mercredi 31 décembre 2014

Rendez-vous avec Janus!

Les Romains n'étaient pas si bêtes. Dans leur "panthéon supérieur", ils vénéraient Janus, dieu au deux visages, l'un tourné vers le passé, l'autre, vers l'avenir. Comment ne pas tenter ce double mouvement, en cette fin d'année? Regarder le passé, sans nostalgie, et espérer en l'avenir, sans outrance. Car la nostalgie ne nous permettrait pas d'évaluer avec reconnaissance ce qui fut bon, dans les brisures des mois écoulés, et l'outrance nous conduirait à des espérances déraisonnables. Janus, donc, dieu de l'évaluation sereine, dieu de la porte et dieu des clés, qui permet de refermer doucement un laps de temps passé, comme sans la claquer on referme une porte, en rendant grâce, en demandant pardon pour ce qu'on y a commis de mal; dieu qui ouvre une autre porte, pleine de promesses et de renouveau toujours possible, où l'on va doucement s'avancer, à tâtons, pour ne rien déranger, ne rien briser des trésors qui nous sont offerts.
Janus, dieu dont les Musées du Vatican nous montrent une magnifique tête sculptée, une tête double de sage barbu qui regarde des deux côtés de la vie...
Janus, qui a donné son nom au mois de Janvier, et m'offre ce soir l'occasion de dire à tous : "Bon premier Janvier! Et, dans la foulée, bonne et sainte année!"

mercredi 24 décembre 2014

Heureux et saint Noël à tous!

En notre cœur s'était perdu
le souvenir de ton Visage.
Sur nos faces ne brillait plus
ton Image.
Isolés, sans nul appui
pour chercher la ressemblance,
nous errions dans la nuit.

Tu envoyas dans ta pitié
pour éclairer notre détresse
tes prophètes, qui ont livré
la Promesse.
Leur parole, telle un feu
sur la route d'espérance
nous guida vers ton lieu.

Voici : la Vierge a enfanté
et les oracles s'accomplissent.
Ton amour et ta vérité

resplendissent.
Sous le voile de la chair,
ta lumière inaccessible
envahit notre hiver.

Tous n'ont pas vu. Nous qui croyons,
illuminés par ton mystère,
en ton Verbe nous te nommons
Notre Père.
Aujourd'hui finis les pleurs!
Ta semence incorruptible
a germé dans nos cœurs.

(Hymne de Noël de la Commission Cistercienne Francophone)

Heureuse et sainte fête de la Nativité à tous!

mardi 23 décembre 2014

Le discours du pape à la Curie

Les médias se font largement l'écho du discours du pape à la Curie romaine - des vœux, véritables, mais formulés sous le mode de quinze reproches adressés aux principaux collaborateurs du Saint Père. Formulés, ajouterai-je, de façon rude, sans concession.
Le pape est dans son rôle de pasteur et de guide spirituel, conseillant à chacun de retourner à son cœur profond et de l'examiner pour vivre un Noël véritablement "saint".
Il serait facile de se gausser, en pointant "les autres" du doigt - ce serait une manière de se sentir personnellement à l'abri  de tout reproche.
Je crois qu'il y a une seule façon sérieuse d'entendre l'énoncé de ces quinze "maladies" de l'âme : le prendre pour soi.

vendredi 19 décembre 2014

La thèse d'Anne-Sophie

Retour de Louvain-La-Neuve, où j'ai assisté à la soutenance publique de la thèse en Histoire d'Anne-Sophie, paroissienne, fille et petite-fille de paroissiens. Brillant moment, d'abord : la thèse, joliment intitulée "Le pouvoir de l'absent", et qui énonce comme suit son sujet : "Les avatars du communisme au Congo (1920-1961)" a été présentée avec brio par la candidate et reçue dans l'enthousiasme par le Jury. Si j'ai bien compris, après des années d'investigations (particulièrement de décryptage d'archives), Anne-Sophie pense que le communisme, au Congo, dans les années qu'elle décrit, a moins existé comme un fait que comme une crainte - une crainte qui a cependant motivé des politiques et des pressions de toutes sortes. J'ai été vraiment heureux de pouvoir participer à cette démonstration d'intelligence et d'élégance de la pensée, et je me disais en revenant combien la quête de la vérité, en tous domaines - ici l'Histoire - honore ceux et celles qui y consacrent leur vie. C'est une recherche  difficile et patiente, peu ou mal rétribuée, mais qui est d'une importance capitale pour nous dégager  des a priori, des idées toutes faites, des simplismes si souvent répandus partout. Et puis, le moment n'était pas seulement brillant, il était aussi émouvant : j'ai vu le grand-père d'Anne-Sophie essuyer une larme (ou deux) lorsque le Président du Jury a proclamé "docteur" et "avec les félicitations" la candidate qui nous a tous éblouis cet après-midi.
Grand moment, bravo, Anne-Sophie et joie aux tiens, comme à tous ceux qui t'ont épaulée  dans ce travail!

mardi 16 décembre 2014

Je songe aux enfants massacrés...

Plus d'une centaine d'enfants massacrés aujourd'hui au Pakistan, "au nom de Dieu"!
Je pense à eux, certes, au drame effroyable de ces vies brisées en plein élan par des fous.
Mais je pense à Dieu, surtout.
Quelle idolâtrie que de le mêler à cela, quel mésusage de son Nom, quelle méconnaissance de la foi.
Si jamais Dieu, notre Dieu, demandait un jour de pareilles horreurs - et quelquefois, dans une histoire chrétienne trop mêlée au pouvoir, on l'a cru, hélas! - alors, oui, il faudrait tuer ce Dieu-là.
La théologie, entre autres tâches, honore celle d'élever des remparts contre ces folies délirantes d'une foi qui s'égare et contredit son objet.
La tâche théologique n'a jamais été plus urgente...
On ne s'en sortira pas sans elle.

mercredi 10 décembre 2014

La tendre douleur de Lucas, Isoline et Sabrina

Stéphane avait quarante-quatre ans. Il s'est effondré, victime d'un malaise cardiaque massif. La famille - son épouse Sabrina, ses grands enfants Lucas et Isoline - sont remarquables de dignité dans leur peine. Bien sûr, doucement, Sabrina évoque la révolte devant le bonheur brisé : et si Dieu est, et s'il est "tout-puissant" comme on dit, pourquoi n'empêche-t-il pas ce mal, ce malheur? C'est, en effet, la seule vraie, la seule grande question qui porte à la fois sur Dieu et sur l'homme, et à laquelle la réponse n'est pas, ou du moins, pas seulement, dans des mots.
J'ai été frappé, ému, dans ce que me racontait cette famille, par le témoignage de Lucas : "Pour moi, papa était un modèle. Je faisais tout pour lui ressembler."
On ne saurait mieux exprimer la grandeur de l'amour filial...

Interprétation malveillante...

Beaucoup (trop) sollicité ces derniers jours au sujet du décès de la Reine, j'ai rapporté à un journaliste - à un seul - les propos volontairement outranciers par lesquels, sur le mode de l'humour, la Reine souhaitait exprimer son désir de funérailles simples. Le journaliste, me semblait-il, avait compris qu'il s'agissait en effet pour Elle d'une manière humoristique de s'exprimer. Je constate que, repris par certains médias peu scrupuleux ou en mal de titre, ce trait devient le prétexte à critiquer des funérailles qui seraient contraires à ses dernières volontés. Il est évident qu'il s'agissait seulement d'évoquer l'humilité de cette grande Dame, et que cela n'est nullement contradictoire, au contraire, avec la solennité de l'hommage qui lui est rendu, un hommage  parfaitement conforme à tout ce qu'Elle a été pour notre Pays.  Le reste est pure malveillance.

vendredi 5 décembre 2014

Rempli de tristesse, et de gratitude...

La Reine Fabiola est morte ce soir.
J'aurai été pendant de nombreuses  années l'un des confidents qu'elle souhaitait recevoir pour, comme elle le disait, "l'aider dans sa vie spirituelle" et, quelquefois, célébrer la messe avec elle.  Au début (peu de temps, à vrai dire) très impressionné de me retrouver là, au Stuyvenberg, un  château un peu triste, surtout dans ces périodes-ci de l'année, l'automne et l'hiver, un château empli de brumes, sombre, où il fallait toujours le secours de la lumière électrique. Depuis les fenêtres, on voyait dans le parc des lapins gambader en grand nombre : décor surréaliste...
Le scénario était souvent le même :  je me rendais d'emblée à la "chapelle" - un petit salon aménagé -, j'attendais la Reine. Elle arrivait, les derniers temps accompagnée d'une infirmière qui l'installait, avec des tas de précautions, dans un divan bourré de coussins. Elle me demandait de m'asseoir près d'elle, et c'était la première conversation de la rencontre, où elle faisait le point avec moi. Il n'a pratiquement jamais été question de politique. Mais de tout le reste, oui.  De sa famille, de ses amis, des malades, beaucoup, des gens fragiles dont elle avait entendu parler. D'elle-même, qui, avec les années,  devenait fragile, préparait sa mort. Puis je commençais la messe, et j'avais coutume de dire que c'était une "concélébration" : elle m'interrompait, elle commentait les lectures - tant qu'elle a pu, elle a prononcé elle-même la première lecture - et pratiquement elle faisait l'homélie. Nous nous tenions la main pour le "Notre Père". Et, tant qu'elle a pu aussi, elle "faisait la sacristine", comme elle disait, éteignant les lumières et rangeant les objets du culte après la messe...
Puis nous passions à table pour un autre long moment de dialogue.
J'ai l'impression ce soir d'avoir emmagasiné des tonnes et des tonnes de confidences,  de lectures, de points de vue, de contradictions, aussi, de pensées qui se cherchent ou qui s'affirment, de réflexions sur la beauté, sur la musique, sur l'amour, sur la vie éternelle, sur la pauvreté du monde, sur la fragilité intérieure... Je n'ai jamais pris de notes. De toute façon, de ce trésor partagé, rien ne pourra jamais être dit, non pas à cause du "secret de la confession" - ce n'étaient pas des confessions sacramentelles -, mais parce que doivent prévaloir la pudeur des sentiments et la nécessité de la discrétion.
Il y a quelques mois, je l'ai ointe de l'onction sainte des malades, parce que je la trouvais très mal ces jours-là. Mon émotion lorsque j'ai imposé les mains sur ces cheveux de légende et que je l'ai tutoyée pour la première et dernière fois - étrange et magnifique privilège : "Fabiola, par cette onction sainte, que le Seigneur, dans sa grande bonté, te réconforte par la grâce du Saint Esprit. Ainsi, t'ayant libérée de tout péché, qu'il te sauve, et te relève!" C'était... la Reine, la Reine de mon enfance, de ma jeunesse, et je n'ai toujours pas compris pourquoi j'avais été admis dans l'intimité de ses confidences. Quand je l'ai quittée ce jour-là - et cela,  c'est un secret partageable! - elle m'a embrassé les mains en me disant : "Merci aux mains qui ont fait cela pour moi!"
Notre dernière conversation, téléphonique, a été brève : elle était trop faible pour parler et m'a assez vite passé son infirmière.
Ce soir, déjà, des gens de la presse m'ont appelé - je ne sais pas comment ils ont mon numéro, j'ai seulement dit tout ce que tout le monde dit. Qu'une grande dame a déposé le fardeau de ses jours terrestres et rejoint l'éternité où elle vivait déjà en prière.
Elle avait fait beaucoup de projets pour ses funérailles, m'avait confié beaucoup de "dernières volontés", dont je suis persuadé qu'aucune n'aboutira - je le lui disais et répétais chaque fois : le protocole est une machine terrible, un rouleau compresseur qui lissera tout et, probablement, n'autorisera aucune fantaisie comme elle l'aurait rêvé. C'est très bien ainsi : il lui fallait encore ce dépouillement. "Regardez, moi qui ai été la Reine, je ne suis plus qu'une croûte, une vieille croûte", répétait-elle en riant. Et elle ajoutait : "Mais la croûte a fait son travail, et elle s'en va rejoindre son amour."

Oh oui, le travail a été fait, Madame, et avec quelle élégance!

