lundi 31 décembre 2012

Voeux

A celles et ceux qui de temps en temps viennet se promener sur ce "blog",
à celles et ceux qui le liront par hasard,
à celles et ceux dont il m'arrive, pour toutes sortes de raisons, de croiser la route quelquefois joyeuse et quelquefois pentue de l'aventure humaine,

je souhaite de tout coeur une belle année 2013. J'assure chacune et chacun, du plus profond du coeur, de ma prière pour eux et pour les leurs.

Et je livre à tous ces voeux qui furent autrefois, lors d'une autre année bien lointaine déjà, ceux de ma chère Marie Noël :

L'année a passé. Les jours bons et mauvais ont coulé.
          Béni soit Dieu!
Pour les jours de beau temps, les minutes de bonheur, pour les heureux hasards, les bonnes aventures, les douces espérances; pour le chant, la prière, les livres, les paysages,
          Béni soit Dieu!
Pour les jours de pluie, les minutes de douleur, les heures sombres qui ont enrichi dans la faiblesse, dans les ténèbres, la force et les clartés de notre âme,
          Béni soit Dieu!
Béni soit Dieu pour tous ceux que nous avons rencontrés et qui nous ont aimés.
Béni soit Dieu pour tous ceux que nous avons aimés et qui ne nous ont pas aimés, car, en eux, nous avons eu la joie divine de nous donner pour rien.

                                                                       Marie Noël, 31 décembre... 1922.

mercredi 26 décembre 2012

Merci au Roi pour son discours de Noël

Certains "éditorialistes du Nord du Pays", comme on dit, seraient donc fâchés du traditionnel discours royal de Noël... Le Souverain aurait exagéré et surtout ils ne digèrent pas la comparaison, même furtive, entre notre époque, ses tentations, et celles des années trente...
Oui oui oui...
Certaines indignations ne manifestent-elles pas qu'on a, au contraire, touché juste?
Oui, des discours et des attitudes politiques existent en Flandre (et, pour ce qui concerne la Belgique, uniquement en Flandre) qui sont populistes, démagogues, et rappellent ceux du nazisme et du fascisme, nés dans des contextes analogues de crise économique, nourris des mêmes phobies et des mêmes mensonges (remplacez les Juifs d'alors par les Musulmans d'aujourd'hui, et on y est). Et oui, on a bien vu à quoi cela conduit, de façon inévitable!
Que voudrait-on? Que le Chef de l'Etat ne dise rien, qu'il soit une potiche? Autant je ne suis guère favorable, chez nous, à un système présidentiel à la française (ou à l'américaine), autant le compromis démocratique belge, qui permet à un Souverain non élu de dire de temps en temps son point de vue sur l'état du pays, et avec l'aval du Gouvernement, autant ce régime, oui, me semble parfaitement correct, et capable peut-être de faire entendre parfois une voix tout ensemble éthique et au-dessus de la mêlée. Si le Roi n'est plus là que pour dire des platitudes, genre "Joyeux Noël et Bonne Année à tout le monde" alors en effet, il ne sert pas à grand-chose. Mais heureusement la Constitution belge (modèle de démocratie dans le monde, ne l'oublions pas) lui donne le droit et le devoir de parler et de mettre en garde. Je comprends que cela embête un certain nombre de personnes.
Moi, ça me rassure.

jeudi 20 décembre 2012

Non à la bêtise idéologique

La réforme souhaitée par l'actuel ministre compétent (?) de l'Enseignement Supérieur en Communauté Wallonie-Bruxelles pue l'idéologie. Sous prétexte de rationaliser géographiquement cet enseignement, elle vise en fait à diminuer l'influence, jugée par certains trop importante, de l'UCL, "institution catholique". Dès lors, il conviendrait, par exemple, de faire passer l'implantation bruxelloise de ladite UCL sous gestion de l'ULB, plus proche géographiquement... etc. Quand on sait que "ladite" implantation comprend les Facultés de Médecine... on saisit  les rententissements éthiques, évidemment. Là, c'est ni plus ni moins la liberté d'enseignement (et même de conscience) qui est en jeu, et j'approuve notre Principal du Collège Saint-Augustin, ici à Enghien, lorsqu'il met en ligne une lettre publique au susdit ministre, pour contester cette proposition : assez d'idéologie, s'il vous plaît, les problèmes sont trop sérieux dans la société pour les régler par ce biais!
L'acharnement anticlérical de certains sbires maçonniques, en Belgique, est désespérant, alors que, de bonne foi, les catholiques dans leur très grande majorité essaient de vivre dans un dialogue institutionnel apaisé.
La France n'est pas toujours un modèle en tout (surtout en ce moment, tiens, ni à gauche, ni à droite) mais je veux néanmoins dire cet exemple : la facon dont Monsieur Delanoë, Maire de Paris, athée affiché, déclarait récemment sur KTO avoir souhaité que le Parvis de la Cathédrale Notre-Dame s'appelât - et c'est le cas depuis quelques années maintenant - "Parvis Jean-Paul II". "On peut, disait-il, n'être pas d'accord sur quelques éléments avec ce qui a été prôné par ce pape, et néanmoins reconnaître, parce que c'est du bon sens et simplement la vérité,  qu'il a été, au XXème siècle, l'un des plus grands hommes que la terre ait portés, en matière de promotion des Droits de l'Homme, de réconciliation, de paroles de paix."
Quel homme politique belge, franc-mac etc., oserait s'il vous plaît tenir à la télé, publiquement, de pareils propos? Ah! Quel chemin reste à faire! Du côté de certains cathos coincés et stupides, certes, mais aussi du vôtre, Messieurs (et Mesdames), du vôtre...

lundi 17 décembre 2012

Non aux politiques d'austérité

Dîné ce soir à Bruxelles,  à sa demande du reste, avec Paul Washer, que je n'avais pas vu depuis trop longtemps. J'ai beaucoup d'admiration pour cet homme de 90 ans, pour son intelligence, son érudition et sa passion intacte à l'égard de l'économie et de la finance. Petit-fils d'Ernest Solvay, il a été pendant longtemps l'un des dirigeants du groupe Solvay, et plusieurs années son "Chief Financial Officer". Je suis heureusement surpris de l'analyse sans concession que cet homme propose de la crise financière actuelle, et des solutions que l'Europe entend lui apporter : selon lui, les politiques d'austérité sont vouées à l'échec et ne pourront que favoriser un chômage toujours croissant - en particulier, le chômage des jeunes, et donc leur désespérance. Il en a, dit-il, toujours été ainsi dans le passé. En outre, et contrairement à ce que pensent l'Allemagne et Madame Merkel, le brusque assainissement des finances publiques n'encourage pas les investisseurs et ne rétablit pas la confiance. Il faut, certes,  veiller à éviter les gabegies et les toxiques dans les banques, mais il faut surtout promouvoir une politique décidée de relance économique par des investissements d'Etat (et notamment dans les services publics si... fatigués de nos pays, par exemple les chemins de fer). L'historien qu'il est rappelle que, après la guerre, les Etats-Unis ont, en trois ans seulement,  relancé leur économie et ainsi amenuisé leur endettement  (qui était de 100%)  - avec le plan Marshall en prime, qui a permis à l'Europe de repartir. Il ajoute qu'il faut évidemment dégraisser l'Union Européenne  et ses pays membres du trop grand nombre de fonctionnaires, qui sont souvent une charge sans retombées... Et que l'euro, qui doit bien sûr être maintenu, devrait perdre au moins 20% face au dollar, pour une meilleure  compétitivité des échanges.
C'est évidemment un discours "libéral", mais soucieux aussi de préserver les acquis de la sécurité sociale, d'un enseignement de qualité, etc., précisément grâce à une croissance relancée par de nouveaux investissements publics (et donc de nouveaux emprunts). Je lui fais observer que c'est le propos tenu par Jean-Claude Guillebaud semaine après semaine dans ses chroniques du "Nouvel Observateur", et que ni l'homme ni l'hebdomadaire ne passent pour être "de droite". "Devant la crise traversée, dit-il, ces classements sont obsolètes. Si l'on veut qu'il y ait de l'argent pour aider les personnes, il faut créer de la richesse."
Bon, moi je ne suis pas économiste. J'écoute, j'enregistre - et je rapporte aussi bien que possible,  ici, ce que pense un homme dont j'admire l'expérience et, encore une fois, l'intelligence, dans des domaines qu'il connaît infiniment mieux que moi.
Et j'espère que ceux et celles qui s'y connaissent, et qui ont des décisions à prendre en ces domaines, débattront avec sérieux  de ces questions et des enjeux humains qui y sont liés.
Nous avons aussi beaucoup parlé de la mort, à laquelle il pense, dit-il, mais en désirant pouvoir se battre encore pour convaincre tous ceux qu'il croise de la justesse de ses thèses. Ce qui ne l'empêche pas de croire plus qu'avant à l'éternité - elle s'impose aujourd'hui à cet "ulbiste" agnostique comme une évidence devant l'aspiration profonde du coeur de l'homme.

vendredi 14 décembre 2012

Le départ de Clémentine

Entourée de ses enfants, Clémentine - bientôt 93 ans - s'est éteinte dans l'après-midi, ici à Enghien. Elle était la maman de Marianne, l'une des secrétaires qui m'assistent, avec un si grand dévouement, dans mes tâches de doyen. Clémentine vivait depuis des années chez sa fille, où je lui avais conféré, il y a deux mois presque jour pour jour, l'onction des malades. Je ne résiste pas à redire encore l'anecdote de ce jour-là : après les prières et l'onction, elle marmonnait quelque chose que je n'arrivais pas à comprendre. Marianne, plus habituée, tendit l'oreille et traduisit : "Elle dit : vous donnerez une tasse de café à Monsieur le Doyen!" Je ne connais pas de propos qui résume plus parfaitement une vie, une "attitude" foncière qui fut celle de toute son existence, et qui consistait à penser aux autres, à les recevoir et même à les servir. J'ai reçu ce mot comme l'un des remerciements les plus émouvants que j'aie jamais entendus dans ma vie de prêtre, et dans ma vie tout court. Clémentine avait cette foi simple et droite que rien n'ébranle, qui est toute de disponibilité et de confiance.  Sa présence dans la Communion des Saints sera désormais, et toujours,  un réconfort pour les siens, qui ont tant veillé sur elle, et... pour moi!

mardi 11 décembre 2012

L'accueil de Germain, candidat diacre

Hier soir à Tournai, j'ai concélébré l'eucharistie durant laquelle notre évêque a accueilli Germain et Pascal, deux hommes mariés (et accompagnés de leurs épouses respectives) comme candidats à l'ordination diaconale. Germain est de Petit-Enghien, bien connu depuis toujours par les paroissiens de chez nous, très actif dans la catéchèse et la formation. C'est moi qui, peu après mon arrivée ici, lui ai suggéré d'entreprendre le cheminement qui le conduira à être ordonné dans environ deux ans, si tout va bien, et depuis deux ans déjà, avec courage et enthousiasme, Germain se forme aux principales matières de la théologie. J'étais très heureux de cette célébration d'hier soir, toute simple (dans la chapelle du Séminaire), très familiale au fond. Dans son homélie, l'évêque a conjugué les saveurs joyeuses du temps de l'Avent et les enthousiasmes d'un parcours qui avance pour répondre à l'appel du Christ, pour faire que l'Eglise soit davantage fidèle à sa vocation sacramentelle en ce monde, "signe et moyen" du salut pour tous.
A la vérité, le Christ ne cesse d'appeler à sa suite des baptisés qui veulent s'unir intimement à lui pour manifester sa présence dans le monde. Nous avons la joie d'accompagner également Simon, séminariste de notre diocèse, en stage chez nous - lui se prépare à devenir prêtre. Cela nous invite à rendre grâce pour le don de l'amour, qui est éternel.

