samedi 21 septembre 2019

Julien Green

Julien Green aura été l'un des plus grands écrivains français du XXème siècle (1900-1998). D'origine américaine et protestante, il s'était converti au catholicisme à la mort de sa mère, et son Journal, ses Romans, ses essais (notamment sur François d'Assise) lui ont donné la réputation d'être l'un des  écrivains catholiques contemporains les plus importants.
Il était homosexuel, ne s'en cachait pas, et a fini sa vie avec son fils adoptif Eric Jourdan (devenu donc Eric Green), qui était son dernier (?) amant en date. J'ai rencontré (en tout bien tout honneur, hein…) le père et le fils chez … le Saint Esprit, notre ami commun Yannick Guillou, avec Gérard Dubuisson et peut-être d'autres convives (sans doute la délicieuse Françoise Lengellé, admirable claveciniste, je ne sais plus si elle était là pour nous enchanter de son talent…) en 1989, rue de Solférino. Soirée délicieuse, où il fut question de musique (Yannick - et donc j'imagine aussi Françoise - avaient joué pour nous des pièces de Couperin), de liturgie, de foi catholique, de littérature - j'avais dit au Maître (il était Académicien Français) combien j'avais été bouleversé par son roman de 1960, Chaque homme dans sa nuit, dont le titre m'a inspiré celui d'un tout petit essai de spiritualité que j'ai écrit bien plus tard : Un homme, la nuit.  Il ne pensait pas, m'a dit alors sa voix fluette, que ce livre fût encore lu par un jeune homme (prêtre de surcroît), de mon âge. Peut-être me draguait-il un peu…
Peut-être. Car on vient de publier l'intégralité de son Journal, qui était jusque là en Pléiade privé de pages censurées, et l'intégralité donne à voir une personnalité qui drague et qui baise… évidemment, nous sommes dans les années trente, et le jeune d'homme d'alors a donc une trentaine d'années, mais c'est tous les jours, et avec un luxe de détails pornographiques à faire rougir les plus blasés. Et quand je dis "tous les jours", c'est tous les jours avec des mecs différents, des rencontres de passage ou des locations de service. Avec, en prime, ce qui est balancé sur les petits copains écrivains et cathos qui ne seraient pas plus vertueux (Mauriac, au passage…)
Evidemment, le landernau catholique s'indigne sur les réseaux sociaux (et encore, les meilleurs, ceux qui savent que Julien Green a existé) : pourquoi a-t-on publié cela? La réponse est simple : il le souhaitait lui-même, comme il souhaitait que ce ne le fût pas de son vivant.
Eh bien il y a là quelque chose qui me le fait estimer davantage : il voulait que l'on fût au courant du drame qu'a été l'homosexualité honteuse tout au long du XXème siècle, ce qu'elle a pu produire comme dissimulation et comme hypocrisie, ce que des gens en ont souffert! Il voulait, je pense, donner le témoignage cru (et cru, ça l'est) mais littéraire,  de ce tourment-là, vécu par un homme   profondément chrétien.  Il y a quelques années, à la suite d'un colloque, j'avais donné à une revue de Philologie Romane de l'Université Catholique de Louvain, à laquelle j'appartiens, un article sur ce sujet, intitulé je crois  "Julien Green, la foi obscure  de l'homme dans sa nuit".
Ce que j'apprends de la publication désormais intégrale de son Journal me conforte dans les hypothèses que je faisais alors : étrangement, paradoxalement, le tourment de Green aura été le moteur de son écriture, et plus encore, de son  salut.
Il serait bon de ne pas l'oublier lorsqu'on s'interroge, dans l'Eglise catholique, sur l'accueil à réserver aux personnes homosexuelles.

jeudi 19 septembre 2019

"L'humilité, autrement dit la Philosophie morale"

Dans le calme du soir, je me réconforte en lisant la très subtile, très fine traduction que l'ami René de Ceccatty vient de faire du Banquet de Dante (Seuil, 2018, 320pp.), cette merveille d'humanisme. P. 197, j'y trouve : "Il faut savoir que les mœurs sont la beauté de l'âme, avant tout les vertus qui, parfois, par vanité ou orgueil, apparaissent comme moins belles et moins plaisantes (…). C'est pourquoi je dis que, pour l'éviter (l'orgueil), on doit la regarder (la Sagesse), c'est-à-dire prêter attention à ce en quoi elle est un modèle d'humilité, autrement dit à ce qui s'appelle Philosophie morale. Et j'ajoute que, en visant cette part, à savoir la Sagesse, tout être vicieux redeviendra juste et bon."
Eh bien vers le terme d'une semaine agitée par toutes sortes de procédés peu ragoûtants, décevants et médiocres, mais hélas fréquents dans tous les milieux,  je me confie à la savoureuse prédiction du poète...

