mardi 30 août 2011

Pour un bonheur inconditionnel

Je relisais hier soir des textes de Simone Weil, la philosophe. Elle y déclare que, même dans les pires conditions d'un cachot, un homme peut être heureux - ne serait-ce que parce qu'il sait que, quelque part, il y a le soleil, le ciel, les étoiles et la beauté du monde, même s'il ne la voit pas. En philosophie, on appelle ce bonheur "le bonheur inconditionnel", c'est-à-dire, le bonheur métaphysique, "sans condition". Le bonheur d'être, d'être au monde, est le premier et le plus fondamental.
Nous oublions sans cesse cette source possible de la joie, nous cherchons toujours, au contraire, un bonheur "conditionnel" : "Je serais heureux si : (dans le désordre et de façon non exhaustive) ma femme ou mon mari n'étaient pas ce qu'ils sont; ma maison était plus grande ou plus petite; j'étais en meilleure santé; j'avais plus d'argent; j'étais moins moche; j'étais à tel poste dans mon travail; etc., etc." Ce faisant, nous focalisons notre attention sur des contingences, des choses qui vont et viennent, ou des objets de consommation, desquels nous faisons dépendre notre bonheur, notre joie. Nous nous aliénons. Nous ne sommes plus libres d'être heureux. Nous nous interdisons la joie.
Le vrai bonheur est inconditionnel : quelle joie d'être là, tout malfoutus que nous sommes.
J'ai vu ce bonheur chez de grands mourants, ces derniers temps, une en particulier, dont j'ai déjà parlé ici, qui remontait le moral des autres alors qu'elle en prenait congé.
Je le vois aussi chez des moines et des moniales, souvent : ils savent bien que leur bonheur n'est pas lié à leurs conditions matérielles de vie, mais à leur intérorité.
Je le souhaite pour tous.
Et d'abord pour moi-même!

vendredi 26 août 2011

L'Eglise de Tournai en synode

Longue rencontre ce vendredi à Tournai avec le "Comité de pilotage" du synode diocésain, comité dont notre évêque m'a demandé de faire partie. Il s'agit de coordonner diverses activités qui marqueront les quelques années de ce synode convoqué par Mgr Harpigny et célébré par tout le diocèse. Un synode, c'est l'occasion de "se poser", de réfléchir à ce que doit être l'Eglise diocésaine dans le présent et l'avenir, de dessiner ses priorités, de se recentrer sur l'essentiel, de prendre, aussi, des mesures réalistes pour que cette Eglise reste vivante et signifiante.
Ce que nous connaissons ici "en petit", dans notre doyenné, avec notre année "Renaissance" et la constitution progressive d'une Equipe d'Animation Pastorale, le diocèse entier va le vivre sur plusieurs années dans ce que la Tradition appelle la "célébration" d'un synode - la part liturgique, de prière, de louange, d'intercession, est en effet fondamentale.
Après quelques inévitables mises au point, la journée m'a semblé positive et le travail, abondant certes, mais bien parti. Le "comité de pilotage" comprend au total seize personnes, prêtres et laïcs, et notre évêque. Il y règne un esprit de franchise et de collaboration, avec le désir d'être au service de tout le diocèse.
En même temps, je me suis rendu compte aujourd'hui que cela va induire beaucoup de boulot supplémentaire... alors que j'ai l'impression de n'en pas manquer ici. Bah! On verra comment le temps peut devenir extensible...

mercredi 24 août 2011

La fête de Saint Barthélemy

Aujourd'hui 24 août, l'Eglise catholique célèbre une fête d'Apôtre : celle de saint Barthélemy, que la Tradition assimile au Nathanaël de l'Evangile de Jean, amené par Philippe à Jésus (Jn 1, 45). C'est toujours une joie de fêter un Apôtre, l'un des premiers compagnons de Jésus, l'un de ceux sur lesquels repose notre foi précisément pour cela nommée "apostolique".

