mardi 9 août 2011

Homélie

Certains paroissiens m'ont demandé le texte de mon homélie de dimanche dernier (19ème ordinaire, année A, où nous lisions dans la Liturgie de la Parole : 1R 19, 9-13; ps.84; Rm 9, 1-5; Mt 14, 22-33). Le voici, très volontiers :




Frères et Soeurs,


La barque de l'Eglise tangue au milieu des flots et au gré des tempêtes humaines. Les contradictions et les remous de toutes sortes risquent toujours d'emporter la paix et la foi, même chez ceux, les plus proches de lui, que le Christ "a obligés à monter" dans cette barque pour gagner, de l'autre côté, la rive de la Vie éternelle.

La grande tentation, pour nous qui "sommes embarqués" (Pascal), la voici : penser que le Ressuscité a déserté les siens parce qu'on ne perçoit pas sa présence au milieu des disciples apeurés. En réalité, il n'est jamais si proche que lorsque, dans la solitude et le secret de la montagne, il prie son Père aimé : alors il intercède pour le monde et pour les siens jusqu'au bout de la nuit et des ténèbres.

Car il est le Dieu victorieux des ténèbres, celui qui nous rejoint, dès l'aube d'un Jour perpétuellement neuf, d'un huitième Jour inédit, d'un Dimanche toujours recommencé. Car il est le Dieu saint d'Israël qui fit traverser au Peuple, à pied sec, "les eaux formant muraille à droite et à gauche", les flots terribles de la Mer Rouge - comme au travers d'une immense matrice capable d'expulser ce Peuple vers une vie enfin libérée de la servitude et de la mort. Semblablement voyons-nous Jésus dominer les eaux (lieu supposé des puissances du mal, dans la représentation juive du monde) en les foulant aux pieds, semblablement vient-il, déjà puissant dans la gloire de sa vie immortelle, pour rendre confiance aux hommes de peu de foi que nous sommes. Si nous apprenions à regarder nos vies avec les yeux du coeur, nous verrions bien, à travers mille signes, qu'il n'est pas un fantôme, mais la Présence plus présente à nos existences que toute autre.

Certes, il n'y a pas là d'évidence. Et tandis qu'il veut l'entraîner à fouler comme lui les eaux agitées et à les mater, Pierre lui-même, Pierre l'audacieux, le premier de nous, se met à douter et s'effraie. Il est normal que le doute nous gagne, que la peur aussi soit une compagne de notre traversée. Il ne faut pas, si l'on ose ainsi dire, "avoir peur de nos peurs". Observons comment chez Pierre, dans le récit entendu, le doute et la peur suscitent d'emblée la prière, la supplication que nous pouvons faire nôtre à tous les instants de nos journées : "Seigneur, sauve-moi!" "Seigneur, sauve-moi de ma peur, de mon doute, de mon péché, de mon recroquevillement, de mon étroitresse d'esprit, de mon égoïsme, de mon repli. Et finalement, Seigneur, sauve-moi de moi-même!" (Ne sommes-nous pas de nous-mêmes le premier, le plus fidèle et le plus décisif ennemi?) Et nous voyons alors le bras tendu, le bras fraternel et puissant qui nous agrippe et nous redresse, qui dès cette vie nous ressuscite et nous relève.

L'Eglise, frères et soeurs, ne porte pas au monde un message idéologique, ni même pas d'abord une "doctrine" au sens habituel de ce terme. Frêle esquif avançant dans l'espace et le temps, elle porte une Présence qu'elle adore et confesse, en laquelle elle se fie, à laquelle elle confie le monde où elle navigue. Au milieu des vents contraires et des tempêtes, la voix de cette Présence peut certes sembler, comme pour Elie le Prophète, "aussi ténue que le murmure d'une brise légère". C'est pourtant la voix de Dieu, la voix du Dieu fort, mais qui se fait reconnaître à la seule oreille du coeur. Si cette oreille du coeur exerce sa finesse, alors l'horizon change, l'être humain se découvre aimé et attendu. Alors se calment les souffles hostiles de nos vies. Alors on apprend à vivre en paix avec soi et avec tous. Amen.

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