vendredi 29 novembre 2013

Le Voleur...

Dans ma région d'origine, les vols se multiplient dans les habitations privées. De petites bandes, sans doute, bien organisées, qui épient les allers et retours, qui guettent et, dès que vous avez le dos tourné : hop, ils forcent les portes, et en cinq minutes piquent tout ce qui tombent sous leurs doigts, bijoux, ordinateurs, portables, et bien sûr ils bouleversent tout dans la maison pour trouver de l'argent.
Des voleurs.
Des furtifs.
Des rapides.
Quand on rentre chez soi, on se sent floué, certes, mais aussi humilié, "pris par surprise", si l'on ose cette redondance. On appelle la Police, on porte plainte. Et en même temps on se dit : "A quoi bon?"
On renforce les protections de sa maison : un volet mécanique, une alarme. Et en même temps, on se dit aussi : "A quoi bon?" C'est en effet trop tard : "ils" ne reviendront pas une deuxième fois, pas si bêtes!
On s'en veut. On se dit : "Je n'aurais pas dû sortir, ce soir-là. J'aurais dû être plus vigilant avant, faire plus attention..."

"Si le maître de maison avait su à quelle heure de la nuit le voleur viendrait, il aurait veillé et n'aurait pas laissé percer le mur de sa maison"... Comme on la comprend mieux, alors, cette parole de Jésus que rapporte l'évangile de Matthieu, entendu ce dimanche, et qui invite à une vigilance accrue. "Veillez", dit Jésus, car "le Fils de l'Homme" et "son avènement" (son "avent") vont venir comme vient le voleur, à l'improviste, au milieu de vos fêtes et de vos travaux ("on mange, on boit, on se marie" et "les gens ne se doutent de rien", "les hommes sont aux champs et les femmes, au moulin"), sa venue est comme l'éclair, comme le passage-éclair du voleur dans vos maisons.
Une chose est sûre : il vient, il va venir.
Quand?
Le voleur vous dit-il quand il va venir? Vous auriez beau jeu, alors, de vous préparer, de vous barricader, de cacher vos vraies "valeurs". Le Fils de l'Homme, ce Voleur, veut vous surprendre : il vous trouvera dans l'état de préparation ou d'impréparation dont vous seuls êtes responsables.
Si vous n'avez pensé qu'à vos fêtes et à vos travaux, vous n'aurez pas préparé votre maison intérieure pour lui faire face.

Le temps de l'Avent, temps où l'on se prépare à "la" venue, temps où l'on apprend ce qui nous reste à faire...

mercredi 27 novembre 2013

Possibilité d'une euthanasie étendue aux mineurs

Une commission du Sénat vient donc d'adopter, aujourd'hui, un projet de loi visant à étendre aux mineurs d'âge la possibilité de demander et d'obtenir l'euthanasie, si certaines circonstances très précises sont réunies. Comme l'âge, dans cette hypothèse, n'est plus un critère discriminant, c'est "la faculté de discernement" qui sera évaluée par un psychologue : pourquoi pas, en effet, puisque pour des sujets également graves (la possibilité de "discerner" le Christ sous les espèces eucharistiques, ce qui n'est pas rien), l'Eglise catholique elle-même a décrété que l'âge de raison était sept ans, depuis un peu plus d'un siècle...
Mais tout de même, des questions subsistent, multiples, non débattues jusqu'au fond, sur le rôle des parents, sur la difficulté accrue en cas de divergences d'avis chez les parents (si ceux-ci sont séparés, par exemple), sur la réalité d'une souffrance qu'on ne saurait autrement soulager, sur la demande - qui doit venir de l'intéressé lui-même -  et,  évidemment,  sur ce fameux "discernement" dont certains seraient capables (et d'autres, non?)
Que l'on pose la question n'est pas un problème, au contraire : ça, c'est la démocratie, c'est la culture du débat pluriel, et je me réjouis d'appartenir à une société où toutes les questions peuvent et doivent être débattues.
Qu'on y réponde du point de vue législatif d'une façon probablement trop brusque, sans avoir d'abord bien évalué les demandes et les réalités de l'euthanasie pour des adultes (possible chez nous depuis onze ans), sans avoir été, semble-t-il, jusqu'au bout des enjeux dans les discussions au Sénat, cela me conduit hélas à penser que notre système politique peine à sortir d'une logique "pro" et "anti" cléricale à l'ancienne, où il y aurait des "progressistes" d'un côté et des "conservateurs" de l'autre. Cette logique-là est périmée, et fausse depuis le début - mais peut-être pas encore dans la tête de certains.
Bon.
Ce n'est qu'un projet de loi : restent l'assemblée plénière, le Parlement, le Gouvernement et le Roi.
Autant d'étapes législatives.
Et si on se reprenait, je veux dire, si on reprenait sagement les discussions en allant au fond des choses? Et, autant que faire se peut, sans parti-pris idéologique?

samedi 23 novembre 2013

"Une inscription, au-dessus de sa tête"

