vendredi 31 janvier 2014

"Le bien qui est possible" : Evangelii gaudium/2

J'aime particulièrement ce passage, qui reflète une tonalité d'ensemble et dit les priorités doctrinales et morales du pape. On le trouve au n°44 :
 
Sans diminuer la valeur de l'idéal évangélique, il faut accompagner avec miséricorde et patience les étapes possibles de croissance des personnes qui se construisent jour après jour. Aux prêtres je rappelle que le confessionnal ne doit pas être une salle de torture mais le lieu de la miséricorde du Seigneur qui nous stimule à faire le bien qui est possible. Un petit pas, au milieu de grandes limites humaines, peut être plus apprécié par Dieu que la vie extérieurement correcte de celui qui passe ses jours sans avoir à affronter d'importantes difficultés. La consolation et l'aiguillon de l'amour salvifique de Dieu, qui œuvre mystérieusement en toute personne, au-delà de ses défauts et de ses chutes, doivent rejoindre chacun.

jeudi 30 janvier 2014

Evangelii gaudium /1

J'ai décidé de vous retranscrire, de temps en temps, des passages de l'Exhortation Evangelii gaudium du pape François. Parce que ce sont des textes dont on parle, mais que ne personne ne lit vraiment. Alors peut-être que, distillé sur un blog comme celui-ci, ce passage sera lu, c'est le n°2 :

     Le grand risque du monde d'aujourd'hui, avec son offre de consommation multiple et écrasante, est une tristesse individualiste qui vient du cœur bien installé et avare, de la recherche malade de plaisirs superficiels, de la conscience isolée. Quand la vie intérieure se ferme sur ses propres intérêts, il n'y a plus de place pour les autres, les pauvres n'entrent plus, on n'écoute plus la voix de Dieu, on ne jouit plus de la douce voix de son amour, l'enthousiasme de faire le bien ne palpite plus. Même les croyants courent ce risque, certain et permanent. Beaucoup y succombent et se transforment en personnes vexées, mécontentes, sans vie. Ce n'est pas le choix d'une vie digne et pleine, ce n'est pas le désir de Dieu pour nous, ce n'est pas la vie dans l'Esprit qui jaillit du cœur du Christ ressuscité.

     Bonne méditation!

Pauvre et simple prière

La journée a été rude. Des problèmes de toutes sortes, surtout matériels (financiers) à aborder et à régler, des sommes à faire jouer dans ma tête, des enjeux, et derrière les enjeux, surtout, oui, surtout, des personnes, des personnes en chair et en os, à aider, à protéger, quelquefois.
Et demain, encore, des funérailles, comme après-demain : et donc, aussi, aujourd'hui, des deuils rencontrés, des histoires de famille, toujours inédites, qui (re)surgissent dans ces moments-là avec une force incompressible. Accompagner cela, se faire aussi proche que possible, écoutant, parlant peu, devenir ami de ces situations et de ces manques, de ces pleurs versés sur un père, une mère, un parrain, une histoire dont il est si douloureux, tout-à-coup, de tourner la page. Et, du reste, faut-il la tourner?
Et au soir, la solitude. Et je démentirai ici tous ceux qui prétendent que le prêtre devrait, par hygiène de vie ou je ne sais quoi, être en famille toujours et comme tout le monde (comme tout le monde, vraiment?) En tous les cas, ce soir, la solitude m'est bienfaisante : beata solitudo, sola beatitudo, disait saint Bernard dans un jeu de mot sans doute contestable, mais compréhensible  ("Bienheureuse solitude, seule béatitude"). Je n'ai jamais été triste d'être seul. J'ai été... seul, pour faire une tautologie, certes, mais ça, je le savais depuis plus de trente ans, et je l'ai choisi, contrairement à beaucoup d'autres qui n'ont pas choisi leur solitude.
Et donc, avant d'aller dormir, j'essaie de prier. Et la prière la plus simple vient, c'est celle des chrétiens depuis longtemps à la Vierge : "Je vous salue, Marie." Une prière biblique, qui reprend les mots de la salutation de l'Ange et ceux d'Elisabeth, la cousine émerveillée : "Le fruit de ton sein est béni!" Et les mots du dogme, aussi, les mots du Concile d'Ephèse au Vème siècle : "Sainte Marie, Mère de Dieu" : étonnant, non, d'appeler "Mère de Dieu" ("Mère du Créateur"! Quel renversement) une créature humaine,  simple femme de l'histoire des hommes.
Elle a été, elle reste pour moi comme pour toutes les générations chrétiennes, le modèle de la liberté, et surtout de la liberté de pensée (de la "libre pensée", eh oui!). La foi chrétienne affirme que le relèvement de l'homme, son "salut", a été suspendu à l'accord d'une liberté humaine, la sienne : Dieu n'aurait rien fait pour tirer l'homme de sa boue, si l'homme, par cette femme, n'y avait pas consenti. Elle savait tout cela, au moins intuitivement. Et, quand on lui demande de "prier pour nous, pauvres pécheurs", on lui demande d'agrandir notre liberté aux dimensions de la sienne.
Ce n'est pas rien...
C'est une vraie demande "avant d'aller dormir".

