samedi 31 janvier 2015

L'autorité du Christ

"On était frappé par son enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes." Remarquable verset de l'Evangile de Marc, que nous entendons ce dimanche, et qui nous rapporte - sans aucun doute très fidèlement - les impressions des premiers auditeurs de Jésus. Ils furent frappés par son "autorité". Le grec dit exousia, un terme à l'étymologie intéressante, qui nous reporte au verbe "être" : l'autorité consiste à "être ce que l'on dit", à habiter sa parole, à être sa parole, à être la Parole. C'est une différence, évidemment, d'avec les commentateurs habituels de la Torah (les "scribes") : ces derniers se réfugiaient toujours derrière l'autorité d'autres commentateurs avant eux, sans guère prendre parti. Jésus est ce qu'il dit, et quand - dans l'épisode qui suit - il guérit un possédé en faisant taire en lui le mal ("Silence!"), on voit combien cette parole- présence est efficace.
L'Esprit de Jésus est sur nous.
Son "autorité" habite en l'Eglise, qui n'a pas besoin de trop palabrer, mais, bien davantage, d'habiter sa parole, d'être une présence parlante dans le monde, pour y être crédible. Pensons à tant de domaines où l'autorité - dont on a compris, au passage, qu'elle n'a du coup rien à voir avec l'autoritarisme de petits chefs auto-proclamés - est réclamée : la famille, l'école, la politique, les organisations sociales, le sport, la recherche scientifique, etc.
Si l'on a quelque chose, aujourd'hui, à demander à Jésus, à Jésus vivant et présent, c'est de nous faire, par l'Esprit, participer à l'autorité qui fut, qui reste, la sienne.

jeudi 29 janvier 2015

Les richesses de la Région Pastorale d'Ath

En faisant le point cet après-midi avec les Doyens de la Région Pastorale d'Ath (Ath, Lessines, Chièvres, Lens, Frasnes, Beloeil, Enghien), et en envisageant le Carême à venir, nous nous rendions compte de la richesse de nos communautés, une richesse redoublée quand elle est mise en commun. Concerts, réflexions à partir du Cinéma, conférences, propositions de partage des biens et des ressources avec des coins  du monde infiniment plus pauvres que le nôtre, et autres initiatives,  vont, en plus de toutes les célébrations liturgiques, nourrir notre itinéraire vers Pâques. Je dois dire que les Doyens, dans cette Région, forment une équipe fraternelle,  joyeuse et soudée, où la parole est franche et où les initiatives sont facilement coordonnées.
Une " feuille régionale", partout distribuée (version internet ou version papier) devrait rassembler bientôt, comme l'an dernier, toutes ces propositions  pastorales du Carême dans nos doyennés.
Cela ne fera pas de tort, dans une atmosphère si décontenancée, si pessimiste souvent, de vivre ce temps liturgique de retour à l'essentiel, pour aller  au cœur du cœur de notre foi et ainsi  préparer Pâques - toujours une aventure, toujours une nouveauté, une "nouvelle naissance".

dimanche 25 janvier 2015

La religion, une affaire "privée"?

Dans la suite de mon précédent post, je voudrais préciser ceci : ceux qui réclament une privatisation complète de la religion et son exclusion de la vie publique sont en contradiction avec la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948 - ainsi que je le signale dans ce que j'ai rédigé la dernière fois. Comme on m'a demandé avec quel article, voici : il s'agit de l'article n°18, que je reproduis bien volontiers :

     Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, seul ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites.


     C'est clair, non?


jeudi 22 janvier 2015

Sur la laïcité et les cours dits "philosophiques"

