vendredi 31 décembre 2010

Voeux

Tandis que nous nous acheminons doucement vers le 1er janvier 2011, je tiens ici à exprimer mes voeux de bonne, heureuse et sainte année à tous les lecteurs de ce blog. Que l'année à venir soit pour chacun d'entre eux une année de paix et de joie.
Ici, dans les paroisses du doyenné d'Enghien, elle sera aussi une année de travail et de renouvellement pastoral : le projet "renaissance", vécu en lien avec le diocèse, va nous permettre de rapprocher encore nos douze paroisses et de sceller davantage leur collaboration.
Beaucoup de chantiers nous attendent, aussi : je pense à la question des pauvretés, qui devient criante à Enghien - en particulier, les difficultés de logement. Je pense à la liturgie, où des efforts de collaboration et de renouvellement sont urgents. Je pense à la catéchèse, où nous devons poursuivre dans la direction des "assemblées catéchétiques" que l'Avent a vu fleurir. Je pense à la pastorale des jeunes et des mouvements, où une équipe de coordination devrait voir le jour. Je pense à la pastorale des malades, où nous devrons aussi renforcer les coopérations. Bref, du pain - du beau pain - sur la planche!
Nous ne devons pas non plus rester enfermés sur notre "territoire" : élargissons nos voeux et notre prière à notre diocèse et à l'Eglise universelle, aux efforts de purification auxquels elle doit consentir surtout en Belgique. Songeons à notre pays et à sa gouvernance, prions pour que les responsables publics prennent et assument les tâches que le vote démocratique leur a confiées. Pensons au monde entier, aux pays en guerre, aux minorités persécutées (les chrétiens d'Irak, on le comprendra, nous tiennent particulièrement à coeur), à l'Afrique sub-saharienne et à sa pacification politique autant qu'à son développement, à la promotion partout des droits et de la dignité des êtres humains, aux efforts à fournir pour mieux respecter notre terre, cet habitat commun si menacé et si flétri...
Mais je sais que l'enthousiasme ne manque pas, alors, vraiment et de tout coeur : bonne et sainte année, et merci à chacun(e) pour tout le travail déjà accompli ensemble!

mercredi 29 décembre 2010

Des nouvelles de ma nièce

Comme j'ai évoqué ici l'état de santé de ma nièce suite à son accouchement le 16 décembre dernier - état plus que préoccupant, septicémie, coma, etc. - je tiens maintenant à remercier de tout coeur ceux et celles qui se sont manifestés d'une façon ou d'une autre pour me dire leur attachement et leur prière.
Et je tiens à donner quelques nouvelles : depuis la veille de Noël, ma nièce a quitté les soins intensifs et se trouve, avec son bébé et le papa, dans une chambre de maternité. Elle est encore soignée de tout près (perfusion d'antibiotiques, contrôles sanguins quotidiens, etc.), mais remange et remarche tout doucement. Elle ne devrait pas quitter l'hôpital bruxellois où elle se trouve avant plusieurs semaines, et un suivi médical sera organisé lors de son retour à la maison, mais elle est vraiment en bonne voie. Le bébé, lui, (un magnifique petit garçon qui s'appelle Théo, nom prédestiné!) va tout à fait bien!
Je crois en la puissance de la prière, et, en l'occurrence, je crois que cette puissance de partout manifestée a été au moins aussi efficace que les traitements!
Ensemble, rendons grâce à Dieu pour ce beau cadeau de Noël!

mardi 28 décembre 2010

Pour évaluer l'action pastorale...

Ce mot de Bellet, dans le récent - et succulent - petit livre de lui que des amis m'ont offert pour Noël, me donne un bon principe de départ pour évaluer maintenant nos activités pastorales :

"On trouve des gens qui disent ce qu'il faut faire,
ce qu'il faudrait faire,
ce qu'il aurait fallu faire, ce qu'il ne faut pas faire.
C'est, souvent ou quelquefois, très bien vu.
Et il y a des gens qui font.
Ce n'est jamais très bien fait.
Mais du moins, c'est fait."

(M. BELLET, Minuscule traité acide de spiritualité, Bayard, 2010, p.96)

vendredi 24 décembre 2010

Eloge du silence dans un monde de bruit

La Parole de Dieu est devenue enfant! Ô paradoxe, puisque l'étymologie latine du mot "enfant" nous fait ainsi traduire le terme : "Celui qui ne sait pas parler." Voici donc la Parole devenue muette. Consentant à apprendre le langage des hommes, et pour cela à les observer, à balbutier, à écouter. Oeuvre du silence auquel Dieu consent, et hors lequel toute Parole est impossible. Dieu à l'écoute des hommes...
Notre Eglise vient de subir bien des troubles, elle, le Corps actuel de ce même Enfant, elle, le Corps du Verbe : Noël n'est-il pas pour elle l'occasion de réapprendre l'écoute, le silence, à consentir aux balbutiements et à renoncer à tout discours arrogant ou péremptoire? Elle y gagnera en crédit, et deviendra ainsi plus conforme à ce qu'elle est dans le dessein du Père.
Mais de même qu'une famille est bouleversée par la naissance d'un enfant, surtout d'un premier-né, notre monde serait aussi bien inspiré de se remettre à l'écoute de cet Enfant. Lorsque paraît le nouveau-né, le temps se réorganise, les priorités changent, le coeur de la vie est désormais dans ce berceau qui semble remplir toute la maison. Notre monde n'aurait-il pas besoin, lui aussi, de veiller Celui qui vient à lui désarmé et de remettre en ordre, à partir de lui, ses priorités?
Hommes à l'écoute de Dieu...
Heureux et saint Noël à tous!

mercredi 22 décembre 2010

Porter nos chagrins devant la crèche

Ce matin, j'ai eu la joie de célébrer une longue prière puis la messe de dix heures pour préparer à Noël les enfants de nos écoles paroissiales. Quel beau moment, préparé avec soin par les instituteurs et institutrices, et vécu avec calme, silence, sérieux même, par ces élèves. A l'issue de la messe, je vois une petite fille en pleurs : en réponse à ma question sur l'origine de sa tristesse, elle me dit : "Il y a quinze jours, on a enterré ici mon grand-père et c'est toi qui faisais la messe, déjà. Alors ça me rappelle de mauvais souvenirs..." Je lui ai pris la main et nous sommes allés tous les deux devant la crèche, pour déposer là nos chagrins. "Jésus comprend tout, lui ai-je dit, il comprend que tu aies du chagrin pour ton grand-père. Et ton grand-père lui-même va venir te consoler avec Jésus."
Moi aussi - ça je ne l'ai pas dit à cette petite élève - j'avais du chagrin à déposer devant la crèche : ma nièce qui a accouché jeudi dernier d'un beau petit garçon est depuis samedi en soins intensifs, "entre la vie et la mort", comme on dit, victime d'une infection septicémique. Chaque jour, nous voilà, ma famille et moi, suspendus au téléphone et liés à un réseau incroyable de prière pour elle!
Cette petite fille, ce matin, sans le savoir, m'a aidé à porter mon chagrin devant la crèche d'où nous attendons tous notre salut!

vendredi 17 décembre 2010

La prière d'un grand Belge

Reconnaîtrez-vous l'auteur de cette prière?

"Merci, Seigneur, de tout ce que tu me donnes. Pardon d'être si craintif, d'avoir si peu de foi.
Avant-hier je me suis promené dans le parc et j'avais une telle colère en moi, qui - je m'en rendais compte - n'était que partiellement justifiée. Il y avait comme une espèce de débordement d'angoisse et d'indignation devant certaines réactions. Pardonne-moi, Jésus, de si mal souffrir.
Lorsque tout va bien et que je lis l'histoire des saints, je me sens attiré par leur générosité et leur joie de souffrir pour toi et avec toi. Et dès que la croix, même petite, se présente, d'abord je ne la reconnais pas et ensuite je me plains de l'endroit où elle me fait mal. Après tant d'années de grâces et de merveilleux exemples autour de moi, j'en suis aux balbutiements.
Mes maux de dos, etc... ce sont évidemment des préoccupations, mais je manque chaque fois l'occasion de m'abandonner en toi... C'est toi, le Roi, après tout! Pardon Jésus de me comporter comme un enfant très mal élevé."

Alors? Je suis sûr que vous l'avez reconnu. Non? C'est une note du Roi Baudouin Ier, datée de février 1989 (citée dans L. SUENENS, Le Roi Baudouin, une vie qui nous parle, Bruxelles, FIAT, 1995, pp.125-126).
Et c'est mon cadeau pour cette dernière semaine de l'Avent!

samedi 11 décembre 2010

La Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres

Avant-hier soir, coup de sonnette : un gentil ménage, tout jeune, que j'ai aidé - plutôt que la paroisse a aidé par mon intermédiaire - en apurant ses dettes à la banque. Monsieur, tout jeune, a retrouvé du travail. Ils me disent : "Nous sommes venus vous remercier. Grâce à vous (j'ai rectifié : grâce à la paroisse, aux chrétiens d'ici), nous voilà repartis." Emotion : ils sont rares, ceux qui remercient. Nous causons. Ils veulent être concrets dans leurs remerciements, et leur "maladresse" même est touchante : "Vous ne vous présentez pas aux élections. On ne peut même pas voter pour vous..." Eh non...
Le don de Dieu est gratuit, sans contrepartie, sans retour : et c'est bien là ce qui a touché ce ménage.
Jésus, dans l'évangile de Matthieu entendu ce dimanche, pour attester devant Jean-Baptiste qu'en lui le salut est arrivé : "Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres." (Mt 11, 4-5).
Aujourd'hui aussi!

lundi 6 décembre 2010

Saint Nicolas

La paroisse d'Enghien est dédiée (dédicacée, même) à saint Nicolas, que nous avons fêté aujourd'hui. Après la messe paroissiale, j'ai eu la joie de retrouver des membres du Pouvoir Organisateur des Ecoles Paroissiales d'Enghien, les directrices et directeur des trois implantations primaires(plus de mille élèves rien que sur Enghien ville) et nous avons fêté le grand Saint, non seulement parce qu'il est "le patron des écoliers", mais parce que c'était l'occasion, offerte par les directions - remarquables - de ces établissements de faire gentiment le point, autour d'un verre d'amitié, et autrement que dans un conseil d'administration.
Encore une fois, on va dire que je me répète, je vais laisser ma joie s'exprimer. Je vois ici des personnes vraiment soucieuses du bien commun, des enfants, des petites gens (nous en avons parlé), de l'accueil des plus démunis comme de l'excellence de l'enseignement (nous en avons parlé aussi), soucieux de ne pas perdre le caractère chrétien de ces écoles en maintenant des liens forts avec la Paroisse, je vois des personnes par ailleurs déjà (sur)chargées de travail s'investir dans la gestion de ces écoles paroissiales pour qu'elles "tournent" comme il faut...
Je remercie tout le monde et, dans ma prière, ma pauvre prière, je rends grâce et je demande que mes confrères aient une tâche aussi allégée - je ne dis pas aussi légère, car elle est lourde - que moi, qui suis tant aidé, et de tant de manières, et par tant de personnes.
Et, encore une fois, qu'on ne vienne pas dire que l'Eglise en Belgique ne vaut plus rien! J'inviterai ces médisants à venir voir Enghien, et ses paroisses, dont je suis un pasteur fier, et heureux!
(Une remarque, sur le célibat des prêtres : je deviens jaloux de mes paroisses, comme je suppose qu'un mari peut l'être de sa femme. Qu'on n'y touche pas! C'est la prunelle de mes yeux...)

samedi 4 décembre 2010

Jean Baptiste

Le deuxième dimanche de l'Avent nous met en contact direc (et rude) avec la figure prophétiquqe de Jean Baptiste. L'évangile de Matthieu, que nous lisons, nous le présente en effet comme "portant un vêtement en poils de chameau, et une ceinture de cuir autour des reins, se nourrissant de sauterelles et de miel sauvage et traitant les gens, surtout les responsables religieux de son époque (Pharisiens et Sadducéens) d' 'engeances de vipères'..." Ah! le sympathique personnage! Il ferait beau voir qu'aujourd'hui, en une époque où la parole est réputée libre, quelque prophète osât ainsi une pareille invective!
Pourtant, il y a de quoi appeler à la conversion : nous sommes à la veille, partout en Europe, de mesures drastiques d'économie qui vont bien entendu être répercutées sur les petits et moyens salaires et handicaper leur pouvoir d'achat, déjà mis à mal, pour préserver la compétitivité de l'euro. Nous voyons en même temps combien nos "démocraties" peinent à assurer un accueil au minimum décent, par ces frimas, aux étrangers qui sont venus chez nous chercher de quoi ne pas crever de faim. Les discours xénophobes, voire racistes, continuent de gagner de l'écoute et sont relayés dans des partis politiques qui se hissent au pouvoir (aux Pays-Bas, en Suède...) Nous n'arrivons pas à former en Belgique un gouvernement de compromis, non pas pour des questions de langue ou de culture (ce qui serait encore noble), mais pour des questions de répartition d'impôts, les plus riches refusant obstinément de partager - nous nageons ici en plein égoïsme, que l'on baptise gentiment "responsabilité". Et on pourrait allonger la liste...
Nous pouvons bien dire : "Ah! Plus chrétien que moi, tu meurs! J'ai toujours pratiqué ma foi, moi, Monsieur...", Jean-Baptiste va nous répondre : "N'allez pas dire en vous-mêmes : 'Nous avons Abraham pour père'; car, je vous le dis : avec les pierres que voici, Dieu peut faire surgir des enfants à Abraham." Nos appartenances institutionnelles, fussent-elles religieuses, n'y changeront rien : c'est de conversion que nous avons besoin, de changement de cap, de direction, chacun individuellement et tous ensemble. Sinon, nous resterons ce que nous sommes en train de devenir : du bois sec, des coeurs secs, des saletés, justes bonnes à foutre au feu...
Ah! Oui, il n'y a pas que l'hiver qui sera rude! L'Avent aussi!

