samedi 25 novembre 2017

Barbara...

Vingt ans hier que Barbara est morte... Barbara! Je crois que je sais par cœur la plupart de ses chansons, qui me reviennent de temps à autre, comme de fidèles compagnes de vie. Barbara! Le plus beau des spectacles, dans mon souvenir, un soir de la fin des années '80, au Châtelet, Barbara entre ombre et lumière, Barbara murmurant "Ma plus belle histoire d'amour", Barbara!
Ainsi certains artistes auront accompagné notre vie, notre histoire, ils leur auront donné des mots. Moins d'un an après la mort de Barbara, ma mère mourait, et toujours j'aurai dans l'oreille cette chanson faite pour elle :


"Moi, j'ai quitté Rémusat
Depuis que vous êtes partie.
C'était triste, Rémusat,
Depuis que vous n'étiez plus là.
Et j'ai repris ma valise,
Mes lunettes et mes chansons.
Et j'ai refermé la porte
En murmurant votre nom.
Où êtes-vous ma nomade,
Où êtes-vous à présent?
Avec votre âme nomade,
Vous voyagez dans le temps...
Et lorsque les saisons passent,
Connaissez-vous le printemps,
Vous qui aimiez tant la grâce
Des lilas mauves et blancs?
Vous disiez : pas une larme,
Le jour où je n'y serai plus.
Et c'est pour ça que je chante,
Pour ça, que je continue.
Pourtant, quand je me fais lourde,
Comme j'aimerais poser
Ma fatigue à votre épaule,
Et ma tête sur vos genoux.
Vous ne m'avez pas quittée,
Le jour où vous êtes partie!
Vous m'avez faite orpheline,
Le jour où vous êtes partie,
Et je suis une orpheline,
Depuis que vous m'avez quittée!"

vendredi 24 novembre 2017

"Ô grand saint Nicolas,la, la,la, la, la... "

Nicolas de Myre est un saint évêque qui a vécu il y a bien longtemps, entre la fin du IIIème et le début du IVème siècle. On sait de lui assez peu de choses réellement historiques - par exemple, sa participation active au premier grand Concile christologique de Nicée, en 325, qui devait définir la divinité du Christ, à l'encontre des "Ariens" (partisans du prêtre Arius qui ne voyaient en Jésus qu'un homme remarquable, mais en aucune façon Dieu incarné.) Le reste, c'est beaucoup de légende, mais une légende respectable, qui fait de lui, surtout dans les pays du Nord de l'Europe, le saint protecteur des enfants, des écoliers, des professeurs. Tout cela est plutôt sympathique.
Comme il était évêque, l'iconographie traditionnelle le représente toujours mitré et crossé - ce sont les habits liturgiques habituels de l'évêque, aujourd'hui encore. La mitre, ornée ou non d'une croix (la plupart du temps, elle ne l'est pas!) est donc un ornement liturgique épiscopal chrétien. C'est le "bonnet de docteur", attestant que l'évêque, successeur des apôtres, est dans son diocèse le fidèle interprète de la Bible, Ancien et Nouveau Testaments (d'où les deux "fanons" qui la parent sur l'arrière). La crosse, ou bâton pastoral, est le bâton de celui qui guide les brebis, avec un bout recourbé, pour les rattraper par le cou ou par la patte si elles venaient à s'égarer...
Qu'on mette ou non une croix sur la mitre de saint Nicolas, cela n'a donc aucune importance. Si l'on voulait en faire complètement un personnage "neutre", non chrétien, et non évêque, il faudrait lui ôter tout à fait cette mitre, et aussi sa crosse, et le reste de ses ornements (aube, étole et chape, qui sont les attributs liturgiques du prêtre), et surtout arrêter de dire qu'il est "saint", car ce vocable - même si je suis sûr qu'il y a des saints partout, dans toutes les religions et chez les non-croyants), n'est d'habitude attribué qu'aux chrétiens. Bref, il faudrait le dénuder. Je ne suis pas sûr que, du point de vue de la décence, cela ajouterait beaucoup au protecteur des enfants...
On se fiche de qui, avec ces polémiques idiotes et ces simagrées?
L'essentiel : le bien des enfants, des écoliers et des enseignants, pour lesquels nous aurons une pensée particulière dans les célébrations du 6 décembre prochain à Enghien - l'église d'Enghien en effet est placée sous le patronage du "Grand Saint". "Venez, venez, saint Nicolas, venez, venez saint Nicolas, apportez-nous des noix dans nos petits souliers" (et si, tout en gardant fièrement votre mitre sur la tête,  vous pouviez aussi remettre gentiment à leur place quelques imbéciles, par exemple en leur glissant, à eux,  des bonnets d'âne dans leurs petits souliers à la place des friandises attendues, c'est pas de refus!)

samedi 18 novembre 2017

"Ca ne se compare pas!"

