"Autorité" : le mot fait peur. Tout de suite, on pense glisser avec lui vers l'autoritarisme, vers la prise ou l'abus de pouvoir. Pourtant, l'étymologie (le latin auctoritas renvoie au verbe augere, qui signifie "faire grandir", "augmenter") devrait nous rassurer : l'autorité véritable est là pour donner la croissance à l'autre, non pour le rapetisser! Il ne faut certes pas ignorer les dérives des pratiques autoritaires, mais ce n'est pas une raison pour renoncer à l'autorité - nous en avons tous besoin, les uns par rapport aux autres, et dans divers domaines de compétence. Heureusement qu'il y a une autorité médicale (sans laquelle nous ne serions pas soignés), une autorité parentale (sans laquelle les enfants ne grandiraient pas droitement), une autorité spirituelle (sans laquelle les gourous auraient beau jeu), une autorité gouvernementale (sans laquelle un pays serait anarchique), etc.
L'évangile de ce dimanche, qui nous permet de poursuivre la lecture de Marc, nous présente les réactions des contemporains de Jésus face à sa première prédication et à ses premiers gestes (des exorcismes) : on est "frappé par son autorité". On ajoute qu'il "ne parle pas comme les scribes". Le terme, grec cette fois, est exousia : une "manière d'être là", un "apparaître qui manifeste l'être", une "façon d'être à l'extérieur ce qu'on est à l'intérieur". Jésus habite sa parole, si l'on veut, il est ce qu'il dit, il est ce qu'il fait : magnifique cohérence. Les scribes avaient coutume de commenter les Ecritures et de s'appuyer pour cela sur des "autorités" diverses, du genre : "Rabbi Untel dit que tel verset signifie ceci, mais Rabbi Untel dit qu'au contraire il faut le comprendre autrement..." Jésus dit : "Je", en lui Ecritures et présence se confondent, et cette parole est efficace, elle repousse le Mal, elle chasse les démons. Il y a de quoi être impressionné, en effet.
Cette autorité de Jésus, comment la retrouver aujourd'hui dans l'Eglise? Sans doute pas dans l'artifice des jeux de pouvoir, non. Mais dans une parole habitée de l'intérieur, dans une parole authentique et libératrice. Cela se demande...