jeudi 6 décembre 2012

La foi de Julien Green

A la demande de mon collègue et ami Jean Leclercq, j'interviendrai ce lundi (si tout va bien : même si je suis décidé à ne plus voyager qu'en train à partir de ... cette nuit, pensons à la neige qui m'angoisse toujours!), j'interviendrai, donc, à l'Institut Supérieur de Philosophie, à Louvain, sur les liens entre foi, littérature et sexualité chez Julien Green. J'ai une admiration immense pour ce grand écrivain, né (de parents américains) et mort très âgé à Paris (1900-1998), et que j'ai eu la chance de rencontrer en 1989. Cet homme converti au catholicisme à la mort de sa mère (il avait 16 ans), a trouvé dans sa foi "nouvelle" et dans la littérature une manière de gérer son homosexualité qui était pour lui un épouvantable tourment. Pratiquement tous ses romans parlent de cela, d'une façon directe ou à peine détournée, et son "Journal" (publié de son vivant en Pléiade, ce qui est un fait unique) reste une mine de description de soi, de ses "états d'âme", qui le rend comparable aux textes de certains grands mystiques (Thérèse d'Avila) et, par ailleurs, donne des renseignements précieux sur le XXème siècle littéraire.
J'ai relu, pour lundi, quelques grandes oeuvres de Green (notamment le superbe Chaque homme dans sa nuit, roman de 1960, auquel j'ai pensé à donnant un titre à mon petit essai Un homme, la nuit, portant sur Nicodème). On est dans un monde éblouissant de vérité, de sincérité, et en même temps de foi dans ce que la foi révèle de terrible et de décisif au coeur de l'homme. Quand j'ai cinq minutes, au cours de la journée, je rédige mon  texte pour lundi. Mais il y a tant à dire... Il faudra condenser, condenser...
Julien (né en réalité Julian) Green était de l'Académie Française (premier étranger - il était resté américain - à y avoir été admis). Il y avait succédé au non moins grand François Mauriac.

lundi 3 décembre 2012

Le doyenné d'Enghien, présent aux JMJ de Rio

Je suis heureux de pouvoir annoncer que deux jeunes de nos paroisses nous représenteront tous, et tous les jeunes du doyenné en particulier, aux prochaines "Journées Mondiales de la Jeunesse", organisées en juillet 2013 à Rio. Ils peuvent pour cela compter sur le soutien financier du doyenné, que permet l'état relativement "sain" de nos budgets...
Ce sera pour eux - et pour nous tous - une expérience très importante : je ne crois pas que, dans une vie humaine, on ait souvent l'occasion de rencontrer des centaines de milliers de jeunes du même âge que soi, venus de tous les horizons du monde, et la chance de faire connaissance plus en profondeur au moins avec quelques-uns d'entre eux. Pouvoir ouvrir son coeur et son intelligence à d'autres cultures, à d'autres économies (souvent plus fragiles et plus pauvres que la nôtre), à d'autres points de vue sur tous les sujets, faire l'apprentissage de cette différence qui constitue notre humanité toute nuée de ses diverses races, opinions, aspirations, c'est une joie unique.
Sébastien et Valentin, qui auront tous les deux dix-huit ans en juillet (âge minimum requis) vont donc nous représenter à Rio, vivant pour eux et pour nous cette expérience décisive. Je les remercie déjà d'avoir accepté. Ils savent que c'est aussi, pour eux, une sorte de mission : porter témoignage, au retour, auprès de nous tous, de ce qu'ils auront vécu;  partager avec tous, ainsi, les richesses qu'ils auront découvertes.
Ils seront donc là, en quelque sorte, nos émissaires, nos représentants.
Déjà notre prière les accompagne!

vendredi 30 novembre 2012

Saint Eloi au Collège

Joie de célébrer Saint Eloi, ce matin, avec des élèves du Collège qui se préparent à la vie professionnelle. Joie de voir comment il avaient imaginé  la fête de "leur" saint patron, joie de voir leur fierté d'exercer bientôt les métiers qu'ils ont choisis.
Je suis frappé par le sérieux de cette messe, de leurs intentions, par leur respect des convictions de chacun, par une certaine appréhension, aussi, devant la fragilité économique de notre société.
Ils vont devoir se battre pour conquérir et garder la chance d'exercer la profession qu'ils aiment, d'en vivre, d'en faire vivre une famille.
Je les admire.
Je les aime.
De tout coeur, je prie pour eux.

jeudi 22 novembre 2012

La Bible, pour rafraîchir notre foi

Je rentre d'une soirée - première de deux - passée avec les paroissiens sur "Marie des Ecritures", c'est-à-dire sur la place et la présentation de la Vierge dans les textes du Nouveau Testament qui parlent d'elle ou, du moins, qui l'évoquent. Il y a avait pas mal de monde, et que j'ai vu "content" de ce parcours biblique. Au retour, je me dis que l'on est toujours gagnant quand on replonge sa foi dans la fraîcheur des Ecritures. Et pourquoi? Parce que les Ecritures, ce n'est pas des dogmes, ce n'est pas des affirmations, ce n'est pas du catéchisme (au sens malheureusement étroit que ce mot a pu prendre dans l'Eglise catholique en particulier). Les Ecritures, ce sont des histoires d'hommes et de femmes pareils à nous, des histoires tragiques, scabreuses, compliquées, quelquefois drôles, tellement proches de nos vies. Mais des histoires, en même temps, à travers lesquelles Dieu, notre Dieu, se raconte, se décrit, se dévoile, se "révèle" (comme dit cette fois la théologie).
Plonger dans la Bible, oui, c'est plonger dans la fraîcheur de notre foi, qui est une histoire, et non pas un amoncellement d'affirmations intellectuelles ou péremptoires.
Et je suis heureux d'avoir pu constater ce soir comme cela fait du bien à tout le monde!

mardi 20 novembre 2012

La maladie et la santé

Retour de Paris? Me voici avec une jolie bronchite, crachotant à longueur de journée comme un vieux cheval (que je deviens, en vérité). Je suis obligé de renoncer à certains rendez-vous (dont le plus important, aujourd'hui : incapable de célébrer la messe! Cela m'arrive rarement, et c'est toujours chez moi une désolation), de me faire porter pâle dans certaines réunions. Je peste..
D'habitude, la machine du corps répond à peu près à mon vouloir, et quand elle rechigne, je me mets à compatir aux  malades, que je pressens ne pas vraiment comprendre autrement que par l'expérience. Je ne sais pas, hors ce que j'en ressens, ce que c'est qu'avoir en permanence le souffle plus court, je ne sais pas ce que c'est qu'être et se sentir diminué... Et moi, je ne le ressens, et de façon légère encore, que pour un moment (du moins espérons-le!), mais les malades sont cloués par la maladie.
La foi chrétienne pourtant s'occupe d'abord de cela : les premières personnes visitées par Jésus furent les malades et les handicapés, les diminués, ceux que les époques de performances ignorent ou rejettent.
Nous sommes loin de les mettre au centre de nos préoccupations!( Et ce sera sans doute un signal donné par notre synode diocésain, que de le faire, ou d'essayer de le faire.)
Que de chemin, mes frères, que de chemin!

vendredi 16 novembre 2012

Sur la littérature

Retour de trois jours passés à Paris, dans cette ville aimée, et par moi  tellement fréquentée depuis tant d'années qu'elle est beaucoup plus "ma" ville que Bruxelles (par exemple), je fais le bilan de certaines rencontres, toutes avec des écrivains ou des critiques.
Ainsi lundi soir étais-je  invité à l'hommage rendu à Catherine Lépront, un  écrivain qui vient de mourir et dont j'estime énormément l'oeuvre romanesque, trop peu connue. Cela se passait à "La Maison de l'Amérique Latine", Boulevard Saint-Germain, et c'est René de Ceccatty, dont on sait sur ce blog l'amitié qui nous unit, qui avait organisé la soirée. Je retiens surtout le discours de Sylvie Germain, parlant de Catherine et de son travail à partir du tableau de Vermeer, "La Lettre" et du rapport des deux femmes - une seule en vérité, dira Sylvie - que le peintre y reproduit, une seule, donc : la femme qui écrit, et ce qu'elle fait en écrivant.
La littérature n'est pas ce que l'on croit : de quoi gagner très vite beaucoup d'argent en se faisant publier et acheter. La littérature, comme tous les beaux-arts, est une tâche, ardue, quotidienne, à recommencer, à creuser, exactement semblable à toutes les autres tâches ingrates et nécessaires pourtant à la vie humaine. Si la reconnaissance du public s'ensuit, eh bien tant mieux! Mais cela n'est pas un critère : certains livres (et certains auteurs) très lus et très vendus sont aussi très mauvais, et inversement. Souvent, la tâche reste obscure, méconnue - et d'autant plus précieuse.
Confirmation de cela en partageant un  repas avec Josyane Savigneau, qui fut longtemps directrice du "Monde des Livres" (où j'ai collaboré tout un temps pour les livres religieux) et qui me demande de rédiger quelques notices dans un ouvrage à naître sur... des femmes mystiques. Et, le soir, en dînant avec Angelo Rinaldi, autre critique (et Académicien), avec lequel nous avons beaucoup ri des travers de notre époque. Je lui disais que,  avant de dormir, dans mon lit, je lisais Saint-Simon (qu'il connaît par coeur) : "En êtes-vous déjà, me dit-il, à ce passage du temps de la Régence où un duc demande une faveur au Cardinal de Fleury? 'Moi vivant, dit le Cardinal, jamais.' 'En ce cas, Monseigneur, j'attendrai', répondit le duc." Non, Angelo, je n'en suis pas encore là, j'y arrive... Mais j'en ris déjà, et, à certains, je la replacerai!
La littérature - celle-là - nous rejoint dans ce que nous portons en nous d'informulé, et qui ne pourrait pas advenir sans elle. Elle vaut la psychanalyse (cet art allemand, au fond, non pas français), et probablement va plus loin (mais il est vrai que les Allemands, eux, c'est la musique, qui au fond a peut-être le même objet). Le style, quand une oeuvre est "écrite" (et beaucoup ne le sont pas), c'est un miroir en lequel nous nous reconnaissons et nous voyons comme jamais nous n'aurions osé nous découvrir (et j'entends ce mot dans son sens premier). Ce en quoi, à mon avis, la littérature est une alliée nécessaire de la théologie et de la vie spirituelle.
Lisons, et choisissons nos lectures! La vie est trop courte!
Et puis, il y aussi autre chose : j'aime Paris, décidément, cet éblouissement de l' "esprit français", cette manière qu'on dirait en Belgique "rosse" de retourner les gens comme des crêpes.
Mais sans leur faire mal...
Est-ce un péché, mon Père?

vendredi 9 novembre 2012

Enghien, les jeunes et la paix

Je me réjouis particulièrement de l'activité que, à l'initiative de la paroisse, les jeunes des mouvements d'Enghien (patros et scouts) vont conduire ce dimanche midi 11 novembre. Après des moments de partage et de réflexion sur les enjeux et les fondements de la paix, ils vont, dans le parc d'Enghien, former le mot "PAIX" avec leurs corps pour que mot s'inscrive dans l'espace comme une volonté pour leur futur et leur avenir, et en même temps comme un engagement de leur part.
A l'avance, je les remercie de faire cela ensemble, et à l'avance je les félicite.
Et que les moins jeunes en prennent de la graine!

lundi 5 novembre 2012

Dieu, une histoire dépassée?

Régulièrement, certaines personnes réputées éclairées, intelligentes ou savantes, m'abordent avec une certaine condescendance : "Nous vous aimons beaucoup, mais inutile de vous dire qu'avec la formation que nous avons, pour nous, Dieu est une histoire terminée depuis longtemps, n'est-ce pas, on ne peut pas être sérieusement scientifique et continuer dans l'affirmation de ces niaiseries. Pardonnez-moi d'être sincère..." Etc., etc., vous voyez le genre.
J'accueille évidemment tout cela avec un large sourire compréhensif.
Mais je m'étonne tout de même intérieurement de leur - mettons, pour être gentil - minceur d'esprit...
Et je voudrais réajuster ici, en deux mots, mon habit de théologien, pour parler de l'hypothèse même de Dieu.
Un exemple, mais qui suffira  : les Droits de l'Homme, tout le monde en convient, c'est bien, cela assure la dignité de l'homme et on s'y réfère à qui mieux mieux dans les législations civiles.
Question : est-ce la déclaration des Droits de l'Homme (1948, pour rappel) qui assure la dignité de l'homme, ou est-ce la dignité de l'homme qui a produit la susdite Déclaration?
A cette question, c'est évidemment la seconde réponse qui est la bonne : la dignité de l'homme n'est pas fondée sur un consensus historiquement daté, et heureusement.
Nous dirons : la dignité précède la déclaration de la dignité.
Nous le dirons parce que nous l'espérons : sans quoi cette dignité pourrait être remise en cause par une déclaration consensuelle contraire.
Dès lors subsiste la question : comment et où se fonde cette dignité, spécifique à l'homme, et qui ne serait pas le produit d'un consensus momentané?
Réponse évidente, si l'on réfléchit un tout petit peu : dans une transcendance de l'être humain, quelque chose qui dépasse l'homme et qui le fonde.
Dont acte.
On argumente?

samedi 3 novembre 2012

Le plus malin?