Sit tibi terra levis, Fabiola. "Fabiola, que la terre, cette terre de Belgique que tu as épousée et aimée, soit maintenant sur toi légère, infiniment."

dimanche 30 novembre 2014

Les lois des hommes, et la leçon d'Antigone

Oserais-je redire ici un principe élémentaire d'éthique commune, mais qui est bien souvent malmené par les médias? Le voici : il ne suffit pas qu'une loi civile  existe pour qu'elle soit bonne. Même si elle a été votée par une majorité démocratique, et démocratiquement élue, ce n'est pas cela qui assure sa justesse morale. Celle-ci vient de sa conformité à quelque chose qui n'est pas "votable", si j'ose dire, et que les chrétiens de façon certes malhabile appellent "la loi naturelle" ou "le droit naturel", que saint Thomas d'Aquin nommait  la ratio, la "raison", et qu'avant les chrétiens,  les Grecs disaient être "les lois non écrites".
C'est ce qui fonde, par exemple, les droits de l'homme : ceux-ci ne sont pas ratifiés, dans le monde, par une majorité démocratique, mais ils traduisent  "l'idée" que l'on se fait de "l'être humain", de sa "nature", indépendamment des horizons culturels divers où il vit. Certes, les "droits de l'homme" sont nés européens, mais nous pensons avec justesse qu'ils correspondent à la vérité profonde de l'être humain partout et toujours, où qu'il se trouve, même en Chine et en Corée du Nord...
La justesse d'une loi civile vient d'abord de son adéquation à cette intuition universelle de l'humain, à cette ratio, à ces "lois non écrites". Ce qui faisait dire à saint Thomas d'Aquin que la loi civile est ordinatio rationis, "mise en musique, mise en ordre, de la raison."

C'est ce qui nourrit  la révolte de la petit Antigone devant les lois édictées par son oncle Créon, révolte admirablement mise en scène par Sophocle. Je ne sais pourquoi j'avais envie ce soir de relire cette tragédie traduite avec peine dans ces années d'étude qui, pour moi,  font maintenant  presque partie d'une autre vie. J'ai donc  sorti le volume de ma bibliothèque, et me suis replongé dans le grec magnifique, classique, d'une pureté extrême, du Vème siècle avant Jésus-Christ. La petite Antigone, petite jeune fille, comparaît devant son oncle, le tout-puissant tyran de Thèbes, parce qu'elle a refusé de se soumettre à un ordre de lui qu'elle considère comme impie -  interdiction d'offrir une sépulture, fût-ce une poignée de terre, à l'un de ses frères. Elle mourra de cette révolte (on est dans la tragédie) et elle le sait, mais elle fait face. Je traduis :

"- Ainsi, dit Créon à Antigone, tu as osé contrevenir  à ma loi?
-   Oui, répond Antigone, car ce n'est pas Zeus qui l'avait proclamée! Ce n'est pas la Justice, qui habite aux côtés des dieux d'en-bas. Non! Ce ne sont pas là les lois qu'ils ont jamais fixées aux hommes, et je ne pensais pas que tes interdits soient assez puissants pour permettre à un mortel de passer outre à d'autres lois, les lois non écrites, celles-là,  (agrapta), inébranlables, des dieux! Ces lois qui  ne datent ni d'aujourd'hui ni d'hier, et dont nul ne sait le jour où elles ont paru." (SOPHOCLE, Antigone, 449-455.)

Ah! La leçon des Grecs... Cette manière qu'ils ont eue de nous apprendre quelque chose de la dignité humaine, à travers la résistance effrontée d'une petite fille face à la tyrannie de l'ordre établi, quel qu'il soit! Probablement trouve-t-on dans ces lignes l'un des premiers éloges de la conscience morale, libre et droite.
J'espère que l'on continuera longtemps, dans nos écoles, à apprendre et à lire le grec, ne serait-ce que pour avoir accès, "en direct", à des textes aussi puissants que celui-là!

L'Avent : la spiritualité du chien...

J'aime les chiens.
Je n'ai pas toujours été ainsi : quand j'étais enfant, quelquefois, ils me faisaient peur.
Mais j'ai appris à aimer les chiens, et à admirer leur fidélité. Je sais qu'elle peut être intéressée : le chien est fidèle à son maître probablement d'abord parce que son maître est celui qui lui donne à manger... Mais il y a autre chose : peut-être le saurons nous un jour, si des chercheurs vont assez loin dans la psychologie canine.
En tous les cas, j'admire cette fidélité du chien, observable en particulier lorsqu'il attend le retour de son maître : couché sur le seuil, semblant dormir, mais veillant tout au fond de lui-même, les sens attentifs à la moindre odeur, au moindre son. Le maître, même s'il est en voiture, est peut-être encore à des kilomètres : déjà le chien sait qu'il va revenir et donne tous les signes de la joie, se dresse, frétille, sautille. Et la fête qu'il fait, lorsque le maître arrive, les bonds, les jappements, les lèches!
L'être humain est infiniment plus réservé, et c'est probablement mieux adapté à sa vie sociale.
Mais le chien ne nous présente-t-il pas une image admirable de cette veille aujourd'hui recommandée par Jésus? Une invite à garder en alerte nos sens spirituels, à guetter les moindres signes?

mercredi 26 novembre 2014

Pour pacifier les coeurs, une "confession" d'Augustin

En guise de prière du soir, cette confidence d'Augustin :

"J'ai traversé les étendues de ma mémoire à ta recherche, Seigneur. Je ne t'ai pas trouvé à l'extérieur. Je n'ai rien trouvé de toi dont je ne me souvenais pas depuis que je t'ai appris. Oui, depuis que je t'ai appris, je ne t'ai plus oublié.
Où j'ai trouvé la vérité, j'ai trouvé mon Dieu, la vérité même, et depuis que je l'ai apprise, je ne l'ai plus oubliée. C'est pourquoi, depuis que je t'ai appris, tu restes dans ma mémoire. Et je t'y trouve quand je me souviens de toi et que tu fais mes délices. Mes saintes délices, un don de ta compassion,
baissant les yeux sur ma pauvreté."

(St AUGUSTIN, Confessions, X, 35)

mardi 25 novembre 2014

"Vous qui croyez à l'Universel, et le servez..."

C'est par ces mots qu'en 1988 François Mitterrand avait accueilli à Strasbourg le pape Jean-Paul II, reçu à l'époque au Parlement Européen, de même que l'a été  son successeur François aujourd'hui.
Il n'y a eu que deux ou trois voix critiques pour dénoncer comme "anti-laïque" la venue d'un responsable religieux dans une enceinte démocratique et supposée "neutre" - deux ou trois voix, dont celle de l'inévitable Monsieur Mélenchon, qui ne cesse de se référer au Président Mitterrand (vous comprenez pourquoi j'aime à rappeler les paroles d'accueil de ce dernier, prononcées il y a plus de vingt-cinq ans.) Même Madame Marie-Georges Buffet, députée communiste, a cru bon de remettre le cher homme à sa place, en lui conseillant la lecture des textes du pape... Passons sur ces grotesqueries.

Le discours de François devant le Parlement Européen aura  été et restera un grand moment, durant lequel il a demandé aux représentants élus de cinq cent millions de citoyens, de mettre l'homme, sa personne et sa dignité transcendante, au cœur du débat politique, avant les considérations économiques. De s'ouvrir à tous les peuples, et, concrètement, d'accueillir généreusement ceux que la misère chasse de chez eux, en refusant que la Mer Méditerranée ne devienne un cimetière. Bref, le pape a demandé à ces députés de tous bords, Mélenchon compris, de redonner jeunesse et vigueur à l'Europe, pour qu'elle ne cesse pas d'être un exemple dans la quête de bonheur des êtres humains.

Il n'y avait pas de "langue de buis" dans ce discours, mais un appel à retrouver une âme, à ne rien craindre dans l'aventure européenne de l'expression publique du christianisme, qui est là pour rappeler le bien de tous les hommes en respectant les  convictions de chacun, et non pour embrigader dans on ne sait quelle idéologie.

Heureusement qu'il y a de temps en temps des paroles pareillement portées par un souffle, dans les enceintes démocratiques!

dimanche 23 novembre 2014

Le don d'un diacre, don de l'amour...

Nous étions très nombreux, cet après-midi, pour entourer Germain dans l'église d'Enghien, où notre évêque était venu lui conférer l'ordination diaconale. Comme me le disait le Bourgmestre, qui avait tenu à être présent, ce moment de célébration était tout ensemble solennel et familial, dense et joyeux. Il était marqué d'authenticité, cette authenticité qui vient du don de soi caractéristique de notre nouveau diacre. On ne triche pas avec le don de l'amour, avec la générosité, et la célébration a été tout entière imprégnée par cette reconnaissance du Peuple de Dieu, qui a applaudi et rendu grâce. Maintenant, Germain est devenu parmi nous un signe vivant du Christ, Serviteur des hommes. Il nous rappelle à tous que c'est la mission de l'Eglise entière!

Bientôt, sur le site du doyenné et son compte Facebook,  les photos et vidéo de cette célébration, et le texte de l'homélie de Mgr Harpigny seront disponibles!

La mort d'Emile Poulat

On a appris hier le décès, à 94 ans, du Professeur Emile Poulat, historien et sociologue des religions, ancien Directeur d'Etudes à Ecole Pratique des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Il a consacré sa carrière à l'examen de la religion catholique et, en particulier, à celle du modernisme de la fin du XIXe et du début du XXe siècles, ainsi qu'aux retentissements du même modernisme dans les conflits intra-ecclésiaux et dans les rapports de l'Eglise avec la société contemporaine.
Poulat fut mon maître pendant deux années, de 1984 à 1986, à Paris, et j'ai donc pendant des semaines non seulement écouté ses analyses mais participé à son séminaire, à l'Ecole des Hautes Etudes. Il m'a fait découvrir la sociologie de la religion catholique, la rigueur nécessaire dans l'approche des phénomènes religieux contemporains et surtout l'importance de mettre en perspective leurs soubassements historiques.
Une leçon...

samedi 22 novembre 2014

"Moi je monte, et vous, vous descendez"

La formule est attribuée à Madame  de Maintenon, qui croisait, dit-on, dans l'escalier de la Reine à Versailles,  Madame de Montespan, répudiée par Louis XIV : "Oh! Vous montez, Madame", aurait dit la seconde à la première. Et celle-ci de répondre : "Oui, Madame, moi je monte et vous, vous descendez."

J'ai in petto replacé la formule pour une dame qui, me voyant aller célébrer la messe un de ces soirs - en montant ma rue, donc - , alors que les cloches sonnaient, descendait, elle,  la Rue de la Fontaine : "Vous allez à l'église, me dit-elle, et moi je m'en éloigne!"  "C'est exact, moi je monte, et vous,  Madame, vous descendez."

Cruel?
Non, c'est une vérité au moins... géographique!

lundi 17 novembre 2014

Deux événements qui laissent songeur...

L'actualité donne de quoi réfléchir...

1. Vu, hier soir, la rediffusion de Controverse sur RTL-TVI, où il était question de la situation judiciaire du Président démissionnaire du Parlement  de la Communauté Wallonie-Bruxelles, inculpé pour faits de mœurs. Vu, à la suite, l'interview du Président actuel du PS, parti auquel appartient l'intéressé. Au milieu des banalités débitées, retenu deux choses : ce qui semble être important, ce n'est pas la gravité "en soi" de l'infraction supposée, mais l'idée qu'elle soit plus inquiétante, parce que plus repérable, chez un homme public. Je dois dire que cela me consterne : une attitude est, ou non, contraire aux mœurs et, dès lors, sans doute explicable (pour trente-six motifs psychologiques) mais répréhensible, et ni plus ni moins chez un homme public que chez n'importe qui. Deuxième chose : en matière de sexualité, on s'étonne que quelque chose relève du "mal", sauf la pédophilie et le viol. Au point qu'il faudrait presque envisager de changer la loi, pour que tous les comportements (encore une fois, sauf la pédophilie et le viol) soient autorisés.  Cela signifierait qu'en matière de sexualité, rien ne serait vraiment blessant ou criminel entre "adultes consentants." J'écris ici en toute liberté de pensée : d'avoir, comme prêtre, recueilli - entre autres à ce sujet - beaucoup de confidences, je résumerais mon jugement là-dessus en disant : "Je n'en suis pas sûr."

2. Bon. Passons au point deux. Un jeune homme normand vient d'être reconnu sur une vidéo d' "Etat Islamique". A vingt-deux ans, ce gamin ayant grandi en toute sérénité dans un bourg de l'Eure égorgeait un autre homme au nom d' "Allah" et de sa religion. Personne ne s'explique rien : bien élevé, cet enfant était "favorablement connu", normalement scolarisé; ses parents (on le comprend) sont dans une immense consternation. Les psychologues, les sociologues, s'embrouillent dans leurs explications. Il reste évident, à mes yeux, qu'un facteur n'est pas suffisamment pris en compte : la religion. Ce qu'elle est. Sa puissance suggestive (éventuellement destructrice!), que les sociologues spécialisés approchent depuis à peine cent ans (ce n'est rien! C'est l'œuvre de Max Weber qui était
le pionnier là-dessus!) et dont on ne connaît vraiment pas assez les soubassements anthropologiques. Chez nous, en Belgique, comme dans d'autres pays européens, il y a des "cours de religion" (vous voyez où je veux en venir) : j'accepte volontiers de dire avec beaucoup qu'ils ne sont pas parfaits, qu'il faut toujours les améliorer (formation des enseignants, pédagogie, etc., etc.), mais de là à accueillir comme une bonne nouvelle qu'ils soient réduits de moitié pour leur substituer des "cours de citoyenneté"! Les législateurs qui ont voté cette décision n'ont vraiment pas pris en compte la dimension du problème religieux (sociologique, psychologique, anthropologique, culturel, historique, etc.) et on aura raison de leur reprocher longtemps d'avoir méconnu et maltraité un phénomène inquiétant qui risque d'empoisonner notre jeunesse. On a cédé à l'idéologie plutôt que d'opérer - ce qui est la tâche et serait la gloire du politique - un discernement.