Les récents et tragiques événements en France et en Belgique font que beaucoup réclament, de partout, plus de laïcité, ou une laïcité mieux affirmée. Je suis d'accord, à la condition de s'entendre sur le terme.
A mes yeux, la laïcité est un cadre indispensable à la vie citoyenne, qui permet à toutes les convictions philosophiques ou religieuses de cohabiter et, mieux encore, de "s'entre-tenir" dans une société. En veillant à ce vivre ensemble, elle interdit d'emblée les fanatismes, les velléités de s'imposer dans le débat. Et ce débat, au contraire, elle l'appelle de ses vœux et le favorise.
A mes yeux toujours, et du coup, elle n'est pas une religion de plus, et meilleure que les autres, qui les regarderait de haut en se proclamant la seule vraie vérité de l'homme et du monde, une religion avec ses grands prêtres, ses rituels, ses temples, ses saints, sa doctrine et, évidemment, aussi, ses fanatiques toujours possibles.
Tout ce qui prétend lui faire prendre la place des religions, ou d'une religion, devient - à mes yeux encore - terriblement suspect. On est alors dans la récurrence non pas de la laïcité, mais du laïcisme, et de son cortège de mépris insultant pour la pensée religieuse et pour son expression publique - une expression qui, faut-il le rappeler ici, est non seulement légitime (conforme à la Déclaration  Universelle des Droits de l'Homme de 1948) mais inévitable, dès lors que le religieux est aussi une manière de vivre ensemble, de faire communauté, et donc une forme de vie repérable dans le champ social, qu'on le veuille ou non!
Peut-être conviendrait-il de se souvenir de tout cela, avec un peu plus de rigueur qu'on ne le fait dans la presse, lorsqu'on parle du "cours de religion", par exemple, de sa nécessité et de son contenu. Peut-être faudrait-il se souvenir que la sociologie religieuse existe comme science et est enseignée comme telle depuis des décennies - mettons, pour dire un nom, depuis Max Weber. C'est une discipline qui a précisément pour objet d'étudier l'impact social, public, du religieux et qui suscite des recherches très développées, entre autres, à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes de Paris, où elle a été honorée par des maîtres prestigieux et récemment décédés, comme Jean Séguy ou Emile Poulat.
Hors ce patient travail, la bien légitime quête d'une laïcité accrue risque de redevenir une idéologie de combat, d'autant plus vite inefficace qu'elle sera plus polémique : quelle autorité auront, sur des adolescents de banlieue qui n'en ont rien à faire, des "professeurs de citoyenneté", jugeant de haut et comparant entre elles des religions dont ils ne sauront souvent pas grand chose et sûrement peu le retentissement existentiel qu'elles peuvent avoir auprès de ces mêmes jeunes? Je ne pense pas que l'on s'en sorte avec des formules pareillement "bidon" - excusez le terme. Le cours de religion catholique a comme programme de scruter la vie des élèves - surtout dans le secondaire -, d'exprimer leurs questions comme on exprime le jus d'un fruit, de les verbaliser, de les faire remonter, d'en voir les enjeux et la portée, de les confronter aux données des grandes traditions philosophiques et de la foi chrétienne, et tout cela, sans aucune velléité prosélyte. Moi, je crois que c'est dans ce sens-là que chaque tradition religieuse et philosophique peut  honorer le cadre laïc tellement nécessaire. Que ce sera profitable à tous. Et qu'il faut y travailler ensemble.

mercredi 21 janvier 2015

Nos frères les moines

Retour, ce soir, de l'Abbaye du Mont-des-Cats où j'ai passé en compagnie de la Communauté une bonne semaine de retraite. Je les connais depuis trente-cinq ans, et j'admire leur fidélité à l'idéal cistercien de simplicité, de prière partagée, d'accueil. Bien sûr, ils vieillissent, les vocations, comme on dit, sont peu nombreuses, et ils se posent des questions sur leur avenir. Nous avons parlé ensemble de ce sujet, comme de tant d'autres, et je leur disais que nous avons évidemment les mêmes interrogations dans le clergé séculier. Mais cela ne doit pas nous empêcher de vivre ce que nous avons à vivre : ce qui compte, ce n'est pas le nombre, c'est d'être authentiquement ce que l'on est  dans l'Eglise et pour le monde. Peu importe que les prêtres soient nombreux dans un diocèse : pourvu qu'ils soient authentiquement prêtres, signes sacramentels de l'appel que Dieu adresse à tous et de l'amour qu'il offre à chacun, dans le Christ. Pareil pour les moines : ils sont signes de l'unique essentiel, de ce qui demeure et demeurera à travers les vicissitudes de l'ici-bas. Je les ai trouvés confiants, ces frères amis, et remplis d'optimisme, non pas malgré mais à cause de cette fragilité en laquelle ils reconnaissent une conformité plus grande à l'Evangile.
Un frère me disait : "J'ai toujours été séduit par les orchestres symphoniques. Chaque musicien a sa partition, et pour certains d'entre eux, c'est très modeste - quelques notes. Mais encore faut-il qu'elles soient jouées au bon moment, sur le bon tempo. Nous jouons dans l'histoire de l'Eglise et du monde une partition petite, mais nécessaire, et il ne faut pas la louper!" Un autre : "As-tu remarqué la générosité des GPS? Quand on ne suit pas l'itinéraire qu'ils ont indiqué, quand on prend des chemins de traverse, ils nous reprennent là où l'on est, recommencent le calcul, et nous ré-invitent à suivre la route la meilleure, et cela autant de fois que nécessaire. Dieu fait pareil avec nous..."
De tout mon cœur, je rends grâce pour leur présence, pour leur silence, pour leur parole rare et précieuse, qui quelquefois monte de ce silence,  pour ce qu'ils sont - des hommes solidement plantés dans l'ici-bas et qui portent sur le monde et sur chaque être humain  un regard infiniment bienveillant.
On demande un remède pour guérir notre société de sa barbarie quotidienne?
Je recommande la cure monastique!

samedi 10 janvier 2015

Europe : présence d'une jeunesse malade...