vendredi 3 décembre 2010

La "Saint Eloi" des élèves du Collège

J'ai eu la joie, ce matin, de célébrer avec les élèves de l'enseignement qualifiant du Collège (essentiellement de futurs mécaniciens automobiles) la fête de Saint Eloi, leur saint patron. J'ai vu des jeunes fiers de devenir bientôt des professionnels de l'automobile, fiers de leurs compétences, heureux de pouvoir préparer et vivre, dans la diversité bien légitime de leurs convictions, ce moment de célébration, de pause. Ils avaient choisi les musiques, et avec leur professeur de religion, aussi les textes : un passage du début de la Genèse qui dit comment l'homme est convié par son travail à poursuivre l'oeuvre d'amour de la Création; et le retour du fils prodigue en Luc 15. Ils avaient préparé les intentions de prière. J'ai été impressionné par leur sérieux, leur envie de bien célébrer. J'ai eu la joie - une vraie joie de "père", après tout - de les bénir, de bénir leur vie commençante, leur travail qui approche, leurs espérances professionnelles et familiales...
Que du bonheur!

lundi 29 novembre 2010

Nous avançons...

Sortie d'un week-end chargé du point de vue pastoral, à Enghien et à Silly : dans ces deux paroisses, nous avons mis en mouvement une catéchèse "pour tous" liée à la célébration et au temps liturgique de l'Avent. Beaucoup de monde, des deux côtés; beaucoup d'enthousiasme; des choses vraiment sympathiques (le petit-déj. avec les parents des "premières communions", à Silly, par exemple), des groupes de parole, des partages, une célébration nourrie de tout cela. Bravo! Et aussi, des imperfections, des choses à revoir : normal. Mais, bon : "On avance..."
Ce soir, une rencontre avec l'équipe qui porte le projet "renaissance" dans le doyenné, une manière de dynamiser la vie de nos douze communautés paroissiales : là encore, beaucoup d'enthousiasme et d'énergie, le sens de l'urgence, des décisions, des projets et des idées, des calendriers pour les mettre en oeuvre : bravo!
Je ne laisserai jamais dire par personne que l'Eglise est moribonde : ici, à Enghien, à Silly, dans les villes et les villages, elle est vivante, et jeune, et dynamique! Je suis bluffé par l'enthousiasme des jeunes, des trentenaires, de ceux qui veulent une Eglise pour y recevoir la Parole de Dieu et pour en vivre dans des communautés chaleureuses, accueillantes, tolérantes.

samedi 27 novembre 2010

Après nous le déluge?

"Jésus parlait à ses disciples de sa venue : 'L'avènement du Fils de l'homme ressemblera à ce qui s'est passé à l'époque de Noé. A cette époque, avant le déluge, on mangeait, on buvait, on se mariait, jusqu'au jour où Noé entra dans l'arche. Les gens ne se sont doutés de rien, jusqu'au déluge qui les a tous engloutis : tel sera aussi l'avènement du Fils de l'homme.' " (Mt 24, 37-39). Ainsi commence la lecture de l'Evangile selon Matthieu de ce premier dimanche de l'Avent.
Le déluge? Vieille histoire, hein? Et comme disent les bons vivants depuis Louis XV : "Après nous, le déluge!" Traduisez : on se fiche des conséquences de nos choix, on vit, on profite, dans l'instant, et basta!
Après nous, vraiment?
Et si le déluge nous attendait, non comme une vague menace, mais comme une réalité inévitable, celle de nos choix présents et de ce qu'ils porteront comme fruits bons ou mauvais? Qu'il s'agisse d'écologie, de politique, de répartition des biens et des richesses au niveau de la Planète, nous sommes dès à présent redevables les uns aux autres de nos choix actuels. L'Avent est un temps de l'intranquillité spirituelle, au coeur de nos somnolences il introduit une brèche, une angoisse subite, une écharde dans la chair placide de nos conforts quotidiens. "Rester éveillé" est son mot d'ordre, ne pas relâcher son attention, faire gaffe, être soucieux (de soi, des autres, du monde)!
Car le Christ vient aujourd'hui comme il est venu hier et comme il viendra à la fin du temps. Il ne cesse pas de venir déranger nos habitudes, nos sacro-saintes habitudes, pour nous rendre fils de son Royaume, plus justes, plus fraternels, plus "partageants" de jour en jour.
Comme le chante une hymne de l'Avent :
"Debout! Le Seigneur vient!
La parole s'infiltre,
Elle ébranle nos coeurs.
Et voici le Royaume,
Il approche, il est là.
Réveillons-nous!"

dimanche 21 novembre 2010

La chance de célébrer

Les chrétiens sont gens qui célèbrent. On a envie de dire : sont d'abord des célébrants, des liturges. La liturgie précède la théologie, elle en est une source, un "lieu" (locus) comme dit la Tradition. La liturgie n'est pas un ajout à une doctrine constituée par ailleurs; au contraire, elle est cette doctrine en son surgissement rituel.
D'où la joie de célébrer, ce dernier dimanche de l'année liturgique, la solennité du Christ Roi, d'où la joie de célébrer cette royauté dont le trône est la Croix et la couronne, celle tressée d'épines.
Samedi soir, un très grand nombre de scouts et de guides d'Enghien, des plus petits aux plus grands, avaient rejoint notre église pour cette célébration qu'ils avaient préparée avec soin. Et ce matin, à Bassilly, c'étaient les jubilaires (50 ans, 60 et 65 ans de mariage) qui étaient accueillis dans notre Eucharistie dominicale. Puis, de nouveau à Enghien, la Fanfare et la Chorale dite "des fêtes" célébraient, en même temps que le Christ Roi, la Sainte Cécile.
Beaux moments que ceux-là, belles assemblées diverses, nombreuses, chantantes, priantes, jubilantes : l'Eglise comme on l'aime, la foi en son surgissement.

vendredi 19 novembre 2010

"Réussir dans la vie" ou "Réussir sa vie"?

Dans le droit fil de mon précédent message.
Déjeunant hier avec un promoteur immobilier (pour des raisons "professionnelles" : la paroisse d'Enghien vend un ancien couvent de Clarisses, et aimerait ne pas le faire n'importe comment. Si ça vous intéresse, hein...); déjeunant, donc, avec ce Monsieur, nous reparlions de l'ambition et des honneurs, et je lui citais Bernanos et Mauriac. Lui : "Mais, de l'ambition, il en faut, et moi j'en ai, pour moi, pour mes enfants, je veux réussir et je veux qu'ils réussissent..." Bon.
Examinons le discours.
Oui, réussir, mais quoi? Réussir "dans la vie", comme on dit, c'est-à-dire se faire une position, se tailler une part du gâteau, lorgner vers la reconnaissance sociale, et avec quels moyens? Je peux comprendre qu'une certaine ambition soit légitime : désir d'être reconnu à sa juste valeur, désir de plaire (pourquoi pas?), ou d'être aimé, etc. Et je veux bien admettre aussi que, faute de cela, un certain nombre de personnes que nous connaissons entretiennent avec la vie un rapport mettons dépressif.
Mais n'y a-t-il pas tout le bonheur caché? Le bonheur d'une vie familiale cahotique peut-être mais réconfortante? Le bonheur d'une vie professionnelle en apparence banale peut-être, mais en réalité comblante? Le bonheur humble, simple, de vivre et de respirer librement sans avoir toujours le souci du "qu'en dira-t-on?"... Le bonheur, pour dire bref, qui consiste non tant à "réussir dans la vie" qu'à "réussir sa vie".
Toute la question est là...

mardi 16 novembre 2010

Les promotions, les récompenses et l'humour de Mauriac

Face aux honneurs, décorations et autres fanfreluches que la société des hommes (et l'Eglise aussi, quelquefois) croit bon d'attribuer comme des "distinctions", il y a trois réactions possibles.
La première, en gros celle de Bernanos : tout refuser pour rester libre, pour ne pas être emprisonné par les reconnaissances sociales ou les institutions. Bernanos à trois reprises refusa la Légion d'Honneur, il refusa un poste ministériel après la guerre, il refusa une candidature à l'Académie Française ("Qu'irai-je faire là avec un chapeau à plumes?") C'est vertueux, et peut-être un peu orgueilleux - dans le cas de Bernanos, c'est en tous les cas efficace : sa liberté de parole, il l'a gardée jusqu'au bout.
La deuxième, mettons celle de Mauriac : accepter, comme on accepte la vie avec ses hauts et ses bas, ses joies et ses peines, mais accepter sans être dupe, avec ironie, humour, en en jouant. Mauriac reçut ainsi, en 1952, le Nobel de littérature. A un journaliste qui lui demandait ce que cela allait bouleverser dans sa vie, il répondit : "Ma femme va changer de réfrigérateur." Quelques années plus tard, alors qu'il défendait l'indépendance de l'Algérie, il fut inquiété par des menaces de l'OAS et on lui infligea la protection de deux policiers en permanence. Alors qu'il devait déjeuner avec un ami, il les lui indiqua des yeux à l'entrée du restaurant en disant : "J'essaie de m'en débarrasser. Ce matin, je les ai emmenés à la messe. Ca n'a pas eu l'air de les intéresser." Cher Mauriac...
La troisième, la plus vulgaire : les rechercher, ces honneurs, et les accepter comme s'ils étaient dus. On voit cette attitude partout, y compris dans l'Eglise, et pareille bêtise est à pleurer!
Mon père, qui avait été combattant et prisonnier de guerre, gardait dans un tiroir une batterie de médailles diverses. Quand on lui demandait son avis sur les décorations, il répondait : "Une décoration, ça ne se demande pas. Ca ne se refuse pas. Et ça ne se porte pas."
Cher papa...

jeudi 11 novembre 2010

Séparation et lien

Je suis tous ces jours-ci très intrigué par les divisions entre chrétiens (entre catholiques, même) suscitées par les débats médiatiques que l'on sait - du moins, en Belgique. Je fais de temps en temps un petit tour sur des blogs "tradis" et suis frappé par la violence de certains propos, une violence quelquefois haineuse. Alors je m'interroge : qu'il y ait des oppositions, des divergences de vue, voire des divisions, soit. Mais pour les chrétiens, ces divisions, ces séparations sont un point d'appui à partir duquel (re)créer de l'unité. Et je tombe, cet après-midi, sur un texte de Simone Weil, déjà citée dans ces notes, et que j'extrais de La Pesanteur et la Grâce : "Deux prisonniers, dans des cachots voisins, qui communiquent par des coups frappés contre le mur. Le mur est ce qui les sépare, mais aussi ce qui leur permet de communiquer. Ainsi nous et Dieu. Toute séparation est un lien." (La Pesanteur et la Grâce, Plon, 1948, p. 166).
"Toute séparation est un lien" : voilà une tâche chrétienne, la transformation en lien de ce qui, a priori, sépare. Au soir d'une journée où, célébration de l'Armistice oblige, nous avons prié pour la paix avec la communauté civile et chrétienne d'Enghien, Simone Weil offre une belle méditation sur les racines de la paix et de la réconciliation, dans le coeur de chacun d'abord, dans les familles et les communautés, dans les villes et les villages, dans l'Eglise, dans la communauté internationale... Après tout, le prêtre est un "pontife", c'est-à-dire, étymologiquement, quelqu'un qui "fait des ponts", qui crée des liens! Et en ce sens, tous les chrétiens, qui sont prêtres par leur baptême, ont vocation non pas de pontifier, mais d'être des pontifes!

mardi 9 novembre 2010

La crise de l'Eglise

Les points de vue publiés alentour et autour des propos de Mgr Léonard, et de la démission de son porte-parole (également porte-parole de la Conférence épiscopale) m'inspirent les réflexions suivantes :
- l'Eglise en Belgique est dans une crise grave, très grave. C'est un aspect de la crise de l'Eglise dans l'Europe occidentale, Eglise qui a du mal à se confronter à une société plurielle, mutli-culturelle ou pluri-culturelle (les débats, même laïcs, en Belgique, peinent d'ailleurs à atteindre une certaine unanimité). Le fond du fond de l'affaire est, comme toujours, la question de la vérité, en un certain nombre de domaines, éthiques, évidemment, mais aussi anthropologiques, sociaux (quelle société voulons-nous? En Belgique, en particulier, voulons-nous une société où les plus riches dictent leur loi dans la perspective d'un bonheur matérialiste indéfini, sans égard pour les minorités linguistiques, ethniques, religieuses, qui viennent grignoter un bien-être à toujours accroître? Oui, on en est là, et bassement là!) Que veut-on, en vérité? Quelle vérité de l'être humain, de sa solidarité indissociable de son bien-être? Comment être heureux sans partager son bonheur? Et avec le plus grand nombre? Cette question que je pose a été posée d'abord par les théologiens - qu'on me permette de faire l'éloge de ma discipline ! - quand ils se demandaient (c'est la grande question de saint Augustin) s'il était possible qu'un seul élu fût vraiment heureux du bonheur éternel s'il savait qu'il y eût un seul damné (et peu importe pourquoi)! Pourrions-nous, pouvons-nous être heureux d'un bonheur simplement terrestre en sachant que d'autres, et souvent de notre faute, sont malheureux?

