté d'en vivre : les saints et les saintes de l'Eglise, figures connues de la multitude inconnue, qui ont cru à l'amour.
Ils nous accompagnent, nous rejoignent, nous précèdent, nous stimulent.
Oui, l'amour est possible. Il se donne à voir, il n'a pas peur de se montrer. Et, comme je le disais sur ce même blog l'an dernier, ce sont les "petites gens" qui le pressentent le mieux : de leurs maisons, pour orner leurs façades, ils sortent le plus beau, et s'agenouillent au passage du Saint Sacrement, du Sacrement de l'Amour. Récemment, un "porteur de dais" de la procession me racontait l'anecdote suivante, qui m'a fait rire : devant un café, deux braves types qui buvaient leur bière (on est en Belgique...) ne savaient pas quelle contenance prendre au passage du Baldaquin. C'est la patronne du café qui, de l'intérieur, en "toquant" au carreau, leur a intimé l'ordre de se mettre à genoux! Belle solidarité dans la piété!
Ce même dimanche, je fêterai aussi le 27ème anniversaire de mon ordination presbytérale - en réalité célébrée le 24 juin 1984, mais qui était cette anne-là "la fête-Dieu" - , et j'accompagnerai "de coeur" mon ami Bruno, que notre évêque ordonnera prêtre à la cathédrale de Tournai (le pauvre m'a eu comme professeur...).
L'Eglise avance. Et même, elle "processionne"...

lundi 20 juin 2011

Que savons-nous de Dieu?

Hier, fête de la Trinité.
Nulle part dans la Bible ce concept n'est évoqué, jamais Dieu n'intervient pour dire : "Attention, les hommes, je suis la Trinité, hein! Gaffe!"
Ce sont les chrétiens qui, recueillant dans leurs méditations les trésors de la Révélation, ont forgé le mot et tentent aujourd'hui d'en vivre la réalité. Ils se démarquent ainsi de conceptions de Dieu certes respectables, mais insuffisantes - que l'on y croie, du reste, ou non, peu importe : un Dieu métaphysique "premier moteur immobile" (version Aritsote), un Dieu "Bien suprême" et démiurge (version Platon), un Dieu justicier (version janséniste - tiens, les revoilà, ceux-là), un Dieu "grand horloger" ou "grand architecte"(version Voltaire et les francs-maçons du XVIIIème siècle), un Dieu pré-bib-bang (version frères Bogdanov), un Dieu consolateur ou vaguement nounou qui berce les attristés sur sa poitrine généreuse (version charismatique), etc., etc.
Ah! ce qui peut traîner dans nos têtes quand on dit "Dieu"...
Nous croyons au Dieu de Jésus-Christ. C'est-à-dire : nous croyons que Dieu est ce que Jésus a raconté dans sa vie et dans sa mort, lui que nous nommons Dieu, le "Fils de Dieu". Nous croyons ainsi que Dieu est don, oblation absolue, effacement de soi pour l'autre, capacité de se laisser manger par l'autre (voir l'eucharistie : "Prenez, mangez - c'est mon corps. " "Prenez, buvez- c'est mon sang"! Paroles inouïes, non de vampires ou d'anthropophages, mais d'amour assumé jusqu'au bout du bout). Ce que Jésus a dit et fait dans sa vie de Juif, d'homme du Ier siècle dans la belle terre de Palestine : voilà ce qu'est Dieu, de toute éternité, depuis toujours et pour toujours, et pour chaque homme. Un don sans retenue, du Père au Fils, du Fils au Père, dans la liberté inouïe de l'Esprit (y aurait-il un don sans liberté?).
Et non seulement nous croyons cela - ce qui pourrait ne rester qu'une proposition intellectuelle. Mais nous voulons en vivre. Poussés par l'Esprit sans cesse donné à l'Eglise, nous voulons que nos communautés racontent elles aussi ce qu'est Dieu pour l'humanité d'aujourd'hui, non pas en récitant des leçons apprises et qui n'intéressent personne, mais en le faisant. En vivant entre nous des relations de don mutuel, de désintéressement, d'oblation - en essayant de devenir ainsi frères et soeurs d'un unique Père.
Nous revoici dans ce que nous sommes : l'Eglise n'est, en effet, rien d'autre. Et aucune de ses activités, de ses prises de position, de ses engagements, ne peut se justifier ou se comprendre en dehors de la vie trinitaire.