mardi 28 janvier 2014

Le contraire de la religion...

Je rentre de l'excellente conférence donnée ici à Enghien, ce soir, par le Professeur Decharneux. Excellente, parce qu'il a tenté de reprendre les choses à leur racine, sans entrer dans les  stériles querelles d'opposition entre "laïques" et "cathos" qui empoisonnent si souvent la recherche intellectuelle sur ces questions, du moins chez nous. Baudouin Decharneux a recouru à l'étymologie, rappelant que pour Cicéron dans le De natura deorum, la religion vient de relegere, verbe qui signifie "relire", tandis que quelques siècles plus tard, le chrétien Lactance fera dépendre le mot de religare, "relier". Je pense - comme il m'a semblé qu'il le pense lui-même - que Cicéron a raison, et que cette origine assigne au religieux dans nos sociétés une fonction non seulement de "reliance", donc, mais de relecture, de "mise en rapport du visible et de l'invisible", comme il l'a également dit, et que cette fonction transcende évidemment les convictions croyants/athées/agnostiques. Je lui ai signalé, après la conférence, que Michel Serres, le philosophe français, s'était livré à l'un de ces jeux de langage qu'il affectionne, précisément à propos de l'étymologie cicéronienne du mot "religion" (je crois, mais il faudrait vérifier, que c'est dans son Discours de réception à l'Académie Française) : si relegere veut dire "relire", disait-il,  son contraire, formé du pré-verbe négateur "neg-" donne : neglegere, qui signifie : "négliger". Le contraire de la religion, en ce sens premier, ce n'est donc pas l'athéisme, c'est la négligence... L'être humain peut être considéré, sans doute, comme un homo religiosus en ce sens qu'il entend assumer sa vie, la relire, précisément, et non la subir ou y être livré simplement comme un "plouc". Qu'ensuite "les" religions viennent avec leurs corpus doctrinaux et leurs assemblages rituels et mythologiques variables selon les cultures, ça c'est encore autre chose. Mais je suis entièrement d'accord avec Decharneux pour dire qu'en ce sens premier, étymologique, la religion caractérise l'humain, et donc "existe"... puisque telle était la question posée par le titre de sa conférence.

lundi 27 janvier 2014

Dieu, un personnage de roman?