- A cette aune, les débats belges sur l'Eglise catholique sont dérisoires et ridicules, jeux d'enfants gâtés dans une cour de récréation à l'école gardienne (n'osons même pas dire primaire). Et tous les acteurs de ce cirque, tous, je dis bien, sont à fesser : et au coin s'il vous plaît, quand on voit l'urgence de la présence de l'Eglise en notre monde, de sa présence sacramentelle, signe de l'amour indéfectible.

Espérons que notre Eglise se resaisisse, qu'elle devienne ce qu'elle est : un signe de l'amour, pas une idéologie, de droite ou de gauche, ces postures qui toujours l'ont défigurée dans l'histoire bimillénaire de son odyssée terrestre. Elle vaut mieux que tout cela, notre Eglise!

lundi 8 novembre 2010

Prière pour être un peu moins con, un jour

Cette prière que je reproduis ici n'est pas de moi - je l'ai trouvée par hasard, je ne sais plus où. Mais je la fais mienne, ce soir :

"Seigneur,
j'aimerais bien te dire que j'ai été sage aujourd'hui, et aimant, et que j'ai bien servi les autres. Mais...
J'ai encore écouté celui ou celle qui me disait du mal d'un autre, et j'en ai rajouté.
J'ai encore écouté celui ou celle qui me disait qu'un autre avait dit du mal de moi, et j'en ai été affecté.
J'ai encore eu un moment de peur ou de recul devant une personne différente, malade, handicapée, étrangère, importune.
J'ai encore passé trop de temps sur Internet, au lieu de prier.
J'ai encore répondu trop vite à une question d'un de mes enfants.
J'ai encore fait comme si je ne voyais pas la souffrance chez un collègue, mon conjoint, mon ami.
J'ai encore jugé sans savoir, condamné sans retour, je me suis vanté, j'ai menti pour m'éviter des problèmes.
J'ai encore fait preuve d'inconsistance, j'ai repoussé un truc qui me gonfle, abandonné un travail de longue haleine, je suis passé d'une chose à l'autre sans progresser.
J'ai encore fait un truc pas terrible parce qu'on ne me voyait pas. Et j'ai critiqué quelqu'un d'autre qui faisait pareil, parce que je le voyais.
J'ai encore posé sur un autre un fardeau que je ne toucherais pas du bout des doigts.
J'ai encore pensé que je valais mieux que tel ou tel.
J'ai encore refusé de pardonner.
J'ai donné des leçons, des conseils, des idées qui m'auraient bien fait ch... si on me les avait donnés dans une situation similaire.
J'ai fait à bien des gens et dans bien des domaines ce que je n'aimerais pas que l'on me fasse.
Empêche-moi de me prendre pour un type bien, de m'endormir là-dessus ou de m'en contenter. Enfonce-moi dans le crâne que la seule mesure de l'amour, c'est Ton Amour, et que je ne dois rien viser de moins que d'être saint.
Et malgré mes colères, mes haines, mes peurs, malgré mon égoïsme, mon autosuffisance et ma lâcheté, Ô mon très doux Seigneur, très humble et très puissant, je T'en prie, dans Ta grande bonté, s'il Te plaît, rends-moi un peu moins con, un jour.
Amen."

dimanche 7 novembre 2010

L'affligeant spectacle

Décidément, les chrétiens quelquefois semblent n'avoir pas progressé d'un pouce depuis les Corinthiens auxquels Paul reprochait d'être divisés entre eux : "Moi, j'appartiens à Paul!" disaient les uns, et les autres :"Moi, à Apollos!" (cf. 1Co). Chez nous, deux mille ans plus tard : "Moi, je suis pour Léonard!" "Et moi, pour Ringlet!" Ah! L'affligeant spectacle!
Heureusement, les chrétiens ne sont pas (que) là. Ils sont d'abord, ils sont surtout dans nos communautés, comme celles que j'ai rencontrées hier et ce matin, à Enghien, à Thoricourt, à Bassilly, à Silly : réjouis de se rassembler en nombre pour célébrer le Ressuscité, réjouis d'accueillir de petits enfants qui furent baptisés. La vraie vie est là, et on a envie de dire : l'Eglise véritable. Je ne dis pas que l'agitation institutionnelle, là au-dessus, n'est pas aussi "l'Eglise", mais franchement, c'est ce que l'on aime le moins en elle!

dimanche 31 octobre 2010

Tous saints

Donc, nous sommes tous saints.
Voilà le message de ce 1er novembre, bien différent des sorcières et des potirons.
Ah, entends-je se récrier les bien-pensants de tout poil, "que nenni"! "Nous serons peut-être saints un jour, si par nos mérites et nos vertus nous avons péniblement gagné un strapontin dans les sphères éthérées de la vie éternelle."
Faut-il leur rappeler, à ces culs-bénits, ce qu'étaient, par exemple, les "saints" de Corinthe, auxquels Paul l'Apôtre adresse deux lettres restées dans notre corpus canonique? La première surtout de ces missives nous apprend ce qu'ils étaient : des pas-grand-chose, des gens encore à moitié païens et fascinés par les idoles, des paroissiens divisés entre eux ("Moi, je suis partisan de Paul - Ah, non, moi, d'Apollos"), des gloutons et des ivrognes qui se goinfraient et se pintaient joyeusement la tronche pendant les messes (de ce point de vue, à Enghien du moins, je ne présume pas du reste, nous avons fait quelques progrès...), des incestueux (l'un au moins couche avec sa mère ou sa belle-mère, la traduction est incertaine, mais que ce soit l'une ou l'autre, Paul tout de même fait observer que c'est mal! On peut en effet penser que c'est une faute de goût). Et ils ne croient ni à la résurrection de
leurs morts, ni donc, stigmatise Paul, du Christ lui-même : ah! la belle équipe! Pourtant, ce sont "les saints" de Corinthe, ceux qui ont été baptisés et, par le baptême, sanctifiés, c'est-à-dire appelés à rejoindre dans et par le Christ, la seule sainteté qui vaille : celle de l'amour de Dieu.
Nous fêtons les saints en ce jour, et nous pensons aussi, le lendemain, à nos morts : ni les uns ni les autres ne sont des héros, mais des témoins de la foi, les premiers, lumineux et exemplaires dans leur humilité et les autres, innombrables, modestes et inconnus, chers à nos coeurs dans la "communion des saints", ces saints fragiles qui ont cru à l'amour. Comme c'est rassurant, de n'avoir pas à nous conformer à des modèles de vertu, mais à des pauvres qui se sont abandonnés à la miséricorde.

mardi 26 octobre 2010

Le bien ne fait pas de bruit

Il y a quinze jours environ, j'avais rendu visite à Anita et Pierre, un couple d'Enghien, parents de trois enfants. Depuis 29 ans (!) Anita était complètement paralysée, et ne communiquait plus avec son mari que par les yeux. J'avais été ému aux larmes par ce témoignage silencieux de patience, d'amour, de don de soi. En me reconduisant à la porte de la maison, et comme je m'émerveillais de son courage, Pierre m'avait simplement répondu : "Ah, évidemment, il faut avoir décidé une fois pour toutes de ne plus songer à soi."
Anita est, subitement, partie vers le Père samedi soir.
Je viens d'aller prier avec Pierre devant son corps délivré enfin de toute souffrance et de toute peur. Je me suis encore émerveillé de ces quelque trente ans - si mystérieux, le mystère d'un couple, le mystère de l'Alliance -, oui, trente ans de dévouement. "Il ne faut rien en dire, m'a murmuré Pierre. C'était bien normal."
Un jour, nous serons éblouis, nous qui sommes si prompts à traquer le mal ou à le dénoncer, par tout le bien inconnu qui s'est accompli dans le monde depuis les siècles des siècles, et que seuls les anges connaissent. Un jour, il ne restera que cela, il ne restera que l'amour.
Et, en attendant, comme il est vrai, ce vieux dicton de la sagesse populaire : "Le bruit ne fait pas de bien. Le bien ne fait pas de bruit."

lundi 25 octobre 2010

Royaume de Dieu, Royaumes de la terre

Mauriac, dans les Mémoire intérieurs, évoque Saint-Simon et les erreurs par lui repérées, dans le règne de Louis XIV, en matière de politique religieuse, en particulier la Révocation de l'Edit de Nantes et la condamnation des Jansénistes. C'est que le grand roi voyait la religion comme un ciment social, qu'il était obsédé par le pouvoir, ignare en matière de foi chrétienne et mal conseillé en ce domaine. Mauriac : "Le pouvoir du confesseur sur un roi dévot et maître absolu de son royaume, nous voyons quel usage en a été fait et ce qu'il en a coûté à la religion et à la patrie. Louis XIV est mort tranquille : il s'est cru un défenseur de la foi, comme l'en assuraient le Père Tellier et Mme de Maintenon. Il est mort plus que tranquille au sujet de Port-Royal et de la Révocation. Il ne doutait pas que ce ne fussent ses meilleurs titres devant Dieu et qu'il rachetait, par des abjurations forcées et par des tombes violées, le scandale de ses adultères et de ses guerres, et le Palatinat nettoyé selon des méthodes dont la recette n'est pas perdue. Le vrai christianisme est bien innocent de ces impostures. Voilà ce que les hommes ont fait de la vérité dont ils ont reçu le dépôt et ce qu'ils continuent d'en faire par d'autres voies. Mais la vérité demeure, et Port-Royal dont il ne reste pas pierre sur pierre crie à jamais contre Versailles." (F. MAURIAC, Mémoires intérieurs, op. cit., pp. 498-9)
A toutes les époques, à la nôtre aussi, la tentation est grande d'utiliser la religion à des fins politiques, ou l'inverse, de confondre Royaume de Dieu et Royaume de la terre, en oubliant que le second jamais n'épuisera le premier. Le christianisme n'est pas une machine à fabriquer de l'ordre social, même s'il entend féconder profondément, par la semence du message évangélique, toute société et toute culture en lesquelles ils se propose comme une vie de conversion. Mais lorsqu'on oublie, volontairement ou non, cet écart, l'intolérance n'est jamais loin. La sécularité du monde, que la foi judéo-chrétienne porte au coeur de sa doctrine même, est la meilleure garantie pour se prémunir de ces excès - ils sont, hélas, toujours à nos portes!
Si nous n'apprenons pas à concilier cette sécularité et l'annonce de l'Evangile, nous serons des doctrinaires de la pire espèce, des idéologues et, rapidement, des salauds.

samedi 23 octobre 2010

Décapsuleur

Dans la rubrique "Rions un peu".

Un paroissien m'apprend que, en plus du conciliateur actuellement en piste pour régler la crise politique,
Sa Majesté le Roi aurait nommé Monsieur le Ministre Daerden (dont on soupçonne le penchant pour les boissons autres que l'eau claire)
"Décapsuleur".

N'en doutons plus : la crise est virtuellement finie!

Silence contre silence

Je reçois ce soir un courriel d'un moine ami - il me livre pour avis et commentaire les pages des prochaines méditations qu'il souhaite publier. C'est là, pour moi, un privilège indu, je suis bien conscient de n'être pas digne de pénétrer en premier dans l'univers spirituel aussi riche d'un priant. Dans la présente livraison, tout entière tournant autour de l'Incarnation et de l'Incarnation dans la chair du texte biblique, cet éloge de l'oraison, du face à face avec Dieu dans les ténèbres : "Silence contre silence", écrit-il. Le silence de Dieu. Le nôtre. Deux mystères, deux abîmes, deux mondes - et la rencontre, qui prend du temps, mais qui peu à peu éclaire tout de l'énigme.
Oh! Tenir! Tenir dans ce double silence, malgré ce double silence, malgré le bruit et les rumeurs en nous et dans le monde!
Oh! Tenir au mystère du silence.
A cet affrontement de nos silences, mon Dieu!

