vendredi 23 décembre 2011

Heureux et saint Noël à tous

Aux lecteurs de ce blog, je souhaite une belle et lumineuse fête de la Nativité.

Un détail de l'Evangile de Luc, que nous lirons demain soir, dans ce texte par ailleurs si connu, un détail vu par tant de peintres, mais qui ne m'avait jamais à ce point touché : "Elle le coucha dans une mangeoire". Une mangeoire... Dès sa naissance, le Verbe de Dieu se donne en nourriture, nourriture de notre désir, viatique de notre itinérance en ce monde, manne, Pain de Vie, eucharistie : tout est déjà là, à la crèche.
Alors nous, les boeufs et les ânes, ne boudons pas notre pitance spirituelle!
Bon Noël, vraiment!

dimanche 18 décembre 2011

Un beau dimanche de l'Avent

Ce matin, j'étais heureux et réconforté de présider la messe et la catéchèse à Bassilly : une église remplie de (jeunes) paroissiens, une célébration très bien préparée, admirablement animée, et puis un temps d'échange où l'on fait au moins connaissance les uns des autres et où l'on se souhaite "Beau Noël" autrement que par des formules. Si nos communautés pouvaient ainsi, plus souvent, (re)devenir des lieux de partage, de paroles, d'écoute, d'appui mutuel... On y va, on y va!

Cet après-midi, à l'église d'Enghien, un beau Concert de Noël, avec les Choeurs d'Enghien, l'ensemble musical d'Enghien-les-Bains (France) et la chorale paroissiale de Petit-Enghien : chants traditionnels anciens, la messe de minuit de Charpentier : un beau programme, et bien interprété, pour nous mettre du baume au coeur et nous préparer à fêter Noël comme il convient! Tout cela (et les deux concerts qui avaient eu lieu la veille à Labliau et à Enghien) est possible grâce aux bénévoles d'"Enghien-animations", qui se donnent vraiment beaucoup de mal et prêtent ainsi à nos jours de fête une juste tonalité. De tout coeur, je les remercie!

vendredi 16 décembre 2011

Vers le synode diocésain

Passé un long moment de rencontre, ce soir à la Maison Diocésaine, avec le Comité du Synode et notre évêque. Je crois que nous progressons bien vers la mise en oeuvre de cet événement qui sera important pour tous les chrétiens du diocèse.
A travers les thèmes retenus, la question globale est, au fond : comment les chrétiens sont et seront-ils vraiment signes, "sacrements", du Christ, alors que la situation sociologique du christianisme a radicalement changé en quelque vingt ou trente ans? Alors qu'on ne peut plus se contenter de formules qui sont, trop souvent, autant d'options idéologiques : entre "servir les pauvres" et se fondre pour cela complètement dans la société, à ma gauche (si j'ose dire) et "célébrer dignement le Seigneur" et se sacraliser radicalement, à ma droite (si j'ose dire encore), comment être non pas seulement identitairement chrétiens, mais spécifiquement chrétiens, c'est-à-dire, comment montrer l'originalité chrétienne, qui n'est pas seulement la philanthropie ou le culte du sacré? Certes, les chrétiens tentent de s'occuper des autres, et des pauvres en particulier, et certes ils célèbrent la sacralité de la vie, mais enfin d'autres aussi le font, et telle n'est pas leur spécificité, si telle est pour une part leur identité.
Comment sensibiliser les gens au fait que rien n'est plus important que de retrouver cette spécificité, faute de quoi le christianisme disparaîtra tout à fait de nos contrées dans dix ou quinze ans, relayé, par exemple, par quelque brave enthousiasme caritatif? Le christianisme restant alors comme un vestige archéologique : intéressant pour les chercheurs, suggestif, même, comme la civilisation minoenne dans la Crète du tourisme contemporain.
Je suis quelquefois soufflé par l'aveuglement des chrétiens, des paroissiens : dans leurs têtes, dans leurs demandes, pour ne pas parler de leurs exigences, tout continuera toujours comme avant - c'était si bien avant : mouvements, célébrations, processions, écoles, bâtiments, en avant marche! On danse sur le Titanic, une coupe de champagne à la main : un monde s'écroule, dans lequel une manière d'être chrétien, d'être l'Eglise, a déjà passé, mais on continue à faire comme si.
Comment sensibiliser les gens? Comment leur rendre une authenticité chrétienne?
Je crois que ce synode, au fond, n'a pas d'autre but - il n'est pas là d'abord pour prendre des décisions, mais pour prendre conscience. Pour prier aussi et d'abord, car finalement, être chrétien, c'est être le Christ aujourd'hui présent, être sa prédication, être son geste thérapeutique et sauveur, être la Vie de sa résurrection, et pour être le Christ, il faut aimer s'attarder avec lui, dans le silence du coeur.

lundi 12 décembre 2011

l'amour, la mort

J'ai reçu cet après-midi un paroissien dont l'épouse est décédée brutalement, et de façon inopinée, à 37 ans. Ils ont deux enfants...
Moment rare d'écoute, de confidence.
Cet homme remarque avec moi qu'étrangement, quelquefois, il faut la mort pour que se dévoile, comme à rebours, l'intensité de l'amour.
Pourquoi donc?
Comme si la mort humaine, dans sa brutalité, avait entre autres fonctions celle de nous révéler l'amour. L'amour qu'au quotidien nous ne voyons pas, ou pas assez, à côté duquel nous passons comme des étrangers, comme s'il y avait toujours mieux et plus pressé à faire...
Comme si la mort seule, quelquefois, pouvait nous éveiller à l'amour.

jeudi 8 décembre 2011

La "crise", en Italie et... bientôt chez nous?

Nous ne visualisons pas toujours la crise, et ce qu'elle entraîne avec elle comme désarroi dans les familles, désarroi présent, désarroi à venir. Un exemple à nos portes, dans un pays que j'aime de tout mon coeur et qui vit maintenant au milieu de la tempête : l'Italie. Un exemple concret, qui se répète dans toutes les rues, à presque toutes les portes de la banlieue de Rome. Un ménage de cinq personnes (père, mère, trois enfants de 12-10-7 ans), qui vivait l'an dernier encore avec un revenu mensuel net de 2.000 euros, doit aujourd'hui faire face aux mêmes charges avec un revenu mensuel net de 700 euros. Ne s'en tire qu'aidé par de la charité privée (ecclésiale, entre autres : en l'occurrence, la communauté de Sant'Egidio, très présente dans ces quartiers) et en limitant toutes ses dépenses, et d'abord la nourriture (c'est désormais pasta tous les jours et viande - de porc - une fois par semaine).
L'Occident (Europe, USA) a vécu longtemps au-dessus de ses moyens.
Le désenchantement est là, quels que soient les gouvernements de crise qui se mettent en place (chez nous, en Italie, en Grèce, ailleurs encore).
Les chrétiens seront-ils à la hauteur de ce défi nouveau : voir, d'abord, repérer correctement, et soulager ensuite, dans la mesure de leurs moyens (financiers, politiques, et finalement, et surtout, spirituels), ces pauvretés nouvelles qui déferlent et déferleront encore sur nos pays autrefois riches?

dimanche 4 décembre 2011

La joie de faire communauté : Enghien, Silly

Dimanche dernier, à Enghien; ce dimanche, à Silly : des églises combles, remplies de familles, de jeunes, d'enfants, autour du Christ et du temps liturgique de l'Avent.
Quand on les invite, quand on leur propose une nourriture spirituelle, les gens viennent et sont heureux d'être là.
Je remercie les catéchistes, les deux équipes d'Enghien et de Silly, et Martine qui les coordonne.
Ils se donnent beaucoup de peine, mais quelle joie de pouvoir ainsi célébrer nos dimanches!

samedi 26 novembre 2011

Les diverses fécondités de l'amour

Quelquefois on se dit, quand on est comme moi célibataire (par choix personnel et par discipline ecclésiale, les deux assumés vraiment en toute liberté et avec bonheur), quelquefois donc, on se dit : "Quelle sera la fécondité de ma vie?" Et on lorgne, avec de temps en temps un brin d'envie, vers les copains de rhéto, mariés, parents, grands-parents (je vais en revoir un ce lundi, qui - je l'ignorais jusqu'ici, habite l'une des "mes" paroisses!) Oui, quelquefois, on se dit : "Qu'aurai-je laissé?" C'est probablement le trouble le plus grand du célibataire que je suis : ne pas se "survivre" dans des enfants, dans une famille. Et c'est aussi pourquoi j'aime les familles - la mienne, bien sûr, d'abord, celles de mes soeurs et neveux - et puis toutes les familles.
Nous avons quand même fait, nous les prêtres, nous les moines et les moniales (car dans la discipline de l'Eglise catholique, au fond, ce choix est le même : l'Eglise de rite latin a choisi - les dates sont imprécises - de n'appeler au ministère de prêtre ou d'évêque que des moines, des célibataires "pour le Royaume de Dieu"), nous avons quand même fait, dis-je, un étrange choix.
Mais des années après, j'atteste qu'il peut rendre heureux autant que l'autre.
Et que la fécondité ne tient pas à "se marier, avoir des relations sexuelles, fonder une famille, procréer", mais à "donner sa vie". Les gens qui se marient sans donner leur vie, je veux dire, sans la donner vraiment - ça ne tient pas la route, ça ne tient pas du tout.
Les gens qui restent célibataires sans donner leur vie, pareil.

Ce matin, funérailles admirables d'un confrère, Jean, parti à 77 ans. Il a tellement donné sa vie que... l'église d'Enghien était remplie de jeunes. On a compté 650 communions (par les hosties distribuées, qu'il faut bien renouveler), et tout le monde ne communie pas. Quelle fécondité!

Quelle joie de dire qu'une vie donnée peut être - non, est nécessairement -féconde!

Et le reste? Que chacun s'examine!

mercredi 23 novembre 2011

Entendre les leçons de Platon... et de l'histoire

Dans La République, son traité le plus incisif sans doute, Platon, le philosophe grec, théorise à propos de la démocratie athénienne. Il fait notamment valoir cette idée : lorsqu'on se désintéresse de la politique (au sens noble : de la vie de la cité), lorsqu'en démocratie on refuse, par exemple, d'aller voter (et le vote était annuel à Athènes), parce qu'on pense ou dit "Tous pourris, pas un pour relever l'autre", alors on tombe immédiatement ("immédiatement"!) de la démocratie à la tyrannie, de la démocratie, autrement dit, à la dictature.

L'histoire a donné maintes fois raison à Platon.

Un exemple, parmi d'autres : la montée du nazisme en Allemagne dans les années 1920-1930.

. Le nom, d'abord : un curieux mélange, "National-Socialisme" (Nazi, premières lettres du mot "National" en allemand). Attelage rêvé du nationalisme et du socialisme. Un temps rêvé chez nous, récemment. Heureusement abandonné. Abandonné?

. Le fond de crise, ensuite, comme on parle d'un fond de sauce. La crise boursière américano-européenne de la fin des années '20 et des années '30. Cela ne vous fait-il pas penser à une autre crise financière américano-européenne de la fin des années 2000, début des années 2010?

. Le racisme ambiant, encore : "Mort aux Juifs!", et on l'a fait, dans ces années terribles (et comment!) "Non aux Arabes, aux Musulmans, aux étrangers", dans des années plus récentes... chez nous.

. La démagogie, enfin : l'émergence d'un beau parleur frustré, qui mobilise le peuple lui aussi frustré et le faît rêver à ses droits reconquis, à sa liberté détruite, à sa gloire oubliée, à sa richesse, surtout! Pour le moment : manque chez nous. Combien de temps? J'invite les dictateurs en herbe à tenter leur chance, il y a un créneau...

. Que manque-t-il donc, pour que l'histoire, non contente de bégayer, se répète vraiment? La fin de quelques remparts, dont le rempart européen (monnaie unique, coopération, etc.), que d'aucuns réclament (nous verrons les scores de Mme Le Pen en France l'année prochaine, nous verrons comment joue la solidarité pour la Grèce, le Portugal, l'Espagne, l'Italie, etc., et surtout jusqu'où et jusques à quand elle peut tenir).

