jeudi 29 septembre 2016

Grâce à José Fontaine, relire Malègue...

Il aura fallu qu'en 2013 le pape François cite Joseph Malègue, dans une interview et dans des revues culturelles jésuites, pour que l'on se souvienne de cet écrivain français (1876-1940) connu pour un roman publié en 1933 : Augustin ou le Maître est là. Roman qui connut à l'époque, et sans discontinuer, un succès époustouflant - à mon entrée au Séminaire de Théologie, en 1980, il était évident pour mon Directeur spirituel de l'époque, le Chanoine Milet, qu'il fallait avoir lu "Augustin". Une autre publication, posthume, Pierres Noires ou les Classes Moyennes du Salut, en 1958, sera loin de connaître le même destin éditorial.
Malègue, c'est une plongée dans ce que le Chanoine Aubert, professeur à l'UCL, appelait dès 1945 "le problème de l'acte de foi", c'est-à-dire cette confrontation permanente que l'acte de foi impose entre le monde de la révélation et celui de la raison. C'est le ressort de la "crise moderniste" du début du XXème siècle, qui conduisit tant de penseurs et d'enseignants catholiques à remettre en cause, et jamais sans drame, leur foi du charbonnier - tel est bien le sujet d' "Augustin". Mais Malègue, c'est aussi - et il fallait notre ami José pour le souligner - l'insistance sur la "communion des saints" hors laquelle il n'est point de salut partagé par tous, hors laquelle les "classes moyennes du salut" n'existeraient pas.
José Fontaine m'a fait aujourd'hui le bel hommage du livre qu'il vient de publier sur cet écrivain désormais méconnu : La gloire secrète de Joseph Malègue (1876-1940), publié chez L'Harmattan (coll. "Approches littéraires"). José - beaucoup d'entre vous le connaissent - est un paroissien et un ami, un intellectuel discret mais engagé dans plusieurs combats qui marquent sa vie, parmi lesquels le "combat wallon", si j'ose ainsi dire. C'est un philosophe, auteur en 1975 d'une thèse de doctorat portant  sur "Rousseau, Kant et le problème du Mal", à l'Institut de Philosophie de Louvain. C'est un enseignant et un chercheur, précisément chercheur de raison et de foi. C'est un chrétien fidèle, un père et un grand-père rempli d'attention, un priant. J'ai dévoré son texte, très lisible, illustré par des extraits repris en finale de chaque chapitre, éclairant non seulement sur Malègue mais sur l'importance encore actuelle de la crise moderniste pour l'intelligence de la foi, pour une certaine manière d'oser aujourd'hui une parole théologique en dialogue avec la raison - meilleur remède aux fanatismes toujours possibles et de la rationalité et de la religion.
Tous ceux qui aiment les liens entre la littérature et la foi, ou plus simplement la spiritualité, ou même plus simplement encore l'intériorité,  tous ceux qui, par exemple, se sont aventurés déjà dans le style et le monde de Proust, ou tous ceux qui ont trouvé en Bernanos un guide assuré dans la mise au jour du cœur de la foi, verront en Malègue et en la belle introduction qui lui est donnée aujourd'hui, de quoi se réjouir et se nourrir. Je remercie José d'avoir fourni cet effort d'écriture, je souhaite une grande carrière à son beau livre.

jeudi 22 septembre 2016

Entendre les exigences, apprendre à discerner, vivre en communauté, "refonder"

Je suis de plus en plus agacé, ces jours-ci, par les exigences des gens. On "veut" tel prêtre pour telle célébration, ce "doit" être lui, il "faut" se marier dans telle église, et tel jour à telle heure, on "a le droit" de faire baptiser son enfant de telle façon, en apportant les textes que l'on veut et, à la limite, sans se soucier de la Parole de Dieu, etc. Ajoutons à cela les médisances, et les calomnies : elles sont trop bêtes pour qu'on s'en encombre.
Il faut accueillir tout cela, sereinement : c'est la nature humaine.
Il faut éduquer tout cela, et même si c'est une fatigue sans cesse recommencée : c'est le devoir du pasteur. Dire "non" n'est pas plus facile pour celui qui le dit que pour celui qui le reçoit. Mais le pasteur a un devoir de discernement pour aider les personnes à grandir dans leur foi, et d'abord dans leur vie, à mettre de l'ordre dans leurs émotions, dans leur psychologie, dans leurs affects.
C'est ainsi que nous essayons  sans cesse de vivre en communauté, apprenant les uns et les autres, les uns aux autres, les uns des autres, ce qu'est le bien commun. Je l'ai déjà répété souvent sur ce blog : le bien commun, ce n'est pas l'addition (jamais réussie) des biens individuels, des soupirs et des désirs de chacun, mais c'est le bien d'une communauté de vie qui transcende toujours les intérêts et les souhaits particuliers. Toutefois, la recherche de ce bien-là procure plus de joie que la satisfaction des volontés personnelles.
Ce soir, à Tongre-Notre-Dame, dans la Basilique, notre évêque va présider, pour la Région d'Ath, une soirée de lancement de l'année "refondation" qui, dans chacune de nos Unités Pastorales, va mettre en œuvre les décisions et les décrets du Synode diocésain. Quelles que soient les décisions particulières que nous serons ensemble amenés à prendre durant cette année, il me semble que le mouvement de fond est celui que j'ai exprimé ci-dessus : chercher le bien commun. Le préférer à un réflexe de défense des intérêts particuliers. Le vouloir pour lui-même. Si chacun de nous agit et réagit dans ce sens, je promets à tous un accroissement de bonheur humain et chrétien.