"Une inscription était placée au-dessus de sa tête : Celui-ci est le Roi des Juifs."
L'évangile de la fête du Christ-Roi nous rappelle ce fait, anodin apparemment et dont pourtant la plupart de nos crucifix portent la mémoire dans des initiales étranges : INRI, Iesus Nazarenus Rex Iudaeorum, "Jésus de Nazareth Roi des Juifs". La titulature est vraiment messianique, elle annonce que ce condamné exécuté est "Le Roi des Juifs", elle l'annonce probablement par dérision, mais pourtant elle dit la vérité : celui-là est le Roi tant espéré, tant attendu, le Messie de Dieu, le Sauveur...
Et c'est un païen qui l'a fait placer, Pilate, qui ne connaît rien à rien des prophéties juives, mais qui pourtant, sans le savoir, a été prophète : il a dit - et maintenu, car certains voulaient faire modifier l'écriteau - la vérité de Jésus.
C'est la première annonce du kérygme chrétien, bien avant celle de saint Paul dans la Première Lettre aux Corinthiens, bien avant la rédaction des Evangiles. C'est le plus ancien  texte qui proclame la foi chrétienne, et il est signé d'un païen... Etonnons-nous!
Quelquefois, dans la Bible, ce sont les plus éloignés qui sont les meilleurs témoins, les meilleurs prophètes. Ainsi de Pilate : il est, tout païen qu'il soit, le seul dont le Credo chrétien (le Symbole de Nicée-Constantinople, que nous récitons chaque dimanche) porte le nom, avec Jésus et Marie ("Crucifié pour nous sous Ponce Pilate", dit le texte).
Probablement cela signifie-t-il quelque chose : ce ne sont pas toujours les gens du sérail qui sont le mieux inspirés. Les "extérieurs" ont de temps en temps de ces coups de génie - ou plutôt de ces coups d'Esprit Saint - qui leur font dire et reconnaître la vérité. Les "intérieurs" savent-ils les entendre?

vendredi 22 novembre 2013

Sainte Cécile

Cécile est une martyre romaine, d'origine sans doute sicilienne, du IIème ou du IIIème siècle. En allant vers son supplice, elle aurait, dit-on, entendu chanter des voix célestes, ce qui en fait depuis très longtemps la patronne des musiciens et de tous ceux qui travaillent pour la musique. Depuis la fin du Vème siècle, elle est inscrite au Canon romain (Prière Eucharistique I) et son tombeau, identifié avec soin au XVIème siècle, est au Transtevere (à Rome) dans l'église qui lui est dédicacée.
Et ils sont nombreux, ceux qui la vénèrent,  y compris ici à Enghien, où je suis heureux de les saluer et de leur souhaiter une "bonne fête" : chorales, chœurs, fanfares, groupes plus informels, et tous ceux qui estiment qu'on ne saurait vivre sans musique, sans en jouer ou sans en entendre!
La musique, "là où le son triomphe de n'avoir pas de sens" (Marie Noël), cet autre langage indispensable à nos existences, et cette première forme de la prière, car "chanter, c'est prier deux fois" (saint Augustin)!
Vraiment, belle fête à tous!

dimanche 17 novembre 2013

"Tout sera détruit"

Comment concilier les paroles contradictoires entendues dans l'Evangile de ce matin?
D'un côté : "Tout sera détruit", dit Jésus en parlant du Temple de Jérusalem, mais aussi, et cela va de soi, de toute chose éphémère en cet Univers qui a commencé et qui finira : tout sera détruit, le Temple, certes, mais aussi nos autres constructions, religieuses ou non, intellectuelles ou non, familiales ou non, idéologiques ou non, littéraires ou non, culturelles ou non, artistiques ou non, etc., etc. : tout, tout, tout, et nous-mêmes avec. Diantre! Comment ne pas alors devenir nihilistes, comment ne pas croire ou penser que rien n'a de valeur de ce que nous faisons, puisque toute œuvre humaine est a priori vouée à la destruction? Et Jésus cite les causes réitérées de cette destruction : guerres, cataclysmes, persécutions...
D'un autre côté : "Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu." Autrement dit : tout ce que vous êtes est précieux, comme est précieux tout ce que vous faites dans le prolongement de ce que vous êtes vraiment.

Paradoxe?
Non, loi de la vie : notre monde est éphémère, et il faut nous le rappeler toujours, comme nous-mêmes nous le sommes. Mais l'amour que nous aurons mis à faire ce que nous avons cru devoir faire : beaux-arts, famille, soin d'autrui, communauté, l'amour que nous aurons mis à édifier le Temple éphémère, quel que ce soit ce Temple, cet amour-là, oui, il est éternel.