Ce mot pour signaler que je vais ouvrir à Louvain-La-Neuve et à Bruxelles le cycle de conférences de la Sedes Sapientiae, de l'UCL,  consacré cette année aux rapports entre théologie et littérature. Le lundi 10 février  aux Auditoires Montesquieu puis le lendemain mardi 11 février au Centre Œcuménique de Bruxelles (sur le site de Woluwe), je parlerai à 20h00 d' "Adolphe Gesché et la littérature", évoquant les rapports étroits entretenus entre le grand théologien louvaniste et la littérature de fiction (les romans, donc, en particulier), et j'introduirai ainsi une série de causeries sur les relations nécessaires entre Dieu et le monde des lettres.  Patrick Kechichian, actuel critique et journaliste au Journal La Croix, les 24 et 25 février, aux mêmes lieux et heures,  parlera de la "littérature catholique française" du XXème siècle (Claudel, Mauriac, Bernanos, Green, etc.). Josyane Savigneau, les 10 et 11 mars, la grande critique littéraire du Monde, dira ce qu'elle pense de la présence énigmatique de Dieu dans l'œuvre de Marguerite Yourcenar. Enfin, les 24 et 25 mars, mon collègue et confrère Gabriel Ringlet évoquera la place de Dieu dans le roman contemporain. Le Doyen de la Faculté de Théologie et moi-même, comme enseignants actuels de l'UCL, conclurons la série d'entretiens.
Les activités académiques reprennent, et ajoutent des rendez-vous aux activités pastorales, déjà bien chargées. Aujourd'hui, j'ai repris mes cours sur la spiritualité à la même Faculté de Théologie, et ce fut une joie de découvrir de nouveaux étudiants, de nouvelles attentes, aussi. Tout cela forme un ensemble, nous ne pouvons jamais nous enclore, et je continue d'espérer que ma présence dans le monde académique ne contrarie pas trop tout ce que je dois  à Enghien, et aussi à la Région pastorale d'Ath. Il s'agit toujours, après tout, d'annoncer l'Evangile sous des formes variées et complémentaires, dans des registres qui devraient se compléter. J'essaie aussi, autant que je puis, de créer des ponts entre ces mondes qui s'ignorent si souvent, et qui constituent pourtant, ensemble, la communauté chrétienne, qui vit, agit, célèbre en un lieu, mais a aussi la chance d'avoir en un autre (pas si lointain), des possibilités de réflexion, de recul, de reprise d'elle-même. Je ne sais pas encore si les Conférences de Carême pourront avoir lieu ici à Enghien comme nous l'avions prévu en EAP (des contrariétés de dates, de disponibilités, semblent venir entraver nos projets). Mais si jamais... n'y aurait-il pas dans ce que j'annonce une substitution possible?
Croyez-moi, ceux et celles qui feront les quelques kilomètres nous séparant de Louvain-La-Neuve ou de Woluwe ne seront pas déçus par le programme!

vendredi 24 janvier 2014

Le Président Hollande au Vatican

Ce matin, jour de la Saint-François de Sales, le Président français François Hollande a été, à sa demande, reçu en audience par le pape. L'événement n'est pas banal : il se produit dans le contexte d'une nouvelle  crise de méfiance entre les catholiques de France et la République laïque. Ce n'est pas tant la crise internationale (là, le consensus est évident) ou le contenu de nouvelles lois sociétales (mariage pour tous, révision de la loi Veil sur l'avortement - voir mon post précédent -, discussions sur l'euthanasie) qui font d'abord problème, mais l'impression diffuse qu'ont les catholiques français de n'avoir pas "voix au chapitre", d'être a priori considérés comme des ringards ou des passéistes dans les débats nécessaires de la société contemporaine.  Dans sa conférence de presse, le Président Hollande a redit que la laïcité française consistait en la préservation des divers cultes et de leur exercice. Pêche aux voix pour un Chef d'Etat en mal de sondages? Pas seulement, je crois :  ceci montre - et même démontre -  que la religion, contrairement à ce qu'on entend dire quelquefois (et notamment chez nous) ne relève pas simplement d'une option privée - et presque secrète, comme l'adhésion à la franc-maçonnerie doit en principe rester secrète. La religion, ou les religions, ont nécessairement un impact public : en désirant aller voir le pape, le Président (athée) de la République laïque reconnaît ce fait, et que la laïcité doit entendre la voix des religions. Non pas nécessairement s'y soumettre, évidemment, mais l'entendre, car cette voix constitue l'une des composantes essentielles de la société démocratique, même sécularisée.
J'ai demandé que l'on déplace mardi prochain 28 janvier une réunion programmée ici pour pouvoir assister à une conférence, organisée par la Maison de la Laïcité, et donnée à Enghien, à la Maison Jonathas à 20h15, par l'excellent Professeur Baudouin Decharneux (ULB) sur le thème "La religion existe-t-elle?" Je me réjouis d'entendre ce que va dire cet homme que j'estime sur le sujet, et ne manquerai sans doute pas d'y faire écho sur ce blog.
C'est trop important!

