dimanche 30 juin 2019

Droits de l'Homme foulés aux pieds

Les réseaux sociaux se déchaînent, souvent hostiles, contre la commandante du bateau de réfugiés qui a fini par acoster, bravant les autorités italiennes, à Lampedusa. La situation des quarante-six réfugiés qui étaient à son bord devenait, en effet, scandaleusement impossible à vivre - on les menaçait, tout simplement, de les renvoyer en Lybie, d'où ils venaient et où probablement ils auraient été réduits en esclavage ou massacrés à leur retour.
Ce n'est pas l'Italie et son ministre de l'intérieur, un pauvre populiste qui surfe sur les vagues d'élections faciles, qu'il faut blâmer. C'est l'Europe qui devrait d'urgence se mettre d'accord pour accueillir ces personnes, globalement peu nombreuses, au fond, dans un Continent comme le nôtre, et qui, par égoïsme et par lâcheté ne parvient pas à le faire. Elle contrevient ainsi à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948, en particulier à son article 13/2 qui garantit à chaque être humain la liberté d'aller et de venir dans notre monde, et d'être accueilli partout où il lui  semble bon de vivre.
Alors, on va dire, si j'entends bien le vocabulaire utilisé sur Facebook par exemple, que je suis un bisounours qui ronchonne des cucuteries.
Eh bien j'assume. Je veux être cela, plutôt qu'un salaud.
Je pars demain me reposer quelques jours en Grèce, cette pointe d'Europe à laquelle nous devons tant, et qui est, elle aussi, particulièrement sur l'île de Lesbos dans le Dodécanèse, fragilisée par le jemenfoutisme des autres pays de l'Union : elle accueille en grand nombre des réfugiés, elle, l'un des pays les plus pauvres de l'UE, et on l'empêche de les répartir ailleurs, par simple égoïsme. C'est toujours comme cela : les plus pauvres sont les plus généreux, les riches - que nous sommes - crèveront asphyxiés dans leurs richesses.
La Grèce est le berceau d'une humanité qui raisonne, qui pense, qui est généreuse, et qui a le droit vraiment de tenir en respect le reste du monde. Autrefois, il n'y a pas si longtemps, dans ma jeunesse, elle était le berceau de ce que l'on appelait même "les humanités", une manière de cycle d'études qui passait pour conduire à la sagesse.
Est-ce que tout cela est fini? Est-ce que ce que j'ai eu la chance de connaître et de vivre comme épanouissement intellectuel et spirituel est fini? Est-ce que cela va périr avec ma génération? Je ne veux pas le croire - et je compte sur les excellents  établissements scolaires que sont  le Collège ou l'Athénée d'Enghien pour renverser la tendance.
Mais franchement, il est temps, grand temps. Ici, il ne s'agit pas que de climat ou de solidarité sociale, mais d'une chose beaucoup plus englobante, plus déterminante, plus urgente encore - ça s'appelle la culture. Cela s'enracine dans le souci de l'autre, qui passe, qui doit toujours passer, avant le souci de soi. Sinon, plus d'humanité : Platon, Aristote, Eschyle, Sophocle, Euripide et les autres sont là pour nous le rappeler.

mardi 18 juin 2019

Brillants étudiants...

Je rentre de Louvain-La-Neuve où j'ai passé l'après-midi à interroger des étudiants. Que de brillantes prestations!
Mon cours, cette année, portait sur la lecture de textes d'auteurs spirituels catholiques contemporains, depuis Thérèse de Lisieux jusqu'à André Louf, en passant par Marie Noël, Edith Stein, Chiara Lubich, Maurice Zundel, Jean Lafrance, etc... J'ai été, en particulier et une nouvelle fois, ébloui par la prestation de mes étudiants musulmans. Une dame, par exemple, m'a offert un exposé remarquable sur… Edith Stein, philosophe juive convertie au christianisme catholique, devenue carmélite et finalement déportée et gazée en 1943, canonisée par Jean-Paul II sous son nom religieux de "Thérèse-Bénédicte de la Croix". Qu'une musulmane soit parvenue à capter avec une telle finesse la modernité d'Edith Stein, la vigueur spirituelle de sa pensée, la pertinence contemporaine de son parcours, la leçon que tout cela devrait nous donner à tous aujourd'hui, j'avoue que j'en suis… baba! Et reconnaissant!
Quelquefois, on se demande si l'on fait bien d'enseigner encore, si cela vaut la peine d'investir dans des leçons, de suivre des travaux académiques, etc. Eh bien, voilà un élément de réponse!

lundi 17 juin 2019

Souvenirs, souvenirs...

