mercredi 28 septembre 2011

Le plus difficile...

Je viens de passer près de deux heures auprès d'une grande malade, qui me demandait...
J'ai pour cela dû renoncer à une réunion importante dans la paroisse... On ne saurait tout faire, et l'urgence commande.
Comme souvent, c'est la personne souffrante qui s'est inquitée de moi, plus que l'inverse. Elle a posé des questions, dont celle-ci : "Qu'est-ce qui vous aura le plus peiné, dans votre vie de prêtre?"
J'ai été un peu décontenancé par la question, je n'y avais au fond jamais réfléchi, du moins pas comme cela.
Je crois que j'ai balbutié quelque chose de convenable.
Comme je suis d'un tempérament "secondaire" (c'est-à-dire, plutôt lent), je médite au retour sur cette question, à laquelle j'apporterais maintenant la réponse suivante :

ce qui m'a peiné, au fond du coeur, le plus,
dans ma vie de prêtre,
c'est de constater que ce que je croyais le plus précieux d'une vie d'homme,
était considéré par beaucoup, qui m'aimaient bien,
comme ce sur quoi ils passaient volontiers pour m'aimer encore,
mais franchement en faisant là un grand effort.

Que la vie de ma vie, la vie de mon âme,
était considérée tout au plus comme des balivernes
par certaines gens que j'aimais,
et qui me regardaient avec un sourire en coin en pensant très fort
(au point que je l'entendais) : "Mon Dieu, quel dommage,
qu'un garçon somme toute intelligent
accorde son crédit à de telles niaiseries."

Et le comble, c'est que je peux comprendre, souvent,
le manque de crédit, de crédibilité,
des choses religieuses :
tant de fois compromises avec le pouvoir,
avec l'argent,
avec le sexe,
et de façon occulte,
puante,
si bien qu'on en est tous dégoûtés.

Pourtant,
quand je regarde le fond de mon coeur,
je pourrai dire ceci à la fin de mes jours :
même si l'angoisse est là à l'heure de ma dernière heure,
je ne regretterai jamais d'avoir donné ma vie au Christ,
et, par lui,
à l'Amour.

Voilà la réponse que j'aurais dû faire à cette femme,
et que je lui fais maintenant,
sachant qu'elle ne la lira
que dans l'éternité.

Qu'elle prie pour moi!

mardi 27 septembre 2011

Les Belges, pas si balourds que ça...

Depuis près d'un an et demi, les Belges ont pu passer - quelquefois à juste titre - pour les plus balourds des Européens : incapables de se doter d'un gouvernement fédéral, incapables de s'entendre.
Tandis qu'on semble s'acheminer vers le dénouement de cette longue crise, peut-on déjà en tirer quelques conclusions?
C'est sans doute possible...
D'abord, deux logiques s'affrontent dans ce pays, qui sont irréconciliables : le droit du sol (revendiqué par les Flamands), et le droit des gens (revendiqué par les Francophones). On retrouve cette opposition dans bien des parties du monde qui connaissent, pour ces motifs, des conflits quelquefois sanglants. Pris en eux-mêmes, chacun de ces principes est compréhensible : le droit du sol existe et mérite d'être respecté. Si vous allez habiter en Italie, vous serez priés de parler l'italien, vous mettrez probablement vos enfants à l'école en italien, vous recevrez vos courriers administratifs en italien, etc. C'est ce que réclament les Flamands pour les Francophones qui, même nombreux, habitent en... Flandre. Mais, d'un autre côté, lorsqu'une minorité devient significative (a fortiori lorsqu'elle devient... majoritaire), elle doit aussi être respectée.
Et donc, si l'on ne veut pas se faire la guerre, des compromis sont indispensables.
Le séparatisme, en effet, ne résoudrait rien : chaque logique (droit du sol, droit des gens) continuerait à fonctionner pour savoir comment on se partage le pays, et on se retrouverait à la case "départ".
Ensuite, pour accéder à l'idée même de compromis, il fallait, si j'ose ainsi dire brutalement, "virer" les extrémistes de ces deux logiques : les nationalistes de la NVA et les jusqu'auboutistes du FDF.
C'est donc fait, non sans un certain courage politique de la part de ceux qui ont accepté de "lâcher" ces extrémistes, au risque d'y perdre des plumes électorales, à savoir : le CDNV en Flandre et le MR dans la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Oh, il est probable que tout ne soit pas réglé. Mais les Belges, Roi en tête, ont (dé)montré une fois encore que la patience dans les négociations pouvait aboutir à une gouvernance que d'autres pays, plus idéologues, aux scrutains majoritaires conduisant nécessairement à une répartition bi-polaire de la vie politique (gauche-droite, voir la France) finiront peut-être un jour par nous envier...