mercredi 22 janvier 2014

Sur l'avortement

La France s'agite une nouvelle fois (un peu trop, comme toujours) sur la révision de la Loi Veil à propos de l'avortement : il ne s'agirait plus d'une dépénalisation partielle, moyennant certaines conditions,  de ce qui reste un crime (comme en Belgique et au fond partout ailleurs) mais d'un "droit" des femmes à interrompre ou non leur grossesse si elles le souhaitent. Le changement n'est en effet pas bénin et on s'attendait à ce glissement depuis longtemps.
On aura toujours en présence, d'un côté : le droit de la femme à disposer de "son" corps - et c'est après tout elle qui porte l'enfant, avec toutes les conséquences physiologiques et psychologiques que cela entraîne. Sauf que ce qu'elle porte n'est pas (seulement) "son" corps mais un "autre" corps ou le corps d'un autre, qu'on le définisse comme "personne" humaine à certains stades n'ayant guère d'intérêt : c'est de l'être humain, en tous les cas, et qui ne se confond pas exactement avec l'être de sa mère.
D'un autre côté, donc : ceux qui nient ou semblent nier le droit des femmes pour miser tout, et exclusivement, sur le droit du fœtus. Ils ignorent, à l'inverse de ce que j'ai dit plus haut, que c'est la mère qui porte, son corps qui porte, son sang qui afflue, ses viscères qui souffrent - et quelquefois durement. Et si l'enfant n'est pas voulu, par exemple s'il est le résultat d'un viol, c'est épouvantable.
Toutes les positions extrêmes, qui défendent un droit contre l'autre, me semblent insoutenables dans l'absolu.
Ici comme ailleurs, il faut des compromis, c'est-à-dire des compréhensions éloignées de simplismes. L'avortement reste et restera toujours une atteinte grave à la vie humaine et à une vie humaine, de surcroît, innocente. Mais cette vie humaine est portée par une femme de façon quelquefois tellement douloureuse qu'elle peut en devenir  "inhumaine". Sa banalisation ne sera certainement jamais un progrès de nos sociétés, mais la considération des cas de détresse reste indispensable. Alors, au lieu de s'envoyer des invectives et des ultimatums à la tête, il faut qu'une société travaille beaucoup sur elle-même pour comprendre quel système juridique pourrait au mieux accompagner chacun dans la meilleure dignité. Nous n'y sommes pas, et, quand les idéologies s'en mêlent, nous n'en prenons pas le chemin!

L'enfer et le paradis

Bon, ceci est une blague.