Discussion, ce soir au téléphone, discussion assez vive, mais cordiale et franche, avec un ami français, passablement anticlérical, antipapiste, anticatholique, etc., mais un grand ami (bon, et heureusement qu'on a des amis comme ça, ça remet de temps en temps les idées en place).
Question de ma part : "Réfléchis bien, s'il te plaît, et réponds-moi honnêtement. Parmi tous les Chefs d'Etat actuellement en poste sur la planète, lequel est, objectivement, le plus intelligent, le plus pacifique, le plus raisonnable et le plus sage? Regarde bien, aux Etats-Unis, en Amérique du Nord et du Sud, en Europe, en Asie, en Afrique..."

Je vous laisse à vous aussi une minute  pour répondre...

C'est fait?

Il n'y a pas grande contestation possible : c'est le pape.
Et je ne suis pas papolâtre, je suis simplement observateur.

vendredi 2 novembre 2012

Plaire à tout le monde?

Je me souviens d'une interpellation qu'on me fit il y a trois ans, lors de mon arrivée ici à Enghien, et alors que j'avais cru bon d'annoncer quelques changements (finalement mineurs) d'horaires ou de personnes : "Mais vous allez déplaire, Monsieur le Doyen, ça ne vous fait pas peur?"  J'avais répondu et, je crois, très sincèrement : "Je m'en fiche. Je ne suis pas ici pour plaire, ni pour faire la volonté de tout le monde, ce qui serait d'ailleurs impossible, contraire à mon devoir, et reviendrait à ne faire la volonté de personne. Je suis ici pour essayer d'assurer le bien commun, non pas l'addition des biens individuels, mais le bien de la communauté. Et le bien de la communauté ne plaît pas d'emblée à tout le monde."
Trois ans après, je persiste dans cette conviction, je ne crois pas que le Christ ait voulu plaire aux hommes - et d'ailleurs, il leur a déplu! Il a voulu proposer une voie de bonheur, souvent exigeante, mais tellement humaine, au fond, répondant tellement aux aspirations les plus profondes du coeur humain : et cela, il le disait en se donnant, en aimant, en guérissant, en ressuscitant, et en montrant ainsi ce qu'était Dieu, qui était Dieu.

Je resonge à tout cela en lisant, ce soir, et un peu par hasard, ayant repris avant d'aller dormir le volume dans la bibliothèque, cet aphorisme de La Bruyère : "Nous cherchons notre bonheur hors de nous-mêmes, et dans l'opinion des hommes, que nous connaissons flatteurs, peu sincères, sans équité, pleins d'envie, de caprices et de préventions. Quelle bizarrerie!" (Caractères, 76). Oh puis tiens, tant que je suis dans les Caractères, je vous livre cet autre point de vue, qui me fait resonger à tel mariage récent : "Il y a des femmes déjà flétries, qui par leur complexion ou leur mauvais caractère sont naturellement la ressource de jeunes gens qui n'ont pas assez de bien. Je ne sais qui est plus à plaindre, ou d'une femme avancée en âge qui a besoin d'un cavalier, ou d'un cavalier qui a besoin d'une vieille." (Caractères, 28)

Quand même, ce dix-septième siècle avait vu et compris bien des choses!

mercredi 31 octobre 2012

Toussaint bonheur

La solennité de la Toussaint est probablement la fête chrétienne qui nous parle le plus du bonheur, cet idéal commun  à l'humanité. Les saints ne sont-ils pas des "bienheureux", comme le rappelle le refrain des béatitudes lues pour la circonstance dans la version de saint Matthieu?
Encore faut-il discerner le bonheur auquel nous rêvons... Je constate autour de moi, ici à Enghien, à Silly ou ailleurs, beaucoup de désirs de "petits bonheurs", comme disent les gens, c'est-à-dire de petits moments confortables volés au temps, pris entre soi, et dont on suppose que l'accumulation ferait à terme tout le bonheur possible.
Je n'ai rien contre les "petits bonheurs", au contraire!
Mais l'Evangile propose un bonheur infiniment plus lumineux, capable de traverser les obscurités mêmes de la vie et de les éclairer du dedans, capable de transfigurer les malheurs... "Heureux ceux qui ont faim et soif", et non ceux qui sont rassasiés. "Heureux les pauvres", et non les riches. "Heureux ceux qui pardonnent", et non ceux qui restent dans la rancune. "Heureux, même, ceux qui sont persécutés pour la justice", et non ceux qui fuient la vérité et en dissimulent la rectitude.
Heureux en ce monde, déjà : les saints ne sont pas ceux qui jouissent du bonheur de l'au-delà à proportion de leur malheur dans l'ici-bas! Ils sont heureux ici et pour toujours, parce que la conviction de la résurrection, dont le baptême les a marqués et revêtus, a retourné en eux toute chose et les a rendus capables de voir la pierre précieuse sous la gangue de saleté.
Ce n'est pas un "petit bonheur", cela, c'est une manière de vivre qui rend foncièrement, profondément et durablement heureux.

dimanche 28 octobre 2012

Les implications sociales de notre foi

L'annonce de licenciements probablement très massifs dans notre pays, la semaine dernière, nous rappelle une fois encore la précarité de notre société soi-disant nantie, qui ne l'est en vérité que pour un nombre toujours décroissant de citoyens. Nous n'avons pas fini de payer le prix d'un libéralisme anarchique des années quatre-vingt et nonante, durant lesquelles les Etats se sont désengagés du social sous prétexte de favoriser le caractère concurrentiel des entreprises. Devenues internationales, celles-ci ont en réalité profité de cette dérégulation pour délocaliser et produire au moindre coût, en sacrifiant une main-d'oeuvre trop protégée, et donc trop chère. Elles n'ont pas oublié, au passage, d'empocher les aides financières que les divers gouvernements leur ont octroyées, en espérant ainsi les maintenir chez nous, au terme d'une espèce de chantage cynique et perdu d'avance. Qui plus est, le redéploiement industriel de nos régions n'a pas suivi (il y a vingt ans, par exemple, que la fin de la métallurgie est prévisible chez nous, et presque programmée, sans que les dirigeants aient véritablement anticipé en développant d'autres formes d'emploi dans d'autres secteurs).
L'Eglise, c'est-à-dire, les chrétiens, ont-ils là-dessus quelque chose à dire?
Oh oui!
Dans son enseignement social, et depuis plus de cent ans d'une vigoureuse façon, l'Eglise catholique a toujours mis en garde contre le libéralisme outrancier tel que nous le voyons faire des dégâts chez nous aujourd'hui. Elle a été aussi ferme dans la dénonciation de ses dérives que dans celle des régimes collectivistes ou étatiques  : ce fut, en particulier, le cas de Jean-Paul II, qui était pourtant un pape venu de l'Est et peu enclin à des compromis avec le communisme. Elle entend, par exemple, relativiser, et pour des motifs théologiques, l'idée même de propriété privée, et la soumettre au principe de la destination universelle des biens et des services. Elle souhaite promouvoir l'actionnariat ouvrier et intéresser ainsi tous les travailleurs aux profits de l'entreprise - et non seulement les cadres, les dirigeants ou les actionnaires anonymes propriétaires par leurs placements. Elle estime que le travail effectivement presté donne un droit de propriété sur l'outil de travail (le capital) : c'est une affirmation forte longuement défendue par Jean-Paul II dès 1981 dans son Encyclique Laborem exercens. Etc.
Connaît-on cet enseignement? Non. Les chrétiens eux-mêmes l'ignorent, la plupart du temps, et les autres s'en moquent : soit ils sont du côté du "système" et estiment dès lors que celui-ci, par une sorte de fatalisme économique, n'a de comptes à rendre à personne (les lois économiques seraient mécaniques, implacables, et dès lors aucune régulation éthique ne serait possible); soit ils sont exclus du "système" et estiment que la seule solution consiste à flanquer par terre ledit système, en recommençant une révolution.
L'Eglise propose un examen et une évolution éthique vigoureuse des pratiques,  évolution qui lui semble toujours possible et négociable entre tous les partenaires de l'économie (actionnaires, travailleurs, cadres, syndicats, gouvernants).
Il est grand temps que les chrétiens apprennent à dire là-dessus leur parole, qu'ils se l'approprient ou se la ré-approprient, et qu'ils ne se contentent pas (ce qui est déjà beaucoup) de consoler ceux qui sont laissés dans le fossé, au bord de la route, comme l'aveugle Bartimée dans l'évangile de ce matin. La parole dont ils sont porteurs n'est pas un appendice à la proclamation évangélique, c'est son coeur même, et c'est une parole à la fois de raison et d'espérance.
Je rappelle dès maintenant que, en mars prochain, nos conférences de carême porteront là-dessus.
Qu'on se le dise déjà!

vendredi 26 octobre 2012

Du rire sérieux

On prête à Drauzio Varella, un médecin sud-américain très réputé, ces propos pleins d'humour et de bon sens, que je vous livre (sans avoir pu vérifier, je le précise, l'authenticité de leur origine) :

"Dans le monde actuel, on investit cinq fois plus en médicaments pour la virilité masculine et en silicone pour les femmes que pour la guérison de l'Alzheimer. D'ici quelques années, nous aurons des vieilles aux gros seins et des vieux au pénis bien raide, mais aucun d'entre eux ne saura plus à quoi ça sert."

Pas faux, non?

jeudi 18 octobre 2012

"Nos" séminaristes

Je rentre d'une réunion qui regroupait, à Namur, les formateurs et responsables des stages paroissiaux des séminaristes regroupés dans le Séminaire interdiocésain de cette ville (diocèses de Bruxelles, Namur, Liège et Tournai). Je dois d'abord dire que je suis reconnaissant envers les  formateurs de ce Séminaire pour leur sérieux, dans l'accueil des candidats, les propositions de leur cursus et de leur vie spirituelle, la façon dont on les invite à se confronter aux réalités contemporaines, et en particulier aux fragilités (entre autres, économiques) de nos cités. Il y a là beaucoup de dévouement et d'investissement, et tout cela ne pourra que porter du fruit.
Nous accueillons pour notre part Simon, qui vit là en semaine, et passera de plus en plus de temps, durant les deux années qui viennent, ici, dans notre doyenné. C'est une joie, pour nous tous, de pouvoir l'encourager et lui montrer sans fard les réalités, les bonheurs et les difficultés de la vie dite "pastorale", dans une communauté chrétienne donnée, la nôtre,  avec ses dynamismes et ses faiblesses.
A Namur, il sont un peu moins de cinquante, pour sept années d'étude et quatre diocèses...
Faites le compte - même si le nombre n'est pas l'aspect le plus important.
D'ici peu de temps, nos paroisses devront vivre avec encore moins de prêtres à leur service, ce qui nous conduit non pas à envisager l'avenir dans le régime des vases communicants (tout ce que le prêtre ne pourra plus faire serait donc fait par des laïcs... moyennant quoi le prêtre deviendrait un distributeur automatique de sacrements, courant de messe en messe pour imposer les mains au moment de la consécration, singulière réduction de son rôle), mais à bien revoir dans nos communautés le rôle du prêtre et sa mission sacramentelle spécifique. Je la rappelle, cette mission, dans les trois mots traditionnels qui la définissent : enseigner, sanctifier et gouverner le peuple de Dieu. Tenir, donc, un rôle particulier de présidence dans la formation des chrétiens, dans les célébrations du peuple assemblé, dans la gestion, matérielle, organisationnelle ou financière, des paroisses et des communautés.  "Un rôle particulier de présidence", cela ne signifie pas tout le rôle, toute la place, au contraire : il est souvent, le prêtre, responsable de rappeler la responsabilité de tous, si j'ose cette formule  paradoxale.
Moins de prêtres, cela signifie donc : une responsabilité mieux perçue, mieux répartie, mieux présidée.
Quel programme!
Mais c'est, comme on dit en français contemporain, un beau "challenge"...

mardi 16 octobre 2012

Saint-Simon n'aime pas Pontchartrain

Je poursuis soir après soir la lecture des Mémoires du Duc de Saint-Simon : j'en suis au tome IV en Pléiade, il m'en restera donc bientôt quatre autres. Cette lecture m'enchante, le petit Duc des  XVIIème et XVIIIème siècles semble décrire nos moeurs, nos ambitions, nos carriérismes imbéciles. Ainsi rapporte-t-il le second mariage de Pontchartrain, un courtisan qu'il n'a jamais pu encadrer, ministre de Louis XIV, mariage qui se produit en 1713, cinq ans après le veuvage dudit Pontchartrain : "Il y avait cinq ans au plus que Pontchartrain avait perdu une femme de tous points adorable, l'unique peut-être qui eût pu avoir la vertu, la raison, la conduite et l'incomparable patience de l'être de lui, et dont la considération, comme on l'a vu en son lieu, l'avait soutenu et lui avait sauvé sa place. Il s'était bientôt lassé de la comédie forcée de sa douleur, et, quoiqu'il eût deux fils, il voulut absolument se remarier. Sa figure, hideuse et dégoûtante à l'excès, mais agréable et même charmante en comparaison de tout le reste, n'empêcha pas la séduction de l'éblouissement de la place. Melle de Verdonne, qui était riche, et qui était L'Aubespine comme ma mère, mais parente éloignée, en voulut bien." (Mémoires IV, 1711-1714, p.702).
Peut-on être plus cruel?
Mais, bon sang, quel style!
Et cette manière d'avouer en douce qu'il est, par sa mère, cousin de cette femme, mais qu'elle n'est tout de même qu'une "parente éloignée"... Quelle rosserie dans l'écriture, toute en suggestion, en esquive!
Et cela ne vous fait-il songer à rien ou à personne de contemporain?

lundi 15 octobre 2012

"Le nationalisme, c'est la guerre!"

