vendredi 29 juillet 2011

La jeunesse est généreuse

J'ai eu l'occasion cette semaine d'aller rendre visite à des "camps" de patro et de scouts d'Enghien, les uns et les autres installés dans les Ardennes. Visites brèves, mais qui m'ont à chaque fois permis de constater avec émerveillement combien la jeunesse est généreuse. Car enfin, voilà de grands jeunes (les dirigeants, les "chefs") qui consacrent dix jours de leurs vacances à entraîner des enfants et des adolescents, à les faire vivre ensemble, à leur faire découvrir la nature, à leur apprendre par le jeu ou les échanges la solidarité, le respect de l'autre, la fraternité... Le tout, cette année, dans des conditions climatiques peu favorables (pluie, froid).
Je les admire, j'ai eu l'occasion de le leur dire, et de tout coeur je les remercie, de même que les adultes qui les encadrent et assurent "l'intendance", pour cette générosité.

samedi 23 juillet 2011

Contrer la haine et la folie, dire le danger

Lors du dernier Conseil Presbytéral, mes confrères et notre évêque m'ont chargé de rédiger une note, à laquelle je travaille, pour dire combien nous avons tous des raisons d'être inquiets de certaines idéologies proposées par des partis politiques ou répandues, on ne sait comment, dans les réflexions populaires. Une idéologie qui, en vrac, revendique d'être sécuritaire, hostile aux étrangers et, en particulier, aux étrangers venus de l'Est de l'Europe ou de la Turquie ou de l'Afrique du Nord, le tout assorti d'une peur de l'Islam et de sa prétendue "contagion", une idéologie du repli sur soi, sur sa soi-disant "identité", sur la défense de ses "traditions", etc., etc.
Bref, vous m'aurez compris, une idéologie que l'on peut qualifier "d'extrême-droite", islamophobe et qui se prétend souvent catholique. Inutile de dire que ces idées ou ces ressentis (car on ne peut guère parler d'idées en ce domaine : c'est en deçà de la pensée) sont très présents chez nous, non seulement dans des partis d'extrême droite flamands (que l'on vient enfin de virer des négociations gouvernementales, il aura fallu un an, mais bon cela valait la peine!), mais aussi dans les courriels que l'on reçoit assortis de "blagues" racistes, dans le mépris affiché des autres religions et des "autres" tout court.
Cela est odieux.
Cela est dangereux. On vient de voir les dégâts que ce populisme a produits en Norvège, pays richissime et gangrené (comme le nôtre risque vite de le devenir) par ce poison.
J'ai quelquefois l'impression que l'Europe n'a rien compris des enseignements douloureux reçus des années 1930 : car on fut alors confronté aux mêmes messages, au même matraquage, aux mêmes peurs, au même égoïsme, et on sait que cela a conduit notre civilisation prétendument raffinée aux affres du fascisme, du nazisme, de la barbarie.
Les chrétiens ne sauraient tolérer cela, jamais et nulle part, mais surtout pas en leur sein. Or, c'est quelquefois au nom d'un prétendu "catholicisme" que certaines de ces positions sont exprimées. Elles ne sont pas conformes à la foi chrétienne qui, de sa nature et dès son origine, est généreuse, ouverte aux autres, accueillante à la diversité des cultures, bref, au sens étymologique et noble de ce terme, "catholique".
Qu'on se le dise.
La barbarie ne passera pas, jamais.

lundi 18 juillet 2011

"Hors de l'Eglise, pas de salut"