C'est Monsieur Di Rupo qui meurt (déjà, ça, c'est une blague, il est increvable) et qui, comme disent toutes les blagues qui parient beaucoup sur une "eschatologie" de bande dessinée (allez voir au dictionnaire si vous ne savez pas ce que c'est), arrive devant saint Pierre. Saint Pierre qui lui dit : "Pour les responsables politiques, nous avons un régime spécial. Un choix après test : ils font un jour en Enfer, un jour au Paradis, puis ils choisissent. C'est honnête, non?" Di Rupo, méfiant, préférerait le paradis - auquel il ne croyait pas - tout de suite. Mais saint Pierre est intransigeant et lui intime l'ordre, puisqu'il faut bien commencer, d'aller d'abord passer une journée en Enfer. A l'arrivée, notre "Premier" est stupéfait : plage de sable fin, copains retrouvés ("Bonjour, Président", lui dit l'un d'eux hilare et un verre de vin à la main... Vous l'avez reconnu?), green de golf à proximité, serveuses (et serveurs) sexy. Le soir, dîner de gala présidé par le Diable en personne : meilleurs champagnes, meilleures vodkas sur le caviar, meilleurs plats, meilleures distractions, formidable soirée! Mais voilà minuit arrivé et, comme Cendrillon, notre défunt Di Rupo regagne saint Pierre qui lui ouvre la porte du Paradis pour une autre journée de test. L'ambiance est bien différente. Sympathique, certes, mais différente : les Jésus, Bouddha, bienheureux de toutes sortes et de toutes religions, du reste, y dissertent gravement, autour d'un verre d'eau, de la misère du monde, de ses injustices, des solutions qu'il faut y promouvoir. Ils sont joyeux, certes, et accueillants, mais enfin, ce n'est pas la fête de l'autre nuit : au dîner, fort simple, excellent sans doute mais sans rien d'extraordinaire, on continue à parler "paix dans le monde" plus que "magazines people" ou "people des magazines". A la fin de la soirée, saint Pierre - toujours lui - pose la question de confiance : "Et alors, cher ami? Votre choix?" "Sauf votre respect, dit le cher Premier, je me suis beaucoup plus amusé en Enfer."
Et c'est reparti : notre bon Elio y retourne. Sauf qu'à l'ouverture des portes, il ne voit plus qu'une plaine désolée, genre autoroutes wallonnes, remplie de nids de poules, sous un climat détestable (pluie et vent continus), et pas grand-chose de festif à bouffer à l'horizon. Le Diable, bon Diable, s'approche et lui souhaite la bienvenue. "Mais, rétorque notre pauvre Premier, quand je suis passé hier, c'était tout différent, c'était la fête, ici!" - "Evidemment, répond le bon Diable. Mais hier, j'étais en campagne électorale. Et aujourd'hui, tu as voté pour moi!"

On peut rire, non?

dimanche 19 janvier 2014

Entre baptême et funérailles

Ce matin, grande assemblée à Enghien, beaucoup de jeunes couples, beaucoup d'enfants, et un baptême, celui du petit Paul, tout menu dans les bras de sa maman et de son papa, et en même temps tellement décidé... Comme on dit, "je ne donnerais pas ma place pour tout l'or du monde", en échange de ces moments de pure grâce, de vraie fête.
Hier matin, funérailles de Christian, très estimé à Enghien, facteur et pompier, parti trop jeune...
Et demain, funérailles de Ivan, plus âgé, ancien pharmacien, qui a tellement aidé tout le monde à travers le simple exercice de sa profession.
Deuils, oui, douleurs du départ, mais aussi actions de grâce pour des vies de service.
Vraiment, "je ne donnerais pas ma place..."
A côté de cela, il y a bien entendu les contradictions et les ennuis, les incompréhensions et les discussions, fatigantes, mais sans doute utiles. Je parlais hier avec mon collègue de Soignies, et nous convenions que le plus usant, dans nos fonctions, consistait à mettre des gens ensemble, à les convaincre d'un bien commun, qui n'est pas peut-être d'abord le leur ou celui auquel ils pensent, mais le bien d'une communauté.
Le Synode diocésain et ses Décrets nous poussent à reprendre toujours cette tâche jamais achevée. Il n'y a pas d'avenir pour l'Eglise en-dehors de cette perspective.
Reprenons, donc.
Et bonne semaine à tous!

mardi 14 janvier 2014

Coupables d'être malades?