Dans le cas d'espèce, toutefois, cette fête est tempérée par un souvenir historique peu glorieux : le 24 août 1572, à Paris, à l'instigation de la Reine-Mère Catherine de Médicis et de son fils le Roi Charles IX, les protestants de la ville, venus nombreux assister au mariage de la soeur du Roi Marguerite de Valois et d'Henri de Navarre (le futur Henri IV), furent pourchassés et massacrés sans pitié. Les ordres royaux, de ce que l'on sait aujourd'hui, avaient sans doute été plus modérés : mais le sang appelant le sang, ce fut une boucherie.
Et le pape de l'époque, Grégoire XIII, fit chanter un Te Deum à Rome...
Pas de quoi être fiers aujourd'hui.
Voilà comment on a pu se comporter entre chrétiens, uniquement pour des raisons de pouvoir.
Se souvenir de cela. Ne jamais renoncer aux efforts oecuméniques qui firent de tels progrès au XXème siècle, furent avalisés par le Concile Vatican II, et semblent aujourd'hui bien en panne.
Certains catholiques sont même tellement crispés sur la défense de leur identité qu'ils se méfient a priori des autres chrétiens...
Dans ce domaine-là aussi, que de progrès sont nécessaires!
Saint Barthélemy est, pour cela, un excellent intercesseur...

samedi 20 août 2011

La dictature du marché

J'entends dire un peu partout, en Belgique : "La crise économique présente, les soubresauts actuels du marché international, auront au moins ceci de bon : ils vont contraindre nos politiciens à former très vite un gouvernement."
Et je corrige, m'interrogeant : "Ceci de bon?"
Cela signifierait que les marchés dictent leur loi à la politique... Est-ce une victoire? Certes, je souhaite comme tout le monde en Belgique qu'un gouvernement soit rapidement mis en place, et que s'apaisent les querelles communautaires. Mais, si c'est sous la pression d'un diktat énonomique, cela ne me semble pas une chance!
Quel est-il, ce diktat? Celui, dit-on, des "marchés", c'est-à-dire des banques et des grandes entreprises aux mains d'actionnaires soucieux uniquement de gagner de l'argent. Ce diktat est celui du profit, du profit à tout prix, du profit sans morale, sans régulation (ou le moins possible : voyez comme il est difficile à des responsables politiques de très haut niveau, en Europe ou aux Etats-Unis, de "rassurer les marchés", comme on dit sur RTL-TVi).
Ce diktat est une dictature aujourd'hui mondiale, aseptisée, communément admise comme une religion de substitution devant laquelle on s'incline, que l'on vénère, que l'on adore, dont on ne songe même pas à contester l'autorité souveraine.
Cette dictature a ses prisons et ses parias : une très grande partie de l'humanité, à vrai dire, la plupart des habitants de l'Afrique sub-saharienne, de l'Asie, de l'Amérique du Sud, et maintenant (cela change, et donc fait aussi la une des gazettes et des JT : de l'Afrique du Nord, Egypte, Lybie, Tunisie, Maroc, etc.; et aussi - ô surprise! - de l'Europe : Angleterre, récemment .
A quand, chez nous? Mon avis : c'est pour bientôt.)
C'est que les gens - les jeunes, en particulier - commencent partout à se rendre compte qu'on les a floués, qu'on veut encore les flouer.
Ils ne demandent pas la lune, ces jeunes. Ils demandent - chez nous ou ailleurs - : un travail, un salaire suffisant pour faire vivre une famille, un accès convenable aux biens et aux services, une répartition un peu plus juste des richesses mondiales.
Ils n'ont pas tort.
Je n'ai jusqu'à présent, dans le concert des grands qui essaient de dire quelque chose de pertinent à propos de cette "crise" mondiale qui risque de "péter" (si vous me permettez l'expression) à tout moment : c'est une vraie bombe à retardement plus si retardée que cela, je n'ai, dis-je, dans ce concert de voix de toutes sortes, entendu qu'une seule personne, une seule, rassembler les considérations ci-dessus évoquées. Cette voix était celle du pape, dans l'avion qui le conduisait aux JMJ de Madrid.
Je ne suis pas "papolâtre". Pas du tout. J'ai pu, en d'autres temps, être critique, même.
Mais je note. C'est tout.
A bon entendeur...

jeudi 18 août 2011

La mise en garde de Guillebaud

Edito intéressant de Jean-Claude Guillebaud - un intellectuel français, bon observateur de la vie culturelle, remarquable journaliste, pour lequel j'ai la plus grande révérence -, dans le "Nouvel Observateur" d'aujourd'hui. Il y remarque que toutes les grandes crises financières en Occident, tous les "krachs" boursiers en particulier, se sont toujours - toujours! - soldés par l'émergence, la prise de pouvoir et l'installation de dictatures. Dernier exemple en date : le nazisme, consécutif d'après lui à la crise de '29.
De quoi méditer, non?
Que voulons-nous, vraiment?