Après cela, vous mettrez sur mon compte que je suis probablement trop sévère et peut-être un peu conservateur (un peu). J'accepte les deux reproches... plutôt comme un compliment, et j'attends les remarques théoriques de la contradiction. J'attends...

samedi 15 novembre 2014

Le pape François, quatrième "puissance" mondiale?

Pour la deuxième fois, le magazine américain Forbes vient de placer le pape François en quatrième position dans sa liste des septante-deux personnes "les plus puissantes du monde". Après, dans l'ordre : Vladimir Poutine, Barack Obama, Xi Jinping,  et avant Angela Merkel. Les critères réputés "objectifs" retenus sont : la population couverte par l'influence (pour le pape : plus d'un milliard trois cent millions de personnes dépendent directement de lui); le champ concerné (pour le pape : la religion catholique); le mode d'exercice (pour le pape : Chef d'Etat souverain - minuscule mais présent sur la scène internationale -  et surtout présence charismatique et médiatique); les ressources financières (pour le pape : on ne sait pas au juste, mais c'est important - et il semble que le pape lui-même travaille à la clarification et à l'assainissement de ces finances.)

Ce classement me laisse songeur.

Toute puissance sociologique, aux yeux de l'Evangile de Jésus, doit être d'abord accueillie - et on peut se réjouir qu'elle existe, pour le pape, si elle sert au bien des peuples de la terre. On sait par exemple que les réseaux d'influence de la diplomatie vaticane sont remarquables et peuvent contribuer, secrètement et efficacement, à pacifier des conflits dans le monde. Mais l'Evangile nous apprend aussi que toute puissance, pour être fidèle au dessein de Dieu sur l'humanité, doit être convertie en service et en amour, en don de soi et en générosité. "Compter" sur l'échiquier mondial, sinon, serait suspect.

Je regarde le pape François. Tout ce que je sais de lui, de ce qu'il dit et de ce qu'il fait, me semble vraiment aller dans le sens de l'Evangile, dans le sens de cette transmutation du pouvoir en service.

Du coup, ce "classement", un peu futile somme toute, a de quoi, ce soir, me rassurer...

mardi 11 novembre 2014

Commémorations de l'Armistice : une infinie reconnaissance

Au terme de cette journée du 11 novembre, où nous avons commémoré la fin des guerres qui ont ensanglanté le XXème siècle, et où nous avons ensemble prié pour la paix, je suis rempli de reconnaissance pour la grandeur des moments partagés. Pour la présence importante des Autorités Communales, Civiles et Militaires; pour l'engagement toujours sans faille des Organisations Patriotiques; pour la présence de Monsieur le Pasteur d'Enghien et de plusieurs membres de sa paroisse; pour le concours, surtout, de nombreux jeunes des Mouvements (Patros et Scouts) qui ont vraiment donné à ces célébrations, tant à l'église qu'au Monument, un cachet particulier, et particulièrement émouvant.
Ce sont là des instants précieux que nous devons engranger dans nos mémoires, des instants de communion par-delà toutes les différences qui nuent une communauté urbaine comme Enghien.
Pour ma part, je remercie de grand cœur, et avec une infinie reconnaissance, ceux et celles qui se sont dévoués à cette organisation et je suis heureux que notre Eglise y ait pris sa part comme elle l'a fait!

jeudi 6 novembre 2014

"Les prêtres ne sont pas les aumôniers des catholiques"

Entendu deux fois, cette semaine, la formule que je reproduis ci-dessus, et prononcée par... notre évêque. Lundi et mardi, à Scourmont, devant les prêtres du diocèse ayant moins de vingt-cinq années d'ordination (je n'en suis plus - hélas - mais j'étais l'un des intervenants de la rencontre.) Et aujourd'hui, à la session de rentrée du nouveau "Conseil Presbytéral" (où j'ai été, soit dit en passant, ré-élu, et élu au Bureau, et élu encore modérateur, ce qui ne va pas allonger le temps que je dois à Enghien et à Silly, j'aurais franchement aimé pouvoir être débarrassé de tout cela, mais il paraît qu'il faut accepter : je suis quelquefois fatigué par ces surcroîts et surtout je ne veux pas que cela nuise à ce que je dois, comme curé, aux gens d'ici - bref.)
Etrange formule, donc, de notre évêque, mais à laquelle il tient, puisqu'il la répète : "Les prêtres ne sont pas les aumôniers des catholiques."
J'approuve entièrement.
Les prêtres sont ordonnés pour le monde, leur ministère apostolique est greffé à celui de leur évêque pour "les nations".
Certes, et surtout lorsqu'ils sont curés - chargés d'un "territoire" particulier - ils ont mission, si j'ose ainsi dire, de "faire tourner la boutique".  C'est leur devoir.
Mais ils se doivent aussi à tous, à l'écoute de tous, à l'empathie avec tous, les chrétiens et les pas chrétiens, les croyants et les pas croyants, comme on dit.
"Qu'allez-vous faire dans les confréries enghiennoises, on vous a vu à une rencontre du Football d'Enghien, ou dans des conférences littéraires à Paris...  Multipliez vos messes, plutôt, et f... nous  la paix avec le reste." Eh bien non. Dieu sait que j'aime Enghien et Silly, et leurs paroisses, et que je veux donner pour elles ma vie tout entière. Mais je veux aussi la donner pour la théologie et son enseignement. Et pour ceux et celles qui, ici ou ailleurs, ne fréquentent jamais nos paroisses - et ils ont certainement leurs raisons, et quelquefois leurs bonnes raisons.
Oui, je médite cette injonction répétée de notre évêque, et la trouve éminemment pertinente, et en consonance avec ce que réclame un autre évêque, celui de Rome, François : "Que l'Eglise soit en sortie!", dit-il. Qu'elle ne se racrapote pas sur elle-même!
C'est agréable de se savoir, par vocation, "en sortie". Agréable et exigeant.
Fatigant, aussi, à mon âge : l'autre soir, à la délicieuse et amicale soirée de la Confrérie de la "Double Enghien", je suis rentré chez moi après minuit - et la soirée était loin d'être terminée, mais j'ai prétexté auprès des organisateurs qui m'avaient invité le fait - véridique - que mon ange gardien, syndiqué, ne prend plus rien en charge après cette heure-là. Heureux moments, moments d'amitié, de gentillesse, de partage : nous sommes faits pour les gens, pour tout le monde, absolument tout le monde.
Oui, je comprends ce rappel de notre évêque...

samedi 1 novembre 2014

Fauré, pour nos défunts...

Avec ceci, on a tout compris de la mort et de la vie, à la veille de la "commémoraison" des fidèles défunts dans l'Eglise.
Cette musique de Fauré console et réconcilie...

Une vision pitoyable du monde...

Nous venons de célébrer la Toussaint, qui signale une vision généreuse de l'être humain et de sa destinée personnelle et communautaire. Elle rappelle, par la proclamation de l'Evangile de Matthieu et du début de son chapitre cinquième - le fameux "Sermon sur la montagne" et les béatitudes - que le bonheur de l'homme, et sa sainteté, c'est-à-dire sa réalisation plénière, viennent de la pauvreté reconnue de son cœur, de sa douceur, de sa capacité au pardon, de son sens de la justice - tout cela, dans l'acceptation de la contradiction, jusqu'à ce qu'il en soit éventuellement persécuté.
Vision grandiose de ce qu'est l'être humain, qui ne se réalise qu'en s'offrant.

Par antithèse.
Lu, et recoupé - malheureusement, ce sont des propos authentiques - ces déclarations tenues en juin dernier par Monsieur Jambon, actuel Ministre de l'Intérieur : "Les ONG veulent nous faire porter le fardeau du malheur du monde en nous imposant un sentiment de culpabilité. Avec leurs campagnes d'affichage déplacées, elles veulent clairement nous faire croire que c'est de notre faute si d'autres dans le monde vivent moins bien que nous. Un jeu que les médias jouent également. (...) La faim dans le monde n'est pas de notre faute."

Je ne connais pas les secrets des ONG, certes, mais ce que je sais, c'est que la faim dans le monde EST de notre faute. Et que des propos comme ceux-là sont profondément contraires à ce que la fête d'aujourd'hui, qui parle de sainteté, entend promouvoir.

Je voudrais, en contrepoint - et sans faire de politique politicienne, bien sûr, qui n'est ni mon domaine ni ma compétence - citer ceci : "Pour pouvoir soutenir un style de vie qui exclut les autres, ou pour pouvoir s'enthousiasmer avec cet idéal égoïste, on a développé une mondialisation de l'indifférence. Presque sans nous en apercevoir, nous devenons incapables d'éprouver de la compassion devant le cri de douleur des autres, nous ne pleurons plus devant le drame des autres, leur prêter attention ne nous intéresse pas, comme si tout nous était une responsabilité étrangère qui n'est pas de notre ressort. La culture du bien-être nous anesthésie..." (Pape François, Exhortation Apostolique Evangelii Gaudium, n°54.) Là, on admettra, au moins,  que c'est mon rôle, mon devoir - un devoir quelquefois urgent - de le répéter, de le transcrire et de le transmettre. Il y aurait une manière de confiner l'Eglise catholique dans  ses sacristies et ses prétendus tabous sexuels, qui voudrait s'interdire de l'entendre en quoi que ce soit, et particulièrement dans les sujets dont elle débat le plus - et le mieux, sans doute : ceux de la justice sociale.

jeudi 30 octobre 2014

Jean-Pierre, Rosette : funérailles de deux "saints"

En moins d'une semaine, funérailles de deux "saints" d'Enghien. J'entends déjà les protestations : les funérailles ne sont pas une canonisation, il est excessif de mettre ainsi sur des autels des personnes dont sans doute vous ne connaissez pas tout, etc., etc.

Je maintiens, cependant. Parce que les "saints", dans le vocabulaire du Nouveau Testament, et particulièrement dans les Lettres de Paul, ce sont les baptisés qui, souvent anonymes, tentent vaille que vaille de mettre en œuvre(s) leur baptême... et deviennent dès lors des témoins de ce qu'est concrètement la vie avec le Christ.

Or Jean-Pierre et Rosette, chacun dans leur genre, ont été de ces témoins : humbles, attachés à leurs tâches, proches des petits, infiniment soucieux de vie spirituelle, infiniment épris de l'Evangile, désireux de transmettre leur foi, qui était pour eux un "art de vivre", à leurs proches et à tout le monde, mais sans la moindre volonté prosélyte.

Nous allons célébrer la Toussaint, la fête solennelle de "tous les saints" : Jean-Pierre et Rosette sont sans conteste du nombre, et la célébration de leurs funérailles, samedi dernier ou ce matin, a été quelque chose qui déjà anticipait le Paradis. Nous y avons accueilli et recueilli les fruits de deux vies exemplaires...

mercredi 22 octobre 2014

Le Synode romain portera ses fruits

Le Synode extraordinaire sur la famille, qui s'est conclu à Rome dimanche dernier, portera ses fruits dans un an. Un an donné pour méditer la portée des échanges laissés complètement libres par le pape, et qui ont permis de constater que, toujours, la majorité des Pères (pas toujours une majorité des deux tiers, mais toujours une majorité) approuvait et demandait de considérer d'abord dans l'accueil et l'estime la situation quelquefois complexe de tous les couples, absolument tous.
Le discours final de François est un modèle d'équilibre et de fermeté - "à la jésuite" : tout ayant pu être dit, toutes les objections ayant été faites, le sentiment de chacun ayant été recueilli, le Peuple de Dieu ayant été écouté, il faudra travailler encore dans la prière et dans la foi pour, après le prochain Synode - "ordinaire", celui-là - proposer des orientations pastorales neuves. Et neuves, elles le seront, comme l'Evangile est neuf, toujours, et audacieux. Et elles s'imposeront à tous, car le Synode se tient cum Petro et sub Petro ("avec Pierre et sous son autorité"), comme l'a rappelé le pape, qui écoute beaucoup mais n'a pas sa langue en poche quand il faut rappeler que Pierre, aujourd'hui, c'est lui. Et il veut très certainement que les choses changent. Il y met, et y mettra, toutes les formes de la concertation, certes, et cela prendra donc le temps nécessaire. Mais les réformes à venir seront d'autant plus incontestables...

