mardi 27 août 2013

Le poète a toujours raison...

Patrice de la Tour du Pin est sans doute l'un des grands poètes du XXème siècle.

Sur ceux qui n'arrivent plus à croire en Dieu, ou ne qui le veulent plus, peu importe, voici :

"Ceux qui vous ont perdu, comment peuvent-ils vous déceler?- Déjà pour nous vous êtes souvent un Dieu tellement caché! (...) Nous nous sommes emmurés par inattention, repliés sous une écorce dense. Et pourtant les crevasses du ciel deviennent parfois des éclaircies, et les cordes atones rendent parfois des voix. Tantôt une plainte et tantôt un murmure d'amour, tantôt un cri de détresse et tantôt une louange. (...)
Ils ne vous ont pas reconnu quand il était encore temps, et maintenant ils ont remplacé ce qui peuple l'âme par des habitants imaginaires."

(Petite Somme de Poésie, Poésie/Gallimard, 1966, pp. 192-193)

Et, sur la solitude intérieure, et la prière :

"Voici que j'ai compris que la plus belle prière ne devait pas être dite en mon nom, mais au nom de tous. Peut-être ai-je été créé pour découvrir les mots et la musique d'une prière, mais nous la réciterons en commun. Tous ceux que j'ai pris dans le chœur de mon âme, ceux qui sont des figures ou des dons d'amitié, ceux qui me viennent par le sang et la tendresse, ceux du hasard et les créatures d'une même grâce. C'est ainsi que j'ai compris la liturgie intérieure - que je demeure en moi sans rester isolé." (Ibid., p. 193)

Comment dire ceux et celles qui nous peuplent, qui peuplent notre attention, notre prière, notre souci, mieux que par ces mots : "Ceux qui me viennent par le sang et la tendresse, ceux du hasard et les créatures d'une même grâce"?

lundi 26 août 2013

Sur la porte étroite

Revenons aux lectures d'hier, en particulier au texte difficile de Lc 13, 22-30.
Je constate d'abord un paradoxe : nous avons du mal à accepter que Dieu juge, il est de bon ton de lui refuser cet attribut (pourtant traditionnel : depuis la Bible, Ancien et Nouveau Testament, jusqu'aux tympans des cathédrales et au for interne de nos consciences!), sous prétexte que, n'étant qu'amour, accueil et miséricorde, Dieu ne saurait être Juge.
En revanche, ce rôle que nous lui dénions, nous nous l'attribuons de plus en plus à nous-mêmes, et avec une rudesse qui fait peine à voir : nous entendons dire qu'on n'est jamais assez sévère, que la justice est laxiste, que la vie dans les prisons est trop luxueuse, que les remises de peines et les libérations conditionnelles (!) sont inconcevables, voire qu'il faudrait rétablir la peine de mort, etc., etc. Ce que nous refusons à Dieu, nous nous en attribuons le rôle, et de façon oh combien impitoyable! C'est probablement que nous nous pensons impeccables, mieux que les autres, et aptes donc, du haut de cette vertu auto-proclamée, à exercer envers eux le jugement même de Dieu.
Ouais.
Attention : la porte est étroite, dit Jésus. C'est d'abord une bonne nouvelle : pour entrer dans le Royaume, il y a bien une porte.
Mais elle est étroite.
Comment fait-on pour franchir une porte étroite, mmh? On se débarrasse de tout ce qui gêne, qui encombre, qui alourdit - un peu comme,  pour franchir les portiques de sécurité dans les aéroports, on laisse tout ce qui fait "bip" jusqu'à être dénudé! Il est clair que porter sur soi le poids de sa vertu, de sa supériorité, de sa superbe ou de son arrogance morale ne doit pas aider à franchir la porte étroite. De même que les appartenances institutionnelles qui seraient des garanties formelles... Le dépouillement de soi-même est un exercice quotidien. Et il suppose un discernement que Dieu seul peut opérer en nous, par sa Parole, par la lumière de son Esprit.
Mais oui : par son... jugement!
La question de savoir s'il y aura "beaucoup de sauvés" n'a pas d'objet - du reste, Jésus n'y répond pas.
Mais l'histoire de la porte invite à penser qu'il y aura des surprises :"des premiers qui seront derniers, et des derniers qui seront premiers."
Vaudrait mieux faire gaffe...

jeudi 22 août 2013

Ah!

Quart d'heure de déprime.
Marre, de recevoir dans la figure tout ce que nous devrions faire et que nous ne faisons pas, marre d'être responsables de tout : "Votre Eglise..." Merde, c'est la vôtre, d'abord! Et si vous ne vous sentez pas bien chez elle, faites en sorte de la changer, soit, mais de l'intérieur, s'il vous plaît!
Et les gens jamais contents, les consommateurs de religieux qui n'ont pas eu leur compte de ceci ou de cela, et qui sont prêts à vous dire - ah! le grand argument! - qu'on est pourtant payés pour! Payés pour faire que tout marche à leur place, sans qu'il y ait besoin de la foi ou même de la plus petite inquiétude à son sujet, c'est ça? Payés pour faire que tout continue comme avant, quand il y avait un curé dans chaque paroisse, avec l'un ou l'autre vicaire dans les plus importantes? Quels emmerdeurs! Quels ignares! Quels ingrats! Quels cons! Ah! Les cons! Seigneur, délivrez-nous des cons!