mardi 16 août 2011

Encore une homélie

On m'a, une nouvelle fois, demandé le texte de mon homélie - non pas celle de l'Assomption, mais celle de la veille, au 20ème dimanche ordinaire, où nous lisions, dans la Liturgie de la Parole, Is 56,1.6.7; Rm 11, 13...32; Mt 15, 21-28. Bon, je ne tiens pas à en faire une habitude, mais enfin voici ce texte, s'il peut, paraît-il, aider des personnes à reprendre la Parole de Dieu et à la méditer!







Frères et Soeurs,



A plusieurs reprises dans les évangiles, Jésus s'exprime sur l'universalité du salut qu'il apporte. Ces propos reflètent sans aucun doute son enseignement; ils reflètent aussi le tournant pris par la communauté chrétienne primitive qui décida, non sans débats, que le message du Christ et l'entrée dans l'Eglise n'étaient pas réservés aux Juifs, mais qu'ils concernaient aussi les païens. On ne s'étonne pas de voir l'évangéliste Matthieu insister, plus que les autres peut-être, sur ce point : son évangile s'adresse en effet à des Juifs de la diaspora devenus chrétiens, qui risquaient toujours de penser que le christianisme leur était réservé. L'épisode de la Cananéenne, une païenne, avait donc mission de les démentir sur ce point. Jésus dit tout de même d'abord à cette femme qu' "il n'est venu que pour les brebis perdues d'Israël." Mais, devant son insistance, devant l'appel des disciples aussi, et devant ce qu'il va lui-même qualifier de "grande foi", il lui accorde en définitive la guérison qu'elle demandait et manifeste ainsi que le salut dont il est porteur est vraiment destiné à tous les hommes. Ce n'est du reste pas la première fois que, dans l'aventure biblique, Dieu manifeste sa volonté d'élargir son alliance d'amour à tous les peuples de la terre : nous avons aussi entendu le Prophète Isaïe annoncer que "les étrangers attachés au service du Seigneur pour l'amour de son Nom, et devenus ses serviteurs, seront conduits à sa montagne sainte" et que le Temple, Sa maison, sera nommé "maison de prière pour tous les peuples." Quant à Paul, s'adressant aux Romains - des païens devenus chrétiens, à l'inverse des lecteurs de Matthieu -, il leur fait valoir que l'évangélisation s'est moquée des appartenances raciales ou ethniques, puisque, citons-le : "Dieu a enfermé tous les hommes dans la désobéissance" (c'est-à-dire, a fait prendre conscience à chacun de sa propre fragilité, de son éloignement de Dieu, indépendamment de sa race ou de sa religion), "pour faire à tous miséricorde" (indépendamment de sa race ou de sa religion, ici encore).



Nous devons mesurer aujourd'hui, frères et soeurs, l'actualité de cette insistance biblique et en particulier évangélique. La tentation demeure toujours de penser que notre appartenance (à l'Eglise catholique, par exemple) constitue une espèce de privilège renouvelé, qui nous dispenserait de la prière et de la foi. Il suffirait de se trouver tranquillement du côté de l'Eglise catholique ("du bon côté") pour partager aussi tranquillement l'assurance du salut, les "autres" étant, comme les païens d'autrefois pour les Juifs, relégués dans des ténèbres extérieures. Le Christ, aujourd'hui comme hier, bouleverse cette représentation du salut sur le mode des appartenances et des cercles concentriques (à savoir : au centre, évidemment, "nous", ou "je", les sauvés; puis, ceux qui le sont un peu moins parce que moins bons chrétiens que nous; puis les croyants "pas trop mal", non chrétiens certes mais monothéistes; puis les incroyants, etc.) Certes, nous pouvons être fiers et heureux de notre appartenance chrétienne et de notre baptême qui nous a greffés au Christ. Mais cela ne nous dispense pas d'une quête perpétuelle, d'une intercession perpétuelle en lesquelles nous reconnaissons notre indignité elle aussi perpétuelle : "Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir", disons-nous au moment de communier en reprenant la prière d'un autre "païen" de l'Evangile. La prière de la Cananéenne :"Fils de David, aie pitié de moi!", qu'elle répète jusqu'à casser les pieds des disciples, prière de supplication, nous pouvons la faire nôtre tout au long de nos journées, et elle surpasse toutes les appartenances du monde, car elle témoigne de notre foi, qui est un cri, et non une assurance "vie-éternelle".