Saint Jean-Paul II

Joie simple d'avoir célébré pour la première fois, ce matin, à Enghien, la messe à la mémoire de Saint Jean-Paul II. Pour la première fois - puisque, pour rappel, avant il n'était pas canonisé! Le 22 octobre est désormais dans l'Eglise Catholique le jour de sa fête - la date est celle de son élection au Souverain Pontificat, le 22 octobre 1978. Je me souviens, comme si c'était hier, de la première apparition à la loggia de Saint-Pierre, regardée avec des amis à la télévision au Focolare de Bruxelles - j'avais vingt et un ans -,  je me souviens de l'enthousiasme d'accueillir pour la première fois un pape "venu de l'Est", je me souviens des réflexions à n'en plus finir sur ce que cela allait changer dans "l'ordre du monde" (et des années après, eh bien, nos rêves n'ont pas été déçus). Jean-Paul II a été le pape "sous" lequel j'ai laissé mûrir ma vocation à la prêtrise, "sous" lequel j'ai été ordonné, que j'ai vu pour la première fois lors d'un déplacement  à Rome en 1979, précisément pour une réunion des jeunes Focolarini.  Le moment qui m'a le plus ému a sans conteste été la rencontre avec le Grand Rabbin de Rome, à la Synagogue : "Vous êtes nos frères dans la foi, lui dit-il, nos frères aînés!" Quand on connaît le sort réservé aux Juifs - et  à ceux de Rome en particulier - dans l'Eglise Catholique, quelle repentance, quelle révérence!
Tout n'a pas été parfait dans ce pontificat, certes, et en particulier la maladie de ce pape a-t-elle été trop médiatisée. Mais, s'il vous plaît, quel homme, quel don de Dieu à l'Eglise!

dimanche 19 octobre 2014

Intellectuellement... malhonnête

Dans une interview accordée à une télévision néerlandophone, Monsieur De Wever a donc confirmé son soutien aux propos discutables des deux ministres NVA du Gouvernement, sur  la collaboration.
J'en retiens deux choses :
- l'histoire est remplie de collabos qui ont "eu leurs raisons", dit-il, et de citer, pêle-mêle, Ratzinger, Mitterrand et "le roi de Belgique qui a pris le café avec Hitler". Pour rappel : Ratzinger a été forcé, comme tous les Allemands de son âge, et à la fin de la guerre, d'entrer dans  les Jeunesses Hitlériennes; Mitterrand a certes été pétainiste au début de la guerre, mais il est ensuite devenu un grand résistant; le roi des Belges (et non "de Belgique", titre qui n'existe pas constitutionnellement pour des motifs précis) Léopold III a souhaité une rencontre avec Hitler pour traiter du sort des prisonniers de guerre. Je ne sache pas que tout cela ait grand chose en commun avec des personnes, flamandes ou wallonnes du reste - peu importe- qui ont décidé, par idéologie et profit personnel, de pactiser avec le nazisme. Le raccourci, de la part d'un historien comme Monsieur De Wever, laisse planer des doutes sur l'honnêteté intellectuelle de celui qui en est l'auteur...
- il faudrait, ajoute le même, oublier tout cela pour se consacrer aux tâches du présent. Là encore, on s'étonne de ce qu'un historien néglige volontairement la fonction de l'Histoire qui, pour reprendre une expression latine (elles sont chères, semble-t-il, au Bourgmestre d'Anvers qui en fait collection), est magistra vitae, "maîtresse de vie". Impossible, pour bien vivre le présent, d'ignorer le passé et de ne pas en dénoncer les errements!

     Mais voilà, inutile probablement  d'argumenter plus loin : le cynisme semble devoir l'emporter sur l'honneur, et les remarques, sans doute excessives dans leur tonalité,  de l'opposition, n'auront pour résultat que d'en rajouter une couche. Tant il est vrai, Monsieur De Wever, que  quidquid recipitur ad modum recipientis recipitur... Hélas!

jeudi 16 octobre 2014

L'admiration de soi-même...

En voilà, un sujet!
On pense que la morale et la spiritualité chrétiennes nous ont appris à nous détester nous-mêmes, voire à nous haïr, mais en aucun cas à nous admirer et, encore moins, à le dire. Or, cela n'est pas tout à fait vrai : dans la foi chrétienne, on sait qu'il ne faut pas mentir, et qu'il ne faut même pas se mentir à soi-même sur soi-même.  Or, une certaine dose, sinon d'admiration (!), du moins d'acceptation de soi, est nécessaire à la vie. On ne saurait vivre en se méprisant - c'est une réalité psychologique et spirituelle que rappelait souvent Bernanos, et notamment dans les Dialogues des Carmélites ("Le vrai malheur, ma fille, n'est pas d'être méprisée, mais de se mépriser soi-même", etc.)
Or donc, faut-il s'admirer? Le mot est fort, évidemment - et c'est pourquoi il est amusant. La vérité est qu'il faut apprendre à se connaître sans complaisance, et que cette connaissance de soi vient de la vie de  l'Esprit Saint en nous, de la vie spirituelle (au sens chrétien du mot).
Il faudra ici encore citer saint Augustin, décidément inépuisable :

"Que t'avouer, Seigneur? Que j'aime être admiré? Mais j'aime encore mieux la vérité. Entre être admiré par tous, en étant complètement fou et errant, ou critiqué par tous, tout en étant ferme et fidèle à la vérité, je sais très bien quel serait mon choix. Et je ne voudrais même pas de l'admiration d'un inconnu pour renforcer ma satisfaction d'avoir accompli quelque chose de bien. (...) Or, la moindre critique me touche. Et comme cela me rend malheureux, je trouve en moi une excuse. Tu sais ce qu'elle vaut! Je ne suis pas objectif." (Confessions, X, 61) Tout le passage est à (re)lire. Une leçon!

mercredi 15 octobre 2014

Les "foutaises" de Monsieur de Wever

Je suis rentré tard ce soir, et n'ai capté qu'une rediffusion des JT. Mais, si j'ai bien compris, Monsieur De Wever, parlant depuis la Chine où ils se trouve des propos et attitudes de "ses" ministres à l'égard de la collaboration, aurait déclaré que c'étaient là des "foutaises" n'intéressant que les Francophones, et pour lesquelles on ne saurait avoir, depuis la Chine, aucune considération.
Que la complaisance (pour ne pas dire plus) pour la collaboration avec un régime génocidaire, raciste et qui a causé le plus grand cataclysme mondial au XXème siècle, soit qualifiée de "foutaise", voilà qui laisse pantois.
Il faudra bien sûr vérifier demain dans la presse écrite, et lire les inévitables démentis que "ces gens-là", prodigues en contradictions, ne cessent d'apporter à leurs propres propos.
Mais jusqu'à quelle lie devrons-nous boire la honte?

"La Madre"

Nous avons célébré aujourd'hui la mémoire de sainte Thérèse d'Avila, née en 1515 - commence donc aussi l'année jubilaire du cinq-centième anniversaire de sa naissance.
Espagnole jusqu'au bout des ongles, femme comme on n'en fait plus - vraie tigresse si nécessaire! - Thérèse est une immense figure de la foi catholique. Son autobiographie spirituelle est l'un des monuments de la littérature mystique mondiale, qui dépasse de loin les frontières de la "religion" catholique. En 2008, l'excellente psychanalyste Julia Kristeva - athée ou, comme elle dit, "post-chrétienne", mais avec une grande empathie et une belle connaissance de la foi au Christ - lui a consacré une somme de 750 pages, que je trouve être une remarquable étude  : Thérèse, mon amour! (Fayard, 2008).  Lors d'une conversation privée que j'avais eue alors  avec Julia Kristeva, à la sortie de son livre, je lui avais demandé si - c'était ce que je comprenais de son texte, écrit avec érudition et révérence - se rendre capable de suivre Thérèse et ses enseignements aujourd'hui équivalait à une bonne psychanalyse. "Mais ça vaudrait beaucoup mieux!",  fut la réponse!
Alors, pour conclure cette journée - qui n'a pas manqué de tristes nouvelles, et en particulier l'annonce du décès, après une brève maladie, de Christine Cambier, qui fut si dévouée à la vie de nos paroisses, et surtout à celle de Bassilly -, pour s'endormir dans la paix du Christ et faire l' "examen de conscience" qui doit nécessairement présider à tout sommeil, pour aider, avant de sombrer dans l'oubli de la nuit, à la remise critique de soi-même entre les mains d'un Dieu aimant, voici quelques mots de la Madre :

      "Connaissons notre misère et souhaitons d'aller là où 'personne ne nous méprise', comme je me rappelle l'avoir quelquefois entendu dire à l'Epouse dans les Cantiques; et en vérité je ne trouve rien dans toute la vie qui se puisse dire à plus juste raison, parce qu'aucune des avanies et des souffrances qu'il peut y avoir dans la vie n'approche, selon moi, de ces batailles intérieures. On peut supporter n'importe quelle angoisse, n'importe quelle guerre, si on trouve la paix là où l'on vit, comme je l'ai déjà dit, mais que nous voulions venir nous reposer des mille fatigues que nous cause le monde, que le Seigneur veuille bien nous ménager ce repos, et que l'obstacle soit en nous-mêmes, voilà qui ne peut manquer d'être fort douloureux, et quasiment insoutenable!" (Le Château intérieur., IVes Demeures, I, Gallimard, Pléiade, 2012,  p. 559).

     J'ajoute que, au nom de nos communautés paroissiales, j'adresse mes vœux aux Sœurs Carmélites que nous connaissons et qui prient pour nous, et, en particulier, aux Sœurs de Floreffe, ces filles de Sainte Thérèse auxquelles nous attachent des liens si étroits de fraternité et d'affection!

mardi 14 octobre 2014

Nouvelles du Synode des évêques

Un premier rapport intermédiaire du Synode des évêques vient d'être publié. Il est encourageant : une majorité d'intervenants semble, pour l'heure, privilégier la charité dans le binôme traditionnel - "charité/vérité" qui préside si souvent aux considérations éthiques de l'Eglise catholique. Non que la vérité soit ignorée, certes, mais ce que l'on connaît en morale depuis des décennies sous le terme de "gradualité" semble faire sa réapparition : il faut accompagner les personnes telles qu'elles sont, apprécier leur vie (y compris de couple) telle qu'elle est, et y discerner tout ce qu'elle possède de positif, avant d'y porter le fer de la critique. Cela vaut pour toutes les situations de conjugalité, dans et hors mariage civil et religieux, hétéro ou homosexuelle.
Il semblerait aussi, quant à la "méthode" cette fois, que ce soit l'attitude du pape François qui ait permis cette expression plus généreuse, et hors clivages attendus (conservateurs versus progressistes).
Ce n'est qu'une première semaine. Interrogé, le Cardinal Danneels disait qu'il ne savait pas comment, concrètement, ce Synode aboutirait, mais qu'il était persuadé, vu son déroulement actuel, qu'il "se terminerait bien".
De l'espoir, enfin, de l'air!

"Nazis durant les guerres..."

La Belgique connaît  plusieurs clivages, qui tantôt se superposent, tantôt non. Il y a la fracture politique, certes (gauche, droite, et un centre qui se cherche, à droite en Flandre - pour l'instant -, à gauche en Wallonie - pour l'instant.) Il y a le clivage culturel et linguistique, certes. Il y a aussi le clivage idéologique - que l'on retrouve dans d'autres démocraties, comme la Suède par exemple - entre ceux qui seraient enclins à revisiter l'histoire pour lui pardonner les excès collaborationnistes de certains et ceux qui restent là-dessus intransigeants : les premiers, quand même plutôt à droite, sont aussi bien en Flandre qu'en Wallonie. (On en voit, pour rappel, aussi en France : se souvenir du propos de Monsieur Le Pen, il y a vingt ans, sur le "détail de l'histoire" que furent d'après lui les chambres à gaz et les camps de concentration...)
Je suis, pour ma part, du côté des intransigeants : pas de compromis avec la crasse, et pas de pardon pour ceux qui ne le demandent pas dans la repentance. C'est une question d'éthique, qui je crois doit guider la démocratie : celle-ci n'est pas simplement le fait d'une majorité arithmétique, mais la préservation d'un certain nombre de "valeurs" (comme on dit), et donc aussi de détestations, qui transcendent les différences plus haut rappelées. Hitler aurait  été élu "démocratiquement" - si l'on s'en tenait  à la simple addition des suffrages qui l'ont porté au pouvoir, mais c'est bien la preuve que cette simple addition ne fait pas une démocratie.

Il y a trente-cinq ans, Jacques Brel fustigeait les "Flamingants" (à ne pas confondre, évidemment, avec les Flamands - lui-même se disait Flamand de cœur, et précisément les Flamingants étaient pour lui ceux des Flamands qui refusaient un sain examen de conscience à propos de leur passé collaborationniste) : "Nazis durant les guerres et catholiques entre elles, vous oscillez sans cesse du fusil au missel..."