C'est en lui, en cet amour, qu'est la Vie - celle qui nous constitue vraiment. C'est en lui, pour poursuivre la méditation déjà esquissée sur ce blog en cette fin d'année liturgique, que se rejoignent le Temps et l'Eternité, en chacun de nous, qui est unique, comme dans l'Univers intégralement.

jeudi 7 novembre 2013

Violette

Retour de Paris, où j'ai passé quelques jours de repos et revu des amis... que je vois trop peu. Lundi soir, assisté à "l'avant-première" du dernier film de Martin Provost, Violette, un film consacré à l'écrivain Violette Leduc (1907-1972), d'après la biographie que René de Ceccatty, co-scénariste du film, lui avait consacrée en 1994. Formidable duo d'actrices, entre Emmanuelle Devos, qui joue Violette, et Sandrine Kiberlain qui joue Simone de Beauvoir, sa fascination et son amante impossible. Car Violette était "bisexuelle", pour employer le mot affreux dont on use aujourd'hui;  elle qui était laide aimait les hommes et les femmes qui voulaient bien - et même qui ne voulaient pas - lui concéder un peu d'intérêt, pourquoi pas un peu d'amour. Son père l'avait abandonnée à la naissance, et sa mère qui "ne lui avait jamais tenu la main" (c'est la première phrase du premier de ses textes autobiographiques) ne l'a guère considérée.
Quel gouffre abyssal de désir d'amour et de reconnaissance!
Elle a reproché à sa mère de n'avoir pas avorté.
Elle a elle-même avorté (à cinq mois et demi, et c'était atroce.)
Elle a reconnu en Simone de Beauvoir quelqu'un qui comprenait la détresse des femmes comme elle.
Je n'ai jamais été pour l'avortement, je crois que c'est un crime, même si sa dépénalisation est compréhensible.
Mais le film, tel qu'il est, tel qu'il est interprété, m'a aidé, lundi soir, à y voir plus clair sur l'avancée nécessaire du féminisme dans l'après-guerre, et sur le rôle ambigu certes, quelquefois déplaisant sans doute, que Beauvoir y a joué, avec talent. J'étais déjà, je reste très attaché à l'égalité foncière des hommes et des femmes, dans leurs rôles sociaux, dans leurs traitements (y compris professionnels) : on est loin d'y être! La domination de l'homme sur la femme, du mâle sur la femelle, d'un sexe sur l'autre, est absolument contraire au message de la Bible qui, dès la Genèse, instaure entre "elle" et "lui" un partenariat d'alliance, qui n'a rien affaire à la soumission, et qui tourne le dos, pour l'époque supposée de la rédaction de ces textes, aux civilisation environnantes. Même si les révoltes de Beauvoir et de Sartre - et dans leur sillage, de la pauvre et talentueuse petite Violette - étaient quelquefois excessives et inutilement (?) provocatrices, elles ont aidé à la mise en place d'une plus grande égalité. Point positif.
L'après-midi, j'avais vu au Louvre une exposition consacrée à la Renaissance florentine (1400-1460), et particulièrement à son impression dans la sculpture : intéressant de constater comment le sujet religieux, sans disparaître, est relégué à une espèce de motif décoratif, perd en tous les cas la portée catéchétique que le Moyen Âge lui attribuait, et met en avant l'homme, l'être humain, ses canons de beauté, sa puissance, sa force, le tout inspiré de l'Antiquité grecque. C'est du "Vive l'homme!", "Vive l'homme!"... Oui, oui, peut-être, mais n'en est-on pas un peu revenu, de l'homme rayonnant de puissance, "maître de lui comme de l'univers" (Corneille), maître du temps, de l'espace, du monde? On a appris  aussi les dégâts que cela pouvait faire...
Méditations parisiennes....
Je vous les livre en vrac, ce ne sont jamais que des impressions!

samedi 2 novembre 2013

La Caresse

Ce 2 novembre, nous pensons à nos morts.
C'était il y a 22 ans, déjà, mi-octobre 1991 : mon père, 81 ans, était allongé sur son lit d'hôpital, son lit de mourant, après une attaque cérébrale sévère. Complètement aphasique, hémiplégique, il attendait la mort, quelquefois énervé, la plupart du temps, serein. Maman était à côté de lui et soudain, quel miracle d'avoir été là, j'ai vu cet homme lever doucement sa main valide et la poser sur la joue de sa femme. C'était un adieu, un acte de foi et d'amour, une bénédiction, une absolution,  tout cela ensemble, et j'ai gardé dans le cœur et dans la mémoire ce geste magnifique  -  l'un des moments fondateurs de ma vie. J'avais déjà 34 ans, mais j'ai compris un peu mieux, ce jour-là, le don de l'amour.
J'ai parlé beaucoup, ces jours-ci, jour de Toussaint, jour des morts, des actes éternels qui, à travers la fluidité du temps, nous font apercevoir quelque chose de l'éternité, de Dieu. Et d'un bonheur qui, évidemment, n'est pas la satisfaction de tous nos appétits, mais l'accueil des béatitudes de pauvreté, de pureté, de douceur et de paix que Jésus annonce au début de sa prédication.
La Caresse, comme je la nomme maintenant dans mon for le plus interne avec une majuscule qui l'ennoblit encore, la Caresse était l'un de ces moments et pour toujours je rendrai grâce à Dieu d'avoir vu mes parents  se donner devant moi pareil témoignage de l'amour, qui est éternel.
Du dedans même de la mort, de ce qu'elle peut déchirer en nous, c'était,  c'est pour toujours, un geste de Vivants...