Déjeuné ce midi comme souvent le samedi dans le gentil petit restaurant asiatique de la Rue de Bruxelles - l'en apprécie beaucoup les Patrons, et j'admire leur courage. Comme souvent, peu de monde à ce moment -là : deux tables d'habitués (dont la mienne). Et, à côté de moi, une jeune famille, papa, maman, et deux enfants : un bébé et une petite fille qui doit avoir environ trois ans. Et qui donne bien haut ses commentaires : "Dé-li-cieux!", crie-t-elle en détachant les syllabes. La maman lui demande : "Et la sauce, est-elle aussi bonne que celle que fait papa?" Réponse - je n'invente rien : "Ca ne se compare pas!" Et toc, pour le papa...
Ah, les enfants, leur franchise, leur drôlerie, quel trésor...


Autre "papa" : j'apprends aujourd'hui que le Frère Damien Debaisieux, quarante-six ans, a été élu Père Abbé de l'Abbaye cistercienne de Scourmont (Chimay). Son abbatiat prendra la relève de celui, long et fructueux, de Dom Armand Veilleux, pour conduire cette communauté de frères qui est si chère à notre Diocèse! J'aurai pour lui ce week-end une prière toute particulière pendant les célébrations eucharistiques.

mardi 14 novembre 2017

Gisèle...

Dans un article précédent, je disais avoir conféré l'Onction à Gisèle, la veuve de mon ancien instituteur. Je reviens de Sivry, où j'ai célébré ses funérailles ce matin - elle s'en est allée, paisiblement, jeudi dernier après avoir demandé, elle qui était toujours l'élégance même, à jeter un dernier coup d'œil au miroir...
Sur le "souvenir pieux", je lis ce mot de Christian Bobin, que les enfants ou petits-enfants ont tiré de je ne sais lequel de ses recueils, et que je trouve très inspirant :


"Chaque séparation nous donne une vue de plus en plus ample et éblouie de la vie. Les arrachements nous lavent. Tout se passe, dans cette vie, comme s'il nous fallait avaler l'océan. Comme si, périodiquement, nous étions remis à neuf par ce qui nous rappelle de ne pas nous installer, de ne pas nous habituer. La vie a deux visages : un émerveillant et un terrible. Quand vous avez vu le visage terrible, le visage émerveillant se tourne vers vous comme un soleil."


Et aujourd'hui, en effet, les bonnes nouvelles se succèdent : une nièce adorée (et adorable) pour laquelle on craignait une pathologie sévère, au sortir d'une investigation approfondie, a reçu la bonne nouvelle - elle n'a rien de grave! Une famille, où certaines relations étaient tendues, se réconcilie. Un jeune homme, ou plutôt un homme encore jeune, que des parents me demandaient de rencontrer parce qu'il a de sérieux problèmes de dépression et d'alcool, sort ragaillardi d'une cure hospitalière et a repris le travail - tout cela est encore fragile, mais va dans le bon sens!


Il est vrai que, sur les trois dossiers, j'avais mis Marie Noël dans le coup. On parle de sa béatification : elle va peut-être avoir besoin d'accomplir des miracles, pour y aider (je la "charrie" un peu en disant ça, mais cela ne doit pas lui déplaire.) Et depuis jeudi, j'avais mis aussi Gisèle, ma chère défunte d'aujourd'hui, sur les mêmes dossiers - j'ai rappelé ce matin qu'il y avait chez elle, dans ses rapports avec le Bon Dieu, un aspect syndicaliste. Elle convenait évidemment que le Bon Dieu était le Patron, mais de temps en temps, elle estimait que devant des situations graves, il fallait, comme elle le disait, "faire violence au ciel" et se regrouper pour des revendications sectorielles si l'on jugeait insuffisants les salaires ou rémunérations... Cela n'allait pas jusqu'à la grève (de la prière), non, mais on était quelquefois au bord de la mauvaise humeur vis-à-vis du PDG...
Je vois qu'elle continue de faire au ciel cette "douce violence".