En voyant hier les scènes horribles qui ont conduit à l'élimination physique des trois terroristes, je me disais que ces jeunes gens étaient des Français, nés en France, ayant grandi en France, y ayant poursuivi leur scolarité. Et qu'il en va de même pour les centaines d'autres qui, comme eux, sont tentés par le Djihad et le terrorisme, en France, chez nous ou encore dans bien d'autres pays européens. Il y a en Europe une jeunesse malade, qui se sent exclue et qui tombe dans les bras des premiers idéologues venus pour donner à sa vie un semblant de sens.
Qu'avons-nous fait?
Comment en est-on arrivé là?
Je dis bien que cette jeunesse est la nôtre : qu'on arrête de la stigmatiser comme "étrangère" - quand on est né dans un pays, quand ses propres parents y sont nés, on est de ce pays! La France, les autres pays d'Europe sont les pays de cette jeunesse déboussolée.
Je suis heureux d'avoir lu dans La Libre Belgique de ce matin l'interview qu'y donne Anne Giudicelli (p.10), présentée par le Journal comme "consultante spécialisée dans l'étude des risques politico-sécuritaires." Ce qu'elle exprime rejoint très exactement les préoccupations qui me troublent parce qu'elles me semblent au cœur du drame qui s'est joué en France (et qui peut-être recommencera dans les jours ou les semaines à venir). Voici ce qu'elle écrit : "Le problème principal est qu'on n'a toujours pas compris qu'il faut revoir la stratégie de lutte contre ce type d'action. A ce jour, il n'y a pas d'approche globale mais seulement des initiatives corporatistes ou sectorielles. L'essentiel de ce qui est fait consiste en répression. On attrape, on juge, on emprisonne et on remet peut-être en liberté un peu trop tôt sans rien régler du fond du problème car on est en situation de surpopulation carcérale. (...) Il faut ajouter un aspect préventif. Ce sont nos enfants, les produits de nos sociétés, dont on parle et qui posent ces actes. Donc il faut aller toucher ce qui est à l'origine de ce qui fabrique ce genre d'individus. Ce n'est pas un problème de religion ni de délinquance, mais bien d'exclusion.  (...) On ne veut pas voir que notre société exclut. Aujourd'hui encore, les images de cohésion autour de "Nous sommes tous Charlie" ont pour principal objectif de nous rassurer. Mais elles ne correspondent pas à la vérité de notre société qui est fracturée et donc, génère des exclusions tant sociales que culturelles. Ce qui est en cause, c'est le modèle français très rigide de laïcité et l'hypocrisie quant à la gestion de la diversité. Il faut enfin accepter de voir les choses en face puis chercher à se rassembler autour des valeurs communes. Malheureusement, vu le temps qu'on a perdu, cela risque d'être fort difficile. (...) Les terroristes pensent qu'on ne veut pas d'eux chez nous et qu'ils sont mieux avec d'autres, au point qu'ils deviennent capables de nous attaquer comme des ennemis qu'ils ne connaissent pas. C'est cela qui doit changer. (...) Car on n'assume pas, au niveau politique, que c'est bien là que se situe le problème. On dit : "Ce sont des fous", mais non : le problème est beaucoup plus profond. Les gens qui travaillent sur le sujet tous les jours ont de très bonnes analyses. Le problème, c'est quand celles-ci remontent au niveau politique où on reste coincé dans des jeux de pouvoir. (...) Et puis (...) quand douze personnes sont tuées chez nous, cela devient un cataclysme, alors que tous les jours des milliers d'Irakiens et de Syriens perdent la vie et on ne réagit pas. Ce qui alimente un sentiment d'injustice face à ce déséquilibre visible. Ce décalage est capital à corriger car la vie d'un Occidental ne pèse évidemment pas plus que celle d'un autre." (La Libre Belgique, samedi 10 et dimanche 11 janvier 2015, p.10)
A méditer, vraiment...

jeudi 8 janvier 2015

Sur l'attentat de Paris...