Platon avait raison.
Lisez Platon, relisez Platon... et, comme on le disait autrefois dans les rues de mon village, "Attention à vos enfants!"

jeudi 17 novembre 2011

Bernanos

A l'invitation de l'Institut Supérieur de Théologie du Diocèse, où j'ai enseigné de nombreuses années, j'ai eu la joie de prononcer ce soir une conférence sur Georges Bernanos (1888-1948) et, plus précisément, sur "le Jésus de Bernanos". Il s'agissait d'évoquer quelle était, d'après ses textes, la figure du Christ pour le grand écrivain qui n'a pas eu le temps de rédiger la "Vie de Jésus" qu'il projetait.
Je suis toujours heureux de (re)parler de Bernanos, parce qu'il a été un exemple d'homme libre, de chrétien critique et à la fois engagé dans son temps et dans son Eglise. Je suis en particulier toujours admiratif devant son refus réitéré des honneurs (ministère, Légion d'Honneur, Académie Française, etc.), précisément pour ne pas être ligoté par eux. Quelle sagesse!
En son temps, le grand théologien Hans Urs von Balthasar avait écrit un essai intitulé Le chrétien Bernanos (réédité chez Parole et Silence en 2004) et, en effet, l'auteur du Journal d'un curé de campagne est un exemple de chrétien, par sa droiture, par sa vie tout entière, par son refus des compromissions avec les complaisances et les hypocrisies de l'institution.
Au retour, je me disais qu'il y a toujours du bonheur à se replonger au coeur de pages qui vous ont un jour délié, fait grandir dans la foi elle-même. Signe que c'est un auteur qui traverse(ra) les modes, même si, comme tous les grands écrivains, il passe ces années-ci par quelque "purgatoire"...

Equipe d'Animation Pastorale

Dimanche dernier 13 novembre, nous avons eu la joie de recevoir notre évêque qui a envoyé en mission l'Equipe d'Animation Pastorale (EAP) constituée pour l'Unité Pastorale Enghien-Silly. Un moment de belle célébration avec une communauté nombreuse. Un moment de fête qui signale tout de même un tournant dans l'histoire de ce doyenné : désormais, voici une paroisse nouvelle qui est constituée, sans que soient négligées les communautés originelles qui la composent, mais avec le projet de mettre ensemble leurs forces, leurs initiatives, leurs biens aussi, aux fins de devenir davantage "sacrement" du Christ, signe efficace et effectif de sa Présence réelle parmi nous.
Je sens l'enthousiasme des membres de cette EAP, je les remercie de tout coeur pour le service qu'ils acceptent de rendre - et qui s'ajoute souvent à une charge professionnelle et/ou familiale déjà conséquente.
Je suis vraiment heureux et fier de voir des chrétiens soucieux de répondre ainsi à leur vocation baptismale, et soutenus par une communauté soudée.
De tout coeur, je les remercie!

jeudi 10 novembre 2011

Où donc est la joie?

Jours de deuils amoncelés, ces temps-ci. Ce matin, funérailles dans une paroisse d'Enghien d'un Monsieur très bien, très droit, très souffrant... qui a choisi de partir plus vite que prévu. Drame pour les siens, qui l'aimaient de tout coeur et le soutenaient, dans une vraie prise en charge quotidienne. Que dire à cela, mon Dieu, que dire, sinon que l'Amour de Dieu est plus fort que tout et que nul être humain jamais, ne peut en juger un autre!
Cet après-midi, sur mes "terres natales", funérailles d'un de mes oncles - à vrai dire, le dernier qui me restait, un petit frère de ma maman (84 ans, tout de même). Me (nous) reste, après lui, sa soeur aînée, ma tante de 90 ans. Mort brutale là encore, parce qu'inattendue (il est, comme on dit, "tombé mort" lundi matin). Célébration paisible, dans le beau soleil d'automne, au milieu de la petite église de Vergnies (qui connaît Vergnies? Cent habitants! Mais... Le village natal du musicien Gossec), beaucoup de monde, beaucoup de paysans et de fermiers, comme lui attachés à leur terre, à ces valeurs ancestrales qui se retrouvent parmi mes cousin(e)s et auxquelles, bien entendu, je suis sensible. Je n'ai pas beaucoup trait les vaches, mais je crois que je comprendrai toujours les paysans, mieux que n'importe qui, mieux que n'importe quel artistocrate ou n'importe quel bourgeois.Les paysans savent le rythme de la terre, la lenteur nécessaire, ils ont pour eux la rouerie des saisons qui se moquent de nos humeurs et quelquefois empêchent notre belle civilisation de rouler (un coup de gel? bing! C'est le trafic bloqué!) Mon oncle avait cette lenteur et cette sagesse, finaud et déjà revenu de tout.
Et puis, à peine le temps de dire au revoir à mes cousins, l'annonce qu'un autre ami est mourant, de mon village lui aussi. Passer à l'hôpital, voir la famille rassemblée, prier, conférer l'onction sainte des malades, dire à sa femme, à ses enfants, qu'il ne faut pas s'effrayer devant une vie bien remplie et qui s'en va...
Que de deuils, et on en annonce encore!
Où est la joie?
Elle ne sera donc pas dans l'absence ou le refus du deuil, mais dans sa traversée.
Elle sera dans les moments volés à la mort, cette protestation de la vie, ma cousine qui m'offre à midi, entre deux enterrements, de partager sa soupe et sa ratatouille de poireaux, ma tante de 90 ans qui me dit en m'embrassant : "Tu viendras manger des pommes, hein, des pommes au lard!" Bien sûr, ma chère tante, que j'irai, et plutôt deux fois qu'une, et nous protesterons ensemble contre la mort, parce que nous croyons en la vie, en la vie éternelle, certes, mais qui s'incarne déjà dans les bonheurs partagés de cette vie-ci.
Et je prendrai encore quelques kilos.
Tant pis! Ca le vaut bien...

vendredi 4 novembre 2011

Dieu est-il religieux?

Je sors d'un colloque de théologie organisé par le département de dogmatique de la Faculté de Théologie de l'UCL, et dont j'étais l'un des co-présidents : "Dieu au risque de la religion".
Le sujet d'étude : le christianisme apparaît, dans l'histoire, comme une critique vive de la religion (critique du Temple, de la Loi) qui conduit à la mise à mort de Jésus. Pourtant, cette "bonne nouvelle" est portée jusqu'à nous dans des formes religieuses ("le christianisme", précisément, avec sa doctrine, ses lois, ses règles, son culte, etc.) Dieu, quand il veut se dire, serait-il donc nécessairement prisonnier des formes religieuses? Court-il le risque de la religion (dont on sait combien elle peut être, et quelle qu'elle soit, porteuse de violence et de division, selon qu'on l'interprète - voir des notes ci-dessous dans ce blog)?
Deux journées fécondes, des interventions riches : l'histoire, la sociologie, la philosophie, la philologie, la littérature, la théologie bien entendu, ont été convoquées pour expliciter le propos et la question.
Remarquables interventions, entre autres, de mon collègue le Professeur Benoît Bourgine (théologie dogmatique), du grand Professeur Elie Barnavi (Tel-Aviv, sur les implications violentes des religions dans le monde), de mon ami l'écrivain et critique René de Ceccatty ("Le Monde", "Le Seuil", sur la médiation de la littérature dans cette histoire).
Il faut vraiment de temps en temps faire des cures de théologie...

mercredi 2 novembre 2011

Jour des morts

La grande question de la vie, c'est la mort.
Une question que l'on refoule, certes - et sans doute de façon, pour une part, nécessaire : pourrions-nous vivre vraiment en songeant toujours à la mort?
Pourtant, nous le savons de façon plus ou moins explicite, la mort nous attend. Elle est du reste une nécessité biologique : où mettrait-on tout le monde, si on ne mourait pas? La mort des individus n'est-elle pas la garantie de survie de l'espèce? En même temps, comme chaque individu (humain, du moins) se sait unique... la mort lui apparaît aussi comme un scandale. Comment pourrait disparaître à jamais celui (celle) qui n'exista, dans toutes l'histoire de l'humanité, que "tiré à un seul exemplaire"?
En gros, deux solutions apportées par la philosophie : le matérialisme (tout n'est que matière, la pensée elle-même n'est que produit d'un cerveau matériel, et à la mort tout est dissous : Epicure, Lucrèce, aujourd'hui Comte-Sponville ou Onfray et bien sûr nos ulbistes); le spiritualisme (quelque chose survit. Question : quoi? Seulement l'âme, principe immortel qui abandonne le corps, comme le pensent les platoniciens dualistes? Ou la personne entière, corps et âme, quelles que soient les transformations inévitables du corps et de l'âme, comme le pense l'anthropologie juive et, à sa suite, chrétienne, en parlant de "résurrection de la chair" avec le Christ?)
A mes yeux, la position chrétienne - cela n'étonnera personne - est la plus cohérente.
D'abord, parce que je crois que le matérialisme est trop court : s'il y a en l'homme une aspiration à la vie éternelle, c'est que la vie éternelle est faite pour lui ("L'homme passe infiniment l'homme", comme disait Pascal). Et la survie sous le mode du seul souvenir que nos descendants (si l'on en a...) garderont de nous... cela ne va pas loin!
Si donc il y a une vie éternelle, alors elle ne peut que concerner la personne tout entière, coeur, corps, âme, esprit, à jamais indissociables. C'est bien ainsi que le Christ ressuscité nous apparaît, lui, "le premier-né des morts", à la fois dans une grande continuité avec sa personne terrestre, et désormais revenu du tombeau, le Vivant à jamais.
Nous sommes appelés à cette Vie.
Nos morts déjà la connaissent, et nous aussi, lorsque nous prenons conscience de leur présence dans la communion des saints.

lundi 31 octobre 2011

Faut-il avoir peur de l'Islam?

Osons ici la question qui est si souvent posée et qui suscite quantité de blogs haineux, de blagues racistes, de propos définitifs (et souvent définitivement stupides) : Faut-il avoir peur de l'Islam?
La réponse est simple : évidemment, non.
Il ne pas avoir peur de l'Islam comme il ne faut pas avoir peur du Christianisme ou du Judaïsme!
On dira : oh! mais certains textes du Coran... Je répondrai : oh! mais certains textes de la Bible!
La question n'est pas celle du contenu même du dépôt révélé, mais de son interprétation (ou, si vous voulez, de la théologie qu'on y met).
Et la réponse devient donc : il ne faut pas avoir peur de l'Islam, mais il faut avoir peur d'un certain nombre (et d'un certain type) de musulmans.
Il ne faut pas avoir peur du Christianisme, mais il faut avoir peur d'un certain nombre (et d'un certain type) de chrétiens.
Il ne faut pas avoir peur du Judaïsme, mais il faut avoir peur d'un certain nombre (et d'un certain type) de juifs.
Lesquels?
Ceux qui, sous le prétexte d'appartenir à une religion "révélée", pensent qu'ils détiennent la vérité définitive sur toutes choses, et ne sont plus contraints de la chercher, même si elle est déjà révélée.
Ceux qui, sous le prétexte qu'ils détiennent la vérité révélée, entendent l'imposer partout et à tous, et utiliser pour cela la prise de pouvoir ou, plus généralement, la politique.
On en trouve, de ces gogos-là, dans les trois monothéismes, sous toutes les latitudes.
Eux, toujours, sont dangereux. A fuir, à réprimer, à proscrire, à combattre.
Ce n'est pas l'Islam qu'il faut craindre.
Ce sont les gens qui, par facilité et par paresse, ont renoncé à penser, à dialoguer, à écouter.
Il y en a chez nous, dans nos paroisses, à nos portes, dans nos églises - en nombre probablement partout proportionné.
Ce sont les cons. Hélas!
Au fond, seuls les cons sont vraiment dangereux.

samedi 29 octobre 2011

Julia Kristeva à Assise

Avant-hier avait lieu à Assise, à l'invitation du pape Benoît XVI, la commémoration du 25ème anniversaire de la rencontre interreligieuse convoquée dans le même lieu par son prédécesseur. Les responsables des grandes religions de la planète se sont donc retrouvés pour parler ensemble et prier pour la paix; lors de diverses allocutions, ces responsables ont affirmé que le dessein de la religion consiste en l'épanouissement de l'être humain, et que seul un mésusage des doctrines et des rites conduit (hélas souvent!) à alimenter des conflits et des guerres au nom de la religion.
Benoît XVI avait fait un pas de plus, encore, que son prédécesseur, en invitant une représentante de "l'humanisme athée", et pas n'importe laquelle : la psychanalyste et philosophe franco-bulgare Julia Kristeva, à la ville épouse du philosophe et écrivain français Philippe Sollers.
Kristeva est une figure de proue de la "post-chrétienté", et de l'intelligentsia française contemporaine, qui a enseigné le freudisme à Paris et à San Francisco. Elle est aussi connue pour ses nombreuses publications, dont un ouvrage absolument remarquable sur sainte Thérèse d'Avila, Thérèse mon amour (Fayard, 2008). J'avais eu l'occasion de la rencontrer lors de la sortie de ce livre : nous avions déjeuné ensemble à Paris. J'étais heureux de l'entendre dire, pleine de la révérence qui est la sienne pour la grande Thérèse, que la mystique carmélitaine pouvait résoudre les conflits intérieurs mieux que toutes les psychanalyses du monde! Tout en ne partageant pas la foi chrétienne, Kristeva est admirative devant le trésor que la foi chrétienne - et en particulier sa tradition spirituelle - peut apporter encore aujourd'hui en termes de construction humaine, personnelle et sociale.
J'ai eu l'occasion de suivre le message qu'elle a proclamé à Assise avant-hier, devant le pape et les autres responsables religieux : le temps des oppositions stériles est fini, disait-elle en gros. L'humanisme et les religions peuvent et doivent s'unir pour travailler ensemble à la paix des coeurs et des sociétés.
Enfin!

jeudi 27 octobre 2011

Le Conseil Presbytéral de Tournai contre le racisme

Réuni cet après-midi, et comme je l'avais je crois déjà annoncé dans ce blog, le Conseil Presbytéral de Tournai, avec son évêque, a adopté la résolution suivante, que je vous livre (en "primeur") :




Depuis quelques mois, des propos et des attitudes xénophobes ou racistes, malheureusement banalisés, deviennent monnaie courante dans nos démocraties d'Europe du Nord. Quelquefois relayés par des partis politiques, quelquefois présentés sous le couvert d'aimables plaisanteries diffusées par Internet, ces propos et ces attitudes ont régulièrement pour cible les personnes d'origine étrangère qui, pour toutes sortes de motifs, cherchent refuge chez nous et les personnes de diverses religions et cultures qui résident ou veulent résider dans notre pays. Comme prêtres de l'Eglise catholique, unis à notre évêque, exerçant ensemble au nom du Christ la charge pastorale dans le diocèse de Tournai, nous voulons déclarer avec force que ces propos et ces attitudes sont incompatibles avec la foi catholique, indignes de l'Evangile confié à tous les baptisés et que nous, en particulier, avons mission d'annoncer. Nous invitons les fidèles chrétiens à rejeter de leur coeur, de leur pensée, de leur pratique, toute compromission avec les idéologies identitaires qui déshonorent l'humanité même de l'homme. Nous croyons et nous proclamons que le Christ nous invite au contraire à une humanité généreuse, capable d'ouverture à l'altérité et à la rencontre, joyeuse de partager ses différences.