Nous avons donc voté, et nous y voyons ce lundi soir un peu plus clair dans les résultats.
J'ai l'impression que, souvent, et surtout en Wallonie, on progresse dans la volonté de promouvoir le bien commun (je ne suis pas non plus naïf : les petites guéguerres de personnes et les susceptibilités mesquines sont encore bien présentes, la nature humaine est ce qu'elle est). Mais enfin, en quelques endroits, on voit surgir des personnalités plus jeunes qui m'ont l'air bien décidées à donner leur énergie au bien-être de tous. (On peut espérer, par exemple, que la majorité absolue socialiste à Charleroi, récupérée par le nouveau bourgmestre, s'accompagne d'un réel renouvellement du personnel politique dudit parti, et que l'on ait enfin tourné la page des scandales et des profits personnels qui ont entaché non seulement cette ville, mais la politique tout entière de notre pays).
Ce qui se passe, en revanche, à Anvers, et les propos prétendument "gentils" du leader de la NVA, cela fait
frémir. Les ultimatums et les ukkazes, même gentiment formulés, on connaît. Ces propos nationalistes, détachistes, sont des propos de nouveaux riches : ils existent un peu partout en Europe et sont la traduction populaire et politique de ce que l'Evangile veut contrer, et qu'on appelle l'égoïsme ("Moi d'abord et mon bien-être, et les autres on verra").
Mitterrand, qui, mise à part sa roublardise (ou grâce à elle), fut sans doute l'un des grands hommes politiques français du XXème siècle, et qui connaissait bien l'histoire des conflits européens, s'en allait martelant : "Le nationalisme, c'est la guerre!"
A bon entendeur...

Divorcés, remariés, fermeture de l'Eglise catholique

Discussion, ce soir, au sein de notre "EAP", et de façon incidente, à propos de la fermeté de l'Eglise catholique dans son refus d'accueillir, pour un nouveau mariage, les divorcés (en fait, le débat était parti d'une question parallèle : pourquoi des formes juridiques aussi strictes dans le mariage sacramentel, pourquoi par exemple l'exigence de célébrer dans une église paroissiale, sous la présidence du curé ou de son délégué, et pourquoi les autres obligations canoniques).
On voit les arguments : Eglise peu ouverte, peu encline à l'accueil des échecs, etc.
Ce peut n'être pas faux.
 Je crois que c'est aussi très injuste : souvent, l'accueil est là, présent, la proposition d'un cheminement qui ne nie pas l'échec existe (et quand elle se concrétise, ce peut être un très beau moment d'authentique prière, nous en avons vécu ici un bel exemple samedi après-midi). Ce que l'Eglise catholique (et moi aussi, par parenthèse) ne veut pas admettre, c'est de faire comme si rien ne s'était passé lorsque des jeunes gens se sont dit "oui" pour toujours, et que, pour une raison ou une autre (quelquefois fort compréhensible et respectable), ils n'ont pas pu ou pas voulu aller jusqu'au bout de ce "oui". On aurait, en toute connaissance de cause, fait la fête en invitant pépé, mémé, parrain, marraine et les copains, en claquant un fric (souvent exagéré), en se promettant devant toute cette assemblée des serments éternels (au sens strict), et, cinq ans après, cela ne voudrait plus rien dire. Pouvez-vous alors m'expliquer ceci : que signifie encore, dans ces conditions, la portée sociale d'un "oui" (je ne parle même pas ici d'exigence évangélique), quelle est encore la vérité de ce qu'on dit? Et l'Eglise ne serait-elle pas complice d'un épouvantable mensonge en disant que le "oui" éternel pouvait, tous comptes faits,  n'être qu'un accord tout provisoire? De quelle société voudrions-nous si, sous prétexte d'accueil et de compréhension, nous allions dans ce sens?
Cela n'empêche pas que des échecs soient des blessures, et qu'on ne mette pas tout en oeuvre pour les accompagner, en ce domaine-là comme dans tous les autres. Mais, s'il vous plaît, apprenons à le faire dans la vérité, pas dans la dissimulation.
Je refuserai toujours les "bénédictions" faites le jour d'un remariage civil et dans des formes si proches des formes sacramentelles qu'elles puissent passer pour telles et qu'on entende à la sortie de l'église : Oh! ben ils ont été mariés quand même, c'est tout de même pareil. Je le refuserai pour des questions d'honnêteté et de vérité, par respect aussi pour ceux et celles qui, plus nombreux qu'on ne le pense, gardent leur fidélité conjugale et veillent sur leur promesse de mariage malgré les innombrables difficultés qu'ils doivent traverser pour cela.
Je refuserai également toujours de célébrer les mariages et les autres sacrements dans des formes autres que celles dont l'Eglise (et son droit), dont je ne suis après tout que le serviteur, disposent - la plupart du temps, pour le bien des fidèles, pour leur sécurité, pour garantir le sérieux des engagements chrétiens et sociaux qu'ils prennent.
Mais j'accueillerai toujours tout le monde, ça je le garantis aussi, j'écouterai les gens, j'écouterai leur demande (sans pour autant acquiescer à leur requête immédiate), et toujours je m'efforcerai de leur proposer des voies, des échanges, des moments de prière ou de célébration qui leur permettent, quelle que soit leur situation sexuelle, familiale ou autre, de grandir dans leur foi.
Et je vous prie de croire que ce n'est pas toujours facile...
Mais la voie de la facilité n'est pas celle de la vérité, hors laquelle il n'est pas d'amour des personnes.

samedi 13 octobre 2012

Un arrêt à l'intégrisme catholique

Il semble aujourd'hui que, malgré les nombreuses concessions faites par le pape actuel à leur endroit, les intégristes catholiques (particulièrement représentés, en France et en Suisse, entre autres, au sein de la FSSPX, la "Fraternité Sacerdotale Saint Pie X"), aient désormais refusé tout accord de réunification complète avec l'Eglise Catholique Romaine, un accord qui les eût obligés à une acceptation sans concession des textes du Concile Vatican II. Ce qui faisait problème à Mgr Lefèbvre, évidemment, ce n'était pas d'abord la liturgie, mais les orientations concernant le dialogue oecuménique et interreligieux ou la liberté religieuse et de pensée, que divers documents conciliaires (Déclarations, Décrets ou même Déclarations) affirment être constitutifs désormais de la foi catholique.
Faut-il déplorer cet échec?
Oui et non.
Oui, parce que l'unité de la foi et de l'Eglise est toujours à rechercher, et là-dessus on doit souligner que le pape actuel a, semble-t-il, consenti à tous les efforts possibles (pape qui, pour rappel, a été un théologien expert au Concile Vatican II).
Non, parce que donner droit de cité à l'intégrisme n'était pas de mise et de ne peut jamais l'être dans la foi catholique (quel que soit, sur ce point, son douloureux passé).

Vive la démocratie!

On dit quelquefois que la démocratie est en panne dans nos pays nord-occidentaux.
C'est faux.
Il suffit de voir l'engouement populaire pour les élections communales et provinciales, qui vont nous envoyer tous (du moins tous les citoyens en âge de vote) aux urnes dès demain matin.
Quelle débauche d'affiches! Voyez ces fleurs nouvelles qu'on ne voit dans nos campagnes qu'une fois tous les six ans : les têtes de candidats! Et les billets et prospectus dans vos boîtes aux lettres, messieurs-dames! Ah! L'imposante moisson de tracts de toutes sortes!
Pour mon compte, je ne m'en plains pas, mais j'y vois une vitalité, au moins locale, de la bagarre démocratique, et qui fait plaisir. Que l'on s'affronte, que l'on s'oppose des bilans, que l'on rivalise de promesses (dont personne n'est vraiment dupe), que l'on se respecte, aussi et surtout, dans cet affrontement, voilà qui est de bon augure pour ceux et celles qui, comme moi, réclament des débats. On n'en dit pas autant dans la majorité des pays du monde, où la force trop souvent s'impose pour les prises de pouvoir.
Alors, messieurs-dames,
que le(s) meilleur(s) gagne(nt)!

vendredi 12 octobre 2012

L'Eglise comme signe et sacrement

Poursuivant sur l'anniversaire de l'ouverture du Concile Vatican II, je voudrais souligner que l'Eglise s'y est redéfinie comme sacrement, c'est-à-dire signe efficace et moyen de présence du Christ dans le monde. Ce qui veut dire : elle n'est pas une puissance alignable sur les autres pouvoirs publics, nationaux ou internationaux (qu'ils se rassurent tous, si sa tentation par le passé a été de gouverner le monde, en principe cette tentation a été repoussée). L'Eglise se réjouit non pas du laïcisme, qui est lui aussi une volonté hégémonique et l'exigence d'une pensée unique, mais de la laïcité, qui sépare bien les sphères d'influence des pouvoirs politique et spirituel. Mettons un bémol : cette question mérite d'être réglée avec plus de doigté qu'elle ne l'est aujourd'hui en Belgique, où certains en infèrent (trop) vite que le spirituel doit relever du "privé" seulement. Or, la foi chrétienne relève aussi de la vie publique, évidemment, ne serait-ce que parce qu'elle suppose une communauté, un rassemblement visible, bref quelque chose de repérable du point de vue sociologique, avec  sa consistance et ses revendications dans le domaine public. Du reste, les informations quotidiennes qui nous arrivent du monde entier nous préviennent de l'importance visible et politique du religieux. Mais il est vrai que cela ne saurait accrediter l'idée que le politique doit se soumettre au religieux : la démocratie, heureusement, nous a prévenus contre ces dérives et ces  prises de pouvoir,  qui engendrent toujours l'intolérance, la violence, les guerres et la barbarie.
Au Concile Vatican II, donc, l'Eglise catholique s'est sagement redéfinie comme un "signe". Un signal, un rappel,  lancé à tous les hommes,  de la présence du Christ et de Dieu en leur monde. Sur un mode humble, avec des accoutrements liturgiques quelquefois rigolos (les glands aux chapeaux des évêques et cardinaux n'en constituant pas l'attraction la plus banale), des rituels et des modes de célébration qui peuvent paraître désuets à certains, etc. L'essentiel n'est pas dans la matérialité du signe, mais dans sa présence : souvenez-vous, hommes et femmes qui vivez en ce siècle dans une Belgique trop nantie, souvenez-vous de l'amour qui seul importe à la réussite d'une vie humaine. Que ce soit dans vos villes, dans vos ménages, dans vos itinéraires personnels, dans l'accueil des autres, dans vos façons de consommer et de dépenser votre argent, ou de le gagner... Souvenez-vous de ce bonheur-là, indépassable, que le Christ a prêché et dont il a fait son Royaume. Après, vous pourrez rigoler des soutanes et des cols romains, des célibats et des cornettes, de l'encens et des flonflons liturgiques, des cache-boutroules violets des évêques et des chaussettes rouges des cardinaux, du point de vue des signes et des signaux, hein, on fait ce qu'on peut avec le passé qu'on a. Amusez-vous de la matérialité du signe, si vous voulez, mais ne méprisez pas sa signification (si je puis me permettre de faire ici de la "sémiologie").
Et méfiez-vous de ceux qui exaltent à l'excès cette matérialité du signe, certes, et qui en rajoutent toujours dans les fanfreluches, mais méfiez-vous également de ceux qui, sous prétexte de sobriété, ont complètement éteint le signe.
Qu'importent le nombre et la puissance numéraire de nos assemblées, mesurés à cette aune? "Combien de pratiquants, monsieur le doyen?" - "Je m'en fiche un peu, madame : mais que nos assemblées soient significatives, s'il vous plaît, indépendamment de leur masse."  "Combien de séminaristes, monsieur le doyen?"  - "Je m'en fiche aussi, madame, mais que les prêtres soient vraiment prêtres, heureux de l'être et  de donner leur vie, pour que vive le Signe qu'il faut donner au monde. "
Et ainsi de suite...
Voilà, je crois, le balancement de logique auquel le Concile Vatican II a donné l'heureuse impulsion. Une impulsion qu'il ne faut pas perdre...

jeudi 11 octobre 2012

Action de grâce pour un Concile

Il y a aujourd'hui très exactement cinquante années, le 11 octobre 1962, le pape Jean XXIII ouvrait à Rome, dans la Basilique Saint-Pierre, le IIème Concile tenu au Vatican dans l'Histoire de l'Eglise, et dès lors souvent appelé "le Concile Vatican II". Cette assemblée de 2540 évêques devait, après des mois et des années de discussions, approuver et promulguer un certain nombre de documents qui, dans la continuité avec la foi de toujours, ouvraient l'Eglise catholique à quelques grandes préoccupations contemporaines : son rôle dans la société et dans le monde, le dialogue oecuménique (entre chrétiens de diverses confessions), interreligieux et, comme ont dit aujourd'hui, "interconvictionnel", la promotion de la liberté religieuse, la prise en compte des médias nouveaux qui bouleversent l'information, l'importance d'une répartition plus juste des biens et des services entre les diverses populations de la planète, la question de la paix encore et encore, l'organisation interne de l'Eglise catholique et sa simplification pour qu'elle soit davantage sacrement du Christ, la volonté de promouvoir les laïcs dans le gouvernement de cette Eglise et de reconnaître leur rôle spécifique dans l'évangélisation, la constitution des Conférences Episcopales, la tenue demandée de synodes diocésains et du Synode des Evêques, le retour à une liturgie toujours ancrée dans la Tradition mais rendue plus accesible et plus participative notamment par le passage du latin aux langues modernes, etc., etc.