A l'heure où, partout en Europe, les replis sur soi, les nationalismes hideux (en Belgique, nous n'en sommes hélas pas privés, mais aussi en Suède, aux Pays-Bas, en Norvège - avec les conséquences inévitables que l'on vient de voir! -, en Italie, en France même, dans cette Patrie pourtant généreuse, et ailleurs encore...), ces nationalismes qui prônent le rejet de l'autre parce qu'il est autre, le rejet de la différence, et en particulier de la différence religieuse (voir l'islamophobie ambiante), semblent gagner du terrain, oui, à l'heure où ces égoïsmes, pour appeler les choses par leur nom, semblent triompher, nous devons rappeler la générosité du message biblique et évangélique et penser notre foi en termes d'ouverture à l'autre, d'accueil et de tolérance. C'est ainsi que nous partagerons les "miettes" (pour reprendre l'expression de la Cananéenne) de la Table eucharistique. Amen.

lundi 15 août 2011

La Sainte Vierge était fidèle au rendez-vous

Au soir de l'Assomption, la Sainte Vierge était fidèle au rendez-vous : la dame dont je parlais hier sur ce blog vient d'entrer dans la joie éternelle, entourée de toute sa famille. J'avais eu l'occasion de passer prier près d'elle, de son mari et de ses enfants, dans l'après-midi.
Une autre paroissienne, de Marcq, belle-mère d'un responsable financier de la paroisse, a également rejoint son Seigneur au seuil de cette fête mariale.
Les morts nous précèdent.
Fidèles, ils nous attendent.
Nous sommes dans la communion des saints, socialiter gaudentes, dit une très ancienne formule latine, "réjouis d'être ensemble", de ce côté-ci ou de l'autre de la vie. En attendant, le deuil est là, la souffrance de la séparation, qu'il faut accompagner en partageant les larmes et en semant l'espérance. Nous vivrons décidément toujours au bord du mystère, les yeux plongés dans l'abîme, avec, pour seul viatique, la parcimonieuse lumière de Pâques qui brille au fond de nos détresses.

dimanche 14 août 2011

Ces mourants qui nous font vivre

Une femme est en train de mourir, une femme de la paroisse que j'ai finalement peu rencontrée - je suis ici depuis trop peu de temps - et que pourtant je connais bien. Je vois son mari tous les jours ou à peu près, parce qu'il travaille beaucoup au service de nos communautés, au service de l'église; je sais son épouse malade depuis quelques longs mois; je l'ai visitée à l'hôpital et l'ai ointe de l'onction sainte; je l'ai vue quelques fois dans l'unité de soins où elle termine ces jours-ci, ces heures-ci, sa belle vie terrestre.
Toujours, j'ai été bouleversé, ému aux larmes, par la qualité de coeur de cette femme. Par sa simplicité devant la vie et devant la mort. Il n'y a là aucune grandiloquence, mais le témoignage de celle qui a tout compris du mystère de l'amour. La dernière fois que nous avons parlé, ensemble, j'ai prononcé sur elle la bénédiction et lui ai dit : "Ce que vous vivez là, c'est vraiment très important pour nous tous." Et elle : "Mais cela, je le sais, Monsieur le Doyen!" C'était dit presque dans l'humour, c'était en tous les cas de la joie - pas la joie rigolarde, la vraie joie, la joie spirituelle, la joie de se savoir infiniment aimé, même et surtout si tout semble vous lâcher, si la vie s'en va qu'on avait construite pas à pas avec un mari aimé et des enfants ô combien entourés.
Une vie laborieuse, droite, profondément enracinée dans la foi.
Nous sommes la veille du 15 août. Je ne connais pas la résistance humaine, personne ne la connaît. Mais je ne serais pas autrement surpris que la Sainte Vierge vienne la chercher demain.
Je prie. Pour elle. Pour les siens.
C'est qu'une mort d'une telle qualité est un événement majeur pour toute notre communauté.
Je demande que tout "se passe bien", certes.
Mais avant tout, je rends grâce pour le don de l'amour, qui est éternel.

