mardi 22 novembre 2016

Misericordia et misera...

Le pape vient de conclure l'année sainte de la miséricorde, dimanche dernier, en publiant une Lettre apostolique intitulée Misericordia et misera : le titre vient d'un commentaire de saint Augustin sur l'évangile de Jean, précisément l'épisode de la femme adultère, lorsque, tous les accusateurs étant partis, seuls Jésus et la femme sont restés face à face. Augustin le magnifique y voit comme un résumé de la foi chrétienne : "Ils sont restés à deux, écrit-il, la miséricorde et la misère." Le pape reprend cette expression pour donner tout le ton de sa Lettre : oui, l'année jubilaire est close, mais la miséricorde est tellement l'expression de la foi et de Dieu lui-même qu'elle ne peut jamais être close!
Dans ce sens, il prend deux mesures "canoniques" concrètes :
- le "péché d'avortement" dont l'absolution était jusqu'ici réservée aux évêques peut désormais être absous par tous les prêtres;
- les "missionnaires de la miséricorde" (dont je suis) que le pape avait nommés pour l'année jubilaire, et qui disposaient de façon extraordinaire des pouvoirs d'absolution du pape lui-même, sans aucune restriction, voient leur mission prolongée.
Deux signes parmi d'autres d'une insistance pastorale absolue et définitive.
La nouvelle est excellente, comme la Lettre apostolique (qu'on trouve facilement en français sur le site web du vatican : www.vatican.va) est d'une remarquable hauteur de vue spirituelle.

samedi 19 novembre 2016

Travail en paroisse, nouveau Cardinal...

Premier après-midi de travail, pour l'année "Refondation" de nos paroisses, aujourd'hui. Pratiquement, je n'ai jusqu'à ce moment recueilli que de bons échos. "Pratiquement" : il y a une réserve, dans un groupe, qui s'est sans doute contenté de généralités et n'a pas établi un vrai plan de travail. Il faudra corriger le tir... (Il est vrai que nous avons peu l'habitude de travailler, vraiment travailler, en groupes paroissiaux.) Sinon, encore une fois, de beaux commentaires. Un jeune père de famille me disait qu'il était si content, qu'il souhaiterait même que, après cette année, de pareils groupes puissent continuer à se rencontrer. Et pourquoi pas, sous une forme ou sous une autre? Je remercie les paroissiens qui donnent de leur temps et de leur enthousiasme à cette aventure communautaire sans cesse recommencée, sans cesse à reprendre.
Autre source de joie : ce matin à Rome, Mgr Jozef De Kesel a été créé Cardinal par le pape. L'humilité, la douceur et la fermeté du Cardinal De Kesel font de lui - je le pense depuis longtemps - un modèle de pasteur.

mercredi 16 novembre 2016

Le pape et les emmerdeurs

Dans son audience générale de ce mercredi 16 novembre, le pape François a rappelé - non sans humour - que "supporter les personnes ennuyeuses et importunes" constituait aussi une œuvre de miséricorde. Et il a rappelé quelques épisodes bibliques significatifs à ce sujet : la patience de Dieu face au Peuple de la Première Alliance et à ses plaintes répétées, avant et après l'Exode, ou celle de Jésus devant les demandes intéressées, décalées et pleines d'ambition, de certains apôtres.
Ces propos m'ont réjoui et réconforté.
Ainsi donc, supporter les emmerdeurs est aussi une œuvre de miséricorde!
J'ai tout à coup l'impression que mes chances d'aller au ciel ont augmenté!

samedi 12 novembre 2016

Election de Trump, démocratie (suite)