mardi 20 septembre 2016

Du traitement de l'information...

Aux JT de ce soir, principale source d'info pour un grand nombre  de concitoyens :
- dix minutes environ sur la question de savoir si Mr Wesphael a tué sa femme, avec abondance d'interviews et d'images;
- une minute environ sur le fait que la Wallonie, important exportateur d'armes, vend  60% de sa production à l'Arabie Saoudite, majoritairement sunnite, dont on sait qu'elle les utilise dans son combat contre les rebelles chiites du Yemen.  Sur RTL-TVI, du moins, pas de photo, pas d'explication, pas d'interview, juste un schéma et le chiffre en euros des exportations;
-cinq minutes aussi, j'allais oublier, sur cette nouvelle essentielle : Angelina Jolie a demandé le divorce d'avec Brad Pitt.

Cherchez l'erreur.

vendredi 9 septembre 2016

"Donnez-moi c'te vieille religion..."

En 1964, dans Fleuve profond, sombre rivière (Gallimard),  Marguerite Yourcenar a parlé de façon admirable des negro spirituals qu'elle traduisait.
Et j'y resongeais, tandis que s'agite le débat sur l'existence même du cours de religion en Belgique francophone, je repensais à ce chant que la grande dame rapporte  ainsi :

"Donnez-moi c'te vieille religion,
Donnez-moi c'te vieille religion,
Puisqu'elle conv'nait à mon papa,
Y'a pas d'raison qu'elle ne m'aille pas!

Donnez-moi c'te vieille religion,
Donnez-moi c'te vieille religion,
Puisqu'elle conv'nait au peuple élu,
Y'a pas d'raison qu'elle ne m'aille plus!"

Il fallait être Yourcenar pour dire avec autant d'allant  la poésie et la vérité d'un chant si simple, si magnifique.

dimanche 4 septembre 2016

Achille, son talon...

J'aurais aussi bien pu ne pas mettre de virgule, et l'intitulé de ce "post" eût été alors parfaitement enghiennois. Oui, parlons du talon d'Achille, d' "Achille son talon", comme on dit à Enghien. Car le talon d'Achille, c'est son point faible : sa maman Thétis avait plongé dans le Styx, pour le rendre invulnérable, son héros de fils, mais ce faisant, elle l'avait tenu par le talon - seul endroit de son corps resté vulnérable, ce que savait Apollon, qui guida vers ce point sensible la flèche empoisonnée de Pâris.
Toute cette mythologie, pourquoi, direz-vous? Parce que j'ai eu l'impression ce matin, lisant et commentant les propos de Jésus rapportés par saint Luc, qu'il n'était au fond pas question d'autre chose lorsqu'il nous est demandé de "porter notre croix", chacun, pour suivre Jésus, pour être disciple. Et de faire passer tout le reste après.
"Notre croix", qu'est-elle, sinon notre faiblesse, notre talon d'Achille? Chacun(e) le sien, chacun le plus secret, qu'on peut - qu'on veut, souvent - dissimuler, au lieu de l'offrir à la guérison du Christ, "vrai médecin des âmes et des corps".
Le plus important, dans la vie chrétienne, dans la sequela Christi, la "suite du Christ", c'est en effet une opération-vérité, une acceptation de sa faille, de son manque, de sa blessure, et une offrande qu'on en fait, greffant cette croix, quelle qu'elle soit, à l'unique Croix, celle du Christ. Tout le reste alors des relations, même intimes, même familiales, est repris et revu - et père et mère et frère et sœur, et amis : mais apprendre à débusquer son manque, et l'offrir au doux toucher du Christ, là est la clé souterraine et vivifiante, ressuscitante, de notre amour.