Bon, de l'avoir dit, ça va mieux...
Et maintenant, rendons grâce pour tous les bonheurs reçus : Valentin, par exemple, venu à la suite de Sébastien me raconter le choc positif de ses JMJ, et qui promet de se couper en quatre pour en rendre témoignage dans les mois à venir! Comme je le remercie! Des familles emplies de reconnaissance pour le soin qu'on essaie de prendre d'elles, d'autres qui remercient pour la façon dont on a accompagné leur deuil. Et, quand même, une belle collaboration de tant et tant de personnes - mais qui découvrent aussi, à mesure qu'elles s'engagent, la difficulté de la tâche pastorale.

Pourquoi faut-il toujours que l'on ne retienne que les cons? Peut-être parce que ce sont ceux (et celles, je ne voudrais exclure aucun sexe) que l'on voudrait convaincre en premier, mais qui, précisément par état et presque par substance, sont incapables d'être convaincus. Nous devons à Brassens ce mot définitif, et définitivement éclairant : "Quand on est con, on est con!"

samedi 17 août 2013

Désolation en Egypte

On comprend les réactions des Chancelleries du monde occidental, européen ou américain : la répression des manifestations en Egypte a quelque chose d'une boucherie intolérable, c'est la guerre civile qui commence...
En même temps, j'ai aussi tendance à comprendre l'arrêt du processus dit "démocratique", la mise à pied du Président élu certes par une majorité, mais visiblement à la solde des "Frères Musulmans". Nous avons vu se dérouler des faits analogues en Algérie il y a quelque vingt ans, avec un même coup d'arrêt donné aux élections. Et, si l'on remonte plus haut dans l'histoire, l'accession de Hitler au pouvoir en Allemagne dans les années trente s'est déroulée au terme d'un processus prétendument démocratique.
Notez les réserves que j'émets : un processus "dit" démocratique, "prétendument" démocratique... C'est que la démocratie n'est pas seulement un comptage de voix et l'accession au pouvoir de la majorité arithmétique. Elle suppose aussi de cultiver des valeurs qui lui sont corrélatives : le respect des droits de l'homme, des minorités (ethniques ou religieuses), le désir de faire coexister pacifiquement les religions, le souci d'un enseignement pour tous, etc., etc. Dans les deux exemples que j'ai cités, et malheureusement en Egypte aujourd'hui, on en est loin...
Je comprends dès lors que l'on stoppe le processus électoral, celui-ci ne suffisant pas, seul, à garantir une vraie démocratie. Evidemment, que ce soit l'armée qui le fasse est un peu gênant : on la soupçonnera toujours de préserver ses propres intérêts! Mais qui d'autre? La "communauté internationale", ce n'est souvent qu'un mot, elle a peu de moyens de pression.
Attentons, voyons et... prions pour le peuple égyptien qui mérite mieux que cette catastrophe.

mardi 13 août 2013

JMJ... L'enthousiasme de Sébastien

Je viens de recevoir Sébastien, qui voulait, retour du Brésil, partager son enthousiasme après le mois de rencontres et de célébrations qu'il a vécu là-bas, en compagnie de Valentin. Un enthousiasme débordant, qui ne sait par où commencer : "Que du bonheur!", me dit-il : le séjour passé, durant la première semaine, dans un centre de réinsertion pour toxicomanes et le partage avec eux du travail et de la vie quotidienne; les rencontres multiples dans les familles brésiliennes; les conversations incessantes avec les jeunes venus de partout; les catéchèses matinales; les recueillements; les nuits sans sommeil à apprendre des pas de danse des quatre coins du monde; la Veillée et les célébrations avec "pape François"; la découverte du Brésil et de sa diversité culturelle ou géographique. Et tant et tant de trésors accumulés!
Et, traversant tout, cette expérience : que "la foi est la chose la plus simple du monde", comme il me le dit, "quand elle est ainsi partagée". Que "ce sont les plus pauvres qui sont les plus enclins à donner, alors que chez nous, riches, nous nous calfeutrons dans nos propriétés de toutes sortes." Et ce constat : "qu'il y a du pain sur la planche pour réveiller ici les consciences de tout le monde!"
Je remercie Sébastien de m'avoir ainsi fait part de son expérience, je remercie son compère Valentin qui viendra sans doute m'en parler lui aussi l'un de ces jours et qui a vécu également un moment très fort. Il faut maintenant qu'ils laissent se décanter tout cela et que, avec le temps, ils deviennent  au milieu de nous des témoins nécessaires, précieux,  de la foi dans ce qu'elle a de plus inattendu, après deux mille ans : sa jeunesse!

dimanche 11 août 2013

La foi comme aventure

"Abraham partit, sans savoir où il allait" (He 11, 8). J'ai toujours été émerveillé par  ce mot, qui évoque  la foi du "Père des croyants" : partir, sans savoir où l'on va. C'est tellement contraire aux représentations sécurisantes de la foi, qui font d'elle une accumulation de doctrine, de rites, de dogmes, de préceptes, que sais-je... Dans son surgissement, la foi est un mouvement, une aventure, un abandon, un consentement - et, notons-le bien, un consentement à une promesse : "Je te bénirai" avait dit Dieu à Abraham.
Partir sur une promesse, et ainsi vivre sa vie, c'est bien autre chose que cadenasser de certitudes ses horizons et son présent.
Les Pères de l'Eglise, les mystiques, ne diront pas autre chose : "Qu'il faut aventurer la vie!" (Thérèse d'Avila).
En baptisant, ce matin, à Labliau puis à Enghien, des petits enfants, lors de belles assemblées nombreuses, attentives, priantes, j'étais heureux de pouvoir commenter ce texte, ce geste d'Abraham, tandis que le baptême lui donnait, en quelque sorte, de nouveaux "arrière-arrière-arrière... petits-enfants"!