jeudi 16 juin 2011

Le bilan d'une vie

Un après-midi d'orage, à Enghien. Un homme âgé fait devant moi le bilan de sa vie.
Je veille ici à ne rien trahir, je voudrais seulement dire la richesse de ce moment, ce long moment de confidences.
Mon sentiment d'abord, quand la conversation s'engage, un sentiment qui me vient si souvent : qui suis-je, Seigneur, pour recueillir cela? Un sentiment qui tourne en prière : Seigneur, rends-moi capable d'écouter. Non seulement d'écouter, d'entendre. D'entendre le désir qui se raconte, les frustrations d'une vie parvenue à son dénouement. D'une vie dont on tente de faire le bilan.
Et si je dois parler - mais seulement si je dois - donne-moi la Parole.
Une action de grâce devant cet homme âgé, confiant en l'Amour, qui sait qu'il va partir bientôt ("La porte va se fermer. Ici. Et s'ouvrir ailleurs").
Je suis ému aux larmes par ces confidences auxquelles je n'ai pas droit. Dieu seul... Dieu seul a le droit d'entendre tout cela!
Ma main se lève pour donner l'absolution. Cet homme pleure. De joie, je crois. De la joie de se savoir aimé, infiniment aimé, attendu, estimé, regardé - toute sa vie, une pierre précieuse qui va briller et briller encore pour ses enfants, ses petits-enfants.
"Je les aime tant", me dit-il. "Que sauront-ils de Dieu? De son mystère? De mon mystère?"
"Vous leur avez tout donné. Soyez sans crainte. Ils vous aiment, et l'amour est la meilleure connaissance de Dieu."
Puis vient le temps de l'onction. La prière, lente. La réminiscence du texte de saint Jacques : "Qu'un prêtre de l'Eglise vienne oindre le malade qui le demande..." L'imposition des mains, dans le silence. L'onction sur le front, sur les paumes. Je prends dans les miennes les mains de cet homme, ces vieilles mains usées par l'âge, qui ont tant travaillé, caressé, réconforté. Longtemps, nous nous tenons ainsi, nos mains les unes dans les autres, d'un bord à l'autre de la vie.
"Je prie pour vous", dit-il.
Comme cette prière m'est précieuse.
Si je devais choisir dans ma vie le moment pour lequel j'ai été heureux d'être prêtre, j'en choisirais mille, bien entendu. Mais ce soir, entre tous, j'ai sélectionné celui-là.
Un moment rare où l'humanité révèle sa grandeur.