Cinquante ans après, le Concile Vatican II commence à peine à être reçu. Peu de catholiques  ont réellement lu les textes qu'il a promulgués - il faudra encore des décennies pour que les changemets voulus soient peu à peu mis en oeuvre. Ce jubilé est l'occasion d'une belle action de grâce : ne perdons rien du souffle qui a rafraîchi ces années-là l'Eglise universelle!

mercredi 10 octobre 2012

On nous ment (encore)

L'étude et la publication du Pr. Séralini, dont j'ai parlé sur ce blog, ont suscité la réaction rassurante de la plus haute instance de sécurité alimentaire en Europe, l'Efsa (European Food Savety Authority) : en deux mots, disent ces braves gens, les allégations du chercheur de Montpellier sont insuffisamment étayées, tout va bien, dormez en paix, circulez, 'y a rien à voir! On hésite à attribuer à l'Efsa un brevet d'impartialité, lorsque l'on sait les enjeux financiers de l'affaire.
J'apporte cette pièce à la méditation des uns et des autres : la réaction, publiée dans "Le Nouvel Observateur" de cette semaine  (du 4 au 10 octobre 2012, donc, et p. 38) du Pr. Robert Bellé, de l'Université Pierre-et-Marie-Curie, Unité de recherches UMR 7150 CNRS), qui écrit : "Auteur de sept publications scientifiques sur la toxicité du Roundup, j'ai pris connaissance avec une particulière attention de la publciation de Gilles-Eric Séralini, dont les résultats sont très importants sur le plan scientifique et sur le plan sociétal. La publication de l'équipe de Gilles-Eric Séralini est faite dans un journal très côté en toxicologie, "Food and Chemical Toxicology" et a été analysée et expertisée par les "arbitres" du journal. Le premier point concerne les effets du Roundup donné aux rats avec ou sans le maïs OGM. La publication montre que le Roundup augmente l'incidence et la précocité de l'apparition des tumeurs.(...)"
Etc.
Même dans le monde scientifique, lorsque des investissements importants sont en jeu, l'objectivité est très difficile. Le naïf que je suis s'interroge : le principe de précaution ne devrait-il pas être immédiatement appliqué, comme on le fait pour des médicaments suspects?

dimanche 7 octobre 2012

La prière du "nouveau docteur"

En ce dimanche soir, nous voici tous rayonnants d'avoir célébré la Résurrection du Christ dans nos paroisses d'Enghien et de Silly. Nous avons porté dans le Pain et Vin nos déchirures, nos douleurs et nos deuils (je pense, entre autres, à Gunter, qui fut dans ces lieux un si vivant témoignage de la foi, et que notre prière a accompagné ce jeudi dans sa naissance à l'éternité, son dies natalis). Nous avons porté aussi dans le Mystère célébré notre espérance, nous avons remis nos vies, nos pauvres vies, dans les bras étendus du Christ, dans son offrande. Je n'ai pas pu m'empêcher, lors des eucharisties qui nous ont rassemblés ces samedi soir et dimanche matin, d'évoquer avec joie la proclamation de ma chère Hildegarde de Bingen comme "docteur de l'Eglise", par le pape Benoît, aujourd'hui à Rome.
Et, en cette fin de journée, je vous livre comme un petit trésor cette prière qui est d'elle - ou du moins que la Tradition lui attribue :

"Ô Toi, sauve tous les êtres.
Feu de l'Esprit Paraclet, vie de la vie de toute créature,
Tu es saint, Toi qui vivifies les formes.
Tu es saint, Toi qui couvres de baumes les plaies dangereuses.
Tu es saint, Toi qui soignes les blessures purulentes.
Ô Souffle de sainteté, ô Feu de charité, ô douce Saveur dans les corps
et Pluie dans les âmes parfumées de vertus;
Ô très pure Source où l'on voit réunir les étrangers et rechercher les égarés.
Ô Armure de la vie, Espérance de l'union de tous les hommes,
Asile de beauté, sauve les êtres!
Protège ceux que l'Ennemi a emprisonnés et délivre ceux qui sont enchaînés,
ceux que la divine puissance veut sauver.
Ô voie de certitude, qui passes en tout lieu, sur les cimes et les plaines et les abîmes,
pour rapprocher et réunir tous les êtres!
Pour Toi, les nuages courent, l'air plane, les pierres se couvrent d'humidité,
les eaux deviennent des ruisseaux et la terre sécrète la sève verdoyante.
C'est Toi qui guides toujours ceux qui savent
et les combles de joie en leur inspirant Ta sagesse!
Gloire à Toi, donc, à Toi qui fais retentir les louanges
et qui rends la vie bienheureuse,
à Toi, espérance, honneur et force,
à Toi, qui apportes la lumière. Amen."

(Ste Hildegarde de Bingen, docteur de l'Eglise)


Bonne semaine à tous, amis et lecteurs de ce blog!

jeudi 4 octobre 2012

Vive le pape Clément XV

Ne cherchez pas, ne cherchez surtout pas dans vos encyclopédies ou sur Wikipedia : le pape Clément XV n'a jamais existé que dans l'imagination de l'excellent romancier Philippe Le Guillou, qui lui consacre son dernier livre Le Pont des Anges (Gallimard, 2012). Nous serions donc vers 2050, l'Eglise romaine - et la ville même de Rome - auraient été secouées par l'exaspération de tous les conflits et de toutes les tensions dont ce blog se fait de temps en temps l'écho (conservateurs/progressistes - chrétiens intégristes/musulmans intégristes - continent europén vieux, usé, malade de sa richesse/continents neufs comme l'Afrique ou l'Amérique du Sud malades de leur pauvreté - etc.), avec attentats sanglants et destructions terribles à la clé. Après un conclave difficile, sous le regard d'un metteur en scène moribond et d'un peintre caravagesque, tous deux plutôt agnostiques, sinon athées, un obscur cardinal irlandais, ancien moine, est élu - faute de mieux.
Peu à peu, observé, courtisé, décrié, cet homme placé là va imposer des changements décisifs à partir de son style priant et du don complet de lui-même à sa mission, de la façon dont il habite la liturgie et les réalités majeures de la foi chrétienne.
C'est une merveilleuse leçon de vie d'Eglise, à tous points de vue  : sur le pouvoir, son exercice et ses contradictions, sur les tentations d'y échapper, sur les rapports de l'Eglise universelle aux Eglises particulières, sur l'état du monde et ses conflits, sur les liens indispensables entre la foi et la création artistique...
Et puis, si cela vous intéresse, allez donc y voir vous-mêmes!

mardi 2 octobre 2012

L'autorité d'un doyen

J'ai eu la joie, avant-hier dimanche, d' "installer", comme on dit, le nouveau doyen d'Ath. Dans mon mot d'introduction, j'ai cru bon d'insister sur l'autorité qui est celle d'un curé - et donc, d'un doyen (mais je préfère le terme et la fonction de "curé" : "celui qui a cure, qui a soin, qui prend soin de ceux et celles qu'on lui confie"). Il est difficile d'évoquer aujourd'hui l'autorité, parce qu'elle est en crise, aussi bien chez les parents que chez les éducateurs, chez les enseignants et chez les politiques. Quelle est aujourd'hui l'autorité d'un ministre, mis à part le respect tout extérieur qu'on lui manifeste quand on sait qu'il va peut-être apporter de l'argent de l'Etat pour tel ou tel projet local? Cette crise a une part de légitimité : elle exprime la peur de l'autoritarisme, de la dictature, de la prise de pouvoir sans le contrôle démocratique. En même temps, elle conduit souvent, avouons-le, à la démobilisation des personnes qui, contrôle démocratique ou non, sont placées en position d'autorité : parents, enseignants, éducateurs, hommes politiques et... responsables religieux.
J'emploie à dessein le terme de "responsables", ceux et celles qui devront rendre des comptes, qui devront répondre de leur mission. L'autorité, c'est ce qui fait grandir le bien commun, malgré et quelquefois contre les tentatives toujours récurrentes (et on les comprend) des biens particuliers ou individuels.
Dans l'Eglise, cette autorité, en outre, est apostolique : elle n'a pas d'abord  de fondement démocratique (le curé n'est pas élu, dans l'Eglise catholique, par le peuple, mais "reçu"). C'est parce que le Christ a envoyé des disciples, dès lors appelés "apôtres" (envoyés), qui eux-mêmes ont envoyé des successeurs (des évêques), que les curés,  collaborateurs des évêques par la participation au même sacrement de l'ordre,  deviennent responsables des communautés. C'est pourquoi le prêtre devenu curé est toujours un dérangeur, et osons le mot ici, un emmerdeur : il remet en cause, il reprend à neuf, il interroge des situations considérées comme acquises. C'est sans doute la meilleure manière d'empêcher des communautés locales de se replier sur elles-mêmes, de tourner en rond dans leurs petites (et quelquefois mauvaises) habitudes. En même temps, comme l'a rappelé le Concile Vatican II voici cinquante ans, les baptisés ont aussi à exercer leur rôle et leur autorité, mais  en dialogue et en communion avec ce ministère apostolique : d'où, par exemple, le vrai pouvoir confié chez nous à l' "Equipe d'Animation Pastorale" (EAP) après large consultation de tout le monde (voir un post précédent).  Car les prêtres ne sont pas  en droit de faire n'importe quoi sans prendre le temps (qui dure longtemps, comme dirait l'autre) d'écouter pour  nuancer infiniment leur point de vue, et leur autorité n'est pas telle, tout apostolique qu'elle soit, qu'elle puisse s'exercer de façon despotique.  Mais un moment donné, lorsque le bien commun est en jeu, il faut décider, quitte à ne pas faire plaisir et à se mettre des personnes à dos!
J'ai conseillé au nouveau doyen d'Ath d'exercer son autorité apostolique, non pas pour jouer au petit chef, mais pour veiller au bien commun. Je sais que cela ne sera pas pour lui une partie de plaisir, et que de temps en temps, devant des coups de gueule, des pressions et quelquefois des menaces, il va devoir prendre sur lui. Mais je le connais. Il est solide et, comme on dit à Enghien, "il peut là contre".
Et je le soutiendrai.


samedi 22 septembre 2012

On nous ment (suite)

Dans la série "on nous ment", ceci, qui défraie à juste titre la chronique : les résultats des expériences menées (en secret, par peur de représailles anticipées) par le Professeur Gilles-Eric Séralini, de l'Université de Caen, sur les OGM. Pendant plus de trois années (les tests présentés par les fournisseurs d'OGM n'excédaient jamais... trois mois!), il a soumis des rats et des rates à des aliments "sains" d'un côté, et "transgéniques" de l'autre.  Résultat : une prévalence dans le second cas, et d'une façon incroyablement frappante, de cancers de toutes sortes.
En Belgique, les OGM ne sont pas cultivés mais, par le biais de la chaîne alimentaire, se retrouvent dans nos assiettes (les bovins en bouffent et nous bouffons les bovins, pour être clair). Pour se "défendre", les partisans des OGM développent jusqu'ici des arguments d'une pauvreté à pleurer : oui, des rats deviennent malades, mais enfin ils deviennent toujours malades (on ignore ainsi que les rats et rates nourris sainement n'ont pas développé ces cancers horribles).  Ou : "(Cette technologie) ouvre des perspectives immenses pour l'humanité qui va manquer de ressources naturelles en raison notamment d'une démographie galopante." (Pr. A. Bernard dans "La Libre Belgique" du vendredi 21/09/2012,  p. 52) : autrement dit, il faut bien nourrir une humanité de plus en plus nombreuse, tant pis si on lui donne la mort en lui donnant à manger!
Les OGM seraient un médicament, ils seraient immédiatement retirés du marché. Cela s'appelle le principe de précaution, mis à mal dans le domaine ici concerné depuis des années parce que les firmes productrices y font des profits incroyables. Le capitalisme, qui s'est invité dans nos assiettes, ne souhaite pas en être si facilement délogé.
Moi, je m'en fiche un peu, je suis célibataire. Alors, hein, mourir de ça ou d'autre chose... Mais je pense à mes amis, à mes proches (à mes nièces et à mes petites-nièces, tiens, surtout, car les cancers développés sont d'abord des cancers mammaires) : plutôt que de les voir subir ablations, rayons et chimios, j'aimerais autant qu'elles soient protégées par les autorités sanitaires de nos pays.
Est-ce trop demander?

jeudi 20 septembre 2012

Quoi? L'éternité...