La nuit s'avance… Et je relis le "Journal" que je tenais dans les dernières années de mon Séminaire, à Tournai, juste avant l'ordination sacerdotale qui eut lieu le 24 juin 1984 - il y aura bientôt trente-cinq ans!
Puis-je citer une page? Je la signerais encore, elle date de la retraite préparatoire à l'ordination, et précisément du vendredi 22 juin 1984 - l'avant-veille de ce jour-là, donc, une avant-veille dont je me souviens vaguement qu'elle était troublée, assaillie de doutes. On ne se décide pas à passer toute sa vie dans le célibat consacré, au service d'une Eglise diocésaine, "comme ça", sans quelques soubresauts intérieurs. Bon, en tous les cas, voilà ce texte:


                              
                                                      Vendredi 22 juin 1984


     Vivre dans ma chair ce que je célébrerai : le mystère de Jésus Abandonné. J'avais oublié qu'il est mon seul époux. Je n'ai que lui sur la terre. Alors, tout devient possible et l'unité, notre Idéal, me fera choisir jour après jour de vivre pour Dieu. "Quand l'ombre de la Croix paraît, je me recueille. Une douleur, quelle qu'elle soit, est toujours comme le tintement de la cloche qui appelle à la prière" (Chiara Lubich). J'ai cru comprendre qu'il me veut faible, "pour que je n'aille pas m'enorgueillir" (2Co 12, 7).
     Voici que se termine cette retraite. Je crois y avoir fait une expérience fondamentale : que seule ma faiblesse, mon péché, l'écharde dans ma chair, me permettront de prier vraiment, de crier, toujours, pour demander l'humilité. Cela fait extrêmement mal : on voudrait que tout fût propre et net, qu'il n'y eût aucune bavure et, par une économie mystérieuse, le Seigneur enfonce dans notre chair une écharde de faiblesse et l'y maintient fermement, comme lui-même fut fermement maintenu à la Croix par les clous.
     Accepter de démissionner de la volonté d'être net, pour crier vraiment qu'on n'en sort pas seul, et accéder à la prière du Nom de Jésus. Ne jamais oublier cela. Jamais. Au risque, sinon, de se perdre pour de bon.
     "Ceci est mon Corps, ceci est mon Sang" : après-demain, si Dieu me prête vie, je serai devenu avec sa grâce et la force de son Esprit une chair prêtée pour être transformée en la sienne. Quelle mystérieuse alchimie! J'ai renouvelé aujourd'hui ma consécration à Jésus Abandonné, pour que tout péché soit vécu en lui comme déjà pardonné, toute faiblesse comme déjà secourue, toute souffrance comme déjà soufferte. Toute lutte, comme déjà victorieuse. Ô Dieu, qu'il en soit ainsi, je t'en supplie!  "Jésus, Fils de Dieu, Sauveur, prends pitié de moi, pécheur!"

mercredi 5 juin 2019

Election de Mgr Warin au siège épiscopal de Namur

On apprend aujourd'hui l'élection par le pape François, au siège épiscopal de Namur, de Mgr Pierre Warin, qui en était jusqu'ici l'évêque auxiliaire depuis 2004. Je me réjouis profondément de cette nomination, conforme en tous points au profil des évêques que le pape souhaite promouvoir : humilité, discrétion, service pastoral avant tout, et bien entendu, en même temps, intelligence et sagesse de la foi.
On dira : il est déjà âgé… c'est en effet un épiscopat, en principe, pour cinq années. Mais quel bien peut-on faire en cinq ans! Les présidents français de la République ne se contentent-ils pas d'un quinquennat, lorsqu'ils sont élus?
Bravo, cher Monseigneur, et merci d'avoir accepté cette tâche! Nous vous accompagnons par notre prière!