lundi 29 juin 2009

VACANCES

Revoici le temps béni des vacances. L'étymologie dit : de vacare, "être vide, manquer". Et je ressens d'abord ce creux : l'agenda s'est désempli, la surcharge est moindre, voici tout à coup la page blanche. Pour un peu, j'en serais désarçonné, moi qui cours tous les jours après le temps sans le rattraper. D'un côté, c'est l'oasis longtemps rêvée. D'un autre, la bascule : on passe du tout au (presque) rien, du plein au vide. Mais, pour parodier Bécaud, "et maintenant, que vais-je faire, de tout ce temps, que sera ma vie?"
Oh tout me convie à combler au plus vite cette béance offerte : ré-emplir mes journées, par tel voyage ou telle sortie, tels amis que je n'ai pas vus depuis trop de mois, et surtout il y a ce sommeil en souffrance, à récupérer. Comme si je devais, vite, vite, occuper le terrain déserté par de nouvelles tâches. En réalité, c'est que ce "rien" m'effraie, moi comme tout le monde. L'être humain a peur du vide, c'est bien connu, il ne se penche sur ses bords qu'avec la plus grande appréhension, le vertige d'emblée lui tourne la tête. Dès qu'un manque lui ronge le ventre, il se hâte de le remplir : la porte, sinon, ne serait-elle pas ouverte à la gamberge, à la déprime même? Ce que Pascal, le philosophe, appelait au XVIIème siècle le "divertissement" aura tôt fait de le rassurer...
Je suis entré ce matin dans l'église de mon village. Elle est trop souvent fermée mais, bien sûr, j'en possède la clé. Il était sept heures. Pas un bruit, sauf le roucoulement des pigeons qui suqattent le clocher. Les vitraux cu choeur, de qualité artistique contestable - ils sont XIXème - commençaient à recevoir et à diffracter la lumière de l'Est, l'aube de la résurrection. Malhabiles, ils représentent d'un côté du maître-autel la dernière Cène, de l'autre, les disciples d'Emmaüs : deux évocations de l'eucharistie. Je me suis assis dans la promesse de cette journée, avec au creux du coeur ce vide, cette vacance. Dieu s'y offrait à mon désir dans une bien plus grande béance, celle de son amour.
Au coeur de ce vide, une grande attente : celle de Dieu. "Je t'attends", voilà le mot qui résonnait à mes oreilles et, plus encore cet autre, prolongé dans le silence du petit matin : "Je te cherche". Avec l'aube venait à moi un Dieu lui-même vacant, vide, sans a priori sur ma personne, n'ayant qu'un désir : être assez dépouillé pour me combler. "Lui, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l'égalait à Dieu. Mais il s'anéantit lui-même..." Ainsi parle Paul, lorsqu'il raconte aux Philippiens la geste du Christ et lorsque, ce faisant, il nous raconte qui est Dieu pour les hommes (cf. Ph 2, 6-7) : un abîme d'amour e quête du nôtre, une quête amoureuse de notre quête.
J'avais envie de dire les versets du psaume des Laudes, ce matin-là : "Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l'aube, mon âme a soif de toi..." Et sans que j'eusse prononcé aucune parole, déjà le Verbe me précédait et sans rien dire s'appliquait à lui-même ces propos inauguraux : "Homme, tu es mon Dieu, je te cherche dès l'aube, mon âme a soif de toi..."
Je suis sorti de l'église une bonne heure plus tard. Dans la cour de l'école communale, des enfants entraient pour recevoir, qui joyeux, qui anxieux, les résultats de leurs épreuves d'école primaire. Bientôt, ils courraient eux aussi vers les vacances : chacun irait cherchant son repos. J'avais trouvé le mien, et je crois bien que j'avais prié.