Un profond renouvellement de nos paroisses

Nous avons commencé hier soir un processus que l'on appelle dans le diocèse de Tournai "de renaissance", par allusion au célèbre épisode de la première rencontre entre Jésus et Nicodème dans l'évangile de Jean ("Tu dois renaître", dit Jésus à Nicodème, Jn 3). Un petit groupe "porteur" s'est constitué, représentatif des divers coins du doyenné, pour vivre ensemble une année de renouvellement en profondeur de notre vie paroissiale, aidé par deux délégués de l'évêché. Je suis heureux de voir comment ce démarrage s'est vécu dans un esprit de prière, d'ouverture de coeur et en même temps de disponibilité. Combien la volonté est grande de faire vivre nos communautés de façon durable dans un avenir de moyen et de long terme, pour que l'Eglise continue d'être un "sacrement", un "signe afficace" de l'amour de Dieu et du Christ dans cette bélle région du Hainaut, par la qualité de ses célébrations, la pertinence de son enseignement et la générosité de son service aux plus pauvres.
Je rends grâce encore une fois pour la qualité des chrétiens d'ici. J'en rends grâce à Dieu et eux, de tout coeur, je les remercie.

mercredi 20 octobre 2010

Mauriac, encore, le bonheur de l'Evangile

Je poursuis ma (re)lecture systématique du grand Mauriac, et suis pour le moment plongé dans les "Mémoires intérieurs", édités en 1959. L'écrivain, qui a alors environ 75 ans, souhaite rédiger des "mémoires", mais il le fait sur un mode original, non pas en racontant des souvenirs (qui eussent, dit-il lors d'interviews de l'époque, impliqué malgré eux des membres de sa famille ou d'autres proches), mais en rapportant ses lectures. Il est convaincu qu'un homme aussi se raconte en rappelant les livres et les auteurs qu'il a aimés ou du moins fréquentés. "Dis-moi ce que tu as lu, je te dirai qui tu es", voilà quelle pourrait être la clé de ce recueil.
Au ch. VIII, il rappelle avoir lu la traduction, par Julien Green, de La Lettre écarlate de Nathaniel Hawthorne, une méditation à la fois sombre et lumineuse, par le biais de la fiction, sur l'espérance chrétienne. L'obscurantisme pharisien y est dénoncé, et avec lui, les tentations récurrentes de réduire le christianisme à un conformisme moral et bêta, ligotant les consciences (on y revient!), et trop souvent hypocrite, ennemi du bonheur et de la liberté. Et le grand écrivain retient ceci de sa lecture, qui tout ensemble m'émeut et me stimule :
"Quel mystère! les hommes rejettent de l'Evangile ce qui, précisément, constitue la bonne nouvelle et qui devrait être le coeur du coeur de l'espérance humaine : ce pardon indéfiniment renouvelé, cette rémission des péchés attestée chaque fois que le Christ voit une créature à ses pieds: 'Tes péchés te sont remis.' D'où vient cette haine du bonheur? La Lettre écarlate nous permet de l'entrevoir : à la dure loi de Moïse, la théologie chrétienne, lorsqu'elle devient folle, substitue la sienne, non moins dure, non moins impitoyable, car c'est la même au fond."
(F. MAURIAC, Mémoires intérieurs, in Oeuvres autobiographiques, Pléiade, 1990, pp. 458-9).
Une fois de plus, tout est dit, et depuis plus de cinquante ans, rien n'a changé! On espère seulement que "la théologie chrétienne" ne devienne pas trop souvent "folle"...

mardi 19 octobre 2010

"Le Nom de la Rose"

Tout le monde se souvient, je pense, d'avoir lu ou d'avoir vu le roman (et le film tiré de ce texte) d'Umberto Eco : Le Nom de la Rose. C'est l'un des plus beaux romans de la deuxième moitié du XXème siècle, à la fois historique, initiatique, érudit, bien écrit, policier, etc.

J'avais toujours été intrigué par le vers mis en exergue du roman en question, et que voici tel qu'Eco le transcrit :

Stat rosa pristina nomine, nomina nuda tenemus.

Ce qui peut se traduire "La rose ancienne n'est plus là, debout, que par son nom, et nous, les noms que nous tenons sont nus." (Bon, j'ai un peu augmenté la traduction, pour le confort de tous.) Il est à noter que cette citation donne son titre au roman : "Le Nom de la Rose."

Question : d'où cela vient-il? Qu'est-ce que cela veut dire?

Réponse, à trouver dans la littérature spirituelle du XIIème siècle, que je n'ai décidément pas fini d'apprendre à connaître. Un moine de Cluny, un certain Bernard de Morlaix, a en effet rédigé à cette époque un traité intitulé De contemptu mundi ("Le mépris du monde") dans lequel il rappelle la grandeur passée de Rome et le fait qu'à son époque cette ville qui fut le centre du monde ne règne plus en rien. Et il écrit ce distique d'hexamètres dactyliques (c'est le terme précis pour désigner ce genre de vers) :

Nunc ubi Regulus aut ubi Romulus aut ubi Remus?
Stat Roma pristina nomine, nomina nuda tenemus.

Ce que je traduis (avec la liberté rappelée ci-dessus) :

"Maintenant, où est Regulus, où est Romulus, où est Remus?
La Rome ancienne n'est plus là, debout , que par son nom, et nous, les noms que nous tenons sont nus."

Où l'on voit qu'Umberto Eco, qui connaissait tout et donc aussi ces vers de Bernard de Morlaix, a changé une seule lettre : Roma est devenu rosa!
Où la question rebondit : pourquoi donc, sinon pour rappeler que, comme dit l'Ecclésiaste, "tout est vanité" et que tout disparaît, non seulement la Rome antique, mais même la rose "qui ce matin avait déclose sa robe de pourpre au soleil et a perdu cette vesprée les plis de sa robe pourprée et son teint au vostre pareil" (Ronsard). Des choses importantes, des êtres aimés, des réalites les plus solides en apparence et qui motivent nos vies, "ce que nous retenons, ce sont des noms, rien que des noms, des noms tout nus"!
Où la question rebondit encore : n'y aurait-il donc rien de solide, rien de sérieux, serions-nous livrés au "relativisme" si souvent dénoncé par le pape actuel?
Les mots ailés entre nous portent le souvenir des choses, leur trace et leur parfum - ils sont ce qui nous reste du monde aimé. Et ils ne sont pas rien : ils sont la présence même, la présence qui a consenti à la disparition, à la non évidence. Ils sont la lueur d'aube de la Résurrection.
Et voici le secret de la foi chrétienne : elle sait cela. Elle consent à cette disparition, à cette faiblesse d'être, à cet anéantissement, à cette "kénose" (pour reprendre le terme grec par lequel Paul la désigne dans sa Lettre aux Philippiens ) : le Christ lui-même est anéanti, parce que cet effacement est la trace de sa mise au service - de la mise au service de Dieu, qu'Il est - de tout humanité souffrante. Sans cela, point de véritable incarnation, point de véritable salut - nous serions dans une religion fière d'elle et péremtpoire, arrogante et assurée de son bon droit toujours. Une religion que nous ne voulons pas, qu'il faut dénoncer, parce qu'elle est celle d'un Dieu dont on souhaite être athée, dont on doit être athée. Le contraire du christianisme.

Stat rosa pristina nomine, nomina nuda tenemus...

lundi 18 octobre 2010

Etre soi-même

Je reçois ce soir, retour de la réunion des doyens du diocèse autour de notre évêque, une lettre d'injures d'un paroissien. Il a été très choqué de mon précédent message dans ce blog, et surtout du mot "connerie" utilisé pour qualifier les propos de Mgr Léonard. Bon je veux bien que le mot était un peu fort, je veux bien le corriger en "bêtise" - sous ma plume, ce terme employé "à la française" n'avait aucune connotation injurieuse, je me reproche à moi-même, bien souvent, mes "conneries". Et j'ai par ailleurs beaucoup d'estime pour Mgr Léonard... Passons.
Cet incident donne lieu à une véritable lettre d'injures où tout est passé en revue : je suis, à la lecture de ce blog, "gauchiste" de la pire espèce puisque j'aime les vers d'Aragon, pourfendeur de l'Eglise, Franc-Maçon, traître, mauvais prêtre puisque je ne fulmine pas tous les jours contre, en bloc, les homos, l'avortement, l'euthanasie, etc. Ah oui : je suis aussi mal habillé : sur le marché, à Enghien, on ne me "reconnaît" pas comme prêtre.
J'ai répondu, gentiment, comme j'ai pu, à ce flot sans doute longtemps retenu.
Je réponds ici aussi, brièvement, ceci : le christianisme n'est ni une morale ni une idéologie. Il est un salut. Il ouvre à une liberté d'expression qui se moque du qu'en dira-t-on. Il fait foncièrement confiance au jugement de la conscience morale personnelle (enseignement récurrent depuis saint Paul en passant par St Thomas d'Aquin et la Constitution pastorale Gaudium et Spes, du Concile Vatican II, n°16 par exemple). L'Eglise n'est pas un lieu de matraquage des (bonnes?) consciences, mais un lieu d'accueil de la Parole de Dieu dans un continuel échange (courtois et même amusé quelquefois) d'opinions et d'idées. On y a le droit de dire son point de vue, et d'émettre des objections - cela fait partie de l'intelligence de la foi.
Jamais comme prêtre je n'accepterai de devenir un pion dans je ne sais quelle entreprise d'endoctrinement. Et jamais je ne renoncerai à être moi-même, avec mes défauts et mes qualités, pauvre serviteur de la Parole, certes, mais pas obligé de me couler dans un moule ou un conformisme quelconques. Je suis libre. Et je le resterai.

samedi 16 octobre 2010

Mgr Léonard et la justice immanente

Lors de sa conférence de presse, hier après-midi, notre bon archevêque de Malines-Bruxelles peinait un peu à trouver un exemple convaincant de "justice immanente" (la comparaison avec le tabac et le cancer du poumon étant disqualifiable : pourquoi une maladie serait-elle l'effet d'une "justice", fût-elle immanente? Personne n'est jamais coupable d'être malade, mais seulement victime, il n'y a pas de justice qui entre en ligne de compte en ce domaine, voyons, Monseigneur!)
Pourtant... s'il veut vraiment un exemple, l'actualité en donne un, qui le concerne :
un archevêque, par ailleurs bourré de qualités, écrit et répète une connerie.
Immédiatement, la presse, relayant les politiques et "l'intelligentsia" de son pays, lui tombe dessus et le traîne au poteau d'infamie.
Ca, c'est de la justice immanente, puisque la connerie en question était, en outre, profondément injuste.
CQFD.

jeudi 14 octobre 2010

La pauvreté augmente...

Je viens de reconduire, ayant tenté de l'aider un peu, une dame qui me sollicitait pour une fin de mois difficile (nous sommes le 14 octobre : à son mari, à elle, à leur petite fille de six ans, il reste 170 euros pour terminer le mois). Je l'ai aidée comme j'ai pu - la paroisse peut boucher des trous, elle ne résoud pas les problèmes de fond. Nous somme jeudi : ce doit être la dixième personne qui me sollicite ainsi cette semaine, arguant que le CPAS ("Centre Public d'Action Sociale") ne les reçoit plus guère volontiers, et que - vérification faite pour cette dame, c'est vrai - elle n'a pas d'autre solution. Elle était d'ailleurs "honteuse" de venir à ma porte, ce qui est un comble : comme si on devait avoir honte, maintenant, d'être pauvre et de ne pas "y arriver"!
Je l'ai dit : la Paroisse aide comme elle peut, pas seulement en argent, mais quelquefois en logement, en nourriture, en aide scolaire.
Et pendant ce temps-là, on négocie des transferts de compétence en s'envoyant à la tête des noms d'oiseaux, paraît-il.
Merde!

jeudi 7 octobre 2010

Les perplexités d'Albert II selon Kroll...


En écho à mon précédent message sur la situation politique belge, voici comment Kroll, dans "Le Soir", se représente la perplexité du Roi!

Merci à Vincent qui me l'a envoyé - c'est tordant!