On connaît la formule, que l'on trouve en premier chez saint Cyprien de Carthage (IIIème siècle), et qui choque souvent : Extra ecclesiam, nulla salus, trop vite traduite par "Hors de l'Eglise, pas de salut!" Interprété de cette façon, en effet, cet adage sur lequel des dizaines d'études, de thèses même, ont été rédigées, est horrible. Il tendrait à signifier que, sans l'appartenance à l'institution "Eglise", aucun salut n'est possible pour aucun homme. C'en serait alors fini de l'espérance d'un salut universel de tout être humain, auquel les Pères de l'Eglise eux-mêmes nous ont accoutumés. C'en serait aussi terminé de l'enseignement généreux du Concile Vatican II qui, en divers endroits de ses textes, a affirmé que tout être humain, même dans une autre religion ou une autre discipline ecclésiale que la foi catholique, était en quelque sorte candidat au salut...
A la poubelle, alors, cette formule?
Pas complètement, et on va comprendre pourquoi je reviens ici, comme "pasteur", comme "doyen", à cet adage. Ne signifie-t-il pas ceci : "Hors d'une communion de vie, il n'y a pas d'accès au salut tel que le conçoit la foi chrétienne"? Dans cette interprétation plus large, plus généreuse, mais peut-être aussi exigeante, on affirme que le salut chrétien s'accueille non dans le "chacun pour soi", mais dans l'effort toujours recommencé de créer, de recréer, une communauté de vie, de partage, de destinée. Une communauté humaine dès lors significative, signifiante, pour tout le monde, un "sacrement" - précisément ce qu'est l'Eglise.
"Pas de salut dans le 'sauve qui peut' ou le 'chacun pour soi' ", telle pourrait être une traduction plus libre certes, mais aussi probablement plus fidèle, du point de vue théologique, de cet adage.
On en concluerait alors que le principal effort à fournir dans nos vies chrétiennes, c'est de "faire communauté", et de barrer la route aux logiques contraires de repli qui sont si promptes à se manifester ("Moi, du moment que j'ai... au choix : "ma" messe, "ma visite de camp", "mes funérailles", "mon mariage", "mon heure de messe", "mon bâtiment", "mon asbl", etc., etc.").
On pourrait du reste étendre cette interprétation et sa mise en oeuvre à des champs sociaux autres qu'ecclésiaux : voyez notre pays, par exemple. Sera-t-il "sauvé" dans des négociations interminables où il semble que la logique prépondérante soit précisément celle du repli sur ses intérêts particuliers? Sera-t-il "sauvé" hors d'une logique du "bien commun"? Voyez l'Europe : sera-t-elle "sauvée" (je pense à son hypothétique désastre financier), hors d'une semblable logique? Voyez le monde, notre planète "terre" : sera-t-elle "sauvée" (pensons à l'écologie, aux famines, à la répartition des biens et des richesses, etc.), hors d'une semblable logique? Ce qui s'est énoncé dans cette formule de l'antiquité chrétienne recèle sans doute encore, par delà des interprétations réductrices, de grandes richesses de mise en oeuvre! Extra ecclesiam, nulla salus : hors d'une communauté de vie et de destinée (en ce sens large, hors d'une "Eglise", ou ce que l'Eglise veut être), pas de salut pour l'être humain!
Le travail à faire, pour honorer l'adage dès lors ainsi entendu, est et reste immense.
Mais comme il est aussi enthousiasmant!