L'Evêque et le Conseil Presbytéral de Tournai






lundi 24 octobre 2011

Le travail du théologien

Réunion, cet après-midi, dans la paroisse, de personnes soucieuses d'approfondir leur foi.
Chacun(e) d'exprimer son sentiment : "Moi, je vois les choses ainsi, et moi ainsi, et moi ainsi... Et moi je vois les choses du point de vue du Magistère. Etc..."
Très bien.
Tous les points de vue sont légitimes, ou légitimables.
Qu'est-ce que je fais, là, sinon tenter d'apporter aussi un point de vue, qui est celui d'un prêtre et d'un théologien, c'est-à-dire à la fois membre de la "hiérarchie" a priori si décriée, et du Magistère critique des théologiens?
D'abord, renoncer à une pensée toute faite, sur mesure : parce qu'ils seraient médiatisés par des livres ou des émissions de télé, tel ou tel seraient le génie catholique du moment, incontournable si l'on veut repenser la foi, la culure et la rencontre des deux. Ouais...
Parce qu'ils seraient évêques, tel ou tel seraient la dernière parole de l'Evangile, et l'on devrait s'interdire de penser parce qu'ils ont dit leur pensée, certes autorisée et légitime, mais qui n'est pas, qui n'est jamais - ô combien!- la "dernière".
Car il n'y a pas de "dernière pensée" en christianisme. Il y a une pensée perpétuellement en mouvement, respectueuse des sources de la Tradition, l'Ecriture d'abord, sa Tradition interprétative ensuite (les Père en particulier), et puis le Magistère actuel, évidemment, qu'il faut lire et connaître avec révérence.
Mais en tout cela on ne voit que prémices d'une pensée, qui toujours dans l'Eglise est critique, argumentative et foncièrement libre.
La lecture de la Lettre aux Romains, dans la Messe de ce soir, nous rappelait que, par l'Esprit, nous sommes libres, fils et héritiers. Les fils ont leur mot à dire, tout de même. Ils sont responsables de l'héritage, ils n'en font pas n'importe quoi au gré de leurs sensations (il n'y a pas toujours de pensée là-dedans), mais ils gèrent, tous ensemble, un trésor qui leur est confié.
Faudrait-il donc être désormais théologien pour prendre la parole, en matière de religion?
Eh bien oui, évidemment. Non pas bardé de diplômes (ils ne font pas le théologien), mais soucieux d'une approche critique des questions, sans a priori, sans enthousiasme médiatique (toujours se méfier des médias et des personnages religieux médiatiques : très mauvais conseilleurs!) Bref, quand on veut parler des questions de la foi, il faut d'abord les étudier (nos grands frères Juifs nous rappellent cela sans cesse, notre religion primordiale est une religion de l'étude, pas de l'émotion).
Ferait-on un groupe d'étude sur des questions de médecine, de physique, de chimie, d'astrophysique, etc., sans d'abord s'inquiéter du point de vue des spécialistes de ces sciences?
Je suis toujours surpris que dans le domaine des religions, parce que certaines personnes "sentent que cela doit être comme cela", cela devienne une compétence, sans autre argument critique.
D'où le travail modeste - mais, pour ma part, déterminé - du théologien.

dimanche 23 octobre 2011

punctum

J'ai eu la joie de pouvoir visiter, la semaine dernière, avec un ami prêtre, l'exposition que le Musée Jacquemart-André, à Paris, consacre au peintre dominicain (et bienheureux!) Fra Angelico.
C'est une occasion rare de voir rassemblés des chefs-d'oeuvre de la peinture italienne (florentine, en particulier) du XVème siècle.
Partout, une récurrence : le punctum du tableau, son "point de fuite", car ces maîtres sont des maîtres peut-être d'abord de la perspective.
L'avant-plan compte moins que le point central où tout converge, et qui donne sens à tout : par exemple, une crucifixion, dans le lointain.
Dans une espèce de vie antérieure, je veux dire avant d'être doyen d'Enghien, lorsque
je m'occupais, entre autres, du service "Art, culture et foi" du diocèse, j'avais eu l'occasion d'installer à l'Abbaye de Scourmont une exposition d'art non figuratif, due à l'artiste bruxelloise Valérie Vogt, et qui, hors de toute considération religieuse, entendait redessiner le temps à partir d'un punctum. Je n'ai jamais oublié cette expérience, à la fois esthétique et spirituelle, d'une mise en place tout entière destinée à faire pressentir que le punctum est essentiel à une existence humaine. Dans le cadre d'une Abbaye cistercienne, blanche et nue, la démonstration prenait tout son effet. (Je n'ai plus guère revu Valérie depuis, j'espère qu'elle continue son oeuvre, importante pour tous. Quelquefois, je m'en veux un peu d'avoir trop brutalement tourné la page, mais bon, hein, le prêtre est ainsi fait : il essaie d'assumer totalement et le mieux possible les missions, l'une après l'autre, qu'on lui confie. Qu'ils ne m'en veuillent pas, ceux et celles qui peut-être pensent que je les ai "laissé tomber", ils restent là, dans mon coeur, mais je me suis tourné vers d'autres et on ne peut se tourner vers tout le monde à la fois!)

Quel est notre punctum? Nous pouvons bien accumuler les expériences, les rencontres, les travaux, les représentations, où est en nous la perspective?
Ah, ce Fra Angelico, ces dominicains, qui nous titillent là où nous voudrions rester dispersés...

samedi 15 octobre 2011

Mon père

15 octobre 1991 - 15 octobre 2011 : vingt ans tout juste, aujourd'hui, que mon père est mort, au jour où l'Eglise célèbre Sainte Thérèse d'Avila. Il allait avoir, quelques jours plus tard, 81 ans, c'était un fils de paysans grand et droit, qui avait connu dans sa vie la terrible épreuve de la déportation (cinq années en Allemagne, comme prisonnier de guerre, et une petite fille - ma grande soeur, elle aussi décédée aujourd'hui -, née en 1939, et qu'il ne connaîtra que lors de son retour en 1945). C'était un homme de sagesse, de décision, de bon sens, qu'il s'agisse de sa foi, des affaires de sa famille ou de son village, où il était secrétaire communal, une fonction rurale alors de grande proximité.
Du jour de son décès, je retiens un geste : aphasique, et partiellement paralysé après un AVC, il avait devant nous, leurs enfants, caressé de sa main valide la joue de ma mère, avec une tendresse sereine qui, lorsque j'y repense, me fait encore monter les larmes aux yeux. C'est le plus beau geste que j'aie vu dans ma vie, une espèce de bénédiction.
Ensemble, souvent, nous avions ri, nous avions jeté joyeusement des pavés dans quelques grands jardins solennels (y compris ceux de la Sainte Eglise) dont il m'a appris à n'être jamais dupe. Je crois que c'est de cela surtout que je le remercie lorsque je prie pour lui, ou mieux avec lui, et spécialement en ce jour anniversaire de sa naissance au ciel, son dies natalis.

mercredi 12 octobre 2011

Etre une communauté

Quand je regarde les tâches qui sont les miennes, ici à Enghien, et que je tente d'y trouver un commun dénominateur - ce qui, vu leur diversité, est a priori ou de l'extérieur assez difficile -, je vois ceci : il s'agit toujours d'essayer de faire une communauté. Etre présent aux écoles et m'inquiéter de leurs soucis; être présent aux malades; préparer des liturgies dominicales ou quotidiennes, avec ce que cela comporte de réflexion biblique en sorte qu'elle soit partagée; préparer des funérailles en rencontrant des familles; accueillir des jeunes gens qui souhaitent se marier et les accompagner; rencontrer enfants, jeunes et adultes qui veulent franchir une étape décisive dans la foi chrétienne, par habitude sociologique ou après une réflexion et un mûrissement davantage personnels; écouter la longue litanie des gens démunis d'argent, de moyens, de vivres, de logement, et surtout d'amour, qui viennent sonner à ma porte et tenter, avec l'aide de personnes dont je ne louerai jamais assez le dévouement, de trouver des solutions; m'occuper des finances de la paroisse, pour que le patrimoine et les biens récoltés lors des quêtes soient utilisés au service de tous et judicieusement répartis; veiller, grâce à l'aide précieuse d'un secrétariat très efficace, au suivi administratif des demandes, depuis leur premier accueil; rédiger ce blog, même, de temps à autre, dont il me revient que certains le lisent... etc., etc.,
au fond :
tout ceci n'a qu'un but, créer, recréer, tisser et retisser une communauté.
C'est-à-dire : un espace de rencontres, un multiforme lieu d'échanges, de partage, d'accueil, d'écoute, d'entraide, de croissance spirituelle.
Une espèce d'endroit, mais d'endroit qui bouge, dans lequel chacun puisse venir "poser ses paquets", si j'ose ainsi dire.
Et il y en a bien besoin : où sont-ils les moments et les lieux, dans notre société, où les gens speedés peuvent venir se raconter un peu avec l'espoir d'être accueillis, écoutés, voire attendus?
Je ne pense même pas d'abord aux détresses matérielles (plus nombreuses qu'on ne croit dans une ville bourgeoise et apparemment confortable comme Enghien), mais au "tout venant". Prenez une famille "normale" : papa et maman travaillent, rentrent tard, partent tôt, il faut conduire les enfants à l'école ou à la garderie, le week-end il y a aussi le sport et toutes les autres activités, et quelques sorties en famille, et heureusement la perspective des vacances où l'on pourra enfin se parler davantage, et le stress d'un budget toujours ric-rac, et de temps en temps la santé qui lâche, et... et... et...
Quels sont les endroits où l'on peut vraiment "aller poser ses paquets"? Il y en a, certes. Mais il sont peu nombreux.
Nos églises, notre Eglise, doivent servir à cela : offrir un lieu, un espace, un moment, un accueil, une écoute, un partage, une rencontre, pour des personnes qui, sans elles, sans Elle, n'auraient pas d'autre opportunité.
Il n'y a pas d'autre urgence que ce service rendu, au nom du Christ, comme signe du Christ : offrir une communauté.

jeudi 6 octobre 2011

La gratuité de la grâce

Il est extrêmement difficile de se défaire, dans l'ordre de la foi, de mentalités mercantiles.
Un exemple : les offrandes de messe. Les sacrements sont gratuits, on ne les paie jamais (ce serait, pour parler très exactement, de la simonie, par référence aux Actes des Apôtres). Mais une offrande libre est toujours possible, et les conférences épiscopales font une estimation raisonnable de ce que peut être une telle offrande. Il est évident que, si quelqu'un vient demander qu'on célèbre une messe à telle ou telle intention, sans avoir de quoi faire la moindre offrande, la messe sera célébrée!
Certains comprennent cela comme au magasin : j'ai payé trois messes, donnez-moi ma marchandise. Et pas un centigramme trop peu, je vous prie, je repèserai chez moi, pour voir!

