dimanche 24 janvier 2016

Lire pour vivre

On reproche aux religions dites "du Livre" (judaïsme, christianisme, islam) de se rapporter à de vieux textes comme au fondement de leur vérité, voire de "la" vérité, ce qui ne peut qu'entraîner fondamentalisme et dérives délirantes.
Faut-il donc jeter le Livre, les Livres saints?
Les textes retenus aujourd'hui par la liturgique catholique tentent de nous convaincre du contraire : la joie du Peuple lorsque le prêtre Esdras lit en public, pendant un jour entier, le Livre retrouvé de la Loi, une joie qui  fait pleurer tout le monde  et qui se conclut en festin! Jésus lecteur, au début de l'évangile de Luc, lorsque dans la Synagogue de Nazareth il proclame quelques versets du Prophète Isaïe et annonce qu'en lui - en lui! - ces versets trouvent leur réalisation...
Ce ne sont pas là des lectures informatives, érudites ou même studieuses : on ne lit pas la Bible - ni, j'imagine, le Coran - comme on lit le journal ou un essai philosophique. Ce sont des lectures qui conduisent à une rencontre : Dieu parle, non pas dans ces textes, mais à travers eux. Lire, ce n'est pas recueillir un sens déjà-là, c'est aussi inventer à chaque fois du sens, c'est frotter la chair du texte pour qu'elle s'exprime comme un fruit exprime son suc, mais avec une saveur toujours nouvelle. Pas de lecture sans interprétation, sans communauté de lecteurs, sans élargissement spirituel, sans illumination du cœur, sans accroissement de la fraternité, sans ces pleurs de joie qui saisirent le Peuple face à la proclamation d'Esdras, sans l'accomplissement annoncé par Jésus dans la synagogue de Nazareth.
La Bible ou le Coran - disons : le Livre - ne sauraient être un amoncellement de textes clos et normatifs. Ils doivent devenir Parole, Parole vive qui réveille et relance le pèlerinage du croyant, du chrétien.
Source inépuisable, le Livre est là pour la Vie.

samedi 16 janvier 2016

Le salaire des parlementaires

Je viens de batailler sur Facebook avec une vieille copine à propos du salaire des parlementaires. A la lire, celui-ci devrait être réduit, ils devraient montrer l'exemple, etc., etc.
Eh bien, je ne suis pas d'accord et je renifle là-derrière des relents de démagogie.
Les parlementaires, c'est précieux. C'est - ou ce devrait être - le fleuron, la clé de voûte de la démocratie : ce sont eux que nous envoyons rédiger les lois qui vont régir nos rapports sociaux. Il ne faudrait pas que des lobbys les financent ou les noyautent, et c'est bien pour cela qu'un salaire confortable (sans virer à l'indécence, évidemment) doit assurer leur indépendance d'esprit.
Je n'aime guère les attaques répétées contre les autorités, spécialement si nous les avons élues; ou, plus précisément, je n'aime guère que l'on s'en prenne à leur statut. Evidemment, on a le droit de critiquer leurs décisions, ça c'est autre chose, mais il convient de respecter leur fonction, faute de quoi notre démocratie elle-même se met en danger.
Il est grand temps de restaurer le sens de l'Etat et, pour cela, de tourner le dos à la démagogie et au populisme.

dimanche 10 janvier 2016

Beau moment de catéchèse...

Beau moment de catéchèse et de célébration, ce matin à Silly, devant une église remplie de jeunes ménages et d'enfants. La fête du Baptême du Seigneur, qui conclut la  liturgie de la Nativité, a donné l'occasion à Germain, notre diacre, de proposer  aux adultes présents un enseignement de première qualité sur l'Esprit Saint dans la vie chrétienne, sur ses dons et sur les analogies qui permettent d'entrevoir son action de feu, de souffle, de communion fraternelle... 
Nous vivons en paroisse de beaux moments d'approfondissement de notre foi, de généreux moments d'échanges et de sérénité partagée.
J'en avais, au retour vers Enghien, un cœur empli de reconnaissance...

mardi 5 janvier 2016

Cynisme politique...