L'élection de Mr Trump aux USA pose une série de questions fondamentales, philosophiques, théoriques, que je voudrais évoquer ici.
La première : la démocratie suppose-t-elle simplement l'obtention d'une majorité arithmétique? Evidemment, elle la suppose, mais pas "simplement". On voit bien, dans les réactions hostiles des foules qui s'assemblent en certaines grandes villes des States, que "quelque chose" semble n'avoir pas été respecté.
Ce "quelque chose" n'est pas, je l'ai dit dans mon précédent post, le processus électoral. Celui-ci n'est pas le même que chez nous, sans aucun doute, son ressort est "majoritaire" et non "proportionnel", ce qui fait que Mme Clinton a eu plus de voix que Mr Trump, et néanmoins n'est pas élue. Mais rien de contraire en cela à la démocratie : c'est une manière de tenir compte du poids des états fédérés dans une république fédérale.
Ce "quelque chose" est bien davantage moral ou éthique, comme on veut. On est gêné de voir arriver au poste le plus important du pays un homme qui, dans certains discours du moins, méprise ouvertement des "choses" jugées importantes, comme : le respect des femmes et de leur égalité foncière avec les hommes, le respect des minorités sexuelles et en particulier des personnes homosexuelles, le respect des migrants, d'où qu'ils viennent, le respect des autres peuples de la terre, où qu'ils soient... Et comment nommer ces "choses", en morale? Tout simplement, des "valeurs".
Dès lors, poursuivons le raisonnement : une démocratie n'a pas son seul ressort dans une addition arithmétique, mais aussi dans le respect de certaines valeurs morales dont on pense qu'elles devraient être partagées par tout le monde, sauf à nous condamner à une vie impossible : la vérité "vaut" mieux que le mensonge, l'égalité "vaut" mieux que la discrimination, l'accueil "vaut" mieux que le rejet, et ainsi de suite. Méprisez ces valeurs - même une seule d'entre elles -  et une société s'effondre. Le sentiment d'effroi qui entoure ici et là l'élection de Mr Trump me semble, de façon fondamentale, toucher à cela, qui est au cœur de l'éthique commune et de sa philosophie.
Nous voilà d'accord, sans doute. Mais cela complique singulièrement notre idée de la démocratie : qui, quelle instance, va dresser la liste et dire le contenu de ces valeurs? Quelle autorité morale? On ne saurait s'en remettre à la majorité arithmétique - nous venons de convenir qu'elle est, précisément en ce domaine, insuffisante... Faut-il s'en remettre à l'air du temps? A la mode? Aux convictions de ceux que l'on nomme drôlement les "intellectuels"? Aux autorités religieuses? Non? Alors à qui, à quoi?

Vaste question, vaste débat. Et pourtant, essentiels, au cœur de nos démocraties et de leur possible survie. Question, et débat, largement ouverts!