Autre exemple : lorsque j'étais responsable de la catéchèse dans le diocèse (et dans les diocèses francophones belges), j'avais insisté pour qu'on renonçât définitivement aux "cartes de messes" par lesquelles on essayait de "fidéliser", voire de "contrôler" les enfants : il fallait qu'ils fussent venus tant de fois à la messe pour "avoir droit" à leur profession de foi, confirmation, etc. Un jour, étant vicaire dominical chez un curé qui pratiquait de la sorte et désireux d'appliquer ce que je recommandais pour tout le diocèse (malgré ce curé, donc), j'ai répondu à une petite fille qui, accompagnée de sa grand-mère, me tendait sa carte de messe : "Donne-moi ta carte, je vais te la signer jusqu'à la fin de l'année, comme ça tu seras tranquille!" La tête de la petite-fille! Et de la grand-mère! Et du curé, quand je lui ai raconté la chose!

Mais bon, il faut quand même avancer dans l'accueil de la grâce et de sa gratuité, et tourner résolument le dos à nos marchandages, non? Dieu ne marchande pas avec nous. Il donne tout. Et c'est gratis. Vouloir monnayer cela, vouloir payer ce qui est gratuit, c'est désirer en devenir propriétaire. C'est insulter Dieu...

mercredi 28 septembre 2011

Le plus difficile...

Je viens de passer près de deux heures auprès d'une grande malade, qui me demandait...
J'ai pour cela dû renoncer à une réunion importante dans la paroisse... On ne saurait tout faire, et l'urgence commande.
Comme souvent, c'est la personne souffrante qui s'est inquitée de moi, plus que l'inverse. Elle a posé des questions, dont celle-ci : "Qu'est-ce qui vous aura le plus peiné, dans votre vie de prêtre?"
J'ai été un peu décontenancé par la question, je n'y avais au fond jamais réfléchi, du moins pas comme cela.
Je crois que j'ai balbutié quelque chose de convenable.
Comme je suis d'un tempérament "secondaire" (c'est-à-dire, plutôt lent), je médite au retour sur cette question, à laquelle j'apporterais maintenant la réponse suivante :

ce qui m'a peiné, au fond du coeur, le plus,
dans ma vie de prêtre,
c'est de constater que ce que je croyais le plus précieux d'une vie d'homme,
était considéré par beaucoup, qui m'aimaient bien,
comme ce sur quoi ils passaient volontiers pour m'aimer encore,
mais franchement en faisant là un grand effort.

Que la vie de ma vie, la vie de mon âme,
était considérée tout au plus comme des balivernes
par certaines gens que j'aimais,
et qui me regardaient avec un sourire en coin en pensant très fort
(au point que je l'entendais) : "Mon Dieu, quel dommage,
qu'un garçon somme toute intelligent
accorde son crédit à de telles niaiseries."

Et le comble, c'est que je peux comprendre, souvent,
le manque de crédit, de crédibilité,
des choses religieuses :
tant de fois compromises avec le pouvoir,
avec l'argent,
avec le sexe,
et de façon occulte,
puante,
si bien qu'on en est tous dégoûtés.

Pourtant,
quand je regarde le fond de mon coeur,
je pourrai dire ceci à la fin de mes jours :
même si l'angoisse est là à l'heure de ma dernière heure,
je ne regretterai jamais d'avoir donné ma vie au Christ,
et, par lui,
à l'Amour.

Voilà la réponse que j'aurais dû faire à cette femme,
et que je lui fais maintenant,
sachant qu'elle ne la lira
que dans l'éternité.

Qu'elle prie pour moi!

mardi 27 septembre 2011

Les Belges, pas si balourds que ça...

Depuis près d'un an et demi, les Belges ont pu passer - quelquefois à juste titre - pour les plus balourds des Européens : incapables de se doter d'un gouvernement fédéral, incapables de s'entendre.
Tandis qu'on semble s'acheminer vers le dénouement de cette longue crise, peut-on déjà en tirer quelques conclusions?
C'est sans doute possible...
D'abord, deux logiques s'affrontent dans ce pays, qui sont irréconciliables : le droit du sol (revendiqué par les Flamands), et le droit des gens (revendiqué par les Francophones). On retrouve cette opposition dans bien des parties du monde qui connaissent, pour ces motifs, des conflits quelquefois sanglants. Pris en eux-mêmes, chacun de ces principes est compréhensible : le droit du sol existe et mérite d'être respecté. Si vous allez habiter en Italie, vous serez priés de parler l'italien, vous mettrez probablement vos enfants à l'école en italien, vous recevrez vos courriers administratifs en italien, etc. C'est ce que réclament les Flamands pour les Francophones qui, même nombreux, habitent en... Flandre. Mais, d'un autre côté, lorsqu'une minorité devient significative (a fortiori lorsqu'elle devient... majoritaire), elle doit aussi être respectée.
Et donc, si l'on ne veut pas se faire la guerre, des compromis sont indispensables.
Le séparatisme, en effet, ne résoudrait rien : chaque logique (droit du sol, droit des gens) continuerait à fonctionner pour savoir comment on se partage le pays, et on se retrouverait à la case "départ".
Ensuite, pour accéder à l'idée même de compromis, il fallait, si j'ose ainsi dire brutalement, "virer" les extrémistes de ces deux logiques : les nationalistes de la NVA et les jusqu'auboutistes du FDF.
C'est donc fait, non sans un certain courage politique de la part de ceux qui ont accepté de "lâcher" ces extrémistes, au risque d'y perdre des plumes électorales, à savoir : le CDNV en Flandre et le MR dans la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Oh, il est probable que tout ne soit pas réglé. Mais les Belges, Roi en tête, ont (dé)montré une fois encore que la patience dans les négociations pouvait aboutir à une gouvernance que d'autres pays, plus idéologues, aux scrutains majoritaires conduisant nécessairement à une répartition bi-polaire de la vie politique (gauche-droite, voir la France) finiront peut-être un jour par nous envier...

samedi 24 septembre 2011

Le pape en Allemagne : importance oecuménique

Tard dans la nuit, de retour de la conférence donnée hier soir par Guy Gilbert qui est de passage à Enghien jusqu'à demain, j'ai pu capter sur KTO les images de la journée du pape à Erfurt.
Là se sont joués des moments historiques de première importance : la présence de Benoît XVI au couvent des Augustins d'Erfurt, où Luther a vécu et prié, où il a médité sur la question du mal en lisant la Lettre aux Romains, là où il s'est posé avec angoisse la question du salut. Par delà les déchirements multiséculaires, devant un parterre de pasteur(e)s et d'évêques protestants et catholiques, le pape a fait sans ambage l'éloge de cet homme, de sa quête spirituelle, de son intelligence de la foi.
L'oecuménisme avance, on le sait, difficilement et les divisions entre chrétiens - on m'en parlait l'autre soir encore dans un groupe de foyers que je visitais ici en paroisse - restent un scandale à la face du monde.
Par delà tous les discours, ce geste fort, explicitement demandé par le pape comme un moment important de son voyage apostolique dans son pays natal, parle certainement plus haut que toutes les embrouilles théologiques. C'est un geste prophétique que lui seul pouvait oser, à ce niveau-là, et qui, espérons-le, va marquer durablement les consciences chrétiennes.

mardi 20 septembre 2011

Rentrée académique à l'Université Catholique de Louvain

Hier lundi 19 septembre, c'était la rentrée académique à l'Université Catholique de Louvain. La messe d'ouverture au Saint-Esprit, célébrée dans l'église Saint-François, était, en l'absence de l'archevêque, présidée par notre évêque, Mgr Harpigny, entouré de Mgr Jousten (Liège), Mgr Vancottem (Namur), Mgr Hudsyn (auxiliaire de Malines-Bruxelles). J'étais heureux de l'entendre dire, dans son homélie, tout ce que l'Eglise de Belgique devait à l'Université catholique de Louvain, et tout ce que les évêques qui l'entouraient et lui-même, en particulier, lui devaient, en termes de recherche, d'enseignement, de service rendu à la société belge.
Alors que, régulièrement, certains esprits chagrins veulent opposer l'Université et l'Eglise catholique (voir le débat régulièrement relancé, à "gauche" ou à "droite", sur le "C" de UCL), ces propos avaient le mérite de prendre la hauteur de vue nécessaire.
Ils sonnaient juste.

dimanche 18 septembre 2011

Retrouver Jean Lafrance

Je rentre d'une semaine de retraite, passée dans la belle communauté des Carmélites de Floreffe.
J'y ai repris des textes de Jean Lafrance (1931-1991), ce prêtre du diocèse de Lille qui a tant écrit sur la prière. J'ai connu de près cet homme, qui a été pour moi un ami, et plus qu'un ami : un vrai "directeur spirituel". C'est lui qui m'avait conseillé, il ya bien longtemps, de publier certaines méditations, et c'est pour ce motif que je lui ai dédié mon premier livre, La Joie d'être sauvé (1989). Il a passé une bonne partie de sa (courte) vie de prêtre à prêcher des retraites dans des abbayes, des séminaires, des monastères, toujours pour y répéter la même chose : la prière n'est pas une activité qui, chez le baptisé, fait nombre avec d'autres. Elle est sa vie même, ou plutôt sa Vie (la majuscule donnant au terme plus qu'une élégance, une valeur d'éternité). L'Esprit ne cesse prier en nous (Rm 8), et cela quelles que soient nos activités, même si nous n'en prenons pas facilement conscience : c'est notre respiration spirituelle - de la respiration anatomique non plus, du reste, nous n'avons guère conscience, sauf quand elle fait défaut!
Les "temps de prière" (comme on dit, mais l'expression est malheureuse puisque la prière est de tous les temps), sont des moments où, vaille que vaille, nous nous rendons présents de façon plus lucide à cette Présence en nous du Souffle.
A quiconque sent en lui le goût - ou, au moins, la nostalgie - de la prière, je recommande de prendre en mains l'un ou l'autre des textes de Jean Lafrance, qui sont sans cesse republiés, par exemple La prière du coeur ou Persévérants da la prière ou La puissance de la prière, etc. On ne perd jamais son temps avec de pareils livres...

samedi 10 septembre 2011

"Croyant, pas pratiquant"

La formule revient souvent, dans les dialogues préparatoires aux funérailles, aux mariages, etc. : "Vous savez, moi, Mr le Doyen, je suis croyant, mais pas pratiquant." C'est une formule que je peux entendre : les gens, sans doute, signifient par là qu'ils portent en eux un souci de vie spirituelle, un certain rapport à Dieu, voire aux "choses de la foi". C'est une formule, en ce sens, respectable.
C'est aussi une formule qui montre vite ses limites : aurais-je idée de dire, moi, quelque chose du genre : "Je suis végétarien, mais je ne pratique pas. " Ou : "Je suis nudiste, mais je ne pratique pas." Ou : "Je suis marathonien, mais je ne pratique pas" ?
La pratique fait partie du contenu, tout de même, y compris pour la foi et l'appartenance chrétiennes. Celles-ci ne sont pas une espèce d'adhésion intellectuelle, ou d'habitude, constituée dans une part de son cerveau, mais elles n'existent, un moment donné, qu'au travers d'une pratique : pratique liturgique, certes (pas de foi chrétienne sans les sacrements, sans le baptême, la confirmation l'eucharistie et les autres qui sont des déclinaisons de ces trois-là); pratique éthique, aussi (pas de foi chrétienne sans le souci de l'autre, la dévotion à l'autre, le dévouement pour lui).
La pratique est le lieu où la foi se "vérifie" - au sens étymologique de ce mot : où elle fait sa vérité.
Prenez l'évangile de ce dimanche (Mt 18, 21-35) : la recommandation faite par Jésus d'apprendre à toujours se pardonner les uns aux autres. Nous ne serons "du Christ" que recevant l'inépuisable pardon de Dieu, qu'il nous offre, et le distribuant autour de nous, précisément à ceux "qui nous ont offensés".
Ce n'est pas une pratique, ça?

jeudi 8 septembre 2011

Questions autour des patros

Réunis cet après-midi autour du Doyen Principal, nous nous sommes, entre doyens de la Région Pastorale, posé, au milieu d'autres, la question suivante : état des lieux des patros de nos paroisses.
La situation est variable, certes : nombre, qualité des activités, locaux, liens avec les responsables pastoraux, etc.
Il y a tout de même une constante : de façon assez générale, les liens avec les paroisses (au sens de "communautés célébrantes") sont assez distendus. Tous les doyens constatent une autonomisation des patros par rapport aux structures paroissiales - sauf pour les questions administratives ou de locaux. C'est une évolution générale, probablement inévitable, et qui touche du reste aussi un certain nombre d'autres mouvements d'origine paroissiale.
Une fois posé ce constat vient l'heure de l'évaluation : cette évolution est-elle a priori favorable à ces mouvements eux-mêmes? (Il ne s'agit certainement pas, dans le chef des doyens, de récupérer quoi que ce soit ou, pire encore, de "ramener des gens à la messe"! La messe n'est pas un lieu où l'on traîne des gens qui n'en ont pas envie!) Mais : à s'autonomiser pareillement de la vie communautaire, ces institutions - les patros en particulier - ne vont-elles pas progressivement perdre leur identité, ce qui faisait leur caractère distinctif par rapport à d'autres mouvements?
Certains confrères disent qu'ils préfèrent aujourd'hui investir, en matière d'accompagnement pastoral, dans d'autres lieux où l'on retrouve des jeunes qui eux, se veulent explicitement chrétiens et sont désireux de vie communautaire : ceux qui tournent autour des JMJ, par exemple, ou autour des "nouveaux mouvements". On peut comprendre, à l'heure où, de toute façon, il faut faire des choix.
J'ai proposé que, dans les mois ou les années à venir, on risque l'organisation d'une grande journée de débat là autour, entre nous, et avec tous ceux que la problématique intéresse. Ce n'est encore qu'une idée - elle semblait rencontrer l'assentiment de mes collègues. J'espère que, par ce biais ou par d'autres, on avancera dans la réflexion autour de ces questions importantes : il s'agit de préserver l'identité d'un "patrimoine humain", si j'ose dire, et de continuer à faire vivre la richesse d'une expérience spirituelle que les patros et d'autres mouvements paroissiaux ont portée très loin. Et qu'ils doivent, à mon avis, continuer à porter, sous une forme ou sous une autre.
Le débat est ouvert...