Les catholiques complaisants, comme vous le voyez, n'étaient pas non plus épargnés, dans cette chanson qui ne voulait pas stigmatiser un peuple, mais une attitude. Notez que Brel avait en partie tort : aujourd'hui, ceux qu'il tançait  hier de la sorte  ne sont même plus catholiques entre les guerres...

En voyant les scènes pathétiques du Parlement belge cet après-midi, allez savoir pourquoi ces paroles d'indignation et de bon sens (moral) me sont revenues en mémoire....

jeudi 9 octobre 2014

Mort et funérailles de Mathieu

Mathieu, 25 ans...
Parti d'un effondrement cardiaque, le 30 septembre.
Enfant d'Enghien, fils de policier, et lui-même inspecteur de police à Bruxelles dans la Zone Montgomery.
Je ne le connaissais pas, mais j'ai appris à le connaître par tout ce qu'on m'a dit de lui : sa générosité, son amour de la musique, son enthousiasme pour son travail - un vrai service.
Ce matin, l'église d'Enghien était comble : 800 personnes, sans doute un peu plus, ses compagnons de travail, ses copains. Un vrai silence. Une vraie émotion.
Comment accompagner une famille, des amis, une compagne, qui perdent subitement quelqu'un de si jeune? C'est toujours en moi le même désarroi, je n'ai pas de paroles toutes faites - sauf celles du rituel, bien sûr, qui endigue admirablement nos émotions et les dirige comme il faut.
Mais que dire de particulier, face à pareille détresse?
J'ai essayé de parler de l'épisode de la vocation de Matthieu, dans l'évangile du même auteur. Sa surprise, que décrit le tableau du Caravage, à Rome. "Pourquoi moi? Pourquoi maintenant?" La mort est aussi un appel, elle n'est pas seulement une fin, une conclusion.
Je ne connaissais pas Mathieu. Mais maintenant que nous avons célébré son départ, il me semble le connaître et je lui demande de prier pour les siens. Et pour les jeunes d'Enghien. Et pour moi, aussi... Il est devenu un protecteur...

samedi 4 octobre 2014

Le Synode sur la famille

Demain, à Rome, le pape ouvrira le Synode des évêques sur la famille. C'est une intention et une préoccupation qu'il faut confier à tous. J'ai été frappé - et relativement déçu - de ce que les médias, et quelquefois les médias catholiques, se soient focalisés sur des problématiques somme toute accessoires : faut-il donner ou non la communion eucharistique aux divorcés remariés civilement?, ce genre de chose, des questions de discipline, donc, et non de société.
Or l'enjeu est vraiment ailleurs : nous savons bien que la famille a une place centrale dans la société des hommes - il suffit d'imaginer ce qui se passerait si la vie de famille n'existait pas, ou était empêchée, les conséquences que cela comporterait pour les parents mais surtout pour les enfants. La question n'est pas tant de savoir quel type de famille est "légitime" (classique, monoparentale, homoparentale, etc.) mais comment la société soutient la vie familiale, favorise les contacts intergénérationnels, aménage le temps de travail des adultes pour que ceux-ci puissent développer de véritables contacts éducationnels avec leurs enfants. Et, pour ce qui concerne l'Eglise, comment celle-ci est et devient sans cesse toujours plus un lieu d'accueil pour toutes les familles - non pas que toutes, évidemment, soient sacramentelles ou puissent revendiquer de l'être, cela c'est autre chose - , comment elle les écoute et les accompagne, comment elle les soutient dans les épreuves et les moments difficiles. En lisant ce matin les lettres de motivation des jeunes de Frasnes que je vais aller confirmer demain après-midi, j'étais frappé de voir que chez beaucoup - plus de la moitié - lorsqu'ils expriment leurs rêves d'avenir, la vie de famille tient une place première, désirée.
La société, trop souvent, pèche par légèreté vis-à-vis des familles : les séparations sont beaucoup trop rapides, souvent peu ou mal motivées, et sans grande considération pour les conséquences sur tous les membres de la famille (car les enfants en souffrent, mais les grands-parents aussi), elle encourage trop peu les médiations et la patience lorsque surgissent les crises inévitables.
Mais l'Eglise, trop souvent, pèche par un rigorisme excessif qui lui fait seulement rappeler de grands principes sans écouter toujours la diversité des situations. Et c'est aussi une source de souffrance.
En outre, la question se pose de la sacramentalité du mariage, qui ne saurait être liée qu'à la foi, une foi souvent peu ou mal partagée par les baptisés qui réclament de se marier à l'Eglise.
Bref, les questions de fond me semblent infiniment plus importantes et complexes que les questions de discipline, et touchant à ce qui constitue la cellule première de nos sociétés. Et, sur ces questions de fond, j'espère que le Synode des évêques puisse apporter beaucoup.

mardi 30 septembre 2014

Retour de Rome...

Rentré la nuit dernière de Rome, où je me trouvais depuis vendredi avec quelques proches collaborateurs et amis en pèlerinage. Une nouvelle fois séduit par la beauté de cette Ville, une nouvelle fois ému d'y retrouver des racines complexes - celles de l'Antiquité païenne, celles des premiers siècles chrétiens, celles de la Renaissance - qui s'expriment dans les pierres, dans la magie des lieux, dans le mystère de ces rues antiques sous la basilique de Saint-Clément, dans les dorures théâtrales du baroque...
Joie d'avoir participé, au milieu d'une foule impressionnante (combien de dizaines de milliers de personnes?) à la messe présidée dimanche par le pape François, en présence de son prédécesseur, pour les familles du monde entier et, en particulier, pour que soient raffermis les liens entre générations. Ce qui se passe là, au Vatican, depuis que François est pape, est une chose très étrange : on sent que quelqu'un parvient à répondre à l'attente diffuse de tant de peuples à travers le monde!
Prié, beaucoup, pour notre doyenné, et en particulier donc pour ses familles, dont je sais certaines en grand désarroi. Déposé le tout près de saint Pierre, sur son tombeau, à l'endroit où ce pêcheur d'un coin perdu de Palestine est venu, il y a deux mille ans, témoigner de son espérance, et pour cela, donner sa vie.

jeudi 25 septembre 2014

Prière, précarité

Relisant hier soir Gesché, je suis frappé par l'une de ses notes où il signale la filiation étymologique entre "prière" et "précarité". Je veux y revenir ce matin, non sans avoir - habitus philologique oblige - vérifié la chose dans mon vieux "Gaffiot"(le meilleur dictionnaire du latin classique). Comme toujours, Gesché a raison : precari, le verbe latin, a donné "prier" et l'adjectif latin qui en est issu, precarius, a donné "précaire" dont la première signification est "obtenu par la prière".
Ma méditation de ce matin a tourné là autour.
C'est donc la précarité qui nous fait prier, la nôtre, certes, mais aussi celle du monde. Avant d'être une plainte face au caractère éphémère de toute chose, la prière est d'abord un émerveillement : tout ce qui enchante ma vue, la beauté des dernières roses de mon jardin ou l'agencement du monde derrière lequel je suppose sans la voir une infinité d'univers inconnus, tout cela est aussi "pour moi", pour mes yeux provisoires. Il y a dans cette rencontre entre deux précarités - la mienne, celle du monde - de quoi frémir de bonheur, puisque cet univers n'est pas seulement là pour lui mais, au moins dans ce moment de méditation, "pour moi" et "pour nous". Avant tout engagement éthique à le défendre, à prolonger l'éphémère, on est en effet dans ce que la prière nomme "l'action de grâce", une gratitude pour le don "gratuit" de la beauté.
D'autres fois, cette précarité - la mienne, celle des autres hommes, celle de mes proches, celle du monde - fait mal, et suscite autrement la prière : elle est à l'origine d'un scandale : pourquoi faut-il que tout finisse sur cette terre, la vie des hommes et celle des bêtes (le chagrin d'Yvette, hier, une dame âgée, amie, voisine, qui a perdu son petit chien) que nous aimons? Pourquoi la mort, et ses cortèges endeuillés? Pourquoi les traversées douloureuses de la maladie, de la contradiction, de la mésentente, de la guerre, de la haine? Pourquoi les catastrophes et les calamités? La précarité ici, nous conduit de l'émerveillement à l'interrogation et à la supplique - et c'est encore de la prière.
Il faut bénir la fugacité de tout, qui s'en va - parce ce que c'est en effet le lieu de la méditation intérieure, le lieu où l'on ramasse son action de grâce et sa désolation, le lieu où l'on prie. Et, parmi toutes les activités qui le constituent aussi comme être humain, l'homme est, ici-bas, et parce qu'il est précaire,  fait pour prier.

mardi 23 septembre 2014

La vraie question est celle de la foi...

Rencontre d'EAP hier soir et, venant d'une paroisse rurale, longue interrogation autour des communautés locales modestes et de leur éventuelle "absorption" dans un ensemble trop vaste. J'entends bien le souci, mais à mon sens, la question est ailleurs. Elle est dans la disparité de plus en plus grande entre les convictions communes de nos contemporains et les propositions de la foi chrétienne.
Résumons-nous :

1° D'un côté, donc, la foi chrétienne : le Christ est ressuscité des morts, premier-né des morts. Cet homme qui a vécu il y a deux mille ans dans la foi juive, pétri pendant trente ans des prophéties et des attentes messianiques, cet homme qui a prêché un "salut" de l'humain par ses actes et par ses paroles, a été tellement incompris de son temps qu'on l'a éliminé physiquement. Après quelques jours de stupeur, de crainte et d'enfermement, ses proches ont prétendu le rencontrer vivant, non qu'il ait repris sa vie humaine antérieure seulement, mais parce qu'il inaugure une Vie nouvelle, absolument inédite, et désormais non susceptible de mourir. Ce faisant, il révèle de Dieu un visage  lui aussi absolument inédit, -  déconcertant. Un visage qui change tout, par ricochet, de la conception que l'être humain peut avoir de lui-même, de son origine et de son terme, de ses relations et de ses valeurs.  C'est exactement cela que les chrétiens d'aujourd'hui proclament,  en appuyant leur conviction sur le témoignage de ces premiers témoins. Aux yeux du "monde" (non seulement d'aujourd'hui, mais de tous les temps, à leur époque comme à la nôtre), c'est une folie (saint Paul parle à juste titre de la "folie de la prédication.")

2° D'un autre côté, donc, la foi du monde : la vie est courte et il faut en profiter, elle se limite à elle-même, il importe d'en soigner les bons côtés le plus et le mieux possible (médecine qui prolonge, attention  portée à l'environnement, solidarités avec tous, services humanitaires, etc.) La mort est la fin, une fin souhaitable et qu'il faut même hâter si la vie n'est plus source de (ré)jouissance. Les rêveries des chrétiens ou des autre religions sont des stupidités, qui plus est souvent dangereuses car fauteuses de troubles et alimentant les guerres quand elles sont utilisées à des fins politiques, et elles coûtent cher (voir chez nous l'entretien, par les fonds publics, de bâtiments du reste désertés de plus en plus.)

3° Les gens qui, chez nous, fréquentent encore les églises ou leur demandent quelque chose, sont pour l'essentiel dans la catégorie numéro 2 : ils demandent des bénédictions ou des protections ou des fêtes de familles un peu solennisées, mais n'ont aucune idée de la catégorie numéro 1 et, la plupart du temps, n'ont aucune envie qu'on leur en parle et qu'on leur dise que la foi chrétienne consiste en cela.

4° Toutes les difficultés viennent de cette disparité entre le numéro 1 et le numéro 2. Tout  : gestion difficile des bâtiments, peu de monde à des célébrations récurrentes, pastorale des baptêmes, des mariages, des sacrements de la foi (eucharistie, confirmation) ou des funérailles, difficultés éventuelles avec les pouvoirs publics, etc., tout vient de là.

5° A partir de là, commencer à réfléchir à ce que l'on veut proposer comme pastorale chrétienne dans nos régions pour les années à venir. Mais sachant, donc, que la vraie question n'est pas la "morale" des chrétiens, ou je ne sais quoi d'analogue,  mais leur foi.

dimanche 21 septembre 2014

Rentrée des Patros... et des autres mouvements!