Mauriac, l'Eglise et la foi

Bonheur, ces jours-ci, de retrouver le Ce que je crois de Mauriac, lu il y a cent ans! Ce petit texte rédigé en 1962 - on venait de commencer la célébration du Concile Vatican II - n'a rien perdu de sa pertinence. Deux exemples :
- le premier, sur l'Eglise : "Je ne puis dire en vérité que j'aime l'Eglise catholique pour elle-même. Si je ne croyais pas qu'elle a reçu les paroles de la vie éternelle, je n'aurais aucune admiration pour ses structures, ni pour ses méthodes, et je détesterais bien des chapitres de son histoire." (F. MAURIAC, Oeuvres autobiographiques, Gallimard, Pléiade, p. 568).
- et le second, sur la raison profonde et souterraine de sa foi : "Moi aussi je crois à la lumière. Je nie le mystère auquel adhère le monde moderne, je nie l'absurde. Je me moque des miracles de la technique s'ils se déploient dans un cachot matérialiste, fût-il aux dimensions du cosmos. Il m'importe peu d'atteindre les planètes, si ce que la fusée téléguidée promène, est ce pauvre corps voué à la pourriture, ce pauvre coeur qui aura battu en vain pour des créatures, elles-mêmes poussière et cendre. 'C'est cette horreur qui crée votre foi...' Eh bien oui, c'est vrai : ce n'est pas la peur au sens où l'entendait le vieux Lucrèce qui enfante les dieux, mais l'horreur du néant, ou plutôt de son absurdité : l'être pensant ne consent pas à ne pas avoir été pensé, le coeur aimant ne consent pas à ne pas avoir été aimé." (Ibid., pp. 579-580)
Qui dit mieux?

dimanche 3 octobre 2010

De toute façon, il faut s'entendre...

Je ne sais pas vous, amis lecteurs, mais moi je suis un peu lassé des rebondissements dans la saga belge "Formation d'un gouvernement". Ce soir, ultimatum de la NVA : régionalisation de l'IPP (Impôt des Personnes Physiques) ou bye, bye... Ces rodomontades, ces dramatisations de week-end, ces effets de manche ont quelque chose de lassant et d'irresponsable. Oui, d'irresponsable, puisqu'on se dit que, de toute façon, Francophones, Flamands et Germanophones devront s'entendre. L'hypothèse même d'une scission du pays, quelquefois agitée et qui, de façon amusante, inquiète plus nos amis Français que nous-mêmes, n'arrangerait rien : de toute façon, pour se séparer, comme dans les ménages, il faut encore s'entendre (qui aura la garde du petit? - je veux dire, de Bruxelles?)
Bref, il serait grand temps que les responsables politiques élus arrêtent de nous prendre pour le public de leur mauvaise pièce. Eux, ils sont payés - cher - pour jouer, et ils jouent mal.
Remboursez!

mardi 28 septembre 2010

Poème du soir et de la nuit

Comme souvent après une journée fatigante - et celle-ci le fut!, après une réunion où l'on parlé de finances (et il le faut bien!), et avant d'aller dormir, j'ouvre un recueil de poèmes, et c'est Patrice de la Tour du Pin, encore une fois lui, qui dira pour moi, pour nous, la prière du soir :

La fin de ce jour est-elle très triste pour toi, - mon Dieu qui es amoureux des hommes?
Fais-nous ce don, ô Père, d'avoir dégoût du mal, - pour que nos sens aident l'esprit à s'élever.
Ô Père, de prendre goût aux choses divines plus qu'aux autres, - pour que nous ne soyons pas
trop divisés dans notre besoin de bonheur.
Ô Père, de sacrifier les plaisirs moindres que les joies, - de nous complaire en Toi dans les
autres.
Fais-nous ce don, Ô Père, de laisser libre - le lit de notre gorge pour que ton amour puisse y
passer.
Ô Père, de ne pas nous laisser nous tromper de bonheur, - de ne pas être triste pour de
mauvais regrets.
Ô Père, d'alléger les choses trop lourdes, - ô Père, de nous endormir sans épouvante
dans ton sourire.


P. de la TOUR du PIN, Une somme de poésie. I. Le jeu de l'homme en lui-même, Gallimard, 1981, pp. 422-423.

samedi 25 septembre 2010

Une nouvelle école à Enghien

J'ai eu la joie, cet après-midi, d'inaugurer et de bénir la nouvelle école Saint-Nicolas à Enghien, école paroissiale qui regroupe déjà 250 élèves sur une vingtaine de classes pour les deux dernières années de l'enseignement fondamental. Devant un parterre d'autorités multiples, j'ai pu rappeler combien l'Eglise se soucie depuis toujours de l'enseignement, non tant dans une perspective d'accumulation encyclopédique de savoirs, mais au sens étymologique de "faire signe", de rendre la vie signifiante : in -signum, dit le latin.
Surtout, j'étais heureux de voir la joie de ces personnes assemblées, enseignants, inspecteurs, parents, hommes et femmes politiques. C'est qu'il y a du bonheur à inaugurer une école, on y met tous ses espoirs, et une Eglise qui aide la société à ouvrir des écoles, des lieux de savoir, de transmission, de culture, cette Eglise-là est bien vivante.
Elle est bien vivante à Enghien, notre Eglise, qui ose et investit là-dedans! Et comme on peut et doit remercier tous ceux et celles qui "s'y mouillent"!

jeudi 23 septembre 2010

L'urgence d'entendre la parole sociale de l'Eglise

Dîné ce soir, à sa demande, avec Paul Washer, l'un des grands financiers et économistes du Royaume, qui préside Solvac (un ancrage important de Solvay). L'homme, qui a passé les 85 ans, n'a rien perdu de sa vivacité, de son élégance. C'est évidemment un grand capitaliste, rompu aux flux boursiers, au métier des investissements, etc. (tous domaines que j'ignore de façon absolue!) Il est inquiet : le capitalisme se dévoie, dit-il, et nous convenons même d'un mot : se "pervertit". Il parle d'un "casino" dans lequel joue un petit nombre de privilégiés qui s'enrichissent encore et encore, dans le plus grand mépris des classes moyennes et des petites gens, sans avoir voulu rien comprendre à la crise financière qui dure et à l'origine de laquelle se trouve leur manière intéressée de faire jouer l'économie spéculative à leur profit. "On oublie l'économie réelle", me dit-il, l'argent issu de la spéculation boursière est virtuel et n'est pas réinjecté dans le circuit de l'emploi : il faut s'attendre à de terribles effets "boomerang". A l'objection issue de l'actualité ("Mais le groupe Solvay est précisément en train de licencier"), il répond que c'est inévitable pour empêcher une déglingue sans cela bien plus catastrophique, vu l'étroite connexion de ces grands groupes industriels répandus partout dans le monde, et le jeu de la concurrence entre eux.
A sa demande, je lui dis les grandes lignes de ce que l'on appelle quelquefois la "doctrine sociale" de l'Eglise, qui s'appuie sur l'Ecriture et les Pères (saint Basile le Grand, saint Augustin, par exemple) et s'élabore dans sa forme actuelle depuis Léon XIII (1891) avec des textes majeurs de Jean-Paul II en 1979, 1987 et 1991 - sans oublier les documents là-dessus du Concile Vatican II.
"L'Eglise devrait marteler ce message", me dit-il, "on ne le connaît pas".
Venant d'un homme comme lui, et de ce milieu-là... l'encouragement prend tout son sens et révèle toute son urgence!

dimanche 19 septembre 2010

Des hommes et des dieux

Je rentre de Bruxelles où j'ai profité de la "journée sans voiture" pour m'offrir un ciné : j'ai vu le film superbe de Xavier Beauvois, "Des hommes et des dieux", qui raconte l'assassinat des moines de l'Atlas en 1996. Tout y est remarquable : la retenue, le justesse de l'évocation, la sensibilité monastique, le drame de ces hommes confrontés à la foi, c'est-à-dire au don de soi jusqu'au bout.
A voir, absolument, comme une cure de rajeunissement évangélique, quand on se sent emprisonné dans les turpitudes que l'on sait!
Au retour, le message d'un ami parisien, non croyant, un grand ami, sur le répondeur : "Je suis allé voir cet après-midi le film de Beauvois, dit-il, il faut que vous voyiez cela." Je l'appelle et lui dis simplement, avec un brin d'humour, que "les grands esprits se rencontrent". Etrange, non, cette complicité par cinéma interposé? On n'a pas fini d'explorer les délicieux mystères de l'amitié, qui transgresse toutes les frontières, d'espace, de temps, d'appartenances!

samedi 18 septembre 2010

Un an après

C'est le 20 septembre 2009 que j'ai été "installé" (comme on dit) curé-doyen d'Enghien, soit il y a pratiquement une année.
L'occasion de dresser un premier bilan.
L'impression dominante est celle d'une grande joie : joie de découvrir un peuple varié, sensible, présent, attentif, réactif, vivant, soucieux de participer, de vivre du Christ, de faire communauté, de s'engager, de célébrer, de prier, de se soucier du monde, des pauvres, de la vie, quoi.
Bonheur de l'accompagner, ce peuple, et de voir sa richesse, de recevoir des confidences, c'est-à-dire d'être "reçu", soi-même, quelquefois, à l'intérieur, au coeur du coeur, au plus intime, à l'indicible, à l'invisible. Quel privilège, quel trésor, de souffrance et de réjouissance!
Je songe aux apartés, certes, mais aussi aux funérailles (plusieurs centaines), aux mariages, aux baptêmes, aux situations familiales diverses, aux célébrations de tout cela et, à travers tout cela, aux célébrations de la vie, de la Vie, "de la vie des hommes et des lumières de la foi", pour reprendre le titre d'un ouvrage auquel j'ai jadis collaboré.
Je songe à tout ce qui reste à faire : les conseils de participation, la fin du "chacun pour soi", le souci du bien commun, la catéchèse, la liturgie, la priorité accordée aux pauvres de chez nous (économiques, mais pas seulement, il y a des pauvretés de toutes sortes) et du monde, le partage des biens, la formation... Des chantiers, des chantiers, encore des chantiers!
Je songe aux déçus, aussi : des gens (heureusement peu nombreux, mais enfin ils sont là) que j'ai sans doute trop bousculés, ou trop vite, et qui se sont repliés ou qui sont devenus blessants, peut-être parce que j'ai touché en eux des blessures très loin enfouies (on n'est blessant que parce que l'on est blessé).
Au total, je rends grâce et dis vraiment mon remerciement à tous ceux qui m'accueillent, m'ont accueilli et, je le sais, le feront encore. A vrai dire, non pas moi mais celui à la suite duquel nous marchons tous : le Christ, qui nous entraîne avec lui vers la liberté, vers la Vie.
Alors nous repartons pour de nouvelles aventures!
Nous sommes toujours des balbutiants, des débutants.
Tant mieux.

mardi 14 septembre 2010

Une faute

Je comprends que la conférence de presse de l'épiscopat, hier lundi à Bruxelles, à propos de la gestion des plaintes transmises à l'ex-commission Adriaenssens et après leur révélation vendredi, ait déçu beaucoup de monde. La décision des évêques n'a guère manifesté leur sens d'une séparation stricte des pouvoirs dans une démocratie comme la nôtre, et ce sur un point précis : l'évaluation de la prescription des faits. Il appartient au seul juge ou à la chambre du conseil de se prononcer sur cette prescription, et non au plaignant ou à un "centre" qui l'accueille. Serait-ce que les évêques craignent que certaines réputations de prêtres (même déjà décédés) soient mises à mal? Ou pire, que l'on demande réparation financière pour des faits anciens? On serait alors dans du glauque, et on ajouterait une faute à une faute.
C'est la justice civile, au départ, et elle seule, qui doit être saisie des faits dénoncés. Point.
Qu'un accompagnement spirituel, psychologique, canonique, etc., suive, bien sûr. Mais d'abord, laissons faire la justice et faisons lui confiance.
Ce point étant acquis, il ne faudrait pas non plus faire l'impasse sur les raisons profondes, souterraines, qui ont permis - hélas - ce carnage. Je suis d'accord avec Mgr Léonard pour ne pas lier systématiquement célibat et inclination à la pédophilie, bien sûr. Mais le profil psychologique des candidats au presbytérat mériterait tout de même d'être franchement revu : l'âge, par exemple, est un paramètre au moins aussi important que le célibat. "Je n'aime pas les 'jeunes prêtres' ", disait plaisamment le théologien orthodoxe Olivier Clément. Il signifiait par là que, à ses yeux, mieux valait ordonner un homme d'expérience, pourquoi pas marié en effet, ayant traversé vie professionnelle et familiale, plutôt qu'un jeune de trente ans bourré de théologie et de ... complexes.
On n'est pas au bout du chantier!

samedi 11 septembre 2010

Après la honte...