vendredi 2 septembre 2011

Pourquoi je crois en Dieu

Une personne m'a récemment demandé pourquoi je croyais en Dieu. La question était même plus brutale : elle voulait savoir comment je pouvais croire en Dieu, alors que tant de catastrophes, de malheurs, de tourments, fondent sur le monde au quotidien - nous en avons eu notre part ici à Enghien dans le mois d'août, devant accompagner des deuils particulièrement cruels.
Reste la question : pourquoi je crois en Dieu?
Si j'essaie d'aller jusqu'au bout du bout de ma réponse personnelle, je dirais :
- ce n'est pas pour des raisons philosophiques, ou du moins pas d'abord. Je n'ai jamais été séduit, et encore moins convaincu, par le Dieu "premier moteur immobile" d'Aristote, ou par la "cause incausée" des métaphysiciens, pas plus que par le "Grand Horloger" de Voltaire, du reste. Les propos des frères Bogdanov, par exemple dans leur récent Le Visage de Dieu (Grasset, 2010), me semblent tout au plus du scientisme à l'envers : l'astrophysique postulerait nécessairement une transcendance! De ce point de vue, l'Univers, aussi magnifique soit-il, reste pour moi souvent une énigme à laquelle il ne faut probablement pas trop vite apporter une réponse, c'est une béance de sens qu'il ne faut pas trop vite vouloir combler. Si Dieu est, il n'est certainement pas un bouche-trou pour nos perplexités! Il n'est pas non plus un consolateur commode dans nos détresses, un genre de nounou. Il n'empêche pas de souffrir, de rencontrer dans sa vie le mal et le malheur - ça se saurait!

- je crois en Dieu parce qu'il y a Jésus Christ. Plus je m'interroge, plus le Christ apparaît comme la figure irrémédiablement centrale de ma foi. Semblablement ne puis-je croire au Christ, en conformité avec la foi chrétienne dans ce qu'elle a de plus décisif, du reste, que parce qu'il est Dieu, parce qu'il révèle Dieu, qu'il le donne à connaître, qu'il le raconte. S'il est vrai que toute la vie terrestre de Jésus, sa vie dite "cachée" puis ses paroles et ses actes, son extraordinaire attention aux petits, aux faibles, aux délaissés, ses gestes de soin et de guérison, et enfin sa mort injuste vécue sur le mode de l'offrande, oui, s'il est vrai que tout cela raconte qui est Dieu, alors il vaut la peine de croire en lui. C'est ce que je dis quand je récite avec mes frères et soeurs le Credo de l'Eglise : "Pour nous les hommes, et pour notre salut." Je crois en un Dieu penché vers l'homme, agenouillé devant lui, épousant jusqu'au creux du creux la condition humaine (voir les Noces de Cana), puissant dans sa faiblesse, sage en sa folie d'amour, comme dit Paul dans la Première Lettre aux Corinthiens, et ainsi sauvant l'humanité. De quoi? D'elle-même, le plus souvent, de ses folies meurtrières, de ses impasses, et du mal qui la hante.
A ce Dieu-là, je veux bien donner ma vie, à partir de lui je veux bien organiser ma vie pour qu'elle prenne sens (dans la double acception du mot : direction et signification). A partir de lui, je trouve important de fonder ici une communauté qui soit la présence de Jésus aujourd'hui. Et à partir de lui, aussi, je veux bien apprendre à rendre raison de ma foi, car elle n'est pas sotte dans le concert des autres options philosophiques ou religieuses. Du coup, tout ce qui contredit les choix de Jésus me semble indigne de Dieu et contraire à ce qu'il veut nous apprendre de lui-même. Je récuserai toujours un Dieu ennemi du bonheur des hommes, un Dieu suffisant ou arrogant, donneur de leçons, justicier, père-la-pudeur, assoiffé d'avoir son compte de sacrifices, potentat ou tout ce que vous voulez dans ces catégories-là. Il n'y a par là que des idoles - des idoles dangereuses.

Oui, si je vais au bout du bout, voilà pourquoi (et, en prime, comment) je crois en Dieu. Je me retrouverais assez bien dans ce mot magnifique du Mémorial de Pascal : "Dieu de Jésus Christ, non des philosophes et des savants."

mardi 30 août 2011

Pour un bonheur inconditionnel

Je relisais hier soir des textes de Simone Weil, la philosophe. Elle y déclare que, même dans les pires conditions d'un cachot, un homme peut être heureux - ne serait-ce que parce qu'il sait que, quelque part, il y a le soleil, le ciel, les étoiles et la beauté du monde, même s'il ne la voit pas. En philosophie, on appelle ce bonheur "le bonheur inconditionnel", c'est-à-dire, le bonheur métaphysique, "sans condition". Le bonheur d'être, d'être au monde, est le premier et le plus fondamental.
Nous oublions sans cesse cette source possible de la joie, nous cherchons toujours, au contraire, un bonheur "conditionnel" : "Je serais heureux si : (dans le désordre et de façon non exhaustive) ma femme ou mon mari n'étaient pas ce qu'ils sont; ma maison était plus grande ou plus petite; j'étais en meilleure santé; j'avais plus d'argent; j'étais moins moche; j'étais à tel poste dans mon travail; etc., etc." Ce faisant, nous focalisons notre attention sur des contingences, des choses qui vont et viennent, ou des objets de consommation, desquels nous faisons dépendre notre bonheur, notre joie. Nous nous aliénons. Nous ne sommes plus libres d'être heureux. Nous nous interdisons la joie.
Le vrai bonheur est inconditionnel : quelle joie d'être là, tout malfoutus que nous sommes.
J'ai vu ce bonheur chez de grands mourants, ces derniers temps, une en particulier, dont j'ai déjà parlé ici, qui remontait le moral des autres alors qu'elle en prenait congé.
Je le vois aussi chez des moines et des moniales, souvent : ils savent bien que leur bonheur n'est pas lié à leurs conditions matérielles de vie, mais à leur intérorité.
Je le souhaite pour tous.
Et d'abord pour moi-même!

vendredi 26 août 2011

L'Eglise de Tournai en synode

Longue rencontre ce vendredi à Tournai avec le "Comité de pilotage" du synode diocésain, comité dont notre évêque m'a demandé de faire partie. Il s'agit de coordonner diverses activités qui marqueront les quelques années de ce synode convoqué par Mgr Harpigny et célébré par tout le diocèse. Un synode, c'est l'occasion de "se poser", de réfléchir à ce que doit être l'Eglise diocésaine dans le présent et l'avenir, de dessiner ses priorités, de se recentrer sur l'essentiel, de prendre, aussi, des mesures réalistes pour que cette Eglise reste vivante et signifiante.
Ce que nous connaissons ici "en petit", dans notre doyenné, avec notre année "Renaissance" et la constitution progressive d'une Equipe d'Animation Pastorale, le diocèse entier va le vivre sur plusieurs années dans ce que la Tradition appelle la "célébration" d'un synode - la part liturgique, de prière, de louange, d'intercession, est en effet fondamentale.
Après quelques inévitables mises au point, la journée m'a semblé positive et le travail, abondant certes, mais bien parti. Le "comité de pilotage" comprend au total seize personnes, prêtres et laïcs, et notre évêque. Il y règne un esprit de franchise et de collaboration, avec le désir d'être au service de tout le diocèse.
En même temps, je me suis rendu compte aujourd'hui que cela va induire beaucoup de boulot supplémentaire... alors que j'ai l'impression de n'en pas manquer ici. Bah! On verra comment le temps peut devenir extensible...

mercredi 24 août 2011

La fête de Saint Barthélemy

Aujourd'hui 24 août, l'Eglise catholique célèbre une fête d'Apôtre : celle de saint Barthélemy, que la Tradition assimile au Nathanaël de l'Evangile de Jean, amené par Philippe à Jésus (Jn 1, 45). C'est toujours une joie de fêter un Apôtre, l'un des premiers compagnons de Jésus, l'un de ceux sur lesquels repose notre foi précisément pour cela nommée "apostolique".

Dans le cas d'espèce, toutefois, cette fête est tempérée par un souvenir historique peu glorieux : le 24 août 1572, à Paris, à l'instigation de la Reine-Mère Catherine de Médicis et de son fils le Roi Charles IX, les protestants de la ville, venus nombreux assister au mariage de la soeur du Roi Marguerite de Valois et d'Henri de Navarre (le futur Henri IV), furent pourchassés et massacrés sans pitié. Les ordres royaux, de ce que l'on sait aujourd'hui, avaient sans doute été plus modérés : mais le sang appelant le sang, ce fut une boucherie.
Et le pape de l'époque, Grégoire XIII, fit chanter un Te Deum à Rome...
Pas de quoi être fiers aujourd'hui.
Voilà comment on a pu se comporter entre chrétiens, uniquement pour des raisons de pouvoir.
Se souvenir de cela. Ne jamais renoncer aux efforts oecuméniques qui firent de tels progrès au XXème siècle, furent avalisés par le Concile Vatican II, et semblent aujourd'hui bien en panne.
Certains catholiques sont même tellement crispés sur la défense de leur identité qu'ils se méfient a priori des autres chrétiens...
Dans ce domaine-là aussi, que de progrès sont nécessaires!
Saint Barthélemy est, pour cela, un excellent intercesseur...

samedi 20 août 2011

La dictature du marché

J'entends dire un peu partout, en Belgique : "La crise économique présente, les soubresauts actuels du marché international, auront au moins ceci de bon : ils vont contraindre nos politiciens à former très vite un gouvernement."
Et je corrige, m'interrogeant : "Ceci de bon?"
Cela signifierait que les marchés dictent leur loi à la politique... Est-ce une victoire? Certes, je souhaite comme tout le monde en Belgique qu'un gouvernement soit rapidement mis en place, et que s'apaisent les querelles communautaires. Mais, si c'est sous la pression d'un diktat énonomique, cela ne me semble pas une chance!
Quel est-il, ce diktat? Celui, dit-on, des "marchés", c'est-à-dire des banques et des grandes entreprises aux mains d'actionnaires soucieux uniquement de gagner de l'argent. Ce diktat est celui du profit, du profit à tout prix, du profit sans morale, sans régulation (ou le moins possible : voyez comme il est difficile à des responsables politiques de très haut niveau, en Europe ou aux Etats-Unis, de "rassurer les marchés", comme on dit sur RTL-TVi).
Ce diktat est une dictature aujourd'hui mondiale, aseptisée, communément admise comme une religion de substitution devant laquelle on s'incline, que l'on vénère, que l'on adore, dont on ne songe même pas à contester l'autorité souveraine.
Cette dictature a ses prisons et ses parias : une très grande partie de l'humanité, à vrai dire, la plupart des habitants de l'Afrique sub-saharienne, de l'Asie, de l'Amérique du Sud, et maintenant (cela change, et donc fait aussi la une des gazettes et des JT : de l'Afrique du Nord, Egypte, Lybie, Tunisie, Maroc, etc.; et aussi - ô surprise! - de l'Europe : Angleterre, récemment .
A quand, chez nous? Mon avis : c'est pour bientôt.)
C'est que les gens - les jeunes, en particulier - commencent partout à se rendre compte qu'on les a floués, qu'on veut encore les flouer.
Ils ne demandent pas la lune, ces jeunes. Ils demandent - chez nous ou ailleurs - : un travail, un salaire suffisant pour faire vivre une famille, un accès convenable aux biens et aux services, une répartition un peu plus juste des richesses mondiales.
Ils n'ont pas tort.
Je n'ai jusqu'à présent, dans le concert des grands qui essaient de dire quelque chose de pertinent à propos de cette "crise" mondiale qui risque de "péter" (si vous me permettez l'expression) à tout moment : c'est une vraie bombe à retardement plus si retardée que cela, je n'ai, dis-je, dans ce concert de voix de toutes sortes, entendu qu'une seule personne, une seule, rassembler les considérations ci-dessus évoquées. Cette voix était celle du pape, dans l'avion qui le conduisait aux JMJ de Madrid.
Je ne suis pas "papolâtre". Pas du tout. J'ai pu, en d'autres temps, être critique, même.
Mais je note. C'est tout.
A bon entendeur...

jeudi 18 août 2011

La mise en garde de Guillebaud

Edito intéressant de Jean-Claude Guillebaud - un intellectuel français, bon observateur de la vie culturelle, remarquable journaliste, pour lequel j'ai la plus grande révérence -, dans le "Nouvel Observateur" d'aujourd'hui. Il y remarque que toutes les grandes crises financières en Occident, tous les "krachs" boursiers en particulier, se sont toujours - toujours! - soldés par l'émergence, la prise de pouvoir et l'installation de dictatures. Dernier exemple en date : le nazisme, consécutif d'après lui à la crise de '29.
De quoi méditer, non?
Que voulons-nous, vraiment?

mardi 16 août 2011

Encore une homélie

On m'a, une nouvelle fois, demandé le texte de mon homélie - non pas celle de l'Assomption, mais celle de la veille, au 20ème dimanche ordinaire, où nous lisions, dans la Liturgie de la Parole, Is 56,1.6.7; Rm 11, 13...32; Mt 15, 21-28. Bon, je ne tiens pas à en faire une habitude, mais enfin voici ce texte, s'il peut, paraît-il, aider des personnes à reprendre la Parole de Dieu et à la méditer!







