jeudi 2 novembre 2017

Jour des morts...

Au lendemain de la fête lumineuse de Toussaint (célébration de la sainteté, qui est la vocation de tout être humain, sa vocation et son bonheur), l'Eglise célèbre "les fidèles défunts". Les morts, autrement dit. Et on a l'impression que le temps (qu'il fait, pas le temps qui passe!) s'est mis au diapason : il fait gris, le ciel est bas, la température chute. Bref, c'est aujourd'hui vraiment l'automne sur Enghien...
Quel rapport entretenons-nous avec nos morts?
Et avec la mort?
Car celle-ci nous concerne, nous, et pourtant nous n'y pensons guère : peut-être de façon heureuse, car l'obsession de la mort serait un oubli de vivre.  De temps en temps, pour rire sérieusement, je rappelle à mes étudiants cette vérité première et qu'ils ne savent pas, ou qu'ils savent sans la savoir, et je la leur rappelle de façon brutale : "Vous allez mourir. Statistiquement, c'est plus que probable. C'est même l'une des quasi-certitudes statistiques." Ils rient... jaune, je crois, un peu surpris tout de même qu'on leur envoie en pleine figure ce qui est pourtant une nécessité évidente de la vie humaine. Nous allons mourir, tous. On ne sait pas à quel âge : jeune (une jeune femme vient de mourir à Hoves, à 27 ans, de maladie), ou très âgé, bébé, enfant, d'âge mûr, la mort surprend tout le monde, et il n'y a pas de règle, et toutes les techniques médicales du monde n'ont pas encore pu mettre de l'ordre là-dedans! C'est pour moi la première question de ce "jour des morts" : quel rapport avons-nous avec notre propre mort? Et,  tout simplement, avec la mort? Il serait bien possible, en effet, que, selon qu'on envisage sa mort, on vive de telle ou telle manière...
Et puis, bien sûr, nous commémorons "les morts", "nos morts", "nos fidèles défunts". Ce dernier mot s'applique d'abord aux défunts chrétiens (c'est le sens habituel du latin fidelis, "qui a la foi".) Mais nous avons tous des "fidèles", au sens plus large, qui, chrétiens ou non, constituent la communauté intime de "nos" morts.
Quel rapport entretenons-nous avec eux?
Un souvenir pieux, comme on le disait autrefois des cartons imprimés avec photo distribués au jour des funérailles? Un souvenir... qui durera, dès lors, autant que nous et qu'une poignée d'autres, sauf si cette trace de la mémoire se prolonge par le bénéfice de quelque œuvre d'art, littéraire, musicale, ou par quelques hauts faits historiques.  En tous les cas, ce n'est pas grand chose : l'affaire de quelques générations, tout au plus!
Pouvons-nous escompter une communion plus durable avec "nos" morts? Oui, c'est l'espérance de l'Eglise, qui non seulement correspond au désir profond du cœur humain ("L'homme passe infiniment l'homme", écrivait Pascal dans l'une de ses Pensées), mais au cœur de la foi chrétienne : le Christ a vaincu la mort, il est "le premier-né des morts", le Vivant sur lequel la mort n'a plus aucune emprise, et il entraîne avec lui dans cette victoire ceux et celles qui veulent bien le suivre.
La "commémoraison" de tous les fidèles défunts, du coup, devient plus lumineuse : certes, le temps reste gris, à l'intérieur comme à l'extérieur, certes, le deuil reste cruel et la séparation quelquefois dramatique. Mais l'espérance naît, dans la foi, d'une charité (je cite à dessein les trois "vertus" théologales, celles qui nous permettent de vivre avec Dieu) qui se fait communion de vie, par-delà l'espace et le temps, et la frontière somme toute fragile de l'existence  simplement terrestre.
Les morts nous précèdent, nous attendent, et nous espèrent... Ce jour en est le signe!

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