mardi 9 août 2011

Homélie

Certains paroissiens m'ont demandé le texte de mon homélie de dimanche dernier (19ème ordinaire, année A, où nous lisions dans la Liturgie de la Parole : 1R 19, 9-13; ps.84; Rm 9, 1-5; Mt 14, 22-33). Le voici, très volontiers :




Frères et Soeurs,


La barque de l'Eglise tangue au milieu des flots et au gré des tempêtes humaines. Les contradictions et les remous de toutes sortes risquent toujours d'emporter la paix et la foi, même chez ceux, les plus proches de lui, que le Christ "a obligés à monter" dans cette barque pour gagner, de l'autre côté, la rive de la Vie éternelle.

La grande tentation, pour nous qui "sommes embarqués" (Pascal), la voici : penser que le Ressuscité a déserté les siens parce qu'on ne perçoit pas sa présence au milieu des disciples apeurés. En réalité, il n'est jamais si proche que lorsque, dans la solitude et le secret de la montagne, il prie son Père aimé : alors il intercède pour le monde et pour les siens jusqu'au bout de la nuit et des ténèbres.

Car il est le Dieu victorieux des ténèbres, celui qui nous rejoint, dès l'aube d'un Jour perpétuellement neuf, d'un huitième Jour inédit, d'un Dimanche toujours recommencé. Car il est le Dieu saint d'Israël qui fit traverser au Peuple, à pied sec, "les eaux formant muraille à droite et à gauche", les flots terribles de la Mer Rouge - comme au travers d'une immense matrice capable d'expulser ce Peuple vers une vie enfin libérée de la servitude et de la mort. Semblablement voyons-nous Jésus dominer les eaux (lieu supposé des puissances du mal, dans la représentation juive du monde) en les foulant aux pieds, semblablement vient-il, déjà puissant dans la gloire de sa vie immortelle, pour rendre confiance aux hommes de peu de foi que nous sommes. Si nous apprenions à regarder nos vies avec les yeux du coeur, nous verrions bien, à travers mille signes, qu'il n'est pas un fantôme, mais la Présence plus présente à nos existences que toute autre.

Certes, il n'y a pas là d'évidence. Et tandis qu'il veut l'entraîner à fouler comme lui les eaux agitées et à les mater, Pierre lui-même, Pierre l'audacieux, le premier de nous, se met à douter et s'effraie. Il est normal que le doute nous gagne, que la peur aussi soit une compagne de notre traversée. Il ne faut pas, si l'on ose ainsi dire, "avoir peur de nos peurs". Observons comment chez Pierre, dans le récit entendu, le doute et la peur suscitent d'emblée la prière, la supplication que nous pouvons faire nôtre à tous les instants de nos journées : "Seigneur, sauve-moi!" "Seigneur, sauve-moi de ma peur, de mon doute, de mon péché, de mon recroquevillement, de mon étroitresse d'esprit, de mon égoïsme, de mon repli. Et finalement, Seigneur, sauve-moi de moi-même!" (Ne sommes-nous pas de nous-mêmes le premier, le plus fidèle et le plus décisif ennemi?) Et nous voyons alors le bras tendu, le bras fraternel et puissant qui nous agrippe et nous redresse, qui dès cette vie nous ressuscite et nous relève.

L'Eglise, frères et soeurs, ne porte pas au monde un message idéologique, ni même pas d'abord une "doctrine" au sens habituel de ce terme. Frêle esquif avançant dans l'espace et le temps, elle porte une Présence qu'elle adore et confesse, en laquelle elle se fie, à laquelle elle confie le monde où elle navigue. Au milieu des vents contraires et des tempêtes, la voix de cette Présence peut certes sembler, comme pour Elie le Prophète, "aussi ténue que le murmure d'une brise légère". C'est pourtant la voix de Dieu, la voix du Dieu fort, mais qui se fait reconnaître à la seule oreille du coeur. Si cette oreille du coeur exerce sa finesse, alors l'horizon change, l'être humain se découvre aimé et attendu. Alors se calment les souffles hostiles de nos vies. Alors on apprend à vivre en paix avec soi et avec tous. Amen.