Frères et Soeurs,



A plusieurs reprises dans les évangiles, Jésus s'exprime sur l'universalité du salut qu'il apporte. Ces propos reflètent sans aucun doute son enseignement; ils reflètent aussi le tournant pris par la communauté chrétienne primitive qui décida, non sans débats, que le message du Christ et l'entrée dans l'Eglise n'étaient pas réservés aux Juifs, mais qu'ils concernaient aussi les païens. On ne s'étonne pas de voir l'évangéliste Matthieu insister, plus que les autres peut-être, sur ce point : son évangile s'adresse en effet à des Juifs de la diaspora devenus chrétiens, qui risquaient toujours de penser que le christianisme leur était réservé. L'épisode de la Cananéenne, une païenne, avait donc mission de les démentir sur ce point. Jésus dit tout de même d'abord à cette femme qu' "il n'est venu que pour les brebis perdues d'Israël." Mais, devant son insistance, devant l'appel des disciples aussi, et devant ce qu'il va lui-même qualifier de "grande foi", il lui accorde en définitive la guérison qu'elle demandait et manifeste ainsi que le salut dont il est porteur est vraiment destiné à tous les hommes. Ce n'est du reste pas la première fois que, dans l'aventure biblique, Dieu manifeste sa volonté d'élargir son alliance d'amour à tous les peuples de la terre : nous avons aussi entendu le Prophète Isaïe annoncer que "les étrangers attachés au service du Seigneur pour l'amour de son Nom, et devenus ses serviteurs, seront conduits à sa montagne sainte" et que le Temple, Sa maison, sera nommé "maison de prière pour tous les peuples." Quant à Paul, s'adressant aux Romains - des païens devenus chrétiens, à l'inverse des lecteurs de Matthieu -, il leur fait valoir que l'évangélisation s'est moquée des appartenances raciales ou ethniques, puisque, citons-le : "Dieu a enfermé tous les hommes dans la désobéissance" (c'est-à-dire, a fait prendre conscience à chacun de sa propre fragilité, de son éloignement de Dieu, indépendamment de sa race ou de sa religion), "pour faire à tous miséricorde" (indépendamment de sa race ou de sa religion, ici encore).



Nous devons mesurer aujourd'hui, frères et soeurs, l'actualité de cette insistance biblique et en particulier évangélique. La tentation demeure toujours de penser que notre appartenance (à l'Eglise catholique, par exemple) constitue une espèce de privilège renouvelé, qui nous dispenserait de la prière et de la foi. Il suffirait de se trouver tranquillement du côté de l'Eglise catholique ("du bon côté") pour partager aussi tranquillement l'assurance du salut, les "autres" étant, comme les païens d'autrefois pour les Juifs, relégués dans des ténèbres extérieures. Le Christ, aujourd'hui comme hier, bouleverse cette représentation du salut sur le mode des appartenances et des cercles concentriques (à savoir : au centre, évidemment, "nous", ou "je", les sauvés; puis, ceux qui le sont un peu moins parce que moins bons chrétiens que nous; puis les croyants "pas trop mal", non chrétiens certes mais monothéistes; puis les incroyants, etc.) Certes, nous pouvons être fiers et heureux de notre appartenance chrétienne et de notre baptême qui nous a greffés au Christ. Mais cela ne nous dispense pas d'une quête perpétuelle, d'une intercession perpétuelle en lesquelles nous reconnaissons notre indignité elle aussi perpétuelle : "Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir", disons-nous au moment de communier en reprenant la prière d'un autre "païen" de l'Evangile. La prière de la Cananéenne :"Fils de David, aie pitié de moi!", qu'elle répète jusqu'à casser les pieds des disciples, prière de supplication, nous pouvons la faire nôtre tout au long de nos journées, et elle surpasse toutes les appartenances du monde, car elle témoigne de notre foi, qui est un cri, et non une assurance "vie-éternelle".



A l'heure où, partout en Europe, les replis sur soi, les nationalismes hideux (en Belgique, nous n'en sommes hélas pas privés, mais aussi en Suède, aux Pays-Bas, en Norvège - avec les conséquences inévitables que l'on vient de voir! -, en Italie, en France même, dans cette Patrie pourtant généreuse, et ailleurs encore...), ces nationalismes qui prônent le rejet de l'autre parce qu'il est autre, le rejet de la différence, et en particulier de la différence religieuse (voir l'islamophobie ambiante), semblent gagner du terrain, oui, à l'heure où ces égoïsmes, pour appeler les choses par leur nom, semblent triompher, nous devons rappeler la générosité du message biblique et évangélique et penser notre foi en termes d'ouverture à l'autre, d'accueil et de tolérance. C'est ainsi que nous partagerons les "miettes" (pour reprendre l'expression de la Cananéenne) de la Table eucharistique. Amen.

lundi 15 août 2011

La Sainte Vierge était fidèle au rendez-vous

Au soir de l'Assomption, la Sainte Vierge était fidèle au rendez-vous : la dame dont je parlais hier sur ce blog vient d'entrer dans la joie éternelle, entourée de toute sa famille. J'avais eu l'occasion de passer prier près d'elle, de son mari et de ses enfants, dans l'après-midi.
Une autre paroissienne, de Marcq, belle-mère d'un responsable financier de la paroisse, a également rejoint son Seigneur au seuil de cette fête mariale.
Les morts nous précèdent.
Fidèles, ils nous attendent.
Nous sommes dans la communion des saints, socialiter gaudentes, dit une très ancienne formule latine, "réjouis d'être ensemble", de ce côté-ci ou de l'autre de la vie. En attendant, le deuil est là, la souffrance de la séparation, qu'il faut accompagner en partageant les larmes et en semant l'espérance. Nous vivrons décidément toujours au bord du mystère, les yeux plongés dans l'abîme, avec, pour seul viatique, la parcimonieuse lumière de Pâques qui brille au fond de nos détresses.

dimanche 14 août 2011

Ces mourants qui nous font vivre

Une femme est en train de mourir, une femme de la paroisse que j'ai finalement peu rencontrée - je suis ici depuis trop peu de temps - et que pourtant je connais bien. Je vois son mari tous les jours ou à peu près, parce qu'il travaille beaucoup au service de nos communautés, au service de l'église; je sais son épouse malade depuis quelques longs mois; je l'ai visitée à l'hôpital et l'ai ointe de l'onction sainte; je l'ai vue quelques fois dans l'unité de soins où elle termine ces jours-ci, ces heures-ci, sa belle vie terrestre.
Toujours, j'ai été bouleversé, ému aux larmes, par la qualité de coeur de cette femme. Par sa simplicité devant la vie et devant la mort. Il n'y a là aucune grandiloquence, mais le témoignage de celle qui a tout compris du mystère de l'amour. La dernière fois que nous avons parlé, ensemble, j'ai prononcé sur elle la bénédiction et lui ai dit : "Ce que vous vivez là, c'est vraiment très important pour nous tous." Et elle : "Mais cela, je le sais, Monsieur le Doyen!" C'était dit presque dans l'humour, c'était en tous les cas de la joie - pas la joie rigolarde, la vraie joie, la joie spirituelle, la joie de se savoir infiniment aimé, même et surtout si tout semble vous lâcher, si la vie s'en va qu'on avait construite pas à pas avec un mari aimé et des enfants ô combien entourés.
Une vie laborieuse, droite, profondément enracinée dans la foi.
Nous sommes la veille du 15 août. Je ne connais pas la résistance humaine, personne ne la connaît. Mais je ne serais pas autrement surpris que la Sainte Vierge vienne la chercher demain.
Je prie. Pour elle. Pour les siens.
C'est qu'une mort d'une telle qualité est un événement majeur pour toute notre communauté.
Je demande que tout "se passe bien", certes.
Mais avant tout, je rends grâce pour le don de l'amour, qui est éternel.

mardi 9 août 2011

Homélie

Certains paroissiens m'ont demandé le texte de mon homélie de dimanche dernier (19ème ordinaire, année A, où nous lisions dans la Liturgie de la Parole : 1R 19, 9-13; ps.84; Rm 9, 1-5; Mt 14, 22-33). Le voici, très volontiers :




Frères et Soeurs,


La barque de l'Eglise tangue au milieu des flots et au gré des tempêtes humaines. Les contradictions et les remous de toutes sortes risquent toujours d'emporter la paix et la foi, même chez ceux, les plus proches de lui, que le Christ "a obligés à monter" dans cette barque pour gagner, de l'autre côté, la rive de la Vie éternelle.

La grande tentation, pour nous qui "sommes embarqués" (Pascal), la voici : penser que le Ressuscité a déserté les siens parce qu'on ne perçoit pas sa présence au milieu des disciples apeurés. En réalité, il n'est jamais si proche que lorsque, dans la solitude et le secret de la montagne, il prie son Père aimé : alors il intercède pour le monde et pour les siens jusqu'au bout de la nuit et des ténèbres.

Car il est le Dieu victorieux des ténèbres, celui qui nous rejoint, dès l'aube d'un Jour perpétuellement neuf, d'un huitième Jour inédit, d'un Dimanche toujours recommencé. Car il est le Dieu saint d'Israël qui fit traverser au Peuple, à pied sec, "les eaux formant muraille à droite et à gauche", les flots terribles de la Mer Rouge - comme au travers d'une immense matrice capable d'expulser ce Peuple vers une vie enfin libérée de la servitude et de la mort. Semblablement voyons-nous Jésus dominer les eaux (lieu supposé des puissances du mal, dans la représentation juive du monde) en les foulant aux pieds, semblablement vient-il, déjà puissant dans la gloire de sa vie immortelle, pour rendre confiance aux hommes de peu de foi que nous sommes. Si nous apprenions à regarder nos vies avec les yeux du coeur, nous verrions bien, à travers mille signes, qu'il n'est pas un fantôme, mais la Présence plus présente à nos existences que toute autre.

Certes, il n'y a pas là d'évidence. Et tandis qu'il veut l'entraîner à fouler comme lui les eaux agitées et à les mater, Pierre lui-même, Pierre l'audacieux, le premier de nous, se met à douter et s'effraie. Il est normal que le doute nous gagne, que la peur aussi soit une compagne de notre traversée. Il ne faut pas, si l'on ose ainsi dire, "avoir peur de nos peurs". Observons comment chez Pierre, dans le récit entendu, le doute et la peur suscitent d'emblée la prière, la supplication que nous pouvons faire nôtre à tous les instants de nos journées : "Seigneur, sauve-moi!" "Seigneur, sauve-moi de ma peur, de mon doute, de mon péché, de mon recroquevillement, de mon étroitresse d'esprit, de mon égoïsme, de mon repli. Et finalement, Seigneur, sauve-moi de moi-même!" (Ne sommes-nous pas de nous-mêmes le premier, le plus fidèle et le plus décisif ennemi?) Et nous voyons alors le bras tendu, le bras fraternel et puissant qui nous agrippe et nous redresse, qui dès cette vie nous ressuscite et nous relève.