samedi 24 septembre 2011

Le pape en Allemagne : importance oecuménique

Tard dans la nuit, de retour de la conférence donnée hier soir par Guy Gilbert qui est de passage à Enghien jusqu'à demain, j'ai pu capter sur KTO les images de la journée du pape à Erfurt.
Là se sont joués des moments historiques de première importance : la présence de Benoît XVI au couvent des Augustins d'Erfurt, où Luther a vécu et prié, où il a médité sur la question du mal en lisant la Lettre aux Romains, là où il s'est posé avec angoisse la question du salut. Par delà les déchirements multiséculaires, devant un parterre de pasteur(e)s et d'évêques protestants et catholiques, le pape a fait sans ambage l'éloge de cet homme, de sa quête spirituelle, de son intelligence de la foi.
L'oecuménisme avance, on le sait, difficilement et les divisions entre chrétiens - on m'en parlait l'autre soir encore dans un groupe de foyers que je visitais ici en paroisse - restent un scandale à la face du monde.
Par delà tous les discours, ce geste fort, explicitement demandé par le pape comme un moment important de son voyage apostolique dans son pays natal, parle certainement plus haut que toutes les embrouilles théologiques. C'est un geste prophétique que lui seul pouvait oser, à ce niveau-là, et qui, espérons-le, va marquer durablement les consciences chrétiennes.

mardi 20 septembre 2011

Rentrée académique à l'Université Catholique de Louvain

Hier lundi 19 septembre, c'était la rentrée académique à l'Université Catholique de Louvain. La messe d'ouverture au Saint-Esprit, célébrée dans l'église Saint-François, était, en l'absence de l'archevêque, présidée par notre évêque, Mgr Harpigny, entouré de Mgr Jousten (Liège), Mgr Vancottem (Namur), Mgr Hudsyn (auxiliaire de Malines-Bruxelles). J'étais heureux de l'entendre dire, dans son homélie, tout ce que l'Eglise de Belgique devait à l'Université catholique de Louvain, et tout ce que les évêques qui l'entouraient et lui-même, en particulier, lui devaient, en termes de recherche, d'enseignement, de service rendu à la société belge.
Alors que, régulièrement, certains esprits chagrins veulent opposer l'Université et l'Eglise catholique (voir le débat régulièrement relancé, à "gauche" ou à "droite", sur le "C" de UCL), ces propos avaient le mérite de prendre la hauteur de vue nécessaire.
Ils sonnaient juste.

dimanche 18 septembre 2011

Retrouver Jean Lafrance

Je rentre d'une semaine de retraite, passée dans la belle communauté des Carmélites de Floreffe.
J'y ai repris des textes de Jean Lafrance (1931-1991), ce prêtre du diocèse de Lille qui a tant écrit sur la prière. J'ai connu de près cet homme, qui a été pour moi un ami, et plus qu'un ami : un vrai "directeur spirituel". C'est lui qui m'avait conseillé, il ya bien longtemps, de publier certaines méditations, et c'est pour ce motif que je lui ai dédié mon premier livre, La Joie d'être sauvé (1989). Il a passé une bonne partie de sa (courte) vie de prêtre à prêcher des retraites dans des abbayes, des séminaires, des monastères, toujours pour y répéter la même chose : la prière n'est pas une activité qui, chez le baptisé, fait nombre avec d'autres. Elle est sa vie même, ou plutôt sa Vie (la majuscule donnant au terme plus qu'une élégance, une valeur d'éternité). L'Esprit ne cesse prier en nous (Rm 8), et cela quelles que soient nos activités, même si nous n'en prenons pas facilement conscience : c'est notre respiration spirituelle - de la respiration anatomique non plus, du reste, nous n'avons guère conscience, sauf quand elle fait défaut!
Les "temps de prière" (comme on dit, mais l'expression est malheureuse puisque la prière est de tous les temps), sont des moments où, vaille que vaille, nous nous rendons présents de façon plus lucide à cette Présence en nous du Souffle.
A quiconque sent en lui le goût - ou, au moins, la nostalgie - de la prière, je recommande de prendre en mains l'un ou l'autre des textes de Jean Lafrance, qui sont sans cesse republiés, par exemple La prière du coeur ou Persévérants da la prière ou La puissance de la prière, etc. On ne perd jamais son temps avec de pareils livres...