Je vis, ces temps-ci,  environné de personnes malades, mourantes ou endeuillées. Comme beaucoup de mes confrères, une part importante de mon ministère consiste à écouter, accueillir et accompagner non seulement des souffrants, mais leur famille. Et à ouvrir dans ce qui semble a priori une impasse ou un échec, quelque chose comme une brèche, l'espérance de l'éternité.
Je dis cela tandis que je prépare - d'assez loin, il est vrai  - avec des collègues de la Faculté de LLN, un colloque qui aura lieu dans un peu plus d'un an (novembre 2013), précisément consacré à l'éternité. Pourquoi ce thème? Sans aucun doute parce qu'il ne va pas de soi! Ni dans la vie courante, ni chez les philosophes ou les théologiens! Evidemment, il convient de recadrer le propos, de dire sans doute ce que n'est pas l'éternité (un temps infini : quelle horrible perspective!) L'éternité, c'est... Dieu ("L'Eternel", comme disent quelquefois des traductions de la Bible pour le nommer), déjà présent dans notre vie, dans notre temps, et qui l'ouvre à une autre dimension, dès ici-bas. Et probablement pouvons-nous en prendre conscience à certains moments-clés de nos existences : "lorsque l'enfant paraît", lorsqu'on souffre, lorsqu'on aime, lorsqu'on est malade, lorsqu'on va mourir, lorsqu'est mort quelqu'un d'aimé.
On la pressent, plus qu'on ne peut la décrire. Pourtant, on pourrait parler de la vie chrétienne comme d'une vie ordinaire mais ouverte à l'éternité, ouverte à cette dimension qui la questionne, qui la rajeunit aussi, qui la dynamise.
"Elle est retrouvée. Quoi? L'éternité" (Rimbaud)

samedi 15 septembre 2012

Le salut du pape aux jeunes musulmans

Qu'on me permette de souligner ici l'importance historique du voyage de Benoît XVI au Liban. Voyage risqué, vu le contexte politique et religieux tendu. Voyage vraiment apostolique, dans la ligne de ce que l'évêque de Rome peut dire et faire de mieux au milieu du monde : supplier pour la paix. Et notamment pour la collaboration et le dialogue entre jeunes chrétiens et jeunes musulmans, qui vivent côte à côte dans ce pays multi-ethnique et multi-culturel depuis des décennies, en une fraternité fragile, mais indispensable. Ce soir vers 18h00, sur l'esplanade du Patriarcat de Bkerké, Benoît XVI a salué quelque vingt-cinq mille jeunes venus l'écouter, parmi lesquels des milliers de musulmans : "Vous êtes avec les jeunes chrétiens l'avenir de ce merveilleux pays et de l'ensemble du Moyen-Orient", a-t-il lancé à ces derniers.
Pays multi-ethnique, multi-culturel, multi-religieux : cela ne vous fait penser à rien? Pays où les (jeunes) chrétiens ont à vivre à et collaborer avec les (jeunes) musulmans : cela ne vous fait penser à rien?
Encore un effort : vous y êtes. Pas besoin de grandes transpositions...

Pierre, "le Satan"

Dans l'évangile lu ce dimanche, au ch.huitème de l'évangile de Marc, Jésus traite Pierre de "Satan", parce que l'Apôtre ne veut pas entendre parler du rejet inévitable dont le Messie sera l'objet. Les exégètes qui s'interrogent sur l'historicité des évangiles ont facilement convenu de l'authenticité du propos, et pour cause : l'évangile de Marc fut rédigé sans doute au moment où Pierre était... pape! La tentation, la complaisance, eût été de "sucrer" ce reproche de Jésus, de le supprimer de sa bouche. Si l'auteur évangélique le maintient, c'est que le mot était tellement attesté qu'il ne souffait précisément pas contestation...
Donc, Jésus a dit de Pierre qu'il était un Satan... parce qu'il n'entrait pas alors dans les vues de Dieu.
Pierre, qui vient de confesser en effet que Jésus est le Messie tant attendu par tout Israël, veut un Sauveur glorieux, puissant, qui en impose; Jésus lui dit qu'il sera un homme incompris, rejeté par les autorités religieuses de son époque, jugé et finalement tué, avant de ressusciter. On comprend l'incompréhension de l'Apôtre et da double question qu'elle pose à notre propre foi :

- voyons-nous, nous aussi, en Jésus, ce Jésus de l'histoire, ce personnage-là, en tout ce qu'il a dit et fait, en sa mort et sa résurrection, la présence même de Dieu parmi les hommes, une présence aimante, thérapeutique, une présence de salut? Cette affirmation est inouïe, et on comprend qu'elle soit sotte pour beaucoup : pourquoi lui et pas un autre? Il y eut tant et tant de maîtres de sagesse dans l'histoire, pourquoi celui-là? La question est non seulement "Dieu s'est-il fait homme?", mais "Dieu s'est-il fait cet homme-là?"
Pourtant, en-dehors de cette reconnaissance, il n'y a pas de foi chrétienne..., mais seulement une sagesse de vie, comparable ou assimilable à d'autres (voir les remarques d'Eric de Beukelaer que j'ai reprises dans un propos antérieur sur ce blog).

- acceptons-nous que cette présence de Dieu, cette présence de salut, de guérison, etc., passe par un rejet, une incompréhension, que la gloire du Christ, et donc la gloire chrétienne, fasse d'abord l'objet d'un déni, d'un refus, d'une mise à l'écart? Je ne suis pas sûr que cela aille de soi... Nous avons, ici en Occident, des restes de rêves de grandeur, des nostalgies de chrétienté. Nous pleurons sur la désertion de nos églises, au lieu de constater que la modicité de nos communautés peut être vécue comme un reflet de cette humilité du Christ lui-même. La pauvreté du signe donné est sans doute pour une part le gage de son authenticité évangélique... Ou bien serions-nous, nous aussi, des "Satans"?

jeudi 13 septembre 2012

Des laïcs dans la pastorale de nos paroisses

Lundi dernier, nous avions notre rencontre "de rentrée" de l'EAP (Equipe d'Animation Pastorale) pour ce doyenné d'Enghien et Silly. Je considère qu'il s'agit là d'un changement capital dans la vie de nos paroisses, que d'avoir depuis un peu moins d'un an cette équipe qui gère avec moi toutes - je dis bien toutes - les affaires de nos communautés. J'entends ou je vois les rires sournois, les sous-entendus ("qu'est-ce que ça va changer?"), etc.
Il s'agit à mes yeux d'une révolution : ces laïcs - d'une moyenne d'âge relativement jeune, autour de la quarantaine -  ont été élus par les communautés et, aussi, choisis par l'évêque. Ils bénéficient donc d'une double  légitimité qui les associe étroitement à celle du curé-doyen et à sa mission. Aucune décision désormais ne sera prise sans eux, que ces décisions soient d'ordre pastoral, financier, stratégique, etc. Cela ne signifie nullement, bien entendu, que des initiatives plus anciennes, dans toutes sortes de domaines, ne doivent être poursuivies : elles ont porté, portent encore et porteront du fruit. Mais elles doivent être ressaisies dans une dynamique d'ensemble, dont cette fameuse "EAP¨" a désormais la responsbailité.
Je ne suis pas sûr que les paroissiens aient bien compris combien cela va les déranger. Beaucoup disaient, avant : il faut que les laïcs jouent leur rôle! Prennent des décisions! Eh bien c'est fait, mais avec une assise qui ne souffre plus contestation et qui, par delà des clans ou des rivalités personnelles,toujours possibles (nous sommes des êtres humains, prompts à l'affrontemement depuis Caïn et Abel) s'impose à tous. J'ajoute que, dans les circonstances prochainement à venir où le prêtre responsable sera encore géographiquement plus éloigné de ses paroisses, cette EAP constitue(ra) la seule autorité légitime, du point de vue de l'Eglise, en matière de vie paroissiale.  Légitime, c'est-à-dire, reconnue par l'évêque. Les absl pourront bien arguer relever d'un croit commun (celui, précisément, des asbl), elles n'auront plus leur caution paroissiale que par le biais des EAP, ce qui est la moindre des choses!
A méditer, non?

mercredi 12 septembre 2012

Ser(i)ons-nous tous musulmans?

L'Université des Aînés recevait hier soir, ici à Enghien, Eric de Beukelaer, pour sa conférence inaugurale. Le prêtre est connu et suffisamment médiatique pour qu'on ne le présente plus. A la fin de son intervention, répondant à des questions de l'auditoire, il a eu cette réflexion (on lui parlait de l'Islam) : "J'ai l'impression que la plupart des chrétiens, chez nous, ne sont au fond rien d'autre que de braves musulmans : ils veulent une société assez ordonnée, ils croient en Dieu, ils croient en Jésus comme en un grand prophète. Mais si on leur parle de la Trinité, de la résurrection, etc., ils sont dubitatifs..."
Je crois qu'Eric a raison sur ce point et qu'il a l'art de dire quelque chose de fondamental sous des dehors assez provocateurs.
La plupart des chrétiens ne sont guère... chrétiens.
Ils voient leur foi comme une espèce de mieux-disant social, un ferment solidaire, un héritage, et le reste...
Leur parle-t-on du Christ? Oui, un homme sympathique, un "grand prophète", en effet.
Leur parle-t-on de l'Eglise? Une institution insupportable.
Leur parle-t-on des sacrements? Des rites de passage, des moments liturgiques très emmerdants, souvent.
Leur parle-t-on de Dieu? Un grand machin, là au-dessus de nous, vaguement patron, vaguement nounou consolatrice, "qui doit bien exister quand même".
Leur parle-t-on de la fraternité? Une utopie, une générosité impossible, et surtout vis-à-vis d'étrangers qui ne sont pas comme nous, hein Monsieur le doyen...
Leurs préoccupations? Que certains rites encore soient accomplis pour honorer une vieille appartenance qu'on révère sans trop y croire. Que les messes soient dites et les enterrements faits. Qu'on accueille toutes les demandes de baptêmes, de mariages, etc. ("sinon, vous n'aurez plus personne"). Etc.
La foi au Christ ressuscité, coeur de tout (si même les morts ne sont plus dans la tombe, alors, à strictement parler, où va-t-on?)? Un Dieu par lui (par le Christ) révélé, qui n'est pas un machin, mais une relation de don, d'amour? Une fraternité à cette image, accueillante dans l'effacement de soi devant l'autre? Une Eglise nécessaire pour dire cela, y compris dans son aspect "apostolique" (non démocratique, les apôtres sont des envoyés à des communautés, qui leur rappellent précisément le coeur de la foi, et que celui-ci n'est pas l'objet d'un compromis après débat, mais une "annonce")?
Etc...
Nous sommes peu chrétiens.
Nous avons beaucoup à le devenir.
Ensemble.