Ai participé, en début d'après-midi, à la rentrée du Patro d'Enghien (garçons) comme je l'avais fait pour celle du Patro (filles) dimanche dernier, et, la veille, des Scouts et Guides. Gauthier, qui, lui,  au sein de notre "Equipe d'Animation Pastorale" (EAP) assure le lien avec, entre autres, les Mouvements, avait participé à la rentrée des Patros de Silly.
Les charismes fondateurs sont sans doute différents, mais la volonté des jeunes (chefs, dirigeants) est la même : aider des enfants et des adolescents à grandir bien, droitement, dans une pédagogie du contact avec l'autre, de la sortie de soi, de la découverte et du respect de son environnement. Je suis frappé, je le redis ici comme je l'ai dit publiquement lors de ces "rentrées", par la générosité de ces grands jeunes qui, bénévolement, se donnent de la peine pour animer des cadets; par la confiance des parents, qui souhaitent ainsi donner à leurs enfants les loisirs les meilleurs. Ils sont vraiment les bienvenus et, cet après-midi, j'ai pu apprécier avec quel respect et quelle écoute tous étaient accueillis au Patro, par exemple. Je pense à mon petit "enfant de chœur" de ce matin - qui avait si bravement tout seul servi la messe des "Jubilaires", une grand-messe un peu solennelle tout de même! -  retrouvé rue du Patronage cet après-midi - sept ans, cet enfant, il ira loin - accompagné par sa maman africaine, avec un petit peu de peur au ventre, mais rassuré par les sourires des autres! Bravo!
Il y a dans tout cela un véritable esprit chrétien : même si les Scouts ont renoncé à ce qu'on le dise explicitement, ils sont demandeurs d'une présence de prêtre, lors de leurs animations ou de leurs camps; pour les Patros, le lien est plus explicite : ils sont - et, à mes yeux, ils restent - une émanation des paroisses, créés pour animer une jeunesse peut-être plus populaire à l'origine - mais que veut dire le terme, à l'aune d'une fraternité revendiquée et souhaitée partout et, j'espère, par tout le monde?  La généalogie peut bien, de temps en temps, se distendre : la joie de la rencontre reste intacte.
Je suis fier, je l'ai dit et j'aime à le répéter, de la jeunesse d'Enghien. Je n'ignore pas ses problèmes et ses contradictions, ses interrogations et parfois ses errances. Mais je sais sa générosité. Je remercie chaleureusement chefs et dirigeants, anciennes et anciens, qui sont des veilleurs et des éveilleurs. Ils nous donnent à voir une génération généreuse (si j'ose ce jeu de mots), soucieuse des plus petits, et, quelles que soient les pédagogies diverses - et légitimement diverses - mises en œuvre, ils nous donnent à voir ce qui doit, pour la rendre heureuse, motiver toute vie humaine : se soucier des autres.

samedi 20 septembre 2014

La Patrie plutôt que la Nation...

Ainsi donc, les Ecossais ont voté avant-hier, et c'est "non" (à plus de 55%) à l'autonomie. Ils ont, à mon sens, choisi la Patrie plutôt que la Nation et - à mon sens toujours - ils ont eu raison.
Que veux-je dire par là?
La Nation, cela a des côtés sympathiques : on s'y retrouve entre soi, on y partage souvent la même langue, la même "culture", les mêmes habitudes - notamment alimentaires - et ainsi de suite. C'est très bien, l'identité : sans elle, on  ne va pas loin.
Mais la Patrie est toujours, d'une certaine façon, la mise en commun plus ou moins artificielle et cependant nécessaire de diverses Nations. Sans l'idée de Patrie, on risquerait un repli sur soi, un manque d'ouverture aux autres (aux autres cultures, aux autres langues, aux autres modes de vie, etc.)
J'emprunte cette conception, cette différence de définitions - qui n'est, je le sais, pas admise par tous - à Voltaire - eh oui! - qui, dans son Dictionnaire Philosophique, parle de "Patrie" comme d'une "réunion de diverses familles".
Il n'y a pas besoin d'aller loin pour donner des exemples de ce que j'esquisse ici.
La Belgique est une Patrie, c'est-à-dire un assemblage, pour une part hétéroclite et accidentel, de Nations. Cela fait d'elle le lieu d'un exercice qu'on peut appeler de "brassage culturel".
Pareil pour l'Allemagne - un fédération de Nations autrefois souveraines (la Prusse, la Bavière, etc.)
Pareil pour l'Italie - quoi de commun entre le Nord, la Vénétie et la Sicile?
Pareil pour l'Espagne.
Pareil pour la France, dont la configuration  actuelle est après tout relativement récente...
Et ainsi de suite. Je ne trouve pas heureux, pour les motifs exprimés ci-dessus, qu'une Nation veuille devenir une Patrie. Je peux, jusqu'à un certain point, entendre les volontés identitaires qui doivent évidemment être respectées, mais, pour des raisons strictement anthropologiques et éthiques, je ne trouve pas cela souhaitable.
(C'est aussi, soit dit par parenthèse, le motif pour lequel j'estime qu'un Chef d'Etat - de Patrie - ne doit pas être élu au suffrage universel : cela personnalise  infiniment trop le rôle qui, bien rempli par une figure  charismatique, peut alors se défendre, mais sinon... voir en France aujourd'hui! Même dans de grandes Républiques européennes - Allemagne, Italie - le Chef de l'Etat est élu par de "Grands électeurs", ce qui diminue considérablement son pouvoir personnel. Et c'est pourquoi le système monarchique, qui ne fait absolument pas appel au suffrage du Peuple pour l'élection du Chef de l'Etat - seule compte sa naissance,  arbitraire - me semble convenir tout à fait. Soit.)
Cela dit, je ne trouve pas non plus très heureux que l'Union Européenne se profile comme un "super-Etat", surtout s'il ne se trouve compétent que dans le domaine économique : il me semble qu'alors, pour le coup, les Nations n'y sont pas assez respectées.
Comment sera l'avenir?
Evitons les idéologies, regardons le bien réel des peuples - économique, culturel, social, international - et méditons. Et alors, oui, militons pour ce qui nous semble être le bien commun. C'est aussi un devoir de chrétien...

jeudi 18 septembre 2014

Le "beau livre" d'Yves Vanopdenbosch

Dans la tradition éditoriale, un "beau livre" est un livre d'art, de format plus grand que les autres, un livre fait pour durer parce qu'il reproduit de belles photographies...
Il y a tout cela dans le "beau livre" que vient de faire paraître notre ami Yves Vanopdenbosch, qui dirige "l'Ecole des Plantes" de Lessines, un livre intitulé : Saints et simples.  Plantes médicinales entre terre et Ciel, Bruxelles, éd. Amyris, 246pp.
C'est une riche idée qu'il a eue là de présenter en parallèle des figures de saints et les plantes qui leur sont associées, avec les vertus thérapeutiques qu'elles possèdent.
Le tout forme un superbe ensemble méditatif, apaisant et chaleureux.
Le livre sera présent, dès que possible, dans la sélection proposée à l'église d'Enghien...

mardi 16 septembre 2014

De la tolérance

A propos de mon dernier "post", reçu quelques remerciements et un avis - d'un ami peu ou non "croyant", comme on dit - qui me reproche d'être, au fond comme tous les catholiques, pétri de certitudes (celles que j'énonce à propos du temps et de l'éternité, et de ce que je crois en effet être la pertinence chrétienne à cet égard, face à la légèreté souvent répandue.) Evidemment, je pense qu'on peut et qu'on doit dire son point de vue, et l'argumenter! Et que cela fait partie de la tolérance tant réclamée aujourd'hui...
Si la tolérance consiste à considérer que toutes les pensées ou les conceptions "se valent", alors en effet je ne suis pas tolérant, car pareille considération, comme disait Levinas, "évacue la valeur de la valeur" - autant dire, si tout se vaut,  que "rien n'a de valeur"!
J'ai il y a longtemps publié là-dessus un petit essai, où il m'avait semblé utile de montrer que la tolérance consiste en l'argumentation perpétuelle de son point de vue face à des argumentations contraires, c'est-à-dire en un dialogue incessant où chacun creuse ses convictions et les raisons de ses choix, sans les occulter jamais. La tolérance ainsi conçue se donne de la peine, car c'est pénible quelquefois de penser et d'argumenter, d'entendre jusqu'au bout les objections et de reformuler alors, de nuancer infiniment, sa conviction.
La résignation molle devant la prétendue équivalence de tout fait, au contraire, le lit de la barbarie. L'histoire le montre, et pas seulement l'histoire des idées...
J'étais content d'entendre là-dessus, mardi dernier, Gabriel Ringlet venu donner ici une conférence sur la présence chrétienne dans notre société contemporaine. Certes la foi chrétienne a appris, et doit continuer à apprendre, à cohabiter avec d'autres convictions bien légitimes . Mais cet apprentissage ne suppose pas qu'elle taise ses points de vue sur le monde, sur la vie, sur les êtres humains, sur la guerre et la paix, sur la justice sociale, sur - précisément - le temps et l'éternité, sur l'au-delà, sur Dieu, sur le Christ, sur la résurrection, sur l'éthique, enfin sur tout sujet à propos duquel il lui semble avoir à dire quelque chose d'original, dans un perpétuel échange d'idées avec des opinions différentes. Voilà une société plurielle et tolérante, comme je l'appelle de mes vœux!

samedi 13 septembre 2014

L'éternité n'est pas la mémoire

Célébré dans la douleur et dans la joie (les deux ne sont pas incompatibles, évidemment) ce matin à Beaumont, ou plutôt concélébré avec mon ami Francis, le doyen du lieu, les funérailles de Christian, ami médecin depuis si longtemps. Une église pleine, pleine de monde  certes - il y en avait dehors - mais surtout de reconnaissance pour tout ce que cet homme a fait dans sa vie, dans sa pratique, en faveur de tant et tant de personnes, et si souvent dans l'ombre. Une ombre qui ce matin venait à la lumière...
"Pourtant, me dit quelqu'un à qui je racontais cet hommage, vous verrez que bientôt on ne se souviendra plus de lui. La foule est oublieuse..."
Evidemment, ce quelqu'un a raison. La foule est oublieuse et bientôt on ne se souviendra plus de lui - sauf ses proches, évidemment. Et très vite - plus vite encore, car moi je n'ai pas d'enfants - quand je serai mort, on ne se souviendra plus de moi. Et tant mieux : la vie va, on ne peut pas demander à tout le monde de se souvenir de tout le monde, voyons! Nous sommes éphémères, passagers...
Du coup, si cette mémoire éphémère est l'éternité à laquelle nous aspirons, pardon, ça ne vaut pas besef, comme on dit en France! Quelle stupidité! Et je m'étonne quelquefois de voir repris au frontispice des faire-part de décès ce mot attribué à Jean d'Ormesson (j'espère qu'il n'est pas de lui, ça ne le grandirait pas, et je l'aime bien), ce mot probablement recensé dans des livrets tout prêts pour familles en détresse qui veulent trouver une belle formule (du coup, respect pour ceux qui le choisissent) : "Ce qui est plus fort que la mort, c'est le souvenir des morts dans la mémoire des vivants."
Tu parles!
Encore une fois, pour ceux qui ont une descendance, admettons que ce "plus fort que la mort" dure deux générations -  ce serait  déjà beau. Sinon...  pour qui se prend-on?
Vraiment, si l'éternité est la trace mnésique que nous laissons, c'est de la couillonnade... Et, si j'ose ainsi m'exprimer, en disant cela, je pèse mes mots!
L'éternité, c'est l'autre du temps et de l'espace.
C'est ce à quoi aspirent notre temps et notre espace.
C'est l'envers du décor, puisque nous savons bien que nous vivons dans le décor provisoire de l'espace et du temps.
Du reste - si l'on voulait une attestation autre que théologique à ce propos - voyez les astrophysiciens : ils ne contredisent pas cette opinion, que par ailleurs la foi au Ressuscité recommande comme une espérance pour le présent de la vie terrestre.
L'éternité n'est pas seulement l'au-delà de l'ici-bas, elle est déjà l'intensité de l'ici-bas lorsqu'il est vécu dans l'amour.
Elle n'est pas l'immortalité - nous ne sommes évidemment pas immortels, et heureusement!
L'éternité se donne, se propose, se laisse méditer avec fulgurance dans la Résurrection du Christ, qui manifeste la présence concomitante et du Jésus de l'Histoire et du Christ de la foi, à jamais indissociables, l'un parce que c'est l'autre - on ne saurait croire en l'un sans espérer l'autre.
De toutes les fibres de mon cœur, de mon corps, de ma raison, de mon esprit, je crois évidemment à la Résurrection de la chair, de l'être humain tout entier à la suite du Christ qui est le "premier-né des morts" comme dit saint Paul de façon admirable dans sa Lettre aux Romains.
Je peux être terriblement abattu par la mort d'un ami, d'un frère en humanité - comme celle de Christian - ou par les traumatismes épouvantables dont souffre notre "pauvre espèce" (Bernanos), je pense que je ne serai jamais désespéré.
Est-ce l'entretien méthodique en moi d'une illusion?
Honnêtement, je ne le crois pas. J'ai fait la critique, depuis des années, et la critique de la critique, et la critique encore de tout l'ensemble, plus que beaucoup de mes paroissiens - en ce compris de ceux qui, par principe ou par anticléricalisme sont hostiles à toute idée religieuse -  (je dis cela non pour me vanter,  mais parce que cela a été longtemps mon métier de théologien), j'ai lu et relu, et je lis encore, Freud et La Critique d'une Illusion, ou Totem et Tabou ou Malaise dans la Civilisation, ou Nietzsche et Ainsi parlait Zarathoustra et L'Antéchrist, ou Marx et La Critique de la Philosophie du Droit de Hegel et L'Idéologie allemande, et je pourrais allonger la liste, et je pense tous ces braves gens infiniment moins crédibles que le premier verset venu des Evangiles. Et je pourrais dire la même chose des récritures contemporaines, souvent plus bouffonnes que sérieuses, d'Epicure ou des Stoïciens - l'espèce de matérialisme bêtasse qui fait la philosophie de bazar de beaucoup de nos contemporains, genre : "Du moment qu'on a bien vécu et bien profité, hein Monsieur le Doyen, on peut partir, c'est déjà pas mal."  (Pour ne faire qu'une objection à cette absence de pensée : et tous ceux, dans le monde, qui, à peine nés, sont déjà mourants et meurent bientôt, sont-ce là des vies inutiles sous le prétexte qu'elles n'ont pas "joui" de l'existence? Et le moteur du bonheur est-il la "jouissance"? Il me semble qu'on ne se grandit guère en s'avançant dans cette voie...)
Plus je vais, plus je vieillis, plus j'essaie d'écouter les gens et le monde, plus le christianisme - cette alliance détonante entre , donc, le Jésus de l'Histoire et le Christ de la Foi, le Christ ressuscité - me semble constituer  pour l'être humain "le chemin, la vérité, la vie."
Comme persiflait  déjà  Claudel, le reste, "pfuit, on souffle dessus, il n'y a plus rien..."
Mais, comme on le dit et  l'écrit au stylet sur le Cierge de Pâques, au début de la Grande Vigile de la Résurrection : "Le Christ, hier et aujourd'hui. Commencement et fin de toutes choses.  Alpha et Omega. A lui le temps et l'éternité. A lui la gloire et la puissance pour les siècles sans fin."