samedi 10 septembre 2011

"Croyant, pas pratiquant"

La formule revient souvent, dans les dialogues préparatoires aux funérailles, aux mariages, etc. : "Vous savez, moi, Mr le Doyen, je suis croyant, mais pas pratiquant." C'est une formule que je peux entendre : les gens, sans doute, signifient par là qu'ils portent en eux un souci de vie spirituelle, un certain rapport à Dieu, voire aux "choses de la foi". C'est une formule, en ce sens, respectable.
C'est aussi une formule qui montre vite ses limites : aurais-je idée de dire, moi, quelque chose du genre : "Je suis végétarien, mais je ne pratique pas. " Ou : "Je suis nudiste, mais je ne pratique pas." Ou : "Je suis marathonien, mais je ne pratique pas" ?
La pratique fait partie du contenu, tout de même, y compris pour la foi et l'appartenance chrétiennes. Celles-ci ne sont pas une espèce d'adhésion intellectuelle, ou d'habitude, constituée dans une part de son cerveau, mais elles n'existent, un moment donné, qu'au travers d'une pratique : pratique liturgique, certes (pas de foi chrétienne sans les sacrements, sans le baptême, la confirmation l'eucharistie et les autres qui sont des déclinaisons de ces trois-là); pratique éthique, aussi (pas de foi chrétienne sans le souci de l'autre, la dévotion à l'autre, le dévouement pour lui).
La pratique est le lieu où la foi se "vérifie" - au sens étymologique de ce mot : où elle fait sa vérité.
Prenez l'évangile de ce dimanche (Mt 18, 21-35) : la recommandation faite par Jésus d'apprendre à toujours se pardonner les uns aux autres. Nous ne serons "du Christ" que recevant l'inépuisable pardon de Dieu, qu'il nous offre, et le distribuant autour de nous, précisément à ceux "qui nous ont offensés".
Ce n'est pas une pratique, ça?

jeudi 8 septembre 2011

Questions autour des patros

Réunis cet après-midi autour du Doyen Principal, nous nous sommes, entre doyens de la Région Pastorale, posé, au milieu d'autres, la question suivante : état des lieux des patros de nos paroisses.
La situation est variable, certes : nombre, qualité des activités, locaux, liens avec les responsables pastoraux, etc.
Il y a tout de même une constante : de façon assez générale, les liens avec les paroisses (au sens de "communautés célébrantes") sont assez distendus. Tous les doyens constatent une autonomisation des patros par rapport aux structures paroissiales - sauf pour les questions administratives ou de locaux. C'est une évolution générale, probablement inévitable, et qui touche du reste aussi un certain nombre d'autres mouvements d'origine paroissiale.
Une fois posé ce constat vient l'heure de l'évaluation : cette évolution est-elle a priori favorable à ces mouvements eux-mêmes? (Il ne s'agit certainement pas, dans le chef des doyens, de récupérer quoi que ce soit ou, pire encore, de "ramener des gens à la messe"! La messe n'est pas un lieu où l'on traîne des gens qui n'en ont pas envie!) Mais : à s'autonomiser pareillement de la vie communautaire, ces institutions - les patros en particulier - ne vont-elles pas progressivement perdre leur identité, ce qui faisait leur caractère distinctif par rapport à d'autres mouvements?
Certains confrères disent qu'ils préfèrent aujourd'hui investir, en matière d'accompagnement pastoral, dans d'autres lieux où l'on retrouve des jeunes qui eux, se veulent explicitement chrétiens et sont désireux de vie communautaire : ceux qui tournent autour des JMJ, par exemple, ou autour des "nouveaux mouvements". On peut comprendre, à l'heure où, de toute façon, il faut faire des choix.
J'ai proposé que, dans les mois ou les années à venir, on risque l'organisation d'une grande journée de débat là autour, entre nous, et avec tous ceux que la problématique intéresse. Ce n'est encore qu'une idée - elle semblait rencontrer l'assentiment de mes collègues. J'espère que, par ce biais ou par d'autres, on avancera dans la réflexion autour de ces questions importantes : il s'agit de préserver l'identité d'un "patrimoine humain", si j'ose dire, et de continuer à faire vivre la richesse d'une expérience spirituelle que les patros et d'autres mouvements paroissiaux ont portée très loin. Et qu'ils doivent, à mon avis, continuer à porter, sous une forme ou sous une autre.
Le débat est ouvert...