jeudi 6 septembre 2012

Besoin de Vie

Un jeune homme de nos paroisses s'est donné la mort le week-end dernier. Un jeune homme brillant, intelligent, extraverti - mais qui souffrait de ce que la chanteuse Barbara appelait dans l'un de ses textes "le mal de vivre", cette dépression qui prend aux tripes la jeunesse et est plus forte que tout, emporte tout comme un tsunami intérieur. Je lirai demain, lors des funérailles,  à la demande de la famille, quelques lignes de la lettre laissée par Benoît - tel était son prénom -, une lettre dans laquelle il veut déculpabiliser tout le monde : pas d'autre responsable, dit-il, que cette fichue maladie de l'âme, des nerfs et du corps tout ensemble. Il faut le remercier d'avoir voulu écrire cette absolution qui aidera les siens à traverser...
Il serait malséant de prêchi-prêcher je ne sais quelle nécessité d'un "retour aux valeurs religieuses" et gnani et gnana... malséant et nauséabond.
Je peux simplement dire que depuis lundi matin, annonce de son décès, je suis remué au plus profond de moi-même et blessé comme si cet enfant était l'un des miens. Je suis sûr qu'il est allé tout droit dans la paix auprès de Dieu même si le suicide n'est pas la meilleure manière, a priori, d'entrer dans l'éternité de l'Amour.
Et, quand même, je me pose aussi et une nouvelle fois la question d'un monde qui n'aide pas, mais alors pas du tout, ces grands jeunes à faire mûrir leur vie spirituelle, qui ne leur parle que de succès scolaires, académiques, financiers ou sentimentaux pour tout horizon existentiel. Il y a en tout être humain un désir d'autre chose, un désir d'Amour infini. Saint Augustin : Inquietum est cor nostrum, donec requiescat in te ("Notre coeur est inquiet - sans repos - tant qu'il ne repose pas en toi"). Qui propose et proposera une voie vers ce repos?
Que faisons-nous de notre foi?
Oh! Les questions qui se pressent à la porte du coeur...

vendredi 31 août 2012

Le Cardinal Martini

On apprend aujourd'hui le décès, à 85 ans, du Cardinal Carlo-Maria (Charles-Marie) Martini, ancien recteur de l'Institut Biblique Pontifical et de l'Université Grégorienne de Rome, ancien archevêque de Milan (le diocèse le plus important du monde). Ce Jésuite a passé sa vie à donner ou redonner goût à l'étude de la Parole de Dieu, que ce soit comme enseignant ou comme pasteur. Considéré comme "l'aile gauche" de la Curie pontificale, beaucoup auraient volontiers vu en lui le successeur de Jean-Paul II. On disait, non sans humour : "C'est un Martini rouge (couleur des cardinaux) qu'on verrait bien virer au blanc (couleur du pape)." Benoît XVI lui rend ce soir un bel hommage, sensible et fraternel. C'est un grand Monsieur qui s'en va (emporté par la maladie de Parkinson). Ses livres - beaucoup sont simples d'accès - sont là pour nous aider, comme il le souhaitait, à "manger la Parole", à nous nourrir du Christ grâce à la rumination des Ecritures.
Merci, cher Cardinal, pour tout cela...

mardi 28 août 2012

Libération conditionnelle, encore...

Ainsi donc, voici la justice rendue au plus haut niveau et Mme Martin est libre "sous conditions". C'était prévisible, c'est le droit belge en l'état, et il est conforme à ce que  promeuvent les législations européennes.
On comprend le désarroi des victimes, qui n'ont pas vraiment de décision  à faire valoir en ce genre de débat : mais, d'un autre côté, serait-il normal qu'une instance autre que neutre se prononce sur la culpabilité et sur la peine, comme sur l'exécution de celle-ci? Poser la question, c'est y répondre, et c'est du bon sens. Et y aurait-il des crimes tellement "horribles" qu'une juridiction d'exception devrait s'exercer pour les punir? Ici encore, poser la question, c'est y répondre : les juridictions d'exception n'existent que dans les dictatures.
J'ai regardé les reportages télévisés de ce soir (dégoûlinants de crétinerie et de partialité sur RTL, plus objectifs tout de même sur la chaîne nationale) : je constate que, même dans le chef des parents des victimes, la décision des Soeurs Clarisses n'est pas vraiment attaquée. On est plutôt stupéfait, comme l'Evangile  - écrit et vécu - nous conduit si souvent à l'être : sans voix, devant la générosité de femmes qui font confiance à leur intuition probablement maternelle et aussi, et d'abord, ecclésiale. Il ne faut désespérer de personne, et il ne coûterait rien de le dire, si on ne le mettait en oeuvre, un jour, concrètement, dans sa vie. Croyez-vous que ces femmes sont contentes des suites de leur générosité? Que ces vieilles moniales  recluses et discrètes aiment à se voir traquées par des curieux, des journalistes et des promeneurs cons comme les rues qui veulent leur hurler dessus en déversant sur elles leur bêtise analphabète?
Même les évêques, couillons comme toujours, sont restés discrets dans leur approbation : seul Monseigneur Jousten, évêque de Liège, a eu les mots d'admiration qui conviennent.
Comme cela fait du bien pourtant de voir ce que propose l'Evangile quand il est mis en oeuvre, cet accueil des exclus, des gens qu'on ne veut nulle part, cette confiance en l'homme, malgré tout...
Oh, oui, Mesdames, encore une fois, chapeau bas! Et canonisation à l'horizon!

lundi 27 août 2012

On nous ment...

D'après les nouvelles officielles, à la veille du 21 juillet dernier, en Belgique, tout allait bien au point de vue économique.
On nous ment.
Le chômage ne baisse pas vraiment (en France, notre voisine et alliée, il vient d'augmenter d'un coup sec au mois de juillet : 41.000 chômeurs en plus, beau cadeau pour le nouveau Président et le nouveau Gouvernement).
La récession continue : en quarante ans, l'Europe du Nord a connu en moyenne 1% de décroissance économique toutes les décennies (passant d'environ 4,6 % de croissance au milieu des années 1960 à environ 0,4 % aujourd'hui quand tout va bien). Cela signifie que la croissance (et donc le confort de vie en augmentation : salaires en hausse, chauffage, maisons confortables avec salles de bain, voitures, vacances, restos, etc.) était un épisode décidément provisoire des "trente glorieuses" (sans doute dû à une récupération de la guerre, avec les boums immobilier, démographique, technique, etc., que cela a permis), et qui est aujourd'hui terminé. Il est probable qu'il faudra faire avec une longue décroissance, et les "signes de reprise" qu'on nous a fièrement exhibés autour de la Fête Nationale n'étaient, en gros, qu'une manière d'endormir le peuple pendant les vacances (le peuple qui, du reste, ne demandait pas mieux, il faisait chaud) : dormez braves gens, tout va bien!
La récession est tout de même bien installée. Nous sommes solidaires de l'Europe, élargie sans doute un peu trop vite pour des motifs de belle générosité, mais qui ne résistent pas à la réalité économique. Les pays du Nord (dont le nôtre) s'en tireront évidemment, non sans mal (plus de chômage, donc, plus de précarité encore, plus de misère au total), mais les pays du Sud (Italie, Espagne, Portugal, et évidemment la Grèce)? Et si se brise cette solidarité "nord-sud" pour des motifs économiques, l'Euro résistera-t-il, cette belle monnaie unique qui nous fait tant plaisir, mais qui n'est jamais, et ne peut jamais être, comme n'importe quelle monnaie, que le reflet de l'économie réelle? Et si l'Euro fout le camp, et si chacun reprend ses billes dans son coin, et si des pays dévaluent leur monnaie, et si, et si et si... voici revenue à court terme une misère qu'on n'ose imaginer, et que les jeunes de vingt ou même trente ans n'ont évidemment jamais connue et à laquelle ils ne pensent pas.
Soirée pessimiste? Non. Nous rentrons. Il faut faire les comptes, comme dans tout bon ménage.
La rentrée ne sera pas facile.
La solidarité, la fraternité, ont encore de beaux jours devant elles. Heureusement pour ce qu'elles permettent d'ouverture de soi. Dommage pour les écorchures que cela fait à ceux et celles qui rêvent d'épanouissement par l'argent.
Des conclusions pastorales?
Oui  : priorité dans nos budgets à des projets d'aide et de relèvement, de soutien à toutes les fragilités. Autant que je le peux, dans les asbl ou ailleurs dans le doyenné, je le rappellerai. Nous n'avons pas les moyens d'autre chose que de la solidarité et de la modestie.
Quant à notre formation chrétienne : c'est déjà décidé, les conférences du Carême 2013 porteront sur l'atttide des chrétiens, individuellement ou ensemble, en ces temps de crise économique. Concrètement, comment vivre, pour être mieux en phase avec les situations et des défis imposés par cette décroissance, et en même temps, avec notre foi chrétienne en ce qu'elle a de fondateur : dans le Christ, Dieu s'est fait pauvre, solidaire des pauvres, des laissés pour compte, des gens du bord des routes, et c'est à partir de là que vient notre seul enrichissement possible?
Bonne rentrée!

lundi 13 août 2012

"J'ai toujours fait confiance à la sainte Vierge"

Il est très difficile de parler sans excès de la Sainte Vierge, que l'excès soit du reste d'un côté ou de l'autre.
Ainsi donc,
- à ma gauche : les hypercritiques textuels et raisonneurs de tous temps, pour lesquels Marie n'était certainement pas vierge, sinon dans un sens supposé "spirituel" sans aucun lien avec la réalité matérielle, pour lesquels aussi le culte marial n'est qu'une resucée de cultes d'idoles féminines présents dans toutes les religions ou à peu près, etc., etc.
- à ma droite : les mariolâtres qui n'en ont jamais assez des litanies et des invocations, les partisans des "trois blancheurs" pour caractériser le catholicisme (la Vierge, le pape, l'eucharistie) et juger (et condamner, évidemment) à cette aune toute initiative qui se veut chrétienne, etc., etc.

     Bref, dans les deux cas, vous voyez le genre.

     Je crois que le rapport de chaque baptisé à la Vierge Marie est pour chacun en son lieu le plus secret, le plus intime, qui est aussi le point le plus fort de son attachement au Christ. Que dès lors il est sans trop d'ostentation, sans en rajouter, dans la ferveur simple et sincère, dans le lien pudique d'un enfant à sa mère.  Je suis sensible au fait que les Ecritures restent volontairement discrètes à propos de la Mère de Jésus, discrètes et pourtant explicites sur son rôle (voir ce qu'en dit Marc, et spécialement à propos de l'effroi rapporté de Marie devant la première prédication de son Fils : "Sa mère et ses frères arrivent et le font appeler, tout en restant  eux-mêmes bien  à l'extérieur. Il y avait une foule assise autour de lui et on lui dit : ta mère et tes frères sont dehors, ils sont venus te rechercher...." Plus haut, l'évangéliste avait noté : "Les siens se disaient : il est complètement fou!", Mc 3, 31-32. 21) et sur sa présence. L'évangile de Jean, qui ne l'appelle que "la Mère de Jésus" et la cite seulement à deux reprises (à Cana, aux pieds de la croix) fait d'elle celle qui a invité son Fils a accomplir sa destinée, à offrir à tous le salut, à être la Mère non seulement de Jésus, mais de ce salut, et de l'incarnation continuée en chaque baptisé. Présence discrète mais essentielle, donc, comme en chacun de nous.

     En ces jours d'Assomption, je pense à ma mère, puisque je pense à "la" Mère. Et de ma maman, je retiens cette confidence sur sa foi (elle qui en était terriblement avare et parlait très peu de sa vie spirituelle). Ma mère avait connu la guerre, la privation de son mari (prisonnier pendant cinq ans en Allemagne), de gros ennuis de santé, et une vie où les dangers et les effrois avaient été bien présents. Elle était résolument optimiste, et l'est restée jusqu'à son dernier jour terrestre. Or, quand on lui demandait d'où venait cet optimisme, elle résumait ainsi sa vie de foi : "J'ai toujours fait confiance à la sainte Vierge."

     En ces jours d'Assomption, je n'ai pas d'autre souhait pour moi-même et pour ceux qui me lisent... Que nous puissions, simplement, faire confiance à la sainte Vierge.

     Bonne fête!

mercredi 8 août 2012

Ah! Les "Institutions"...