Il faudra probablement encore beaucoup de temps pour que se décante l'événement tragique qui a frappé hier la capitale française, et que l'on puisse plus sereinement passer de l'émotion à la réflexion. Dès à présent, plusieurs composantes de ce drame me semblent apparaître, que je vous livre "en vrac".
1° La liberté d'expression, et en particulier la liberté de la presse, est une et indivisible, et ne saurait être remise en cause par rien. Elle est le signe des autres libertés fondamentales d'une démocratie. Vouloir y attenter, c'est attenter aux sources mêmes de nos convictions communes, de ce qui fonde notre vivre ensemble.
2° Ce n'est pas pour cela que tout ce qui se publie est exact ou de bon goût - et "Charlie Hebdo" n'a pas toujours fait dans la dentelle! Mais la liberté de la presse a ceci de particulier qu'elle permet précisément de rétorquer par la presse, plume contre plume, texte contre texte, dessin contre dessin. Utiliser d'autres moyens pour contrer la libre expression (l'appareil d'Etat, la violence meurtrière étalée hier, ou simplement la pression, le chantage, etc.), c'est, encore une fois, saper les fondements de la démocratie.
3° La liberté de la presse s'applique aussi à la sphère religieuse de la société, quelle que soit la religion considérée : tout le monde a le droit de tout contester de ce que disent les religions, et tout le monde a le droit de s'en moquer - sachant que les religions ont aussi le droit de contester ceux qui se moquent, et de s'en moquer. La religion, dans nos sociétés, est un champ ouvert, comme les autres, au débat.
4° La qualité d'une démocratie s'évalue à la qualité de ce débat : profondeur et justesse de ses arguments, respect des interlocuteurs, etc. On peut penser, à de certains moments, que la grande presse (écrite et télévisée) ou les réseaux sociaux ne sont pas toujours très relevés ou très nuancés  et que, quelquefois, ils entretiennent même une certaine médiocrité de la pensée. A chacun de corriger cela dans ses prises de parole ou de position...
5° Reste une question, difficile : une société peut-elle évacuer le sacré, ou, pour être plus précis, la sacralité du sacré? C'est, d'après les anthropologues, une chose impossible. Il faudrait relire ce qu'écrivait là-dessus le philosophe (et aujourd'hui académicien) René Girard dans les années septante (par exemple, dans La violence et le sacré) : les rapports humains sont fondés sur le dépassement d'une violence mimétique qui trouve un exutoire dans un objet sacrificiel - qui "fabrique du sacré", pour le dire autrement. Il y a donc un lien inévitable entre le sacré et la violence (des attentats, des réactions, etc.) Ne l'a-t-on pas vu hier? On n'en finira pas, sans aucun doute, de dénouer les motivations socio-culturelles complexes des jeunes gens de chez nous partis s'entraîner pour le Djihad au Proche-Orient et revenus ici pour terroriser les populations - ils sont probablement les révélateurs d'un malaise sociétal profond et durable, versant noir d'un consumérisme proposé comme bonheur unique à des enfants qui veulent autre chose. Mais ce qu'écrivait Girard il y a quarante ans n'a, semble-t-il, pas vieilli...
6° Les religions sont-elles en cause? En tant que lieux institutionnels du sacré, oui, bien sûr. Il leur appartient d'affiner leur présentation d'elles-mêmes auprès de leurs adeptes en creusant de façon critique les sources de leurs "révélations" (cela s'appelle la théologie). Il leur faut apprendre à dialoguer davantage entre elles et avec les cultures où elles existent, pour qu'elles trouvent et retrouvent sans cesse ainsi la source libératrice de leur message - qui, sans cela, risque toujours de virer à l'arrogance, au mépris de l'autre, à l'idée erronée que la "révélation" est une vérité "détenue" contre des ignorants. Ce n'est certainement pas en éliminant les débats sur la religion (par exemple à l'école) que l'on ira dans le bon sens...

Bref, du pain sur la planche pour les acteurs de la société, à tous les niveaux!

dimanche 4 janvier 2015

Epiphanie : le pape annonce un nouvel élargissement du Collège des Cardinaux

Le pape a annoncé aujourd'hui la création - qui sera effective le 14 février prochain - de vingt nouveaux cardinaux, dont quinze électeurs (de moins de quatre-vingts ans). A y regarder de près, il semble bien que François veuille manifester encore un élargissement culturel et géographique  du Collège des Cardinaux, y agrégeant des évêques d'Ethiopie, de Nouvelle Zélande, du Vietnam, du Mexique, de Birmanie, de Thaïlande, d'Uruguay, des Iles Tonga, du Panama... Une belle nouvelle, en cette fête de l'Epiphanie qui célèbre l'universalité de notre Eglise.