mercredi 11 septembre 2019

Le pape ne craint pas le schisme

Retour de Madagascar, dans l'avion, le pape François s'est livré à l'une de ces interviews qu'il semble apprécier.
Après plusieurs considérations sur les situations locales qu'il avait rencontrées, on lui a (re)posé la question d'un ou de possibles schismes venus des Etats-Unis ou même de la Curie romaine, pour contrer l'ouverture spirituelle et doctrinale dont il veut faire preuve.
- "Je ne crains pas les schismes", a-t-il répondu en substance, "ils ont toujours suivi les grands Conciles et leur mise en œuvre Je prie pour qu'ils n'arrivent pas, mais s'ils arrivent, ils ne me font pas peur."
Ainsi voyons-nous que le sens de l'unité de l'Eglise - qui est son premier devoir, et il le sait - ne se laisse pas impressionner par les déclarations précipitées, tonitruantes, exagérées et donc passablement stupides de ce que De Gaulle eût appelé "un quarteron de cardinaux", quelques sbires décalés et frustrés qui veulent se faire mousser et surtout sont des pourvoyeurs de fonds américains à la solde des Républicains de leur pays pour influencer, mais oui, à coup de dollars, l'élection d'un nouveau pape davantage en phase avec leurs idées et options capitalistes.
Résiste, François, bravo, résiste, on te porte!

A quoi sommes-nous prêts?

En ce qui concerne le climat et ses changements et ses turbulences, et l'incidence que l'espèce humaine a dans tout cela : je suis convaincu.
La question est : à quoi sommes-nous prêts pour inverser, un tant soit peu, et s'il n'est pas trop tard, la tendance?
Je suis de ceux qui pensent qu'il faut poser clairement la question, et arrêter de culpabiliser les consommateurs qui torturent leur conscience quand ils souhaitent s'offrir un steak.
A quoi sommes-nous prêts?
Par exemple, et si nous voulons avoir une petite chance de changement :


- sommes-nous prêts à supprimer les fermes d'élevage bovin, ovin, porcin, les abattoirs et les boucheries industrielles et artisanales? Avec les conséquences suivantes : redonner un autre travail aux personnes ainsi désemployées?


- sommes-nous prêts à fermer les grands aéroports internationaux, à limoger leur personnel, à interdire les grands déplacements en avion, à persuader les jeunes générations qu'il va leur devenir très difficile de visiter le monde comme leurs prédécesseurs l'ont fait, à leur dire qu'ils doivent se contenter de visiter les pays que les trains leur permettent de rejoindre sans trop de délais?


- sommes-nous prêts à interdire les croisières et les compagnies qui les gèrent,  la fabrication, la maintenance et l'accompagnement des grands paquebots, en envisageant la fin d'un certain tourisme et la mise au chômage que cela va entraîner - surtout dans les pays les plus modestes, qui vivent pour l'essentiel de ce tourisme?


- sommes-nous prêts à  ne plus acheter de voiture, diesel, essence ou électrique, sachant que chacun de ces modes de propulsion pollue plus ou moins de façon équivalente? Sommes-nous prêts dès lors à accepter la construction de réseaux ferroviaires suffisamment denses pour acheminer chacun de son lieu d'habitat vers son lieu de travail?


- sommes-nous prêts à réduire de 90 % notre usage de l'ordinateur, spécialement les courriers électroniques, dont on connaît l'impact sur l'environnement? Par "ordinateur", entendons évidemment non seulement les pc, mais les iPhone, iPad, etc. ? Sommes-nous prêts à revenir à du courrier postal, dûment estampillé par les timbres et distribué par de valeureux facteurs, rémunérés comment?


- Etc.


J'ai listé ici quelques-unes - quelques-unes seulement - des questions qu'il faut poser, et dont on voit bien que la résolution ne vient pas de décisions individuelles (qu'on arrête donc de culpabiliser chaque jour ceux qui n'ont d'autre moyen que de se couler dans le système existant). La décision revient au monde politique, non seulement belgo-belge  bien sûr (à quelque niveau que ce soit), mais européen pour le moins, et même mondial. Car si l'Europe seule prenait des décisions de ce type, de façon drastique et même étalées sur vingt ans, elle se ferait évidemment bouffer par les autres puissances économiques qui n'en feraient pas autant.


Je crois qu'il est urgent d'agir, oui, mais au niveau politique mondial. Que chacun fasse tout ce qu'il peut et tout ce qui lui semble juste dans son domaine, bravo. Mais il faut un plan mondial sur vingt ans, sinon - pas de résultat. J'entends peu de voix qui le disent, et moins encore qui le font. La Commission européenne va se mettre en place : premier niveau significatif d'un changement. Une fois passées les nominations politiques (ou politiciennes), qu'entendrons-nous comme décision commune et d'importance, contraignante, et réellement porteuse de changement?


Wait and see...