L'Eglise, frères et soeurs, ne porte pas au monde un message idéologique, ni même pas d'abord une "doctrine" au sens habituel de ce terme. Frêle esquif avançant dans l'espace et le temps, elle porte une Présence qu'elle adore et confesse, en laquelle elle se fie, à laquelle elle confie le monde où elle navigue. Au milieu des vents contraires et des tempêtes, la voix de cette Présence peut certes sembler, comme pour Elie le Prophète, "aussi ténue que le murmure d'une brise légère". C'est pourtant la voix de Dieu, la voix du Dieu fort, mais qui se fait reconnaître à la seule oreille du coeur. Si cette oreille du coeur exerce sa finesse, alors l'horizon change, l'être humain se découvre aimé et attendu. Alors se calment les souffles hostiles de nos vies. Alors on apprend à vivre en paix avec soi et avec tous. Amen.

lundi 8 août 2011

Une demande des évêques

Je relaie ici bien volontiers une demande des évêques de Belgique : samedi, dimanche et lundi prochains, soit le 20e dimanche ordinaire et le jour de l'Assomption, les quêtes des célébrations seront exceptionnellement consacrées à venir en aide aux personnes souffrant de la sécheresse et de la famine qui s'ensuit dans la "Corne de l'Afrique". J'ai déjà parlé ici de ce drame qui se joue pratiquement à nos portes (quelques milliers de kilomètres, ce n'est rien...) et devant lequel l'Europe du Nord (les Belges en particulier) brillent par leur indifférence! Je me permets donc d'insister pour que nous nous montrions tous généreux et solidaires. Chaque jour, des centaines d'enfants meurent là de faim et de soif : c'est intolérable!
Les dons des quêtes seront versés à Caritas Internationalis par le biais de Caritas Belgique, ONG catholique comme vous le savez sans doute, mandatée expréssément à cet effet par les évêques. On peut aussi faire un don directement sur le Compte du doyenné (pour rappel : BE 41 0003 5541 8710) avec la mention "Corne de l'Afrique".
Certains ont parfois des doutes sur le sérieux des Organisations internationales qui travaillent à soulager ce genre de situation : je peux garantir le caractère irréprochable de Caritas dans toutes les actions qu'elle entreprend. En outre, ce sont des professionnels qui savent comment faire parvenir l'aide là où elle est la plus urgente et la plus nécessaire.
Je remercie ceux et celles qui vont lire ce message... et y donner suite!

samedi 6 août 2011

Maupassant, pour rire un peu...

Relisant ce soir, après des activités pastorales variées et quelquefois douloureuses (funérailles d'une jeune maman de 45 ans), un conte de Maupassant (ah! Maupassant, quelle merveille ces pages glanées pendant les vacances, comme ça "dépayse" et en même temps, comme ça nous rejoint!), je trouve ceci, qui est une définition étrange du mariage. Je ne sais si elle correspond à la réalité, n'étant pas marié moi-même. Je cite donc : "Le mariage : un échange de mauvaises humeurs pendant le jour, et de mauvaises odeurs pendant la nuit."
On veut la référence précise? La voici : G. de MAUPASSANT, Une Ruse, in Contes et Nouvelles, I, préface de A. Lanoux, Intr. de L. Forestier, texte établi et annoté par L. Forestier, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1974, p. 560.
Bon, j'admets que je ne dirais pas cela (du moins pas d'emblée) aux fiancés qui viennent me trouver le samedi matin - comme ceux que j'ai reçus aujourd'hui, précisément, après les douloureuses funérailles.
Et au fond, j'espère pour les ménages que je connais que ce n'est pas complètement vrai.
Mais j'ai la faiblesse de trouver tout de même cela rigolo...
On peut sourire, non?

jeudi 4 août 2011

Le "Magnificat", manifeste communiste?

En visite avant-hier chez un ami de longue date - de ces vrais amis, à la vie à la mort, un ami qui prie à gauche et vote à droite (nous sommes en France...), il me dit : "Quand je récite le Magnificat, j'ai l'impression de déclamer un manifeste communiste. Tout de même, ces expressions : Il renverse les puissants de leurs trônes, il renvoie les riches les mains vides, hein!"
Moi : "Pas faux. Sauf que la Sainte Vierge n'avait sans doute pas d'ambitions communistes. Elle exaltait la pauvreté - en ce compris la pauvreté matérielle, parce qu'elle peut conduire à la vraie pauvreté, celle du coeur. On a beau être riche : quand on est devant Dieu, on est renvoyé tout nu, "les mains vides". Et malheur aux riches qui sont dupes de leur richesse. L'Evangile, tout de même, n'a jamais fait et ne fera jamais la promotion du bling-bling!"
Et je crois que nous en sommes tombés d'accord.
J'y repensais ce soir, voyant les infos à la télé : l'affolement des boursicoteurs, le "krach"annoncé, inévitable peut-être. Dans le même journal, la pingrerie des Belges, qui ne savent même pas ce qui se passe en Somalie ou dans la Corne de l'Afrique, qui ignorent que leurs contemporains, ceux qui habitent comme eux le même village (puisque désormais la terre n'est qu'un village), crèvent de faim et de soif.
Franchement, si cette crise financière peut remettre, face aux richesses, les coeurs à l'endroit, tant mieux!

vendredi 29 juillet 2011

La jeunesse est généreuse

J'ai eu l'occasion cette semaine d'aller rendre visite à des "camps" de patro et de scouts d'Enghien, les uns et les autres installés dans les Ardennes. Visites brèves, mais qui m'ont à chaque fois permis de constater avec émerveillement combien la jeunesse est généreuse. Car enfin, voilà de grands jeunes (les dirigeants, les "chefs") qui consacrent dix jours de leurs vacances à entraîner des enfants et des adolescents, à les faire vivre ensemble, à leur faire découvrir la nature, à leur apprendre par le jeu ou les échanges la solidarité, le respect de l'autre, la fraternité... Le tout, cette année, dans des conditions climatiques peu favorables (pluie, froid).
Je les admire, j'ai eu l'occasion de le leur dire, et de tout coeur je les remercie, de même que les adultes qui les encadrent et assurent "l'intendance", pour cette générosité.

samedi 23 juillet 2011

Contrer la haine et la folie, dire le danger

Lors du dernier Conseil Presbytéral, mes confrères et notre évêque m'ont chargé de rédiger une note, à laquelle je travaille, pour dire combien nous avons tous des raisons d'être inquiets de certaines idéologies proposées par des partis politiques ou répandues, on ne sait comment, dans les réflexions populaires. Une idéologie qui, en vrac, revendique d'être sécuritaire, hostile aux étrangers et, en particulier, aux étrangers venus de l'Est de l'Europe ou de la Turquie ou de l'Afrique du Nord, le tout assorti d'une peur de l'Islam et de sa prétendue "contagion", une idéologie du repli sur soi, sur sa soi-disant "identité", sur la défense de ses "traditions", etc., etc.
Bref, vous m'aurez compris, une idéologie que l'on peut qualifier "d'extrême-droite", islamophobe et qui se prétend souvent catholique. Inutile de dire que ces idées ou ces ressentis (car on ne peut guère parler d'idées en ce domaine : c'est en deçà de la pensée) sont très présents chez nous, non seulement dans des partis d'extrême droite flamands (que l'on vient enfin de virer des négociations gouvernementales, il aura fallu un an, mais bon cela valait la peine!), mais aussi dans les courriels que l'on reçoit assortis de "blagues" racistes, dans le mépris affiché des autres religions et des "autres" tout court.
Cela est odieux.
Cela est dangereux. On vient de voir les dégâts que ce populisme a produits en Norvège, pays richissime et gangrené (comme le nôtre risque vite de le devenir) par ce poison.
J'ai quelquefois l'impression que l'Europe n'a rien compris des enseignements douloureux reçus des années 1930 : car on fut alors confronté aux mêmes messages, au même matraquage, aux mêmes peurs, au même égoïsme, et on sait que cela a conduit notre civilisation prétendument raffinée aux affres du fascisme, du nazisme, de la barbarie.
Les chrétiens ne sauraient tolérer cela, jamais et nulle part, mais surtout pas en leur sein. Or, c'est quelquefois au nom d'un prétendu "catholicisme" que certaines de ces positions sont exprimées. Elles ne sont pas conformes à la foi chrétienne qui, de sa nature et dès son origine, est généreuse, ouverte aux autres, accueillante à la diversité des cultures, bref, au sens étymologique et noble de ce terme, "catholique".
Qu'on se le dise.
La barbarie ne passera pas, jamais.

lundi 18 juillet 2011

"Hors de l'Eglise, pas de salut"

On connaît la formule, que l'on trouve en premier chez saint Cyprien de Carthage (IIIème siècle), et qui choque souvent : Extra ecclesiam, nulla salus, trop vite traduite par "Hors de l'Eglise, pas de salut!" Interprété de cette façon, en effet, cet adage sur lequel des dizaines d'études, de thèses même, ont été rédigées, est horrible. Il tendrait à signifier que, sans l'appartenance à l'institution "Eglise", aucun salut n'est possible pour aucun homme. C'en serait alors fini de l'espérance d'un salut universel de tout être humain, auquel les Pères de l'Eglise eux-mêmes nous ont accoutumés. C'en serait aussi terminé de l'enseignement généreux du Concile Vatican II qui, en divers endroits de ses textes, a affirmé que tout être humain, même dans une autre religion ou une autre discipline ecclésiale que la foi catholique, était en quelque sorte candidat au salut...
A la poubelle, alors, cette formule?
Pas complètement, et on va comprendre pourquoi je reviens ici, comme "pasteur", comme "doyen", à cet adage. Ne signifie-t-il pas ceci : "Hors d'une communion de vie, il n'y a pas d'accès au salut tel que le conçoit la foi chrétienne"? Dans cette interprétation plus large, plus généreuse, mais peut-être aussi exigeante, on affirme que le salut chrétien s'accueille non dans le "chacun pour soi", mais dans l'effort toujours recommencé de créer, de recréer, une communauté de vie, de partage, de destinée. Une communauté humaine dès lors significative, signifiante, pour tout le monde, un "sacrement" - précisément ce qu'est l'Eglise.
"Pas de salut dans le 'sauve qui peut' ou le 'chacun pour soi' ", telle pourrait être une traduction plus libre certes, mais aussi probablement plus fidèle, du point de vue théologique, de cet adage.
On en concluerait alors que le principal effort à fournir dans nos vies chrétiennes, c'est de "faire communauté", et de barrer la route aux logiques contraires de repli qui sont si promptes à se manifester ("Moi, du moment que j'ai... au choix : "ma" messe, "ma visite de camp", "mes funérailles", "mon mariage", "mon heure de messe", "mon bâtiment", "mon asbl", etc., etc.").
On pourrait du reste étendre cette interprétation et sa mise en oeuvre à des champs sociaux autres qu'ecclésiaux : voyez notre pays, par exemple. Sera-t-il "sauvé" dans des négociations interminables où il semble que la logique prépondérante soit précisément celle du repli sur ses intérêts particuliers? Sera-t-il "sauvé" hors d'une logique du "bien commun"? Voyez l'Europe : sera-t-elle "sauvée" (je pense à son hypothétique désastre financier), hors d'une semblable logique? Voyez le monde, notre planète "terre" : sera-t-elle "sauvée" (pensons à l'écologie, aux famines, à la répartition des biens et des richesses, etc.), hors d'une semblable logique? Ce qui s'est énoncé dans cette formule de l'antiquité chrétienne recèle sans doute encore, par delà des interprétations réductrices, de grandes richesses de mise en oeuvre! Extra ecclesiam, nulla salus : hors d'une communauté de vie et de destinée (en ce sens large, hors d'une "Eglise", ou ce que l'Eglise veut être), pas de salut pour l'être humain!
Le travail à faire, pour honorer l'adage dès lors ainsi entendu, est et reste immense.
Mais comme il est aussi enthousiasmant!