L'Arabie Saoudite est un Daesh légal. Tout le monde le sait. Mais voilà, l'Arabie Saoudite est l'un des premiers importateurs d'armes belges - fabrication FN. Oh! En toute légalité, comme vient de le rappeler Mr le Président de la Wallonie : ces armes ne sont destinées, évidemment, qu'aux autorités publiques. Et les syndicats de renchérir : si nous, on arrête de fournir ces armes, d'autres le feront.
Ben tiens.
Je le dis aux personnes qui travaillent à la FN : ces armes, un jour, tueront l'un de vos enfants. Un enfant qui, par exemple, se divertira d'un concert dans une salle de spectacle. Ou qui boira un verre à une terrasse de café. Ou qui sera dans le Thalys. Ou ailleurs, allez savoir où...
Arrêtez de fabriquer des armes. Arrêtez de les vendre. Peu importe la concurrence : étudiez des reconversions possibles de vos usines. Ce serait une attitude syndicale prospectivement plus intelligente que de vouloir conserver à tout prix (quel prix!) la production présente.
Je ne fais ici, je le répète encore, que relayer les propos martelés par le pape François - et soigneusement, cyniquement,  ignorés par les grands médias - depuis des mois et des mois.

dimanche 3 janvier 2016

La mort de Michel Delpech

Tous ceux de ma génération le connaissent et ont fredonné ses tubes : Pour un flirt, Chez Laurette, Quand j'étais chanteur, etc. Michel Delpech est mort hier à l'âge de 69 ans, après avoir lutté pendant plusieurs années contre un cancer invasif de la langue et de la gorge. Il y a quelques années, à l'occasion de la parution d'une autobiographie (J'ai osé Dieu, Presses de la Renaissance), il s'était confié au journaliste Bertrand Révillion, pour le Magazine "Prier". Voici quelques extraits de cet entretien :

" B.R. C'est la première fois que vous évoquez aussi profondément votre vie spirituelle...
 
  M.D. Oui, et maintenant que ce livre est paru, je me demande si tout cela n'est pas un peu impudique! J'ai été gravement malade : un cancer de la langue qui m'a contraint à des traitements lourds et m'a immobilisé pendant plus d'un an... Ce sont des moments rudes où l'on se retrouve face à sa vie, à sa vérité. Je suis croyant. Dieu, Jésus sont mes compagnons de route depuis des années. j'ai voulu le dire. J'assume ce risque : un chanteur de variété qui avoue son amour pour le Christ, ce n'est pas très tendance! Mais je crois que j'aurais un vrai regret à ne pas avoir dit ce que je crois; et en qui je crois...

  B.R. "J'ai probablement toujours été chrétien" dites-vous...

  M.D. Oui, avec quelques éclipses! De mes parents, j'ai reçu un catholicisme de convention, sans que je me sente vraiment concerné. Puis j'ai été happé par la vague de la célébrité. C'était l'époque "yé-yé", mes chansons tournaient en boucle sur les radios. J'étais une "vedette" et n'avais ni le temps ni le goût de me poser des questions métaphysiques! Puis j'ai connu une traversée du désert, un burn out comme on dit pudiquement, un véritable chaos dans mon existence... Je me suis tourné vers les sagesses et les spiritualités orientales. J'ai lu pas mal de choses sur le bouddhisme, l'hindouisme, le zen, la méditation transcendantale...

  B.R. Rien sur le christianisme?

  M.D. Non. J'avais une image assez négative de l'Eglise. Je trouvais qu'on y respirait trop le mauvais air de la culpabilité, du péché... Tous les crucifix exaltant la mort du Christ me glaçaient. J'étais aussi assez anticlérical. j'avais le souvenir de m'être prodigieusement ennuyé à la messe. Je n'avais, par exemple, aucun souvenir d'avoir entendu une seule fois réciter le Notre Père de manière joyeuse!

  B.R. Un jour, pourtant, vous allez revenir vers la source chrétienne. Pourquoi?

  M.D. Je me suis progressivement rendu compte que les philosophies et spiritualités orientales - si belles soient-elles - n'étaient pas un chemin fécond pour moi. J'étais en train de me perdre. J'ai éprouvé le désir d'entrer à nouveau dans les églises. Pas au moment des célébrations, mais lorsque je savais pouvoir y être seul... J'aimais ces instants de solitude et de silence. J'ai été aussi discuter avec des chrétiens fervents, des hommes et des femmes que je sentais habités par la foi. J'ai fait quelques retraites dans des monastères. Peu à peu, j'ai eu le sentiment d'être rentré "à la maison", de ne plus être séparé d'une part essentielle de moi-même.

  B.R. Vous écrivez que, depuis cette période, "la spiritualité, la foi, Dieu sont l'objet incessant de ma quête..." C'est fort!

  M.D. N'allez pas croire que je sois devenu une sorte de mystique continuellement plongé dans la contemplation! Si vous saviez combien je me sens un faible chrétien... Mais il ne se passe pas un jour sans que je me pose la question de Dieu. Je songe souvent aux moines, à cette vie qu'ils se sont choisie pour vivre avec cette question. J'aime aller pendant quelques jours, partager leurs vies...

  B.R. Comment nourrissez-vous cette interrogation spirituelle?