Il est souvent de bon ton de critiquer "les institutions" : politiques, judiciaires, religieuses, etc. Chez les chrétiens, chez les - ou "des"- catholiques, en particulier, on entend : "Ah, les institutions ne sont pas humaines, elles n'accueillent pas, elles ne comprennent pas, elles sont froides, impersonnelles, etc." Vous voyez la chanson, qui n'est pas une chanson fausse, certes. Les institutions quelquefois sont glaçantes, et insupportables, surtout à de certains moments de la vie, tristes ou joyeux, quand on voudrait, simplement et au contraire, de la "chaleur", par exemple lors des décès des proches,  ou dans le ravissement des naissances, des mariages et du reste!
Mais...
Réfléchissons, et pas d'abord en théologien ou en chrétien : les institutions ne sont-elles pas indispensables? Le mot s'apparente, remarquez-le, à "instituteur", ou, plus simplement, à "tuteur" : "ce (ou celui, celle) qui aide à grandir". A différer (je ne veux pas dire "changer", mais "éloigner les effets dans le temps") son émotion. A prendre des choses, des événements et des personnes une mesure plus globale.
Prenons un exemple, qui me concerne de près : si, dans nos douze paroisses, ici à Enghien et Silly, nous ne gérions pas de façon "institutionnelle" les demandes de toutes sortes qui nous arrivent (de rendez-vous, d'agenda, de baptêmes, de mariages, de funérailles, etc.), si nous n'avions pas pour cela un minimum de procédures, nous ne pourrions, et c'est bien simple, honorer aucune de ces demandes. C'est "l'institution" qui nous permet de rencontrer les personnes, de les faire grandir dans leur désir (par exemple, pour le baptême des petits enfants, de souhaiter  une formation minimale au sens du sacrement par lequel leur enfant va devenir chrétien - ce qui n'est pas rien!)
C'est le sens du secrétariat du doyenné, que je ne remercierai jamais assez pour son dévouement, son accueil, sa présence : en "première ligne", souvent, ces personnes sont à la fois le premier visage de l'institution, et aussi - c'est très important  - de l'écoute.
Mais vous me direz que, surtout dans l'Eglise, c'est l"Institution" avec un grand "I" qui rebute et fait peur. Mais... elle n'existe pas plus que dans nos paroisses! Partout, à Rome ou ailleurs, ce sont des hommes et des femmes avec lesquels toujours on peut dialoguer en se sentant accueilli et écouté. Et si on n'en a pas d'emblée l'impression, il faut revenir à la charge!
Allez!
Débarrassons-nous des idées toutes faites.
Prenons les choses et les personnes pour ce qu'elles sont.
Et les institutions pour ce qu'elles valent, et ce qu'elles permettent.
Et en avant!

samedi 4 août 2012

Marilyn et nous...

Il y aura demain cinquante ans que Marilyn Monroe est morte, on ne sait toujours trop comment, à trente-six ans...
J'aime beaucoup cette femme, comme j'aime beaucoup tous les provocateurs du monde, non pour le plaisir d'aimer la provocation, mais parce que toujours derrière elle se cache une blessure qui focalise la nôtre, une blessure qui se raconte tandis que nous n'osons rien dire!
A son psychanalyste (qu'elle consultait et voyait beaucoup trop souvent), elle aurait confié : "La seule manière que j'ai eue d'être quelqu'un, ç'aura été d'être quelqu'un d'autre." Quel aveu terrible, qui dit à la fois la motivation de sa carrière d'actrice et sa quête éperdue, dans le don prostitué de son image, de son corps, de sa vie - avec quelle immense conscience du vide de tout cela!
Marilyn résume en elle l'angoisse de nos années d'après-guerre, elle les concentre et les réverbère comme une statue, la nuit, dans un parc, réverbère la lune et sa lumière nostalgique, pâle, brillante seulement pour les amants des ténèbres.
Cette femme a cherché qui elle était vraiment, et n'y est jamais parvenue. Elle voulait, pourtant, je le crois, la vérité sur elle, une vérité mangée par son enfance, par sa mère menteuse, par la vie difficile des Etats-Unis dans les années '20-'30. Personne ne l'a aidée, ni ses amants, ni son médecin, ni sa carrière, ni les drogues, évidemment. On s'est amusé de la "Bimbo", de la "star", président Kennedy (bon catholique, soit dit en passant), son frère Robert (ministre de la justice et intransigeant père de famille nombreuse! Ah! Les Kennedy, quelle clique!) en tête. On a abusé de la femme, et pour finir probablement maquillé son meurtre en suicide. Avant de la faire passer pour rien, pour une blondasse idiote, ce qu'elle n'était certainement pas.
La foi chrétienne devrait pouvoir répondre à tout cela - car elle est aussi une quête d'identité, à la lumière du Christ - au moins autant que la psychanalyse. Elle ne le fait pas toujours, et il est des personnes qui arrivent à s'apprivoiser eux-mêmes en-dehors d'elle, tandis que quelques bons catholiques vivent dans l'alinéation personnelle la plus parfaite, jouant ou sur-jouant leur personnage, imbus d'eux-mêmes, éperdus de vanité.
Parce qu'elle a été fragile et qu'elle l'a su, parce que personne ne l'a aidée, et qu'il n'y a pas eu un seul chrétien pour relever cette femme agenouillée auprès d'elle-même, hurlant une détresse que personne n'entendait,
Seigneur, toi qui l'a toujours aimée comme tu aimes chacun de nous, comme ton enfant,
Seigneur, pardonne à notre humanité,
prends pitié de nous!
Et vous, Marilyn, d'où vous êtes, enfin dans la paix, je l'espère,
aidez les plus fragiles d'entre nous,
aidez ceux qui comme les papillons de nuit viennent brûler leurs ailes
à nos lumières artificielles,
parce qu'ils n'en trouvent pas d'autre!

jeudi 2 août 2012

Michelle Martin, les Clarisses et saint Thomas d'Aquin

Plusieurs personnes me demandent ce que je pense de la libération conditionnelle de Michelle Martin et de son éventuel accueil chez les Soeurs Clarisses de Malonne, l'information de ces jours-ci dont se remplissent tous nos journaux papier et télé...
Je vais tâcher de répondre en utilisant la méthode de la...  Somme Théologique de saint Thomas d'Aquin, en exposant rapidement les arguments pour, les arguments contre et... en esquissant une synthèse. Ce qui pourrait donner ceci :

. Videtur quod (arguments favorables) :
     - la libération conditionnelle d'un détenu est prévue dans la loi et sa décision par un Tribunal d'Application des Peines où le débat est contradictoire constitue un progrès depuis, précisément, "l'affaire Dutroux";
     - dans une démocratie, il faut laisser à ceux qui en ont la responsabilité le soin d'appliquer la loi;
     - aujourd'hui, la loi ne prévoit pas d'autre recours à une décision du TAP que la Cour de Cassation, qui juge non sur le fond, mais sur la procédure;
     - ni la pression ni l'émotion populaires ne peuvent, sauf à léser gravement la démocratie, entraver le cours de la justice; en revanche, elles peuvent s'exercer à l'encontre des législateurs (Parlement fédéral) si l'on estime qu'ils ont insuffisamment fait leur travail; il ne peut en outre y avoir une justice d'exception même pour des personnes ayant commis des faits particulièrement horribles;
     - les religieuses Clarisses ne sont pour rien dans l'arsenal législatif décrit ci-dessus; leur décision de collaborer avec la justice est au contraire une décision courageuse pour des femmes âgées qui se trouvent elles-mêmes dans une situation précaire, mais qui voient là une occasion de concrétiser leur idéal évangélique. Elles ne sont pas responsables de la teneur de la loi, ni de la décision présente du TAP... Il est donc parfaitement stupide de les mettre en cause, de manifester devant chez elles ou de taguer les murs de leur monastère! Stupide et honteux...

. Sed contra (arguments contre) :
     - l'indignation populaire est à la hauteur de la gravité des faits, c'est l'évidence et focalise le malaise d'une population contre une justice qu'elle comprend mal et qui reste à ses yeux une espèce de "nébuleuse". Beaucoup d'efforts d'information, de clarification, etc., devraient être entrepris dans les écoles, par les médias, non seulement en ce qui concerne la justice et son fonctionnement, mais aussi les grandes institutions politiques ou sociales, dont beaucoup de nos concitoyens ignorent le fonctionnement et le bien-fondé (entre autres, les institutions religieuses, par exemple, ou la différence tellement élémentaire entre les trois pouvoirs, législatif, exécutif et judiciaire, qui sont au coeur d'un Etat de droit et doivent jouir d'une indépendance mutuelle absolue, etc.)
     - cette indignation est peut-être bien nécessaire en ce qu'elle peut mobiliser, à partir de la rue et si la pression reste sympathique, le pouvoir législatif pour qu'il examine la possibilité de changer la loi concernant la libération conditionnelle, s'il le juge opportun. C'est une question politique et non pas judiciaire, qui se décide d'abord dans les urnes et les campagnes électorales, éventuellement ensuite, donc, par la pression de la population dans la rue;

. En conclusion : s'il faut manifester, c'est devant le Parlement (ou du moins à côté, car juste devant, c'est interdit), et certainement pas devant le monastère des soeurs Clarisses de Malonne, qui ne sont pour rien ni dans l'existence de la loi, ni dans son application concrète concernant Michelle Martin. Elles ne sont "coupables" que d'ouvrir leur porte à quelqu'un que tout le monde refuse ailleurs. Cela me semble une "culpabilité" bien évangélique, et devant laquelle, pour ma part, je tire bas mon chapeau...

samedi 28 juillet 2012

Dernières nouvelles de juillet

Bientôt déjà nous tournerons la page de juillet 2012... J'attendais ce mois, qui m'a permis, d'abord, un repos de dix jours au soleil d'une île grecque (Patmos), dans une solitude absolue et l'espèce de discipline qu'il faut s'imposer à soi-même pour être oisif  avec méthode. Comme je sens encore le bénéfice de ces jours-là, c'est sans doute que je n'y suis pas trop mal parvenu... Solitude absolue, disais-je : je n'ai, de fait, guère parlé qu'au personnel de l'hôtel. Mais les morts - "mes"morts - m'ont été intimement présents, non tant par le souvenir que par la communion, une communion joyeuse, allègre, silencieuse, intime. Ils m'ont garanti leur amour. Etrange non?
Au retour, la visite chez un ami Français, que je vois trop peu, et là, en revanche, la chaleur des échanges et des partages.
Puis la prière, fervente et plus optimiste que l'an dernier, pour notre Pays, à l'occasion de la Fête Nationale.
Enfin, durant la semaine qui vient de s'écouler, des visites dans des camps Patros ou Scouts et le même émerveillement que l'an dernier devant le dévouement des chefs et des dirigeants, qui consacrent ainsi un temps précieux de leurs vacances à s'occuper de plus jeunes. Ils le font avec tout l'enthousiasme, et aussi tout le sérieux, de leur âge, et de parler avec eux m'a une fois de plus conforté dans l'idée que la jeunesse est généreuse. De tout coeur je les remercie de ce qu'ils font, de ce qu'ils donnent, et je n'ai vu dans les yeux des gosses que des éclairs de joie - joie de courir dans la nature, joie d'apprendre à la connaître, joie d'apprendre à se connaître et à se reconnaître à travers la vie commune, joie d'une vie simple... Vraies valeurs que les mouvements sont sans doute, mieux que quiconque, capables de transmettre encore, et il y a urgence à le faire!
Enfin, je continue et espère terminer aujourd'hui la part de dépouillement des rapports transmis par les équipes synodales au Comité de Pilotage - la part qui m'a été confiée, veux-je dire. Ici encore, la richesse des débats saute aux yeux. Evidemment, on trouve quelques simplismes (des "y a qu'à", comme solution), mais peu fréquents, et les insistances sont souvent les mêmes : plus de communion, plus de fraternité, plus de communauté, plus d'échanges. Oui, voilà bien ce dont nous manquons, en effet!
Au boulot!

mercredi 27 juin 2012

Hildegarde, encore...

Dans les courriels que je reçois et qui réagissent à ce blog, un certain nombre de lecteurs me demandent où et comment ils pourraient se familiariser avec Hildegarde de Bingen, à laquelle j'ai consacré un texte et que je cite d'abondance dans mon "hommage" à Hector. Je leur réponds ici bien volontiers en leur recommandant la lecture du petit livre, déjà ancien, mais inégalé comme introduction, de Régine Pernoud : Hildegarde de Bingen, éd. du Rocher, 2è édition, 1995 (paru en Livre de Poche, 2010, 188p. pour seulement 5euros 50!)
Bonne lecture!
(Régine Pernoud est une excellente historienne du Moyen Âge et a mis toutes ses compétences et tous ses talents d'écrivain dans cette introduction à l'oeuvre d'Hildegarde. Elle parle beaucoup de la femme, de la mystique, de la "phytotérapeute" - qui séduira, je le répète, les magasins bio d'aujourd'hui (j'en connais) ! Elle parle aussi, et fort bien, de  l'auteur(e) de recettes de cuisine, eh oui, pour la meilleure santé de tous!
Evidemment, il faut faire un effort, hein : Hildegarde est une femme du XIIème siècle, donc, avec une cosmologie, une représentation du monde, de l'homme, de Dieu, etc., qui peuvent surprendre. Et elle a des visions. Mais... quelle sacrée bonne femme, quelle autorité, et notamment sur les hommes d'Eglise de son époque, pape en tête, qui n'étaient pas des plus faciles! Ah! La leçon...à tous ces messieurs!)