mercredi 13 juillet 2011

Le miracle grec

Il peut sembler provocateur, au jour d'aujourd'hui et vu la situation économique du pays envisagé, de parler de "miracle grec". Pourtant, j'utilise volontiers cette expression au retour d'un bref mais revigorant séjour à Athènes, aux fins de me reposer un peu - Athènes, la Grèce : une ville et un pays que j'ai autrefois beaucoup fréquentés (je suis d'abord ce que l'on appelle en Belgique un "philologue classique"!), mais que je n'avais pas revus depuis à peu près vingt ans.
La première impression est celle d'une intacte pureté du pays : pas seulement la couleur du ciel et de la mer, mais les lignes des monuments, des statues, des poteries (visités à pas cadencés dans les musées remarquables de la Capitale grecque, notamment le Musée Archéologique et le tout nouveau Musée de l'Acropole, ou encore le Musée cycladique, reparcouru avec émotion). Les idoles cycladiques, précisément et par exemple : le caractère épuré de leur forme, l'impression qu'elles dégagent, leur contemporanéité. Ou encore les stèles funéraires du cimetière ancien du Céramique : des centaines d'années avant le Christ, dans les deux cas, une attente de la vie éternelle, une aspiration à vivre déjà, dans l'ici-bas, de l'au-delà... Si l'on ajoute à cela la naissance de la philosophie (joie de lire des pages du Phèdre de Platon en se promenant sur les bords de l'Ilissos, là où peut-être, sans doute, Socrate lui-même philosophait : "Ô phile Phaidre, poi dè kai pothen;" - "Ô mon cher Phèdre, où vas-tu comme cela, et d'où viens-tu?", question primitive de toute existence humaine!), si l'on ajoute aussi à cela le bonheur d'errer dans la Plaka, de goûter à l'ouzo et à la cuisine locale! Oui, on est bien dans un berceau de civilisation. Un berceau qui nous repose - comme font tous les berceaux, en principe! Nous y retrouvons quelque chose qui a forgé l'humanité, qui lui a donné son ossature, et qui se respire, qui flotte dans l'air, qui réjouit le sourire des antiques statues - ces femmes apaisées, emplies de sagesse, des centaines d'années, encore une fois, avant l'aventure chrétienne...
Une aventure en continuité, du reste, avec ce passé dit "païen" - le Musée byzantin, ses innombrables icônes, racontent l'imprégnation désormais chrétienne du pays. Et même les catholiques, très minoritaires, forment une communauté fervente (j'ai pu m'entretenir avec l'archevêque catholique d'Athènes, qui m'a beaucoup impressionné par son respect des personnes, dans sa toute petite cathédrale Saint-Denys-l'Aréopagite, plus petite que l'église de Silly!)
La situation économique, hélas, est ce qu'elle est (probablement beaucoup de corruption, et la non taxation de quelques empires financiers). Mais il faut aider ce pays à en sortir, non seulement pour ces motifs économiques, mais davantage encore pour des motifs culturels : sans la Grèce, pas d'Europe, au sens noble de ce terme ("Europe", d'ailleurs est une nymphe de la mythologie grecque).
Au retour, on retrouve l'abrutissement, la bêtise et l'obstination de certains politiciens belges, toujours infoutus de dépasser leurs calculs électoralistes et leur nationalisme égoïste.
Qu'ils aillent se faire voir chez les Grecs, tiens!

mardi 5 juillet 2011

La mort dans nos vies

Ces jours-ci, pléthore de funérailles, de deuils, de grands malades qui demandent assistance et accompagnement... La mort est dans nos vies, elle rôde. La plupart du temps, nous passons nos existences à la nier, à la refouler ("on verra bien"). Certes, on sait l'échéance inévitable, mais on "avance à reculons vers le précipice", comme le disaient déjà les philosophes de l'Antiquité (voir Cicéron et tant d'autres).
Le christianisme, avant même de proposer une espérance "par-delà" la mort, n'a pas peur d'intégrer la mort dans nos vies. La mort, et toutes ses formes : car il n'y a pas que la mort physique, il y a tous ses modes, psychiques, spirituels. Ce que la théologie nomme "le péché", c'est ni plus ni moins des signes de mort dans nos vies, des replis, des recroquevillements, des médiocrités, des petitesses - des petitesses plus ou moins grandes, si l'on ose ainsi dire! Oui, la mort nous guette, et il nous appartient de la reconnaître présente en nous, déjà faisant son oeuvre, grignotant nos coeurs, nos esprits, nos corps. Cette reconnaissance seule nous rend capables d'être présents à la mort des autres : aux deuils, aux souffrances et aux maladies physiques qui y conduisent, aux apories morales et spirituelles qui en sont le signe.
Et c'est seulement à partir de cette reconnaissance que nous découvrons le Christ. Le Christ lové en toutes nos morts comme en son linceul dans la tombe, mais que la puissance d'amour du Père veut ressusciter.
Car si la mort nous guette, nous savons que nous sommes faits pour la Vie.
Et que la pierre de nos tombeaux ne résistera pas longtemps à cette puissance, à cette incroyable puissance de l'Amour.

mercredi 29 juin 2011

Jean qui rit, Jean qui pleure...

Hier, aujourd'hui : remise de diplômes dans une école fondamentale (l'Ecole Saint-Nicolas) ou au Collège Saint-Augustin d'Enghien.
En marge, des nouvelles des miens (neveu, nièce) qui traversent des épreuves universitaires analogues.
Demain, délibérations à Louvain-La-Neuve tout l'après-midi (et qui sait? au-delà) pour les épreuves de la Faculté de Théologie.
Chaque fois, des constats : échec ou réussite.
La question - comme dans nos vies, du reste, et l'enseignement, c'est une part de nos vies - n'est pas : se lamenter/se réjouir. La question est : que faire soit de l'échec, soit de la réussite?
L'échec (on a tendance à l'oublier), c'est fait pour être traversé : on regarde pourquoi il a eu lieu, on recommence autrement, on repart.
La réussite; c'est aussi fait pour être traversé : on apprécie le travail fourni, on ne s'endort pas sur ses lauriers, on se demande comment poursuivre.
Dans les deux cas, des "challenge's", comme on dit en franglais.
Dans les deux cas, des étapes, pas des conclusions.
La vie est un mouvement perpétuel, un parcours par essais et erreurs. On apprend de ses échecs au moins autant (plus?) que de ses succès...

jeudi 23 juin 2011

Fête-Dieu et procession à Enghien

Cette année, la Procession d'Enghien correspond à la solennité de la Fête-Dieu, la Fête du Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Seigneur. C'est une belle opportunité de rappeler la grandeur de ce Sacrement, que le pape a nommé mercredi dernier, dans sa catéchèse, "le plus grand trésor des chrétiens et même de l'humanité". Belle expression. Qui ne cherche un trésor? Qui n'est déçu par sa recherche, s'il ne cherche là où est le vrai trésor?
Or, dans l'Eucharistie montrée, exhibée en procession, nous montrons l'amour le plus grand qui soit au monde - dans toute l'histoire de l'humanité. Tout donner, absolument tout : son corps, son sang, se laisser manger par l'autre, jusqu'à l'anéantissement absolu du soi englouti.
Ainsi fait Dieu pour l'homme, en Jésus. Ainsi fit-il, ainsi continue-t-il de faire.
Y a-t-il plus grand amour montrable, possible?
Et, dans une procession, cet amour-là rejoint nos pauvretés, nos manques, nos résistances.
Dans une procession, - dans la belle procession d'Enghien - cet amour-là est précédé par les statues, les rappels imagés, de ceux et celles qui ont tenté d'en vivre : les saints et les saintes de l'Eglise, figures connues de la multitude inconnue, qui ont cru à l'amour.
Ils nous accompagnent, nous rejoignent, nous précèdent, nous stimulent.
Oui, l'amour est possible. Il se donne à voir, il n'a pas peur de se montrer. Et, comme je le disais sur ce même blog l'an dernier, ce sont les "petites gens" qui le pressentent le mieux : de leurs maisons, pour orner leurs façades, ils sortent le plus beau, et s'agenouillent au passage du Saint Sacrement, du Sacrement de l'Amour. Récemment, un "porteur de dais" de la procession me racontait l'anecdote suivante, qui m'a fait rire : devant un café, deux braves types qui buvaient leur bière (on est en Belgique...) ne savaient pas quelle contenance prendre au passage du Baldaquin. C'est la patronne du café qui, de l'intérieur, en "toquant" au carreau, leur a intimé l'ordre de se mettre à genoux! Belle solidarité dans la piété!
Ce même dimanche, je fêterai aussi le 27ème anniversaire de mon ordination presbytérale - en réalité célébrée le 24 juin 1984, mais qui était cette anne-là "la fête-Dieu" - , et j'accompagnerai "de coeur" mon ami Bruno, que notre évêque ordonnera prêtre à la cathédrale de Tournai (le pauvre m'a eu comme professeur...).
L'Eglise avance. Et même, elle "processionne"...

lundi 20 juin 2011

Que savons-nous de Dieu?

Hier, fête de la Trinité.
Nulle part dans la Bible ce concept n'est évoqué, jamais Dieu n'intervient pour dire : "Attention, les hommes, je suis la Trinité, hein! Gaffe!"
Ce sont les chrétiens qui, recueillant dans leurs méditations les trésors de la Révélation, ont forgé le mot et tentent aujourd'hui d'en vivre la réalité. Ils se démarquent ainsi de conceptions de Dieu certes respectables, mais insuffisantes - que l'on y croie, du reste, ou non, peu importe : un Dieu métaphysique "premier moteur immobile" (version Aritsote), un Dieu "Bien suprême" et démiurge (version Platon), un Dieu justicier (version janséniste - tiens, les revoilà, ceux-là), un Dieu "grand horloger" ou "grand architecte"(version Voltaire et les francs-maçons du XVIIIème siècle), un Dieu pré-bib-bang (version frères Bogdanov), un Dieu consolateur ou vaguement nounou qui berce les attristés sur sa poitrine généreuse (version charismatique), etc., etc.
Ah! ce qui peut traîner dans nos têtes quand on dit "Dieu"...
Nous croyons au Dieu de Jésus-Christ. C'est-à-dire : nous croyons que Dieu est ce que Jésus a raconté dans sa vie et dans sa mort, lui que nous nommons Dieu, le "Fils de Dieu". Nous croyons ainsi que Dieu est don, oblation absolue, effacement de soi pour l'autre, capacité de se laisser manger par l'autre (voir l'eucharistie : "Prenez, mangez - c'est mon corps. " "Prenez, buvez- c'est mon sang"! Paroles inouïes, non de vampires ou d'anthropophages, mais d'amour assumé jusqu'au bout du bout). Ce que Jésus a dit et fait dans sa vie de Juif, d'homme du Ier siècle dans la belle terre de Palestine : voilà ce qu'est Dieu, de toute éternité, depuis toujours et pour toujours, et pour chaque homme. Un don sans retenue, du Père au Fils, du Fils au Père, dans la liberté inouïe de l'Esprit (y aurait-il un don sans liberté?).
Et non seulement nous croyons cela - ce qui pourrait ne rester qu'une proposition intellectuelle. Mais nous voulons en vivre. Poussés par l'Esprit sans cesse donné à l'Eglise, nous voulons que nos communautés racontent elles aussi ce qu'est Dieu pour l'humanité d'aujourd'hui, non pas en récitant des leçons apprises et qui n'intéressent personne, mais en le faisant. En vivant entre nous des relations de don mutuel, de désintéressement, d'oblation - en essayant de devenir ainsi frères et soeurs d'un unique Père.
Nous revoici dans ce que nous sommes : l'Eglise n'est, en effet, rien d'autre. Et aucune de ses activités, de ses prises de position, de ses engagements, ne peut se justifier ou se comprendre en dehors de la vie trinitaire.

jeudi 16 juin 2011

Le bilan d'une vie

Un après-midi d'orage, à Enghien. Un homme âgé fait devant moi le bilan de sa vie.
Je veille ici à ne rien trahir, je voudrais seulement dire la richesse de ce moment, ce long moment de confidences.
Mon sentiment d'abord, quand la conversation s'engage, un sentiment qui me vient si souvent : qui suis-je, Seigneur, pour recueillir cela? Un sentiment qui tourne en prière : Seigneur, rends-moi capable d'écouter. Non seulement d'écouter, d'entendre. D'entendre le désir qui se raconte, les frustrations d'une vie parvenue à son dénouement. D'une vie dont on tente de faire le bilan.
Et si je dois parler - mais seulement si je dois - donne-moi la Parole.
Une action de grâce devant cet homme âgé, confiant en l'Amour, qui sait qu'il va partir bientôt ("La porte va se fermer. Ici. Et s'ouvrir ailleurs").
Je suis ému aux larmes par ces confidences auxquelles je n'ai pas droit. Dieu seul... Dieu seul a le droit d'entendre tout cela!
Ma main se lève pour donner l'absolution. Cet homme pleure. De joie, je crois. De la joie de se savoir aimé, infiniment aimé, attendu, estimé, regardé - toute sa vie, une pierre précieuse qui va briller et briller encore pour ses enfants, ses petits-enfants.
"Je les aime tant", me dit-il. "Que sauront-ils de Dieu? De son mystère? De mon mystère?"
"Vous leur avez tout donné. Soyez sans crainte. Ils vous aiment, et l'amour est la meilleure connaissance de Dieu."
Puis vient le temps de l'onction. La prière, lente. La réminiscence du texte de saint Jacques : "Qu'un prêtre de l'Eglise vienne oindre le malade qui le demande..." L'imposition des mains, dans le silence. L'onction sur le front, sur les paumes. Je prends dans les miennes les mains de cet homme, ces vieilles mains usées par l'âge, qui ont tant travaillé, caressé, réconforté. Longtemps, nous nous tenons ainsi, nos mains les unes dans les autres, d'un bord à l'autre de la vie.
"Je prie pour vous", dit-il.
Comme cette prière m'est précieuse.
Si je devais choisir dans ma vie le moment pour lequel j'ai été heureux d'être prêtre, j'en choisirais mille, bien entendu. Mais ce soir, entre tous, j'ai sélectionné celui-là.
Un moment rare où l'humanité révèle sa grandeur.