Une personne m'a récemment demandé pourquoi je croyais en Dieu. La question était même plus brutale : elle voulait savoir comment je pouvais croire en Dieu, alors que tant de catastrophes, de malheurs, de tourments, fondent sur le monde au quotidien - nous en avons eu notre part ici à Enghien dans le mois d'août, devant accompagner des deuils particulièrement cruels.
Reste la question : pourquoi je crois en Dieu?
Si j'essaie d'aller jusqu'au bout du bout de ma réponse personnelle, je dirais :
- ce n'est pas pour des raisons philosophiques, ou du moins pas d'abord. Je n'ai jamais été séduit, et encore moins convaincu, par le Dieu "premier moteur immobile" d'Aristote, ou par la "cause incausée" des métaphysiciens, pas plus que par le "Grand Horloger" de Voltaire, du reste. Les propos des frères Bogdanov, par exemple dans leur récent Le Visage de Dieu (Grasset, 2010), me semblent tout au plus du scientisme à l'envers : l'astrophysique postulerait nécessairement une transcendance! De ce point de vue, l'Univers, aussi magnifique soit-il, reste pour moi souvent une énigme à laquelle il ne faut probablement pas trop vite apporter une réponse, c'est une béance de sens qu'il ne faut pas trop vite vouloir combler. Si Dieu est, il n'est certainement pas un bouche-trou pour nos perplexités! Il n'est pas non plus un consolateur commode dans nos détresses, un genre de nounou. Il n'empêche pas de souffrir, de rencontrer dans sa vie le mal et le malheur - ça se saurait!
- je crois en Dieu parce qu'il y a Jésus Christ. Plus je m'interroge, plus le Christ apparaît comme la figure irrémédiablement centrale de ma foi. Semblablement ne puis-je croire au Christ, en conformité avec la foi chrétienne dans ce qu'elle a de plus décisif, du reste, que parce qu'il est Dieu, parce qu'il révèle Dieu, qu'il le donne à connaître, qu'il le raconte. S'il est vrai que toute la vie terrestre de Jésus, sa vie dite "cachée" puis ses paroles et ses actes, son extraordinaire attention aux petits, aux faibles, aux délaissés, ses gestes de soin et de guérison, et enfin sa mort injuste vécue sur le mode de l'offrande, oui, s'il est vrai que tout cela raconte qui est Dieu, alors il vaut la peine de croire en lui. C'est ce que je dis quand je récite avec mes frères et soeurs le Credo de l'Eglise : "Pour nous les hommes, et pour notre salut." Je crois en un Dieu penché vers l'homme, agenouillé devant lui, épousant jusqu'au creux du creux la condition humaine (voir les Noces de Cana), puissant dans sa faiblesse, sage en sa folie d'amour, comme dit Paul dans la Première Lettre aux Corinthiens, et ainsi sauvant l'humanité. De quoi? D'elle-même, le plus souvent, de ses folies meurtrières, de ses impasses, et du mal qui la hante.
A ce Dieu-là, je veux bien donner ma vie, à partir de lui je veux bien organiser ma vie pour qu'elle prenne sens (dans la double acception du mot : direction et signification). A partir de lui, je trouve important de fonder ici une communauté qui soit la présence de Jésus aujourd'hui. Et à partir de lui, aussi, je veux bien apprendre à rendre raison de ma foi, car elle n'est pas sotte dans le concert des autres options philosophiques ou religieuses. Du coup, tout ce qui contredit les choix de Jésus me semble indigne de Dieu et contraire à ce qu'il veut nous apprendre de lui-même. Je récuserai toujours un Dieu ennemi du bonheur des hommes, un Dieu suffisant ou arrogant, donneur de leçons, justicier, père-la-pudeur, assoiffé d'avoir son compte de sacrifices, potentat ou tout ce que vous voulez dans ces catégories-là. Il n'y a par là que des idoles - des idoles dangereuses.
Oui, si je vais au bout du bout, voilà pourquoi (et, en prime, comment) je crois en Dieu. Je me retrouverais assez bien dans ce mot magnifique du Mémorial de Pascal : "Dieu de Jésus Christ, non des philosophes et des savants."
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