vendredi 2 septembre 2011

Pourquoi je crois en Dieu

Une personne m'a récemment demandé pourquoi je croyais en Dieu. La question était même plus brutale : elle voulait savoir comment je pouvais croire en Dieu, alors que tant de catastrophes, de malheurs, de tourments, fondent sur le monde au quotidien - nous en avons eu notre part ici à Enghien dans le mois d'août, devant accompagner des deuils particulièrement cruels.
Reste la question : pourquoi je crois en Dieu?
Si j'essaie d'aller jusqu'au bout du bout de ma réponse personnelle, je dirais :
- ce n'est pas pour des raisons philosophiques, ou du moins pas d'abord. Je n'ai jamais été séduit, et encore moins convaincu, par le Dieu "premier moteur immobile" d'Aristote, ou par la "cause incausée" des métaphysiciens, pas plus que par le "Grand Horloger" de Voltaire, du reste. Les propos des frères Bogdanov, par exemple dans leur récent Le Visage de Dieu (Grasset, 2010), me semblent tout au plus du scientisme à l'envers : l'astrophysique postulerait nécessairement une transcendance! De ce point de vue, l'Univers, aussi magnifique soit-il, reste pour moi souvent une énigme à laquelle il ne faut probablement pas trop vite apporter une réponse, c'est une béance de sens qu'il ne faut pas trop vite vouloir combler. Si Dieu est, il n'est certainement pas un bouche-trou pour nos perplexités! Il n'est pas non plus un consolateur commode dans nos détresses, un genre de nounou. Il n'empêche pas de souffrir, de rencontrer dans sa vie le mal et le malheur - ça se saurait!

- je crois en Dieu parce qu'il y a Jésus Christ. Plus je m'interroge, plus le Christ apparaît comme la figure irrémédiablement centrale de ma foi. Semblablement ne puis-je croire au Christ, en conformité avec la foi chrétienne dans ce qu'elle a de plus décisif, du reste, que parce qu'il est Dieu, parce qu'il révèle Dieu, qu'il le donne à connaître, qu'il le raconte. S'il est vrai que toute la vie terrestre de Jésus, sa vie dite "cachée" puis ses paroles et ses actes, son extraordinaire attention aux petits, aux faibles, aux délaissés, ses gestes de soin et de guérison, et enfin sa mort injuste vécue sur le mode de l'offrande, oui, s'il est vrai que tout cela raconte qui est Dieu, alors il vaut la peine de croire en lui. C'est ce que je dis quand je récite avec mes frères et soeurs le Credo de l'Eglise : "Pour nous les hommes, et pour notre salut." Je crois en un Dieu penché vers l'homme, agenouillé devant lui, épousant jusqu'au creux du creux la condition humaine (voir les Noces de Cana), puissant dans sa faiblesse, sage en sa folie d'amour, comme dit Paul dans la Première Lettre aux Corinthiens, et ainsi sauvant l'humanité. De quoi? D'elle-même, le plus souvent, de ses folies meurtrières, de ses impasses, et du mal qui la hante.
A ce Dieu-là, je veux bien donner ma vie, à partir de lui je veux bien organiser ma vie pour qu'elle prenne sens (dans la double acception du mot : direction et signification). A partir de lui, je trouve important de fonder ici une communauté qui soit la présence de Jésus aujourd'hui. Et à partir de lui, aussi, je veux bien apprendre à rendre raison de ma foi, car elle n'est pas sotte dans le concert des autres options philosophiques ou religieuses. Du coup, tout ce qui contredit les choix de Jésus me semble indigne de Dieu et contraire à ce qu'il veut nous apprendre de lui-même. Je récuserai toujours un Dieu ennemi du bonheur des hommes, un Dieu suffisant ou arrogant, donneur de leçons, justicier, père-la-pudeur, assoiffé d'avoir son compte de sacrifices, potentat ou tout ce que vous voulez dans ces catégories-là. Il n'y a par là que des idoles - des idoles dangereuses.

Oui, si je vais au bout du bout, voilà pourquoi (et, en prime, comment) je crois en Dieu. Je me retrouverais assez bien dans ce mot magnifique du Mémorial de Pascal : "Dieu de Jésus Christ, non des philosophes et des savants."