A la suite de la publication du rapport Adriaenssens.
-D'abord, la honte (même si on n'est pas soi-même coupable, c'est comme dans une famille : on a honte parce que des frères se sont comportés de façon perverse).
-Puis, après la honte, quelques réflexions éparses.
.Ce rapport a été demandé par les évêques eux-mêmes, et ce sont eux qui ont insisté pour qu'il soit publié : l'institution, toute coupable ou complice qu'elle soit, a tout de même gardé assez d'énergie pour cette opération-vérité devant tout le monde.
.De se reconnaître atteinte par le péché, et le péché qu'elle dénonce si complaisamment chez ses contemporains, l'institution serait bien inspirée de devenir moins arrogante dans ses prises de parole sur ce sujet précis. Elle qui dénonce si souvent "la société" comme mauvaise, elle se fait reprendre par cette même société, plus morale qu'elle sur ce coup-là.
.Le christianisme est-il une institution? Il est d'abord une parole prophétique, celle du Christ, qui, de son temps, a dénoncé les structures religieuses et s'y est heurté : il en est mort. Que le "christianisme" ait ensuite pris les formes d'une religion n'y change rien : s'il porte en lui le Verbe, la Parole de Dieu qu'est le Christ, il est et restera toujours subversif, capable de dénoncer le mal où qu'il soit et d'abord en son propre sein.
.Il serait utile de voir dans les textes du Nouveau Testament comment Jésus tient un discours subversif par rapport à la famille ("Qui aime son père ou sa mère plus que moi n'est pas digne de moi"), à la Loi et au Temple ("Vous avez appris qu'il a été dit aux Anciens... Moi, je vous dis..."; "Détruisez ce Temple, en trois jours je le relèverai...", etc.) et, généralement, aux autres institutions de son époque.
.Non qu'elles soient en elles-mêmes mauvaises, évidemment. Mais elles le deviennent si elles s'absolutisent : ce qui est le cas pour "la religion" quand elle veut se préserver, préserver ses privilèges ou sa réputation en évitant de faire le ménage en elle-même pour rester conforme à son message.
.Pour résumer, les Scolastiques avaient raison qui maniaient souvent cet adage : Corruptio optimi pessima ("La pire corruption - ou perversion - est celle du meilleur"). La pédophilie est un mal partout et en tous les milieux. Quand elle est le fait de prêtres, ordonnés pour évangéliser et nommés, souvent, pour éduquer des enfants, elle devient la pire perversion, parce qu'elle est la perversion, la corruption, de ce qui se présentait comme le meilleur et en lequel des familles avaient mis leur confiance. On n'est jamais à l'abri de ces terribles retournements, et seule la vigilance constante peut nous en garder.

jeudi 9 septembre 2010

J'ai peur

Dîné, hier soir, avec, entre autres convives, une jeune femme originaire de mon village - la quarantaine, belle, intelligente. Nous nous accrochons sur un point : elle approuve bruyamment Mr Sarkozy d'avoir pris ses mesures de reconduite des Roms aux frontières. Moi, fidèle à la position de l'Eglise (de France, en particulier), et fidèle à ma propre conviction, je désapprouve aussi bruyamment : il en va, dis-je, des droits de l'homme, et puis je dénonce ce paradoxe constant chez les gens de droite, en France, toujours d'un côté à se dire plus catholiques que le pape, et indésireux d'un autre de pratiquer vraiment l'Evangile et sa Tradition d'accueil, d'intégration, d'écoute.
Au retour, faisant le point, la peur me gagne.
Où allons-nous?
Si même des gens généreux (comme cette jeune femme) n'ont plus de scrupule à dire leurs sentiments racistes, et de rejet de l'autre, où allons-nous?
Si une communauté linguistique ne voit, comme politique, que la gestion de ses propres avantages sans souci aucun de ceux d'une autre communauté qui vit depuis près de deux cents ans avec elle, où allons-nous? Et ils oseraient se dire chrétiens, ceux qui pensent et votent ainsi?
Où allons-nous?
Je vais vous dire où nous allons, et pourquoi j'ai peur : à cultiver des égoïsmes, lorsque je relis la saga monstrueuse du nazisme naissant (mais l'exercice est possible à toutes les époques, contentons-nous du XXème siècle), tous les ingrédients sont là pour une exclusion massive de l'autre, un rejet, une stigmatisation de sa race, de sa langue, de son économie, de ses pratiques, de sa religion, etc. Nous savons où cela conduisit l'Europe et le monde au creux douloureux du XXème siècle.
Alors, oui, j'ai peur!

dimanche 5 septembre 2010

La puissance de la Croix

J'ai baptisé des petits enfants ce midi, et je n'ai pu m'empêcher de mettre en parallèle le geste inaugural du baptême, qui consiste à tracer sur le corps du futur baptisé le signe de la Croix, et la parole de Jésus rapportée par l'Evangile du jour (Lc 14, 26) : "Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher derrière moi ne peut pas être mon disicple." Porter sa croix : la destinée chrétienne. L'épicurisme ambiant a raison, qui nous fait aimer les "bons moments" de la vie, les rencontres, les amitiés, les repas et la musique, les fêtes et les beaux-arts, la littérature, la culture, etc. Mais n'est-il pas insuffisant, jusqu'à méconnaître la part difficile et inévitable pourtant de nos existences humaines : les déceptions et les échecs, les ratages et les souffrances, les incompréhensions et les divisions, les tristesses et les mélancolies, et puis, comme chantait Brel, "et puis la mort qui est tout au bout"? Le Christ n'a pas, dans son existence terrestre, méconnu les joies simples et les bonheurs légitimes de la vie : il les a au contraire partagés avec ses contemporains, et nos évangiles sont remplis de repas et de fêtes. Mais "il s'est dépouillé lui-même jusqu'à la mort, et la mort de la Croix" (Ph 2); il a embrassé jusque là notre nudité, nos pauvretés et nos échecs. Et maintenant, chaque fois que nous traversons les jours de peine, nous pouvons y reconnaître sa Croix, présente sur nos fronts et en nos vies depuis le baptême qui nous fit un jour Christs dans le Christ. Alors, elle change, la perspective de nos existences et la perception de notre bonheur : nous apprenons le dépouillement avec le Christ, le détachement de tout, peu à peu, à chaque Croix rencontrée, et nous devenons sans doute chaque fois un peu plus libres, un peu plus vrais, un peu plus nus. Et un peu plus espérants : la Croix nous ouvre la Vie éternelle, elle est depuis Pâques l'autre face de la Résurrection, de la Vie.
Pour les chrétiens, sans rien nier des joies présentes, là est la source du bonheur.

jeudi 2 septembre 2010

L'étrange aventure de la foi

J'étais à Louvain-La-Neuve cet après-midi, et je faisais passer des examens à des étudiants de la Faculté de Théologie. L'un surtout m'a frappé, un Africain, Nigérian : il a devant moi commenté avec une élégance, une intelligence, une souplesse d'esprit et de coeur, des textes de saint Bernard de Clairvaux (XIIème siècle, tout de même...), une Homélie sur l'Avent et autres propos spirituels du grand cistercien. Je voyais ce bonhomme né dans une autre culture, dans un autre continent, développer une saisie spirituelle que beaucoup de jeunes gens de son âge et de chez nous n'ont guère. Et je me disais (en lui mettant une cote excellente, qu'il se rassure, car il était stressé) que la foi chrétienne n'est décidément pas une question de gènes, de culture, etc., comme d'aucuns, trop souvent, voudraient l'y réduire. Elle est, en son coeur et en son sein, "catholique", c'est-à-dire promise à une universalité qui transcende et en même temps respecte les diversités de provenance, de naissance, d'habitudes.
A la messe, ce soir, à Enghien, pour une dame décédée il y a un an environ, joie de commenter aussi ces premiers versets de Lc 5 : l'appel de Simon et des autres, au gré d'une pêche miraculeuse qui indique leur mission. Comme c'est notre histoire, celle de ces premiers-là, toujours dans la surprise, toujours dans le bouleversement. Comme la vie est "passionnante", avec le Christ, puisque Dieu même ne cesse d'y jouer avec nous à cache-cache...

lundi 30 août 2010

Vive la rentrée!

Il y a un bonheur des vacances.
Et il y a aussi un vrai bonheur de la rentrée.
Un bonheur de feuilles d'automne et de cartables remis à neuf.
Un bonheur d'enfant qui retrouve des bancs d'école.
Un bonheur de la vie.
Tout le monde rentre : le monde politique (il doit s'y faire, ça n'a pas l'air simple de se remettre sérieusement au boulot!), ecclésial (il y a des plaies à soigner), paroissial (chez nous, en tous les cas, des chantiers en vue), ...
Et je songe à ceux qui ne rentrent pas : les retraités, qui, s'ils sont grands-parents, rentrent par petits-enfants interposés.
Les isolés.
Les malades.
Les personnes âgées, chez elles ou dans les hospices.
Donner à tous, à chacun, la joie du recommencement : tâche de septembre, tâche de grand-parent, de visiteur de malade, tâche de prêtre.

samedi 21 août 2010

La dernière place

Préparant l'homélie des messes de ce 21ème dimanche, durant lequel on lit un passage de l'évangile de Luc (Lc 13, 22-30), je trouve ce commentaire de Dom André Louf (qui vient de nous quitter en juillet), le grand Abbé cistercien. Il s'attache à la finale du passage ("Il y a des derniers qui seront premiers et des premiers qui seront derniers") : "Il n'y a pas de doute possible, écrit-il : la place où attendre Jésus pour être rencontré par Lui, c'est la dernière place. Comme toutes les autres portes sont fermées, sauf la porte étroite, toutes les autres places sont illusoires, sauf la dernière, celle qui est sans éclat et sans apparence. Ce ne sera pas l'une des moindres surprises lors de la révélation du Royaume de Jésus, que de voir tous nos rangs et nos hiérarchies terrestres retournés de fond en comble, pour que ne subsiste devant la gloire de Dieu que ce qui est faible et fou aux yeux du monde, ce qui est sans naissance, ce que l'on méprise, ce qui n'est pas, pour réduire à rien ce qui est (1Co 1, 21à 28). Cette dernière place qui se renverse en première, ce fut la place de Jésus et son aventure parmi nous sur la terre." (A. LOUF, Seul l'amour suffirait, DDB, 1982, pp. 170-171)
On ne saurait mieux dire le paradoxe et la nouveauté du christianisme, et l'incroyable retournement qu'il attend...

vendredi 20 août 2010

Aux Cisterciens, mes frères...

Nous avons ce vendredi 20 août célébré la mémoire de Saint Bernard. C'est sans aucun doute l'un des plus grands auteurs spirituels de l'Occident, moine, écrivain, réformateur, homme d'action et de sagesse... Je songe avec gratitude à mes frères et soeurs cisterciens, qui m'ont tant appris, et de tant de façons, et en tant de domaines : l'équilibre de la vie quotidienne, entre travail (manuel, intellectuel), prière et repos; l'importance de l'oraison et de son coeur à coeur quotidien avec Dieu; la vie fraternelle, le silence et la communion; la pauvreté et le partage; la simplicité et le témoignage. J'en passe! Je ne méconnais pas les difficultés des Ordres cisterciens (commune ou stricte observance), difficultés ni plus ni moins grandes que partout ailleurs dans l'Eglise lorsqu'on veut prendre au sérieux la vie évangélique. Mais quelle leçon!
Merci, mes frères et mes soeurs, et heureusement que vous êtes là!

lundi 16 août 2010

L'attachement des chrétiens à Marie

Hier à Bassilly, j'ai pu mesurer encore combien est vif l'attachement des chrétiens à la Sainte Vierge. Dans cette paroisse précisément dédiée à "l'Assomption", la messe de 10h00 était suivie d' une procession mariale. Celle-ci, malgré les menaces de pluie, est sortie à la grande joie de celles et ceux, nombreux, qui avaient préparé l'événement et l'attendaient. Petits et grands retrouvent alors comme naturellement des attitudes d'enfant - non pas infantiles, mais des attitudes d'enfant telles que Jésus les préconise pour entrer dans le Royaume. Et c'est bien ainsi qu'il convient d'envisager le rapport des baptisés à Marie : non pas sur le mode pieusard, mais dans un lien de maternité spirituelle. Si la grande affaire de la vie chrétienne est l'engendrement en chaque baptisé d'un homme nouveau, porteur d'une vie qui aille non seulement vers la mort mais vers la Vie, alors Marie est en chacun de ces baptisés la Mère de cet homme nouveau. Les mystiques rhéno-flamands (Maître Eckhart, par exemple), comme du reste aussi beaucoup d'auteurs cisterciens, disent souvent cela : de même que la Vierge Marie a, une fois dans le temps, engendré Dieu dans la chair humaine, de même continue-t-elle a être en chaque "re-né" la Mère de cette renaissance, de l'homme nouveau. Dans les frémissements du 15 août, tandis que déjà s'annoncent les signes de l'automne et de la caducité de l'été, cette maternité-là, qui enfante pour la Vie, est célébrée par des paroissiens qui ne s'y trompent pas! Je les en remercie.

vendredi 13 août 2010

Une excursion, avant la fin des vacances...