mercredi 9 novembre 2016

Election de Trump, démocratie

Mr Trump est donc devenu, la nuit dernière, le quarante-cinquième Président des Etats-Unis d'Amérique. On ne peut pas dire que cela me réjouisse. Mais j'y vois quand même quelques leçons de démocratie.
Car il a été élu démocratiquement, selon les règles de la Constitution fédérale des USA - cela est sans conteste. L'exercice démocratique n'a pas failli, ce que l'on ne saurait dire, par exemple, en Turquie, où l'on voit s'établir durement et sûrement une dictature, sans que l'Union Européenne, pourtant voisine, ne semble s'en émouvoir...
Mr Trump n'a pas été élu par les médias - qui, majoritairement, annonçaient sa défaite, tant chez nous qu'outre-Atlantique. On doit s'en réjouir : aussi importants soient-ils, les médias ne se substituent pas au choix du peuple souverain.
Il n'a pas été élu par les sondages - qui, majoritairement, sauf peut-être dans les derniers jours, annonçaient également  sa défaite. On doit s'en réjouir : aussi éclairants soient-ils, les sondages ne font pas une élection.
Il n'a pas été élu grâce à des moyens financiers supérieurs à ceux de Mme Clinton : cette dernière disposait de dix fois plus d'argent que lui pour sa campagne. On doit s'en réjouir également : aussi colossales soient-elles dans les élections présidentielles américaines, ce ne sont heureusement pas les débauches de fric qui font la différence.
Il n'a pas été élu par l'opinion publique européenne - qui, majoritairement, souhaitait Mme Clinton à ce poste. On doit s'en réjouir : toute légitime qu'elle soit, cette opinion publique ne saurait se substituer au vote du peuple américain.
Et Monsieur Trump a bien été élu par la volonté du peuple des USA. L'exercice démocratique, encore une fois, a, semble-t-il, été sans faille.
Faut-il alors déplorer la démocratie elle-même? C'est, disait Churchill dans la magnifique litote restée célèbre, "le moins mauvais des régimes" - c'est-à-dire le meilleur.
Ne faut-il pas plutôt, si l'on est déçu, se demander pourquoi les Américains ont majoritairement choisi de faire confiance à Trump plutôt qu'à Clinton? Sans doute alors les réponses viennent-elles spontanément : rejet du "système" qui aurait été reconduit avec l'autre candidate, impression par les classes moyennes d'être mal représentées et peu soutenues, sentiment de payer une dette (chez eux aussi colossale),  mais une dette dont ils ne sont pas coupables.
Et chez nous? Le populisme ne se nourrit-il pas des mêmes frustrations?
J'espère que l'élection du nouveau président des Etats-Unis fera aussi réfléchir nos responsables à la façon dont ils maintiennent à bout de bras un système frustrant pour une grande partie de nos concitoyens, tout en prétendant qu'il n'est pas possible de faire autrement. Sinon : manque d'imagination, manque d'audace, manque de volonté politique, conformisme, les mêmes causes produiront sous peu les mêmes effets en Europe que chez nos amis d'Amérique.

mercredi 2 novembre 2016

Lumineuse communion avec nos défunts

Aujourd'hui 2 novembre, l'Eglise commémore les défunts. Il n'est pas anodin qu'elle le fasse au lendemain du jour où elle a célébré tous les saints : qu'espérer de mieux, pour les défunts, que leur sainteté, c'est-à-dire, leur bonheur?
Les chrétiens  espèrent  fermement en la résurrection "de la chair" pour les défunts, et cette espérance s'enracine dans leur foi - centrale - en la résurrection du Christ Jésus. C'est une espérance pascale.
Le Christ est ressuscité et vivant : cela ne signifie pas qu'il soit simplement vivant dans la mémoire émue de ceux qui se souviennent de lui ou de ses enseignements. "Nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection des morts", dit ainsi Pierre dans un discours rapporté par le Livre des Actes des Apôtres : or , on ne mange ni ne boit avec un souvenir. Semblablement n'est-il pas un fantôme, une apparition évanescente : on ne mange ni ne boit non plus avec les fantômes. Et la vie nouvelle qui est la sienne n'est pas la pure et simple reprise de sa vie terrestre - la résurrection du Christ n'est pas du même genre que celle de Lazare, qui a bien été forcé de "re-mourir" après avoir été ramené sur ce bord-ci de la vie au sortir de la tombe. Non, comme dit cette fois Paul, "ressuscité des morts, le Christ ne meurt plus, sur lui la mort n'a plus aucun pouvoir."
Vie nouvelle, donc, désormais invincible, qui ne meurt plus, vie victorieuse sur toutes les formes de mort (physique, mais aussi et surtout spirituelle), vie de Dieu lui-même promise à tous. Vie à laquelle le corps participe, par delà la destruction inévitable de la mort physique, et d'une façon bien réelle (le ressuscité, encore une fois, "mange et boit"...)
Voilà la vie de nos défunts, celle que l'Eglise espère pour eux et attend pour elle-même, pour tous ses fidèles et pour tous les hommes. Elle pense en effet que tel est le bienveillant dessein de Dieu sur l'humanité que de la faire participer à sa vie à lui.
Lumineuse espérance, comme est lumineux le ciel de ces soirs-ci...

"Dieu, tu révèles ta lumière
à ceux qui passent par la mort.
Béni sois-tu pour les yeux
qui se sont ouverts dans la Ville éternelle,
et qui te contemplent, Dieu vivant!" (Hymne des défunts)