Et aux lecteurs qui trouveraient que mes propos sont niais, je dirais de façon très sérieuse : n'admettez jamais que la vie ne soit simplement que ce qu'elle est. Elle possède une dimension infiniment plus mystérieuse à laquelle nous avons peu d'accès, mais qui en garantit - et nous le pressentons quelquefois - toute la saveur!

jeudi 2 novembre 2017

Jour des morts...

Au lendemain de la fête lumineuse de Toussaint (célébration de la sainteté, qui est la vocation de tout être humain, sa vocation et son bonheur), l'Eglise célèbre "les fidèles défunts". Les morts, autrement dit. Et on a l'impression que le temps (qu'il fait, pas le temps qui passe!) s'est mis au diapason : il fait gris, le ciel est bas, la température chute. Bref, c'est aujourd'hui vraiment l'automne sur Enghien...
Quel rapport entretenons-nous avec nos morts?
Et avec la mort?
Car celle-ci nous concerne, nous, et pourtant nous n'y pensons guère : peut-être de façon heureuse, car l'obsession de la mort serait un oubli de vivre.  De temps en temps, pour rire sérieusement, je rappelle à mes étudiants cette vérité première et qu'ils ne savent pas, ou qu'ils savent sans la savoir, et je la leur rappelle de façon brutale : "Vous allez mourir. Statistiquement, c'est plus que probable. C'est même l'une des quasi-certitudes statistiques." Ils rient... jaune, je crois, un peu surpris tout de même qu'on leur envoie en pleine figure ce qui est pourtant une nécessité évidente de la vie humaine. Nous allons mourir, tous. On ne sait pas à quel âge : jeune (une jeune femme vient de mourir à Hoves, à 27 ans, de maladie), ou très âgé, bébé, enfant, d'âge mûr, la mort surprend tout le monde, et il n'y a pas de règle, et toutes les techniques médicales du monde n'ont pas encore pu mettre de l'ordre là-dedans! C'est pour moi la première question de ce "jour des morts" : quel rapport avons-nous avec notre propre mort? Et,  tout simplement, avec la mort? Il serait bien possible, en effet, que, selon qu'on envisage sa mort, on vive de telle ou telle manière...
Et puis, bien sûr, nous commémorons "les morts", "nos morts", "nos fidèles défunts". Ce dernier mot s'applique d'abord aux défunts chrétiens (c'est le sens habituel du latin fidelis, "qui a la foi".) Mais nous avons tous des "fidèles", au sens plus large, qui, chrétiens ou non, constituent la communauté intime de "nos" morts.
Quel rapport entretenons-nous avec eux?
Un souvenir pieux, comme on le disait autrefois des cartons imprimés avec photo distribués au jour des funérailles? Un souvenir... qui durera, dès lors, autant que nous et qu'une poignée d'autres, sauf si cette trace de la mémoire se prolonge par le bénéfice de quelque œuvre d'art, littéraire, musicale, ou par quelques hauts faits historiques.  En tous les cas, ce n'est pas grand chose : l'affaire de quelques générations, tout au plus!
Pouvons-nous escompter une communion plus durable avec "nos" morts? Oui, c'est l'espérance de l'Eglise, qui non seulement correspond au désir profond du cœur humain ("L'homme passe infiniment l'homme", écrivait Pascal dans l'une de ses Pensées), mais au cœur de la foi chrétienne : le Christ a vaincu la mort, il est "le premier-né des morts", le Vivant sur lequel la mort n'a plus aucune emprise, et il entraîne avec lui dans cette victoire ceux et celles qui veulent bien le suivre.
La "commémoraison" de tous les fidèles défunts, du coup, devient plus lumineuse : certes, le temps reste gris, à l'intérieur comme à l'extérieur, certes, le deuil reste cruel et la séparation quelquefois dramatique. Mais l'espérance naît, dans la foi, d'une charité (je cite à dessein les trois "vertus" théologales, celles qui nous permettent de vivre avec Dieu) qui se fait communion de vie, par-delà l'espace et le temps, et la frontière somme toute fragile de l'existence  simplement terrestre.
Les morts nous précèdent, nous attendent, et nous espèrent... Ce jour en est le signe!