  M.D. Je lis beaucoup. Je traîne souvent à La Procure, au rayon des livres religieux. Je lis des auteurs anciens : saint Augustin, Isaac le Syrien, François de Sales, Maître Eckhart... Quelques contemporains aussi parmi lesquels Gustave Thibon, que j'ai eu la chance de rencontrer, qui a l'art de ciseler de courtes pensées fulgurantes... J'ai bien conscience que cela ne cadre pas tout à fait avec l'image qu'on peut se faire d'un chanteur populaire!

  B.R. Il y a comme un paradoxe chez vous. Vous dites que la foi, c'est la joie. Et vous écrivez aussi que, souvent, votre propre foi "est dans la torture..."

  M.D. Je n'ai pas la foi tranquille et sereine. Je suis, selon l'expression populaire, un homme de peu de foi! La foi ne se réduit pas à un ensemble de croyances auxquelles il suffit d'adhérer. La foi, c'est d'abord cet instant mystérieux où l'on se sent soudain habité par une force fantastique. Un instant de joie pure! Avoir la foi, c'est soudain ne plus avoir peur. Un croyant connaît quelques instants de grâce de ce type dans sa vie. Mais la plupart du temps, il faut bien avouer que l'on reste dans le brouillard. Ce n'est pas si facile de discerner quelle est la volonté de Dieu. Souvent, cela est effectivement "torturant".

  B.R. Dans votre itinéraire, il y a un jour, une "rencontre" inattendue... Voulez-vous en parler?

  M.D. C'était en 1980. Je faisais un voyage en Terre Sainte avec Geneviève, ma femme. Nous venions de nous marier. Nous avons visité la vieille ville et sommes arrivés au Saint Sépulcre. Un lieu paradoxal : ce qui devrait être un espace de recueillement ressemble à une foire d'empoigne où chaque confession chrétienne tente d'attirer l'attention. J'attendais mon tour dans le brouhaha incessant. Soudain, je me suis retrouvé devant la pierre du tombeau, avec derrière moi des Portugais qui poussaient pour prendre des photos. Je me suis agenouillé une fraction de seconde, j'ai embrassé la pierre et, immédiatement, j'ai été enveloppé d'une présence. J'ai su que Jésus était là...

  B.R. Que voulez-vous dire?

  M.D. C'est difficile de mettre des mots sur ce qu'il ma été donné de vivre ce jour-là. J'ai eu soudain la certitude que Jésus entrait dans ma vie, qu'il était là, vraiment là, en moi. Avec une infinie douceur, il venait de me manifester son amour.

  B.R. Faut-il parler de "conversion"?

  M.D. Oui, je crois que c'est le bon mot. Je n'en vois pas d'autre.

  B.R. Avec le recul, vous auriez pu mettre en doute cet "événement", y décrypter l'action de votre imagination, de votre affectivité...

  M.D. Je n'ai pas un instant douté que Jésus m'avait fait signe. Cette "rencontre" est-elle pour une part le fruit de mon désir, de mon inconscient? Peut-être. Je n'en sais rien et peu importe. La vie spirituelle s'enracine dans ce que nous sommes. Cela n'enlève rien à la vérité de cet instant unique et bouleversant qui m'a transformé pour toute mon existence. C'est comme si je célébrais mes "retrouvailles" avec le Christ, comme si un ami me revenait de manière définitive.

(...)
  B.R. Un jour, dans le parc d'un monastère, vous faites une autre rencontre...

  M.D. En marchant, j'ai discuté avec un ecclésiastique dont j'ai découvert qu'il était évêque. Je me suis confié longuement, j'ai évoqué mes erreurs, mes doutes... Cet homme m'a écouté et notre échange s'est peu à peu transformé en "confession". J'ai reçu ce jour-là de cet homme le sacrement de réconciliation. Et j'ai découvert que cet acte qui, dans l'enfance, me semblait lourd et triste, pouvait être joyeux et source d'une grande paix.

  B.R. Vous évoquez votre initiation à la prière... C'est quoi, la prière?

  M.D. Je pense que c'est avant tout le silence. Faire taire en soi le bruit. Nous n'avons pas besoin de demander quoi que ce soit à Dieu : il sait ce dont nous avons besoin. Se mettre en présence de la Présence. La prière se résume à dire au Seigneur : "Que ta volonté soit faite!"  Prier, c'est aider le ciel à nous aider. La prière est un don que Dieu nous fait, n'importe où et n'importe quand. Parfois, nous sommes capables de recevoir ce cadeau...

(...)"

Bravo, l'artiste! Et merci pour ce magnifique témoignage de vie et de foi!