Sommes-nous coupables d'être, de devenir, de "tomber" (comme on dit) malades?
Cette question, qui est une question classique de l'éthique commune, et que j'ai traitée en son temps lorsque j'enseignais la théologie morale, m'est revenue ce soir tandis que je captais une petite partie d'une émission consacrée aux effets nocifs du Diesel sur la santé.
Résumé des deux points de vue des professeurs éminents convoqués pour le débat après un reportage catastrophiste (c'est bon pour l'audience, ça, chouchou, le catastrophisme)  : pour l'un, oui, évidemment, le Diesel est nocif pour tout et pour tout le monde. Pour l'autre, évidemment : relativisons les chiffres, ce qui est d'abord nocif, c'est (je cite) "le mode de vie", c'est-à-dire, "l'alimentation, l'alcool, le tabac."
Intéressant.
Pour le second de ces messieurs, donc (dont j'ai oublié le nom, vous me pardonnerez) : si vous êtes malade, c'est que votre mode de vie est mauvais. Arrêtez de boire de l'alcool, de fumer du tabac, de manger du gras, et ainsi de suite, arrêtez de stresser, arrêtez de vous en faire pour votre boulot, par exemple, et vous verrez comme tout ira mieux. Autrement dit : si vous êtes malade, ne vous en prenez qu'à vous-même, vous êtes coupable!
Pour le premier, si vous êtes malade, c'est la faute à tout le monde, mais pas à vous : vous vivez dans une atmosphère polluée, militez pour la dépolluer, et ce ne sont pas vos petites consommations d'alcool, de tabac ou du reste, comparées aux grandes pollutions "étatiques", qui y changeront quelque chose.
Bon.
Probablement, comme d'habitude, la vérité est-elle entre les deux.
Et si on réfléchissait?
L'être humain a toujours été confronté à des milieux hostiles, dont il savait plus ou moins la nocivité.
Il a toujours été, de même,  plus ou moins responsable de sa santé physique, ne serait-ce que par "essais et erreurs", en constatant que telle pratique, telle nutrition, etc., lui étaient dommageables  ou bénéfiques.
Il s'est vu imposer régulièrement des environnements destructeurs, et par des dirigeants (politiques, économiques, les deux souvent liés) sans scrupules, qui y voyaient un certain profit (songeons aux centrales nucléaires dont le bénéfice à long terme est, pour le dire de façon euphémique, au moins contestable : voyez le Japon, parmi les derniers exemples. Avant cela, pensez au retombées - qui furent tout de même à court terme - de l'exploitation du charbon chez nous, et à l'état pulmonaire de ceux qui durent bien descendre dans les mines, ou de la métallurgie, chez nous également. La démonstration pourrait demander de longs développements : arrêtons là, et demandons-nous à quel prix humain nous avons payé le "progrès".)
Quant à dire que l'être humain est responsable de sa maladie, il y a là une erreur de jugement moral épouvantable, qui consiste à faire porter sur les épaules de personnes déjà éprouvées une culpabilité n'ayant pas lieu d'être. On n'est jamais coupable d'être malade, même si on peut être "coupable" d'avoir eu des comportements risqués (fumer, boire, etc.) Et l'expression populaire "Il l'a bien cherché", qui stigmatise la maladie de quelqu'un ayant eu des comportements à risques, cette expression est proprement scandaleuse, moralement : on ne cherche jamais à être malade! Cette erreur éthique dans l'appréciation risque de conduire à marginaliser encore plus des personnes souffrantes dont nous devrions simplement, et sans aucun jugement, nous rapprocher.
J'ajoute ceci, pour dire ma perplexité devant la bêtise de notre société de consommation : on vient d'ouvrir à grands frais, à Bruxelles, le salon de l'auto. A priori, je n'ai rien contre, et on va nous bassiner pendant quelques jours sur la nécessité de "relancer l'économie du marché automobile", autrement dit d'acheter des voitures. Fort bien. A longueur d'année, d'un autre côté, on nous  demande de ne pas sortir notre voiture du garage, de prendre les transports en commun, de "désengorger" nos villes, etc., etc.,  vous connaissez aussi la chanson.
Le citoyen lambda, comme moi (et comme vous, je suppose), il fait quoi?
Moi, si j'achète une voiture (et en l'occurrence, je devrais en changer prochainement), c'est pour rouler avec, pas pour la laisser au garage!
Vous voyez un peu les contradictions de notre monde, ou plus précisément, ses "injonctions contradictoires" : "Achetez, mais n'utilisez pas!" Et on vous culpabilise dans les deux cas : si vous achetez, parce qu'évidemment vous roulerez et donc vous polluerez; si vous ne le faites pas, parce que vous ne contribuerez pas au redressement de l'économie.
Remettons, s'il vous plaît, tout cela à plat. Un coup de pied - énorme - dans les fesses de tout ce petit monde.
Revoyons nos besoins élémentaires.
Revoyons notre éthique, aussi, tellement à marée basse, ces temps-ci.
Allez, courage!