Avec quelques amis, une journée d'excursion, vers le Sud - pour les Belges que nous sommes, vers la France. Premier arrêt :Laon, et sa "montagne couronnée", c'est-à-dire ornée de sa cathédrale. Comme autrefois les voyageurs fatigués par la poussière des routes, nous apercevons de loin la masse élégante, un refuge. Et, de fait, une fois gravi le plateau, l'église est là, grande ouverte, qui s'offre - et un audio-guide épatant précise aux visiteurs les notions d'architecture ou d'histoire qui lui permettent de s'y retrouver dans le dédale des siècles et des pierres. Lieu d'accueil, la cathédrale fut et reste aussi une représentation architecturale de la foi, et qui la parcourt dans le bon sens aujourd'hui revit en quelque sorte son initiation chrétienne : de l'Ouest à l'Est, des ténèbres du porche à la lumière du choeur, du baptême à la vie bienheureuse en passant sous le portail du Jugement Dernier. Nos prédécesseurs apprenaient à croire avec leurs pieds plus qu'avec leurs têtes. Et pour nous qui mettons aujourd'hui nos pas dans les leurs, la visite culturelle, de distrayante, devient contemplative.
En face de la cathédrale, un bistrot accueillant et son plat du jour : comment visiter la France sans la goûter? Les produits locaux sont mis à l'honneur, ici, la quiche au maroilles et les fruits du pays... La première façon par laquelle une région vous dit qu'elle vous aime, c'est en vous offrant à manger et à boire le meilleur de ce qu'elle produit. J'ai toujours pensé qu'il n'y avait pas de culture plus noble qu'une autre, et que la gastronomie est à ranger au nombre des beaux-arts, autant que la musique, la peinture ou l'architecture. Et que le bien manger, s'il devient occasion d'action de grâce pour les dons de Dieu, peut être aussi le début de la prière. Le christianisme, même s'il propose de temps en temps et de lieu en lieu des ascèses nécessaires, est et reste une religion de l'incarnation : Dieu, oui, mais dans la chair, et à travers elle! Le repos contemplatif n'est pas anorexique...
Quelques centaines de kilomètres plus bas, voici Fontainebleau. Le château est encore ouvert : la guide est ici une belle grande dame, passionnée par son métier et par l'histoire du lieu. Occasion de se replonger dans ces siècles qui ont fait la France et marqué l'Europe. François Ier, le pauvre pape Pie VII tellement malmené par Napoléon Ier, lui-même ensuite malmené par l'histoire (la cour est celle "des adieux"!), Napoléon III et son admirable théâtre. La représentation du pouvoir est là, devant nos yeux, avec son faste, son luxe, ses excès, sa vanité aussi. Le plaisir de s'instruire conduit à prendre du recul, à méditer sur la gloriole humaine et sur ce besoin récurrent qu'elle a d'exalter les mises en scène de la puissance. Il me semble qu'il faudrait marcher pieds nus dans ces couloirs élégants, qu'il faudrait sans cesse placer, au centre de ces palais, de petits enfants désobéissants, comme Jésus le fit avec ses disciples lorsqu'il leur parla du pouvoir dans son Royaume à lui : avec leurs jeux et leurs gaudrioles, sans rien dire, ces gosses rediraient à tous la grandeur de la simplicité et le besoin du service.

lundi 9 août 2010

Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix

C'est une joie récurrente, depuis quelques années, de pouvoir célébrer le 9 août la fête liturgique de saint Thérèse Bénédicte de la Croix. Cette femme, née Edith Stein en 1891 dans une famille juive, fut d'abord une grande intellectuelle, assistante et disciple de Husserl, le père de la "phénoménologie", c'est-à-dire d'une appréhension du monde plus attentive à l'objectivité de ce qui se livre à notre perception. Ecartée de l'enseignement supérieur d'abord parce qu'elle était une femme, puis par les lois anti-juives des nazis, Edith se convertit progressivement à la foi chrétienne, y retrouvant le Dieu de l'Alliance qu'elle avait abandonné depuis son adolescence. Dans la foulée, elle entre au Carmel de Cologne, puis dans un Carmel des Pays-Bas (dans l'espoir hélas vain d'échapper aux rafles allemandes). En 1942, elle est embarquée, avec d'autres religieux chrétiens d'origine juive, à Auschwitz, où elle est gazée dès son arrivée.
Cette figure séduit par son parcours : elle ne renie rien de sa foi juive, mais l'assume dans le christianisme découvert. C'est une intellectuelle engagée dans son temps (on lui doit de nombreuses conférences sur la condition féminine et le féminisme) mais aussi une contemplative. C'est un témoin exceptionnel de la foi chrétienne, mais aussi et d'abord une martyre du judaïsme du XXème siècle. Elle concentre en quelque sorte en sa personne les grandes tensions qui ont traversé l'Europe dans ces années tragiques, pas si lointaines. On comprend que le pape Jean-Paul II ait voulu faire d'elle une "co-patronne de l'Europe".

Pour ceux et celles que cette figure intéresserait, je recommande le bel album du Père Didier-Marie GOLAY, o.c.d., Edith Stein. Devant Dieu pour tous, Cerf, 2009, 311p., avec quantité de photographies, de citations, de témoignages.

samedi 7 août 2010

Le message de Simone Weil

J'ai repris en mains hier soir ce livre étonnant que je relis de loin en loin, La Pesanteur et la Grâce de la philosophe Simone Weil. Cette femme juive morte en 1943 (il ne s'agit pas de la ministre française...), d'abord militante gauchiste, s'était fortement approchée de la foi chrétienne lors d'une expérience mystique fondamentale. Parmi les textes qu'elle a laissés après sa disparition prématurée, La Pesanteur et la Grâce reste un chef-d'oeuvre absolu. Sous le titre "Celui qu'il faut aimer est absent", elle rassemble dans un chapitre quelques pensées remarquables sur la présence/absence de Dieu. Je retranscris ceci, qui m'a aidé ces dernier jours à accompagner dans nos paroisses des deuils difficiles (décès de jeunes, de personnes ayant été très diminuées par la maladie) :
"Le caractère irréductible de la souffrance qui fait qu'on ne peut pas ne pas en avoir horreur au moment où on la subit a pour destination d'arrêter la volonté, comme l'absurdité arrête l'intelligence, comme l'absence arrête l'amour, afin qu'arrivé au bout des facultés humaines l'homme tende les bras, s'arrête, regarde et attende." (S. WEIL, La Pesanteur et la Grâce, Plon, 5e éd., 1948, p. 130)

Comme cela nous aide à ne pas manipuler Dieu à toutes sortes de fins...

Par ailleurs - dans un registre bien différent - je suis heureux de communiquer aux lecteurs de ce blog l'adresse du nouveau site web du doyenné d'Enghien :

http://www.doyennedenghien.be/

Bonne promenade sur ces pages toutes neuves!

mardi 3 août 2010

Le seul héritage

Revenons sur l'évangile de dimanche dernier (Lc 12, 13-21), pour l'essentiel composé de la parabole du propriétaire "imbécile" qui accumule et fait des plans de développement sans se souvenir qu'il est fragile et que la vie est éphémère... La parabole est précédée par la requête d'un homme qui est en bisbille avec son frère à propos de leur héritage (scénario hélas fréquent à toutes les époques et dans les "meilleures familles", comme on dit!) Jésus refuse de lui faire justice, ce qui peut d'abord paraître étrange, sauf à penser qu'il n'est pas venu régler des problèmes d'héritages humains, mais tourner notre attention vers le seul héritage qui vaille : celui de l'Alliance, celui du Royaume, celui de la foi.
Un de mes oncles, aujourd'hui décédé, un paysan qui avait eu dix enfants, aimait à répéter que le plus bel héritage par lui reçu et, espérait-il, par lui transmis, c'était précisément la foi.
Le seul héritage, le plus précieux...

vendredi 30 juillet 2010

Vivre en frères

La solitude suppose et permet, à l'autre bout de l'expérience spirituelle, la fraternité, la vie partagée. Les êtres humains ne sont pas des Robinson, ils sont destinés (au sens noble d'une "destinée") à la vie commune, que celle-ci se réalise dans une famille, une cité, un pays. Le christianisme, s'il insiste sur le coeur à coeur solitaire de chaque baptisé avec Dieu, propose lui aussi et d'emblée une vie communautaire, qu'on appelle dès lors "ecclésiale".
L'Eglise n'a pas bonne presse. On la réduit, surtout dans les médias généralistes, à une espèce d'institution moralisatrice, un machin hiérarchique destiné à opprimer des consciences, hypocrite de surcroît et mesquin. Et, hélas, cette vision n'est pas toujours fausse : il suffit de jeter un oeil sur les blogs des imbéciles traditionalistes pour être écoeuré jusqu'à la nausée par cette caricature. On oublie que l'Eglise est d'abord un mystère de fraternité. Se souvient-on des paroles étranges de Jésus, dans l'évangile de Matthieu : "Ne donnez à personne sur terre le nom de père, car vous n'avez qu'un Père, celui qui est aux cieux, et vous êtes tous frères" (cf. Mt 23, 8-11)? On se dit qu'on en est loin : voyez comment on nomme les prêtres ou... le "Saint Père"! La pointe du discours n'est sans doute pas ici que les nominations paternelles et maternelles sont inutiles - on en connaît la nécessité psychologique, on sait les failles de qui en fut privé. Mais qu'elles sont provisoires : devant l'unique paternité qui vient du Père de tout et de tous, quelles que soient nos différences, même hiérarchiques, nous sommes tous frères et soeurs. Certes, le Saint Père est pour moi un père dans la foi, mais il est d'abord mon... frère. Et si les paternités et les maternités sont nécessaires, c'est pour nous reconduire à la fraternité.
Une fraternité qui se reçoit, puisque Dieu la donne. L'Eglise n'est pas une asbl, mais une assemblée convoquée par l'amour livré, dévoilé dans le Christ, et que le Nouveau Testament évoque en lui donnant le beau nom d'agapè : pas eros, l'amour amoureux, pas philia, l'amour de sympathie, mais l'oblation, le don sans repentance en lequel se fonde une fraternité chez ceux qui, reconnaissant leurs différences, y trouvent le germe d'un respect absolu, d'une égalité absolue, d'une liberté absolue...
J'ai déjà reçu quelques échos des "camps" des mouvements de jeunesse de nos paroisses, scouts ou patros. Je me réjouis de ce que, apparemment, tout se soit bien passé et dans ce sens ecclésial. Le but de ce genre de "camp", comme de toute autre activité dans laquelle l'Eglise intervient du reste, n'est-il pas que ceci : l'apprentissage de la fraternité, si difficile qu'elle soit?
Tout le reste, dormir à la dure, partager une certaine discipline, faire cuire des pommes de terre ou vivre sous tente... n'a de sens que si l'on contribue ainsi à s'ouvrir à l'autre. A découvrir que l'autre n'est pas tant "mon semblable" que "mon différent". A chercher dans cette différence reconnue l'inauguration de la fraternité que rend vraiment possible l'amour reçu de Dieu.

mardi 27 juillet 2010

Des moines en général, de la solitude en particulier

J'aime les moines. Depuis l'enfance, leur existence toujours m'a fasciné et même si, avec les années, j'ai appris à faire la part des choses, à désenchanter mes représentations de leur vie, je continue de penser qu'ils sont indispensables à la respiration de l'Eglise. J'aime me retrouver chez des Cisterciens, surtout, à Sénanque, à Lérins, à Hauterive, chez des Trappistes ou des Trappistines de chez nous et d'ailleurs : ils allient à la prière la rugueuse vocation de paysans, ce qui est mieux en phase avec ma nature que d'autres ordres plus intellos. A chacun son truc!
Or, quel est le ressort de la vie monastique sinon, comme son nom l'indique et pour faire un peu d'étymologie, la "solitude"? Même s'ils vivent en communauté, ce qui est le plus souvent le cas, les moines sont des solitaires, chacun s'avance vers Dieu, avec ses allers et ses retours, dans l'impartageable abîme de son coeur. Mais le grec monos, qu'on traduit donc par "seul", veut aussi dire "un, unifié" : la solitude ne serait pas heureuse si elle n'était un lieu d'unification intérieure. Je songe au frère Jean-Marc, la cinquantaine, né dans une banlieue de Marseille : il a tout du footballeur des rues, on dirait Zidane. Ce garçon accueille la vie qui va, ses handicaps - il est peu à peu privé de la vue - en l'unifiant dans le quotidien autour de la solitude monastique. Il travaille au potager, il prie "dans le secret" de son coeur et de sa cellule, il lit tant qu'il le peut encore ou écoute sur des cassettes des livres enregistrés, il partage offices et repas avec ses frères. Jean-Marc est pour moi un signe, au sens presque sacramentel de ce terme : un rappel adressé à l'Eglise entière et à chacun des baptisés, une manière de dire sans parler combien la quête de Dieu, qui est aussi quête de soi, suppose évidemment d'être seul avec soi, seul avec Dieu.
Je ne suis pas, je ne serai jamais moine. Mais, dans une vie plus extravertie que la leur, j'ai comme eux besoin d'être seul. Et je crois qu'il en va de même pour tout être humain, quel que soit son état de vie. Les partenaires d'un couple, par exemple, feraient bien de cultiver chacun son jardin secret. Sinon, comment l'autre, d'étranger qu'il est au départ, pourrait-il ne jamais cesser de devenir mystère? Et s'il cesse d'être un mystère, comment pourrait-on n'en pas être lassé au bout d'un temps? Il me semble que, souvent, les crises conjugales trouvent une part de leur origine dans l'incapacité des époux à rester seul avec soi. Et seul avec Dieu.
Ce vis-à-vis de soi et de Dieu, qui dans le meilleur des cas conduit à l'unification intérieure, commence par engendrer la peur. C'est que nous ne savons guère qui nous sommes - quand sont ôtés les fards et les paravents dont nous masquons nos vies afin d'être pris pour le personnage fantasmé. Une fois sorti du théâtre intérieur, que reste-t-il de moi? La solitude donne d'accéder peu à peu à la vérité de soi-même, et c'est souvent une découverte effrayée : derrière les meilleurs sentiments, on trouvera frustrations et rancunes, blessures reçues très loin dans l'enfance, qui nous rendent blessants. Failles. Désirs monstrueux, quelquefois. Sans le regard de Dieu sur notre vide, la solitude serait en effet désespérante. Placée sous ce regard, elle est une chance et un repos : O beata solitudo, sola beatitudo, osait chanter saint Bernard - en connaisseur qu'il était : "Ô bienheureuse solitude, seule béatitude!"