samedi 11 juin 2011

La grâce et la liberté, Versailles et Port-Royal

Je rentre d'un pèlerinage diocésain à... Versailles. Versailles, direz-vous? Pèlerine-t-on sur les traces de Louis XIV?
Eh bien, oui!
Ou, plus exactement - prenons l'époque avec le lieu - autour du XVIIème siècle français à Versailles, siècle de ce que l'abbé Bremond appellera plus tard "l'Ecole française de spiritualité" (avec le Cardinal de Bérulle, saint Jean Eudes, saint Vincent de Paul, Monsieur Ollier, etc.) qui voulut faire des chrétiens - et des prêtres, en particulier - des baptisés qui "reproduisent en eux les états et mystères de Jésus". Siècle de Port-Royal, aussi (dont nous avons visité "les Granges" et les établissements de ses "Messieurs"), de la rigueur protestante devenue catholique dans le jansénisme mais aussi, et en même temps, de la rigueur de la pensée contre la suffisance de la Cour et les compromis trop faciles entre le pouvoir et la foi. Siècle de Pascal, l'intransigeant philosophe, le génie, le mathématicien (inventeur, pour rappel, de la première machine à calculer), le converti, aussi et surtout.
Nous avons marché sur les pas de ces gens-là, du "Grand Roi" et de Pascal, de Monsieur Ollier et des jansénistes de Port-Royal, nous avons visité Saint-Cyr, évoqué les oeuvres de charité de Madame de Maintenon et les lettres moins pieuses de la Princesse Palatine, nous avons mis nos yeux dans le regard du duc de Saint-Simon, le grand mémorialiste de l'époque qui campe si bien la comédie de la Cour, la comédie de tout cela, la comédie humaine, la comédie du pouvoir - Saint-Simon qui n'est pas dupe, un modèle d'écrivain, un modèle d'homme libre.
Ils avaient tous raison : les jansénistes voulaient à juste titre défendre la grâce de la foi, telle que saint Augustin l'avait pensée et écrite. Louis XIV voulait de l'ordre dans son Royaume - c'était son métier. Les Jésuites voulaient, côtoyant le pouvoir, influer sur lui pour le rendre chrétien. Pascal voulait convaincre. Mais pourquoi se sont-ils tous à ce point bagarrés, écornés, rentré dedans, sinon parce que la nature humaine, quand elle associe la conviction religieuse et la soif de pouvoir ou le désir de gouverner, devient horrible - ce qui, par parenthèse, donne raison à la théologie du péché originel? Voilà au moins une leçon que nous pouvons retenir : que la foi ne doit pas chercher le pouvoir pour s'établir. Que le pouvoir ne doit pas chercher la foi pour s'agrandir. Car tous deux y perdent alors, en crédit et en noblesse.
Il faut méditer sur les bienfaits de la laïcité, notion complexe qui ne renvoie pas dos à dos les croyances et les convictions politiques, qui n'est pas non plus la "neutralité" (ah, l'horrible mot! Etre "neutre", c'est être tiède, ni oui, ni non, autant dire rien du tout. Il ne faut pas être neutre, jamais!). La laïcité, c'est un cadre global offert par l'Etat impartial à chacun pour dire, professer sa foi dans le respect de celle des autres et de ceux qui n'en ont aucune. La laïcité est très difficile à mettre en oeuvre, à promouvoir et à respecter.
Elle est - je vais ici dire quelque chose qui peut-être choquera -, dans tout ce que les chrétiens ont à proposer aujourd'hui, probablement leur tâche la plus urgente et qu'ils peuvent tirer de leur propre fonds, car elle s'enracine dans l'allégeance absolue à l'autre, à son altérité, à son étrangeté. Ce qu'en Jésus Dieu a manifesté à l'égard de tout homme - jusqu'au sang versé pour cela.

Ce soir, notre évêque est venu confirmer des jeunes ici à Enghien. Nous avons longuement parlé, lui et moi, de la situation du doyenné, dans divers aspects, notamment économiques. Et nous avons évoqué la difficulté signalée ci-dessus de conjoindre la gestion, l'économie et la pastorale sans main-mise et sans volonté de pouvoir. Nous avons prié ensemble pour les jeunes qu'il allait confirmer, déjà plus des enfants, pas encore des adultes, au bord d'un âge difficile : que l'Esprit les rende libres. Libres à l'égard des puissances et du pouvoir. Libres à l'égard de l'argent et de sa fascination mortifère. Libres à l'égard des aliénations de toutes sortes (sexe, drogue, addictions, mais aussi miroitements de carrières où l'on écrase les autres pour arriver. Arriver à quoi?) Que l'Esprit leur soit Esprit de don - d'abord les autres, moi après, pas l'inverse. Nous croyons vraiment que c'est la clé du bonheur, humain et spirituel. Sinon, pourquoi préparerions-nous ce genre de célébration?
Sommes-nous fous de le croire?

vendredi 3 juin 2011

Il ne faut pas grand chose...

Il ne faut pas grand chose pour que les célébrations de premières communions ou de professions de foi, qui peuvent être si artificielles, si bruyantes, et, osons le mot, si pénibles quelquefois, soient de vrais moments de croissance. Non seulement de croissance spirituelle, mais de croissance humaine. Non seulement pour les enfants ou les jeunes, mais aussi pour l'assemblée des adultes qui les entourent.
Il ne faut pas grand chose, mais c'est l'essentiel : il faut veiller à l'intériorité. A la qualité spirituelle du moment. A un certain silence du corps et du coeur.
Alors on voit des enfants et des jeunes faire un pas dans la foi et dans la vie, un pas important.
Alors on voit les parents et les amis assemblés prendre conscience de cette importance, et en être émus.
J'ai eu la joie de vivre cela dans bien des célébrations de ces dernières semaines et de ces derniers jours, en paroisse. Des célébrations bien préparées, bien rythmées, sérieuses sans être graves, profondément joyeuses.
J'ai de la chance : ce sont les catéchistes, de belles équipes de catéchistes, qui accomplissent partout dans le doyenné un remarquable travail d'accompagnement et d'éveil spirituel de ceux qui leur sont confiés.
Je les en remercie de tout coeur.