mercredi 13 juillet 2011

Le miracle grec

Il peut sembler provocateur, au jour d'aujourd'hui et vu la situation économique du pays envisagé, de parler de "miracle grec". Pourtant, j'utilise volontiers cette expression au retour d'un bref mais revigorant séjour à Athènes, aux fins de me reposer un peu - Athènes, la Grèce : une ville et un pays que j'ai autrefois beaucoup fréquentés (je suis d'abord ce que l'on appelle en Belgique un "philologue classique"!), mais que je n'avais pas revus depuis à peu près vingt ans.
La première impression est celle d'une intacte pureté du pays : pas seulement la couleur du ciel et de la mer, mais les lignes des monuments, des statues, des poteries (visités à pas cadencés dans les musées remarquables de la Capitale grecque, notamment le Musée Archéologique et le tout nouveau Musée de l'Acropole, ou encore le Musée cycladique, reparcouru avec émotion). Les idoles cycladiques, précisément et par exemple : le caractère épuré de leur forme, l'impression qu'elles dégagent, leur contemporanéité. Ou encore les stèles funéraires du cimetière ancien du Céramique : des centaines d'années avant le Christ, dans les deux cas, une attente de la vie éternelle, une aspiration à vivre déjà, dans l'ici-bas, de l'au-delà... Si l'on ajoute à cela la naissance de la philosophie (joie de lire des pages du Phèdre de Platon en se promenant sur les bords de l'Ilissos, là où peut-être, sans doute, Socrate lui-même philosophait : "Ô phile Phaidre, poi dè kai pothen;" - "Ô mon cher Phèdre, où vas-tu comme cela, et d'où viens-tu?", question primitive de toute existence humaine!), si l'on ajoute aussi à cela le bonheur d'errer dans la Plaka, de goûter à l'ouzo et à la cuisine locale! Oui, on est bien dans un berceau de civilisation. Un berceau qui nous repose - comme font tous les berceaux, en principe! Nous y retrouvons quelque chose qui a forgé l'humanité, qui lui a donné son ossature, et qui se respire, qui flotte dans l'air, qui réjouit le sourire des antiques statues - ces femmes apaisées, emplies de sagesse, des centaines d'années, encore une fois, avant l'aventure chrétienne...
Une aventure en continuité, du reste, avec ce passé dit "païen" - le Musée byzantin, ses innombrables icônes, racontent l'imprégnation désormais chrétienne du pays. Et même les catholiques, très minoritaires, forment une communauté fervente (j'ai pu m'entretenir avec l'archevêque catholique d'Athènes, qui m'a beaucoup impressionné par son respect des personnes, dans sa toute petite cathédrale Saint-Denys-l'Aréopagite, plus petite que l'église de Silly!)
La situation économique, hélas, est ce qu'elle est (probablement beaucoup de corruption, et la non taxation de quelques empires financiers). Mais il faut aider ce pays à en sortir, non seulement pour ces motifs économiques, mais davantage encore pour des motifs culturels : sans la Grèce, pas d'Europe, au sens noble de ce terme ("Europe", d'ailleurs est une nymphe de la mythologie grecque).
Au retour, on retrouve l'abrutissement, la bêtise et l'obstination de certains politiciens belges, toujours infoutus de dépasser leurs calculs électoralistes et leur nationalisme égoïste.
Qu'ils aillent se faire voir chez les Grecs, tiens!

mardi 5 juillet 2011

La mort dans nos vies

Ces jours-ci, pléthore de funérailles, de deuils, de grands malades qui demandent assistance et accompagnement... La mort est dans nos vies, elle rôde. La plupart du temps, nous passons nos existences à la nier, à la refouler ("on verra bien"). Certes, on sait l'échéance inévitable, mais on "avance à reculons vers le précipice", comme le disaient déjà les philosophes de l'Antiquité (voir Cicéron et tant d'autres).
Le christianisme, avant même de proposer une espérance "par-delà" la mort, n'a pas peur d'intégrer la mort dans nos vies. La mort, et toutes ses formes : car il n'y a pas que la mort physique, il y a tous ses modes, psychiques, spirituels. Ce que la théologie nomme "le péché", c'est ni plus ni moins des signes de mort dans nos vies, des replis, des recroquevillements, des médiocrités, des petitesses - des petitesses plus ou moins grandes, si l'on ose ainsi dire! Oui, la mort nous guette, et il nous appartient de la reconnaître présente en nous, déjà faisant son oeuvre, grignotant nos coeurs, nos esprits, nos corps. Cette reconnaissance seule nous rend capables d'être présents à la mort des autres : aux deuils, aux souffrances et aux maladies physiques qui y conduisent, aux apories morales et spirituelles qui en sont le signe.
Et c'est seulement à partir de cette reconnaissance que nous découvrons le Christ. Le Christ lové en toutes nos morts comme en son linceul dans la tombe, mais que la puissance d'amour du Père veut ressusciter.
Car si la mort nous guette, nous savons que nous sommes faits pour la Vie.
Et que la pierre de nos tombeaux ne résistera pas longtemps à cette puissance, à cette incroyable puissance de l'Amour.