lundi 8 août 2011

Une demande des évêques

Je relaie ici bien volontiers une demande des évêques de Belgique : samedi, dimanche et lundi prochains, soit le 20e dimanche ordinaire et le jour de l'Assomption, les quêtes des célébrations seront exceptionnellement consacrées à venir en aide aux personnes souffrant de la sécheresse et de la famine qui s'ensuit dans la "Corne de l'Afrique". J'ai déjà parlé ici de ce drame qui se joue pratiquement à nos portes (quelques milliers de kilomètres, ce n'est rien...) et devant lequel l'Europe du Nord (les Belges en particulier) brillent par leur indifférence! Je me permets donc d'insister pour que nous nous montrions tous généreux et solidaires. Chaque jour, des centaines d'enfants meurent là de faim et de soif : c'est intolérable!
Les dons des quêtes seront versés à Caritas Internationalis par le biais de Caritas Belgique, ONG catholique comme vous le savez sans doute, mandatée expréssément à cet effet par les évêques. On peut aussi faire un don directement sur le Compte du doyenné (pour rappel : BE 41 0003 5541 8710) avec la mention "Corne de l'Afrique".
Certains ont parfois des doutes sur le sérieux des Organisations internationales qui travaillent à soulager ce genre de situation : je peux garantir le caractère irréprochable de Caritas dans toutes les actions qu'elle entreprend. En outre, ce sont des professionnels qui savent comment faire parvenir l'aide là où elle est la plus urgente et la plus nécessaire.
Je remercie ceux et celles qui vont lire ce message... et y donner suite!

samedi 6 août 2011

Maupassant, pour rire un peu...

Relisant ce soir, après des activités pastorales variées et quelquefois douloureuses (funérailles d'une jeune maman de 45 ans), un conte de Maupassant (ah! Maupassant, quelle merveille ces pages glanées pendant les vacances, comme ça "dépayse" et en même temps, comme ça nous rejoint!), je trouve ceci, qui est une définition étrange du mariage. Je ne sais si elle correspond à la réalité, n'étant pas marié moi-même. Je cite donc : "Le mariage : un échange de mauvaises humeurs pendant le jour, et de mauvaises odeurs pendant la nuit."
On veut la référence précise? La voici : G. de MAUPASSANT, Une Ruse, in Contes et Nouvelles, I, préface de A. Lanoux, Intr. de L. Forestier, texte établi et annoté par L. Forestier, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1974, p. 560.
Bon, j'admets que je ne dirais pas cela (du moins pas d'emblée) aux fiancés qui viennent me trouver le samedi matin - comme ceux que j'ai reçus aujourd'hui, précisément, après les douloureuses funérailles.
Et au fond, j'espère pour les ménages que je connais que ce n'est pas complètement vrai.
Mais j'ai la faiblesse de trouver tout de même cela rigolo...
On peut sourire, non?

jeudi 4 août 2011

Le "Magnificat", manifeste communiste?

En visite avant-hier chez un ami de longue date - de ces vrais amis, à la vie à la mort, un ami qui prie à gauche et vote à droite (nous sommes en France...), il me dit : "Quand je récite le Magnificat, j'ai l'impression de déclamer un manifeste communiste. Tout de même, ces expressions : Il renverse les puissants de leurs trônes, il renvoie les riches les mains vides, hein!"
Moi : "Pas faux. Sauf que la Sainte Vierge n'avait sans doute pas d'ambitions communistes. Elle exaltait la pauvreté - en ce compris la pauvreté matérielle, parce qu'elle peut conduire à la vraie pauvreté, celle du coeur. On a beau être riche : quand on est devant Dieu, on est renvoyé tout nu, "les mains vides". Et malheur aux riches qui sont dupes de leur richesse. L'Evangile, tout de même, n'a jamais fait et ne fera jamais la promotion du bling-bling!"
Et je crois que nous en sommes tombés d'accord.
J'y repensais ce soir, voyant les infos à la télé : l'affolement des boursicoteurs, le "krach"annoncé, inévitable peut-être. Dans le même journal, la pingrerie des Belges, qui ne savent même pas ce qui se passe en Somalie ou dans la Corne de l'Afrique, qui ignorent que leurs contemporains, ceux qui habitent comme eux le même village (puisque désormais la terre n'est qu'un village), crèvent de faim et de soif.
Franchement, si cette crise financière peut remettre, face aux richesses, les coeurs à l'endroit, tant mieux!