jeudi 11 septembre 2014

De deux livres étonnants...

J'ai nourri les temps plus souples des "vacances" de deux livres importants - en tous les cas, en volume! D'abord, la belle réédition du roman  de Joseph Malègue, Augustin ou le Maître est là (Cerf, 832p.), un texte paru pour la première fois en 1933 et qu'on a eu l'excellente idée de réimprimer. Augustin, jeune homme né dans une famille catholique moyenne, devient à Paris un universitaire brillant, confronté à ce que l'on nomme "la crise moderniste" (une crise d'interprétation et de critique historique des sources chrétiennes). Il y "perd" la foi, ou du moins la relativise, connaît des émois amoureux qui n'aboutiront pas - il meurt jeune, fauché par la tuberculose, mais réconcilié et en paix avec le christianisme. C'est un texte puissant - dont notre ami José Fontaine, paroissien de Graty, est un spécialiste depuis longtemps : il est l'auteur, sur Wikipédia, des notices remarquables concernant et Malègue et son roman. Pourquoi, un texte puissant? Parce qu'il pose la question de la foi, de ses allers et retours, de sa rencontre inévitable avec la critique intellectuelle, des sentiments troubles ou troublés qu'elle peut engendrer et contrarier, etc., etc.
Quatre-vingts ans plus tard, Emmanuel Carrère, célèbre écrivain français, publie l'autre texte dont j'ai voulu nourrir mes "vacances" : Le Royaume (P.O.L., 630p.) Avec le talent qu'on lui connaît, il brosse le tableau - et vraiment comme un peintre, à larges traits enlevés, précis, fulgurants - des premières années chrétiennes et relit avec nous les textes fondateurs du christianisme (les Actes des Apôtres, l'Evangile de Luc - il a pour Luc une affection toute spéciale - , les autres synoptiques, les textes johanniques, l'épître de Jacques, etc.) aux fins d'y déceler l'histoire, faite d'affrontements et d'incompréhensions, de rivalités autant que de fraternité, de ce qui est devenu l'Eglise chrétienne. C'est (à part quelques imprécisions ou erreurs mineures) impressionnant de justesse, de clairvoyance, et finalement d'empathie pour ces personnages qui ont "fait" notre foi, même si Carrère lui-même écrit aussi, dans les marges, sa propre histoire, sa propre relation à cette foi, plus distante aujourd'hui qu'hier, plus réservée - mais on le sent tout de même empli de la nostalgie de croire. Je connais Emmanuel Carrère (nous nous sommes vus en juillet dernier précisément pendant que je prenais, alors vraiment, un temps de vacances et avions déjà évoqué ce texte qu'il a eu la gentillesse de m'envoyer lors de sa parution la semaine dernière.) J'aime beaucoup ce qu'il fait et la modernité de son écriture, un style très cinématographique. Son livre est une réussite - à tous égards, du reste : il est (allez savoir pourquoi), l'un des best-sellers de la rentrée! Je suis surpris qu'on s'arrache en France un texte de plus de six cents pages qui raconte l'histoire de la composition du Nouveau Testament!

On se ré-intéresse donc au christianisme,  à ses sources, à la critique de celles-ci, à leur récriture, à l'adhésion que, deux mille ans après, il est raisonnable d'avoir encore à leur endroit, au choix de la foi, à l'agacement devant la réalité de l'Eglise et à l'étonnement devant son mystère. On le fait sous des formes littéraires redécouvertes, republiées ou franchement contemporaines. Dans un cas comme dans l'autre, cela dit quelque chose de la pertinence chrétienne aujourd'hui, en Occident du Nord, en Europe du Nord, chez nous, quelque chose d'un besoin de savoir, de comprendre, et peut-être de s'abandonner à une conception de Dieu, de l'homme et du monde, porteuse de bonheur.

Car dans les deux cas, Malègue ou Carrère, je tiens que la motivation de leur travail est la quête de la joie spirituelle, de la joie "imprenable". Et n'est-ce pas cette joie qui, si souvent, fait défaut?

mercredi 10 septembre 2014

Le médecin...

Tristesse énorme, ce matin, d'apprendre le décès de mon ancien médecin, celui de ma jeunesse jusqu'à mon arrivée à Enghien. Celui de mes parents, dans les vingt dernières années de leur vie.
Un médecin généraliste qui était tellement ami de tous...
Un confident.
Quelqu'un qu'on ne semblait jamais déranger.
Qui venait quelquefois chez vous à l'improviste, sans qu'on l'ait appelé, pour vérifier que "ça allait".
Qui expédiait les consultations destinées seulement à renouveler des ordonnances.
Mais qui soignait toutes les autres.
Qui faisait faire peu d'analyses extérieures, mais du premier coup d'œil, savait presque vous dire ce qui n'allait pas - et c'était toujours vrai. Quarante ans d'expérience, de "feeling"...
Un peu bourru, parlant wallon quand il fallait, taiseux, ami jusqu'au bout des ongles.
Malade depuis de nombreux mois, il a assuré ses consultations jusque fin juillet.
C'était l'un de mes vrais, de mes grands amis, ami de cette amitié définitive qui peut lier pour toujours deux êtres, deux hommes, somme toute si dissemblables.
J'ai caché ma peine toute la journée, pris par d'autres tâches, d'autres devoirs, mais ce soir...
Et samedi, nous célébrerons sa Pâque, fidèlement, discrètement - comme il aurait aimé, sans ostentation aucune.
Les gens de mon coin, qui m'ont appelé tout l'après-midi, se désolent  : "Mais qui va-t-on prendre comme médecin, maintenant?" Parce que c'était "le" ("the") médecin! Il n'y a pas plus bel hommage populaire à quelqu'un qui, comme vient de me le dire son épouse au téléphone "n'a jamais pensé qu'aux autres".

samedi 6 septembre 2014

"La communauté, lieu du pardon et de la fête"

Je me souviens avoir lu, il y a bien longtemps, ce beau livre de Jean Vanier, le fondateur de "L'Arche" : La communauté, lieu du pardon et de la fête. Paru en 1979, c'est un texte inspirant encore aujourd'hui, qui énonce comment il n'y a pas d'humanité hors communauté. Et comment c'est difficile.
L'évangile de ce dimanche met dans la bouche de Jésus (de façon visiblement rétrospective, mais sans que cela contredise ce qui a pu être sa pensée ou sa parole historique) un lien indissoluble entre sa présence et une vie communautaire : "Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d'eux." (Mt 18, 20) Les Pères de l'Eglise, méditant sur ce verset, ont toujours affirmé que cette présence de Jésus "au milieu" de personnes réunies en son nom, était une présence aussi réelle que sa présence sacramentelle, par exemple que sa présence dans l'Eucharistie. Et, dans les charismes récents reconnus et promus par l'Eglise catholique, celui des Focolarini, fondés par l'italienne Chiara Lubich au début de la Guerre, promeut cette présence première du Seigneur au milieu de personnes qui se mettent d'accord en son nom...
Jésus, semble-t-il, n'a pas voulu dissocier sa présence d'une communauté de vie, porteuse de son nom.
Le christianisme, ce n'est jamais "Moi et Dieu" ou "Dieu et moi", ce n'est jamais seulement une relation personnelle, c'est aussi toujours et d'emblée un "Nous". Du reste, Jésus nous enseignant la prière ne nous a pas demandé de dire "Mon Père", mais "Notre Père"- et par là, nous voilà constitués en communauté(s) de frères. Hors cela, pas de référence à lui - l'évangile, encore une fois, a le mérite d'être clair là-dessus.
Mais c'est difficile! Communauté de foi, de destinée, de partage, de vie : on est souvent bien plus tranquille tout seul! Vaille que vaille, cependant, avec ses grandeurs et ses faiblesses, l'Eglise rappelle au monde cette conviction qu'elle tient de Jésus et qui la tient autour de Jésus : pas de rencontre avec Dieu, dans le Christ, sans l'exercice ("l'ascèse", dit le grec) de la vie commune.
Je pensais à cela en préparant mes homélies, aujourd'hui : "mes", car il y en aura au moins deux. Ce soir, une rencontre à Graty avec des couples jubilaires (cinquante et soixante années de mariage) : la famille n'est-elle pas la première communauté de vie, le premier "lieu du pardon et de la fête"? Demain, à Enghien, célébration des septante années de la libération de la Ville : et prière pour la paix entre nations - autre communauté de destinée et de partage, hors laquelle il ne saurait y avoir non seulement de vie chrétienne, mais de vie tout court.
"Jésus au milieu", comme disait Chiara Lubich, présence réelle du Christ pour la paix des familles et des nations, et, comme disait cette fois Jean Vanier, source de pardon et de fête.

mercredi 3 septembre 2014

Environné par la mort, mais priant...

Impression, ces jours-ci, d'être comme tout environné de mort : des mourants, des défunts, jeunes encore, des amis qui s'en vont, des situations mortifères, souvent très proches, bref, des moments où l'on aurait tendance à se dire qu'il n'y a pas d'issue. Ou comme me le disait une maman, gravement atteinte dans sa famille et ses proches par toutes sortes de ces malheurs-là, "la prière ne me sert à rien, je ne suis plus exaucée."
Que signifie "prier"? Sûrement pas jouer au Lotto dans l'espoir de gagner de temps en temps, sûrement pas non plus un "win-win" avec le Bon Dieu, sûrement pas une assurance protectrice de vie ou de bien-être, non, sûrement pas tout cela - c'est trop clair, l'expérience le démontre.
Mais déposer son cœur, son désir, son angoisse, dire son trouble, crier son incompréhension et sa révolte, hurler son athéisme devant l'évidence de l'abandon par Dieu ("Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?" - c'est bien le cri de Jésus en croix, et même si c'est le premier verset d'un psaume à la finale ressuscitante, c'est d'abord un cri d'abandon!)
Aucune prière digne de ce nom ne saurait faire l'économie du moment où il semble qu'il n'y a pas d'appui au "ciel" pour  reposer sa tête; que nous sommes, humains, désespérément seuls et, oui, abandonnés sur la terre;  que bien sûr il n'y a pas de Dieu;  et même que l'illusion qu'il y en ait un est pire que toutes les autres... Quiconque n'a pas fait l'expérience viscérale de cet athéisme-là, profond, douloureux, amputant, ne saurait appréhender la prière.
C'est-à-dire, à travers tout cela, le choix de s'abandonner quand même à la confiance. Le choix d'aimer, quand même, cette confiance.
Pourrions-nous prendre un autre chemin que celui du Christ?

jeudi 28 août 2014

Eloge de saint Augustin, éloge de la lecture

Au soir de cette journée où l'Eglise a célébré saint Augustin, une journée remplie pour moi de rencontres si émouvantes, je retrouve dans mes notes à propos du Docteur d'Hippone que j'ai déjà cité ce matin, cette remarque que fit l'écrivain français Philippe Sollers, dans Le Monde, à propos de lui et des Confessions :

"Lire, c'est entrer en soi-même, apprendre à se considérer comme un monde de signes. En somme, le Diable ne voudrait pas que je me déchiffre, alors que Dieu ne demande pas mieux!" (16 octobre 1998, à propos des Confessions, repris par A. GESCHé, Les Mots et les Livres, II, 2004, p. 106.)