lundi 6 janvier 2014

L'Adieu à Etienne...

Participé ce matin, à Gozée, avec beaucoup d'émotion, aux funérailles de l'abbé Etienne Gathy, décédé le 30 décembre dernier à seulement soixante ans, d'une faiblesse cardiaque. Dans les premières années de mon ministère, au retour de mes études parisiennes, j'avais eu l'occasion de travailler beaucoup avec lui : nous étions en effet tous les deux "directeurs-adjoints" de l'Office Diocésain de l'Enseignement Religieux (ODER), à l'époque situé à Charleroi.
L'hommage de ce matin a été unanime, pour évoquer cet homme "de Dieu" (comme on dit) qui aura consacré sa vie à la catéchèse et à l'accompagnement des plus fragiles - en particulier, de ceux et celles qui fréquentent l'enseignement spécialisé dans notre Diocèse. D'un naturel humble et discret, il aura vraiment "passé parmi nous en faisant le bien".
Il laisse un témoignage authentiquement évangélique, et un appel à œuvrer en ce sens!

vendredi 3 janvier 2014

Douceur et vérité

Aujourd'hui, à Rome, le pape François a présidé au "Gesù" (célèbre église des Jésuites) une messe en l'honneur de Pierre Favre, compagnon d'Ignace de Loyola, qu'il a canonisé le 13 décembre dernier. Dans son homélie, il a plaidé pour une Eglise qui annonce l'Evangile "avec douceur, sans user des bâtons de l'Inquisition".
Je lis et reçois cette homélie comme un appel au discernement pastoral. Ce soir encore, j'ai dû expliquer la position de l'Eglise face à une demande (elles sont fréquentes) de "bénédiction" de mariage pour un couple dont l'un des partenaires est divorcé. J'ai essayé de dire en même temps la largeur de l'accueil et la nécessité de respecter la vérité des engagements antérieurs  : à quoi ceux-ci seraient-ils réduits si, tout d'un coup, ils n'avaient plus de valeur? Je sais que cet équilibre est précaire, difficile, mal compris souvent. Et pourtant, la douceur de l'annonce et de l'accueil n'exclut pas la reconnaissance de la vérité : elle seule libère vraiment, profondément, l'être humain. Nous marchons sur des cordes, et quelquefois - souvent - sur des nœuds. Après tout, Jésus nous a appris à marcher même sur les houles de la mer...

Statistiques...

Un début d'année est, bien entendu, une occasion de bilans... Comme le serveur sur lequel je publie ce blog offre des statistiques, je vous en livre quelques-unes.
Depuis sa création (il y a cinq ans à peu près), ce blog a donc vu
85.155  consultations dont,

     66.688 de Belgique;
      6.668 de France;
       4.776 des USA;
      1.416  de Russie;
      1.348  d'Allemagne;
       458  du Canada;
       210  du Royaume-Uni;
       168  d'Ukraine;
       115 de Suède.