mercredi 21 juillet 2010

Au soir de la Fête Nationale

Puisque d'aucuns me l'ont demandé, voici le texte des propos que j'ai tenus ce matin à 11h00 à l'église d'Enghien lors du Te Deum solennel chanté pour le Roi et le Pays à l'occasion de la Fête Nationale :

"Madame la Députée-Bourgmestre, Madame et Messieurs les Echevins et Membres du Conseil Communal, Madame et Messieurs les Représentants des Pouvoirs Civils et Militaires, Messieurs les Représentants des Associations Patriotiques, Mesdames et Messieurs, Monsieur le Pasteur d'Enghien, Frères et Soeurs,

Permettez-moi d'abord de remercier Monsieur le Pasteur d'Enghien pour sa présence à mes côtés ce matin.
Chaque année, la Fête Nationale permet aux citoyens d'Enghien de se retrouver ici, en l'église Saint-Nicolas, dans la diversité de leurs convictions politiques, religieuses ou idéologiques.
Mesurons-nous la chance que nous avons, nous qui, par tempérament et mauvaises habitudes, avons si fréquemment l'inclination de nous plaindre?
. Nous avons la chance de vivre dans une démocratie - "le moins mauvais des régimes", disait Churchill, ce qui n'est hélas pas le cas de la grande majorité des pays du monde.
. Nous avons la chance de vivre dans un pays globalement riche, l'un des plus riches en PIB de l'Union Européenne - je n'ignore pas, ce disant, que des pauvretés subsistent chez nous, et de tous ordres.
. Nous avons la chance de vivre dans un pays de compromis où, aussi loin que possible, des communautés diverses par leur langue, leur culture, leur conception même de la citoyenneté, apprennent à se mettre d'accord en vue du bien commun.
. Nous avons la chance de vivre dans un pays en paix, et même s'il y a des frictions communautaires, cela ne nous a jamais conduits, depuis plus de soixante ans, à de graves violences ou à des assassinats (comme on a pu le voir, par exemple, en France ou en Espagne).
. Nous avons la chance de vivre dans un Etat dont le Souverain est un Roi réputé pour sa sagesse et qui, entouré de sa Famille, accepte et remplit le mandat que les Constituants de 1830 ont confié à cette Famille, assurant par là-même à notre Patrie une stabilité enviable.

Mesdames et Messieurs, Frères et Soeurs, je pourrais poursuivre la liste, et longuement. Vous l'aurez compris, j'ai voulu ce matin insister sur ce que le tempérament belge, volontiers grincheux, tend à ignorer et qui, pourtant, nous rassemble précisément ce matin dans cette église : la chance et le bonheur de vivre en paix dans nos différences.

Les chrétiens sont accoutumés, depuis l'origine de leur foi, à rendre grâce et à prier pour les chefs des Etats où ils vivent, demandant à Dieu de les garder dans Sa sagesse et de les bénir. C'est le sens du Te Deum laudamus que nous allons maintenant chanter pour le Roi et pour notre pays.

Aan U allen hartelijk welkom in uw rang en hoedanigheid. Ter gelegenheid van onze Nationale Feestdag zijn wij hier in deze dekanale kerk samengekomen om hulde te brengen aan ons Vaderland en zijn instelligen. Samen met de overheden, de militairen en de burgers is hier ook de gelovige gemeenschap aanwezig om te bidden voor ons land, en voorspoed en harmonie tussen de gewesten en de gemeeschappen. Tenslotte zullen wij God loven en danken door het zingen van het plechtig Te Deum laudamus, want van Hem komt alles wat goed is. Aan Hem hebben wij alles te danken, en van Hem moeten wij alles verwachten."

lundi 19 juillet 2010

De l'art du silence

Je songe à tel ou tel de mes voisins et (plus encore) voisines, âgés et seuls, qui voudraient tant avoir la chance de la conversation, et qui n'ont plus guère que la télé pour partenaire... Comment oserais-je, devant eux, faire un éloge du silence? Le silence est ambivalent, il n'est pas toujours une vertu ou un bienfait. Nous le savons bien, nous qui magnifions une religion de la Parole, une religion du Verbe!
J'ai appris à me taire. je suis d'un naturel joyeux, la repartie me vient aux lèvres plus vite qu'il ne faudrait, cette réplique "qui tue", et je me serais autrefois damné pour un bon mot. Au risque de blesser, bien sûr. Alors j'ai essayé d'apprendre à me taire - apprentissage inachevé! Les traits d'esprit et, pire, les mouvements d'une colère qui gronde, j'essaie de les ravaler. Mais ce n'est pas encore le silence...
Le silence, celui que j'entends ici recommander, il faut apprendre à l'écouter. Dans une chambre d'hôpital, en soins palliatifs, quand il n'y a plus que, de temps en temps, le bruit de la pompe à morphine, quand seuls comptent les gestes et les caresses mille fois répétés sur des bras aimés, alors on apprend quelque chose du silence. Ou, à l'autre bout de la vie, à son commencement, durant cet éveil de la nuit - moment que j'imagine entre tous béni et que j'ai toujours regretté, moi le prêtre sans enfant - lorsqu'on reconduit le petit gamin ou la petite fille alarmés du cauchemar à la quiétude d'un sommeil délivré : cette béatitude ouvre sur un silence infiniment peuplé (n'est-ce pas là un instant de pur bonheur que Dieu a donné à l'homme comme un geste et un signe de sa propre paternité?)
Le silence que j'évoque ici est plein de ces rumeurs d'amour, de ces échanges au-delà des mots, au-delà des sons, de cette musique au-delà des notes. Il ouvre l'espace d'une présence, de la Présence. Il donne d'écouter ce que seul le coeur peut percevoir quand l'ouïe n'a rien à entendre, le murmure de Dieu, ce bruissement auquel on nous dit, dans le Premier Livre des Rois, qu'Elie le grand prophète le préféra à tous les fracas pour se voiler le visage devant son Seigneur (1R 19, 12).
Le temps des vacances, je le vois aussi comme un temps de "prises de silence", comme on évoque parfois des "prises de parole". Le matin, dans un lieu solitaire ou n'importe quand en promenade, quel luxe de pouvoir s'arrêter, s'asseoir, se recueillir, et ainsi écouter l'inentendu - c'est la part de Marie, la soeur de Marthe, "la meilleure", disait Jésus dans l'évangile de Luc proclamé hier. A Belval, un monastère cistercien du Nord de la France, une inscription est placardée dans la salle à manger des hôtes. Inspirée d'un texte de Bernanos, elle précise : "Ce n'est pas nous qui gardons le silence, c'est le silence qui nous garde." En effet.
Nous avons tant besoin d'un peu de lumière. D'un peu de vérité. D'un peu de justice. D'un peu de paix. D'un peu de miséricorde versée sur nous-mêmes. Et Dieu est là, qui attend de nous les donner pour notre soulagement. Comme pour Elie, comme pour Marie et pour Marthe sa soeur, la Parole de liberté ne vient à nous que dans le fin bruissement du silence.

samedi 17 juillet 2010

Saint Bernard, Marthe, Marie et... Lazare

Pour commenter l'épisode que nous entendons dans la liturgie de ce dimanche, et qui est extrait de l'évangile de Luc (Lc 10, 38-42), saint Bernard dans ses Homélies (en particulier, ses Homélies pour... l'Assomption, précisément parce qu'on lisait cet épisode évangélique dans la liturgie cistercienne pour cette fête) adjoint aux deux soeurs leur frère Lazare, que l'on rencontre dans l'évangile de Jean : tout le chapitre onzième du quatrième évangile raconte en effet, on le sait, la maladie, la mort et la résurrection spectaculaire de cet ami de Jésus. Saint Bernard propose d'interroger nos existences à la lumière de ce trio que nous portons tous en nous : Marthe, Marie et Lazare. En chacun de nous, dit-il, il y a un "Lazare" malade, mourant, mort bientôt, que Jésus doit venir ressusciter : c'est tout le thème du "vieil homme" qui doit mourir en nous pour que naisse "l'homme nouveau", ressuscité avec le Christ. Lazare en nous étant ressuscité, la reconnaissance de Marthe sa soeur devient telle qu'elle l'entraîne à une générosité presqu'excessive : elle en oublierait, à force de le servir, celui qu'elle veut remercier. Elle en oublierait de l'écouter vraiment, de lui ouvrir son coeur. Et elle irait même jusqu'à juger importune la démarche de sa soeur Marie qui, elle, prend le temps de s'arrêter, de s'asseoir aux pieds de celui qu'elle veut pour intime. Marie! Marie, c'est Marthe... qui serait amoureuse! Elle n'a d'yeux et d'oreilles que pour le Maître bien-aimé, elle sait qu'en lui est la source de Vie, celle qui a pu donner à son frère cette énergie qui l'a poussé hors de la tombe. Et elle ne veut plus que s'abreuver à cette source. Mais elle doit, sur cette terre du moins, et même si "elle a choisi la meilleure part", ne pas s'endormir : sa contemplation serait oisiveté si elle ne la relançait pas au service de son Seigneur et, à travers lui, des hommes et des femmes qui sont ses frères et ses soeurs sur cette terre!
Beau trio, en effet, pour évaluer notre condition chrétienne et son exercice quotidien.

jeudi 8 juillet 2010

La justice et l'Eglise catholique en Belgique

Plusieurs personnes me demandent mon avis sur "ce qui se passe" entre la justice et l'Eglise catholique en Belgique, après les perquisitions du 24 juin à Malines et la longue audition, comme témoin, du Cardinal Danneels avant-hier à la PJ de Bruxelles.
Sur le fond, évidemment, je ne sais pas précisément ce qui est recherché par les enquêteurs.
Quelques éléments, pourtant, me viennent à l'esprit :
- ce qui était une évidence il y a vingt ans ne l'est plus, à savoir que l'institution devait être protégée et que les éventuels remous suscités par les moeurs légères d'un ecclésiastique, il valait mieux n'en point trop parler. Cette évolution est bénéfique, mais elle se fait par delà les personnes et les personnalités, elle constitue un changement de société qui dépasse les acteurs eux-mêmes de la société. Je suis persuadé que, même si (ce que j'ignore, évidemment) le Cardinal a minimisé des faits à lui rapportés, comme d'autres évêques du reste à la même époque, c'est parce qu'il croyait en toute bonne foi que c'était là son devoir, comme d'autres l'ont cru à la tête d'autres institutions. La justice qui juge le passé avec des critères du présent a toujours un petit côté anachronique;

- en même temps, ceci est un bienfait pour l'institution, même si elle met à mal une personnalité remarquable du pays, pour laquelle on ne peut qu'éprouver estime et reconnaissance. Aucune institution, si noble soit-elle, ne peut se substituer au bien des personnes individuelles. La "raison d'Etat", quel que soit " l'Etat" (ou, donc, l'institution), est toujours une mauvaise raison quand le bien d'un seul individu est en jeu. Que l'Eglise, secouée par la justice du pays, en prenne conscience, voilà qui ne peut que la grandir;

- l'Eglise, du coup, se grandira comme institution si elle ressort de cette épreuve plus humble, moins arrogante et moins donneuse de leçons. Il ne faut pas s'étonner qu'une démocratie comme le Royaume de Belgique, tellement traversée par la nécessité du dialogue constant entre tous les partenaires, trouve agaçante la prétention de l'Eglise catholique de se placer sans cesse, du point de vue éthique, "au-dessus de la mêlée", comme si ce qu'elle professe devait être avalé tout cru et sans discussion. Et, en particulier, en matière de morale sexuelle : on la rattrape là, précisément là, où elle pense si souvent devoir faire la leçon à tout le monde. C'est bien pour son matricule, et ne peut que la conduire à un comportement moins ombrageux et plus évangélique.