Je pense à tous ces enfants, à tous ces jeunes, qui, rentrant la semaine prochaine à l'école et, en particulier dans "nos" écoles (si j'ose ainsi dire, sans aucun instinct de propriété, mais enfin c'est tout de même là un grand service que l'Eglise catholique rend et continue de rendre à la société dans la Communauté Wallonie-Bruxelles, en administrant des écoles, et pas toujours avec la reconnaissance qu'on souhaiterait!), quand je pense à ceux vont apprendre à lire, ou continuer d'apprendre à lire, je révère ce mot de Sollers à propos d'Augustin.

C'est qu'on apprend à lire toute sa vie, et dans le meilleur sens du terme, cela signifie en effet qu'on n'apprend pas seulement à déchiffrer les lettres et les mots de sa langue maternelle ou d'autres langues (je pense aux élèves en immersion, à ceux qui "font" encore du latin et du grec - mes anciennes passions! -) mais que, ce faisant, en effet et comme dit Sollers, on apprend à se déchiffrer soi-même, entreprise spirituelle jamais achevée.

Les enseignants qui mènent auprès des élèves ce beau travail d'apprentissage, en primaire ou en secondaire, qui tentent de faire observer la grammaire des langues (des codes qui ne sont pas arbitraires, mais qui en réalité révèlent une vie, une sensibilité, une culture), ces enseignants, comme je les trouve indispensables. Sans eux, nous serions dans le chaos, dans le noir de toute pensée, livrés à nos instincts les moins domestiqués.

Et on trouve cela normal, et il y a même des crétins, eux-mêmes incapables de penser, pour estimer qu'on les paie trop!

Je les félicite, pour ma part, et les encourage de tout cœur à aider enfants et jeunes à se déchiffrer eux-mêmes en apprenant leur langue maternelle et les autres parlers humains, qui sont autant d'ouvertures principales sur le monde.

Quem tu imples, subleuas eum

Joie de fêter Augustin aujourd'hui dans la liturgie de l'Eglise. Repris ce matin, pour ma méditation quotidienne, quelques passages du Livre X des Confessions, au n°39 :

"Quand tout mon moi sera fixé à toi, il n'y aura plus nulle part douleur et travail. Ma vie pleine de toi sera vivante.
Celui que tu combles, tu l'allèges." (Quem tu imples, subleuas eum, admirable formule dont je veux retranscrire le latin...
Je la veux, cette formule, et je vous l'offre,  pour nourriture de la journée!)

Et j'adresse au Collège d'Enghien mes très sincères vœux de bonne fête!

lundi 25 août 2014

"Peut-on se passer de Dieu?"

Le numéro de cette semaine du Nouvel Observateur comporte un intéressant dossier intitulé : "Peut-on se passer de Dieu?" Ecrivains (dont le cher Emmanuel Carrère, qui sort maintenant un roman sur saint Luc, Le Royaume, chez P.O.L., que j'attends avec impatience), philosophes spécialistes  de l'antiquité (Monique Dixsaut) ou de la pensée contemporaine (Michaël Foessel) y sont, entre autres, convoqués, pour raconter comment Dieu continue d'être présent à l'horizon de la pensée d'aujourd'hui, et comment on ne saurait sans plus - et sans mal - renvoyer aux oubliettes l'idée même de transcendance. Un extrait, de Foessel justement (chaire de philosophie à l'Ecole Polytechnique, Université de Bourgogne, Institut Catholique de Paris) : "Le Dieu des monothéismes réalise alors ce qui manque si cruellement à notre époque : la réconciliation entre la vérité et l'événement.  'Donne-nous une vérité et nous bâtirons un empire' : tel pourrait être le mot d'ordre commun des Eglises et des révolutionnaires. C'est dans cette perspective que Slavoj Zizel, par exemple, défend l'héritage chrétien. Il interprète la dogmatique religieuse comme une arme contre la médiocrité libérale : le Décalogue plutôt que les droits de l'homme, la guerre contre les marchands du temple plutôt que la prospérité bourgeoise. Le détour par Dieu permet de restituer des majuscules à des mots qui ont perdu de leur éclat à la fin du XXe siècle : la Révolution, la Lutte et, finalement, la Politique elle-même." (Nouvel Observateur, n°2598 du 21 au 27 août 2014, p.65)
A méditer, non?

samedi 23 août 2014

Scandale et mystère de l'Eglise

S'il y a un grand contentieux entre nos contemporains et la foi chrétienne (plus spécifiquement même catholique), il me semble surtout porter sur l'Eglise, dont les lectures bibliques de ce dimanche nous instruisent.
Alors que dans d'autres parties du monde, l'Eglise (catholique) apparaît comme un recours devant des Etats peu respectueux des personnes, chez nous, c'est souvent l'inverse. Cela tient à notre histoire occidentale, durant laquelle on peut dire que, de façon récurrente,  l'institution ecclésiale s'est comportée en puissance politique, soucieuse de s'imposer sur le plan temporel. La "séparation" des pouvoirs, largement inaugurée à la Révolution française, remise en cause (pour des motifs politiques d'unification de son Empire tout neuf, où il voyait que l'Eglise devait jouer un rôle majeur) par Napoléon Ier, réactivée par les lois Combes de 1905 en France (mais pas chez nous, ni en Alsace-Lorraine...), cette séparation donc a sa grandeur : elle trace "à peu près" des sphères d'influence et d'action. Elle a ses limites : il est évident (sauf pour quelques idéologues, y compris chez nous) que le religieux ne relève pas seulement de la sphère privée. Il constitue un élément sociologiquement repérable dans toute organisation politique, qui doit en tenir compte (si elle ne le fait pas, le religieux se rappelle à elle avec brutalité : voir la situation actuelle de quelques guerres dans le Proche ou Moyen-Orient.)
Par certains côtés, l'Eglise - je parle toujours de l'Eglise catholique - relève de cette "institution" religieuse, qui indispose tant de monde, à l'extérieur ou l'intérieur d'elle-même. Faut-il pour autant vouloir sa fin ou sa perte (comme d'aucuns "maçons" ou anticléricaux rabiques le souhaitent et le proclament chez nous par leurs propos ou leurs attitudes - j'ai vu récemment lors de funérailles dans une église de mes paroisses s'exprimer des rejets avec une vulgarité et un manque de dignité publique qui laissent pantois!)?
Sur un plan stratégique, ou idéologique, on peut encore comprendre. Même si le respect des "convictions", comme on dit , passe par le respect du religieux et de ses manifestations,  pour autant qu'elles ne contreviennent pas à l'ordre public. (Il y aurait beaucoup à dire, là-dessus, sur le concept si souvent agité de "neutralité", qui me semble, même étymologiquement, relever de la nouillerie : personne n'est "neutre" à moins d'être une nouille et de n'avoir pas de conviction, de colonne vertébrale, de pensée. Mais bon, passons.)
Du point de vue de la foi chrétienne, qui en définitive nous intéresse le plus, l'Eglise est le Corps actuel du Christ, sa présence agissante dans le monde. Les lectures de ce dimanche nous rappellent cela : quelles que soient les remarques philologiques qui doivent être faites sur le passage entendu (la profession de foi de Pierre et la "remise des clés" que Jésus lui confie), notamment quant au moment de sa rédaction (bien après la mort de Jésus, sans aucun doute, et dans le contexte d'une Eglise naissante), on ne saurait nier que Jésus lui-même ait voulu confier à une assemblée, à une communauté, le soin de sa présence permanente dans l'espace et le temps des hommes. Et que les Apôtres - les Douze, au départ - et Pierre en particulier, jouent là-dedans un rôle premier, un rôle de convocation, d'appel, d'authenticité de cette présence.
L'Eglise historique a-t-elle toujours été digne du rôle que Jésus lui a confié et continue de lui confier? Evidemment, non.  En même temps, pour être honnête, elle a aussi souvent permis d'exalter la grandeur humaine dans de nombreux domaines (de générosité - voyez les saints hospitaliers et consolateurs -, d'intelligence - voyez les Pères de l'Eglise -, de pacification - voyez le rôle récurrent et actuel de la diplomatie vaticane dans le monde - d'esthétique et de beaux-arts, voyez les chefs-d'oeuvre en peinture, en sculpture, en architecture, en musique, que l'Eglise a contribué à susciter, etc.) Humainement l'Eglise a été et reste ce qu'elle a pu et ce qu'elle peut - mélange de putasserie et de sainteté. Mais ce mélange est porteur du Christ, et je reste convaincu que quiconque veut bien accueillir ce mélange et se pencher sur lui y trouve la présence inattendue de Celui qui s'est remis à des hommes, de pauvres hommes, pour porter sa Parole et son Feu.
Bernanos, le grand écrivain français, a dit là-dessus des choses remarquables  lorsqu'en 1936, lors de la Guerre d'Espagne, il a rédigé contre les franquistes et les compromissions des évêques espagnols avec eux, dans Les Grands Cimetières sous la Lune, des propos incisifs, parlant de l'Eglise : "Je ne la souhaite pas parfaite, elle est vivante. Pareille au plus humble, au plus dénué de ses fils, elle va clopin-clopant de ce monde à l'autre monde; elle commet des fautes, elle les expie, et qui veut bien un moment détourner les yeux de ses pompes, l'entend prier et sangloter avec nous dans les ténèbres. Dès lors, pourquoi la mettre en cause, dira-t-on? Mais parce qu'elle est toujours en cause. C'est d'elle que je tiens tout, rien ne peut m'atteindre que par elle. Le scandale qui me vient d'elle m'a blessé au vif de l'âme, à la racine même de l'espérance. Ou plutôt, il n'est d'autre scandale que celui qu'elle donne au monde." (Les Grands Cimetières sous la Lune, in G. BERNANOS, Essais et écrits de combat, Gallimard, Pléiade, 1971, p.426.)
Toute la page est à lire, comme une méditation parfaite qu'un chrétien peut - et doit - poursuivre  à propos de l'Eglise, à laquelle on ne lui demande pas de s'en remettre comme un partisan à son Parti, mais en laquelle on lui demande de croire, précisément parce qu'elle est un objet de foi - et d'espérance!

jeudi 21 août 2014

Déclaration commune de Mgr Léonard, du Grand Rabbin Guigui et de Mr Noureddine Smaili

Il me semble important de relayer sur ce blog la déclaration suivante, faite aujourd'hui :

"Le nombre élevé des victimes innocentes, des populations déplacées, des lieux de cultes détruits, ou des droits bafoués dans un grand nombre de régions du monde, ne laisse personne indifférent. Les événements atroces qui secouent le monde nous interpellent pour plusieurs raisons. D'abord il est tout à fait justifiable de craindre les implications de ces événements sur la sécurité du monde entier; beaucoup d'indices laissent présager que ces conflits ne resteront pas confinés aux régions dans lesquelles ils se déroulent. Ensuite il est de notre devoir moral à tous de faire preuve de solidarité avec toutes ces populations qui encourent une série de malheurs incessants; il ne s'agit point d'importer les problèmes de ces régions chez nous en Europe, mais d'essayer de contribuer à l'exportation de solutions.
"Nous jugeons qu'il nous incombe, à nous représentants des trois religions en premier lieu, de condamner toutes les exactions commises au nom de la religion. Aucune religion ne cautionnera la mise en péril de la stabilité, la paix et la cohésion entre les différentes constituantes de la société. Bien au contraire, l'esprit de la religion dicte la promotion du vivre-ensemble et la préservation de la vie humaine sur terre. Rien ne peut justifier l'expulsion ou l'extermination des minorités ethniques, religieuses ou autres. On a beau comprendre l'origine et les variantes des conflits qui sévissent dans ces régions, on s'étonne néanmoins des discours qui instrumentalisent la foi pour haranguer les foules en vue de les entraîner dans une guerre des civilisations, ou entre les communautés religieuses.
"Loin des discours politiques de circonstance, nous condamnons la violence perpétrée au nom de la foi. Nous lançons également un appel solennel au respect de l'autre, indépendamment de sa croyance, sa race, sa couleur, son origine ethnique ou culturelle. Nous tenons également à souligner notre engagement à prendre distance de toutes les formes d'amalgames qui puissent confondre appel à la foi et empiètement sur la croyance d'autrui.

Bruxelles, jeudi 21 août 2014,

+ Mgr André-Joseph Léonard, Archevêque de Malines-Bruxelles
Grand Rabbin de Belgique Albert Guigui
Mr Noureddine Smaili, Président de l'Exécutif des Musulmans de Belgique."