      Bon, tout cela m'étonne un peu, mais merci à ces nombreux lecteurs! Et encore bonne année!

jeudi 2 janvier 2014

1914-2014

C'était il y a cent ans bientôt, donc, et j'imagine que dans l'année qui s'ouvre les occasions ne manqueront pas de rappeler les circonstances du basculement de l'Europe à partir du 28 juin 1914... Que s'est-il passé ce jour-là? On le sait : l'héritier du trône impérial d'Autriche-Hongrie, l'archiduc François-Ferdinand, et son épouse Sophie, sont assassinés par des nationalistes serbes à Sarajevo. Il est vrai que la situation des Balkans a toujours été explosive : les "nationalismes" s'y déchaînent, chaque peuple ou supposé tel revendiquant "sa" nation indépendante (Serbes, Albanais, Macédoniens, etc.), plus ou moins explicitement soutenu par les grandes puissances qui se partagent l'Europe en ce temps-là : la France, l'Empire d'Allemagne, l'Empire Austro-Hongrois, l'Empire Russe, l'Empire Britannique...
François-Ferdinand était précisément présent ce jour-là à Sarajevo pour affermir les liens entre les Serbes et Vienne. Tout le mois de juillet sera consacré au type de riposte que le vieil Empereur François-Joseph veut exemplaire : un ultimatum de soumission des Serbes à l'Empire. Il sait qu'il peut compter sur l'appui de l'Empereur Guillaume, d'Allemagne. Mais les Serbes sont orthodoxes, et soutenus à ce titre par le cousin de Guillaume, le tsar Nicolas II de Russie (ils sont tous les deux les petits-fils de la Reine Victoria d'Angleterre), qui verrait bien son Empire accéder à la Méditerranée. Et la République Française se présente comme une "alliée naturelle" de la Russie - il faut dire qu'elle a une revanche à prendre sur l'Allemagne après la défaite de Sedan en 1870. Et la Grande-Bretagne, qui voit d'un mauvais œil l'alliance des Empires autrichien et allemand, veut maintenir sa suprématie maritime dont elle pense qu'elle est menacée par l'Allemagne... Comme on dit à Enghien : on voit le bazar! Et le bazar en effet va péter, entraînant l'Europe puis le monde dans l'un des conflits les plus sanglants que la planète ait connus, un conflit du reste mal résolu en 1918, si bien que couveront tout de suite les tentations de revanche qui conduiront à la seconde guerre mondiale.
Cent ans, ce n'est rien.
Le monde, et l'Europe, ont-ils vraiment changé? A certains égards, très peu.
Les nationalismes sont résurgents, partout (je répète encore une fois la formule de Mitterrand, souvent citée dans ce blog, et qui se comprend peut-être mieux après ce qui précède : "Le nationalisme, c'est la guerre!"), y compris, on le sait, chez nous; chacun veut "son" espace vital, son indépendance, sa "nation". Les Empires fédérateurs existent encore, et leur unité est toujours menacée par ces résurgences nationalistes : l'Union Européenne en est un, un Empire économique et pas assez politique, qui sans doute déçoit certains de ses citoyens et contre lequel se battent les partis extrémistes de tout poil (voir la hargne du FN français contre l'Europe accusée de tous les maux); la Russie en est un autre, qui voudrait garder son influence sur des pays satellites (comme l'Ukraine); la Chine, évidemment, un troisième; les USA, un quatrième. Ces empires se savent menacés par les tentations nationalistes et terroristes, aujourd'hui plus qu'hier colorées de revendications religieuses (en particulier, celles d'un certain Islamisme).
Cent ans après, les mêmes mèches qui ont servi à enflammer l'Europe et le monde sont toujours là, prêtes à être allumées.
En Europe, nous avons la chance de vivre dans des démocraties où le peuple, souverain, choisit ses représentants et la politique qu'il veut mener.
Au fait, 2014 ne sera-t-elle pas, entre autres, une année électorale?

Aux urnes, citoyens!