samedi 22 septembre 2012

On nous ment (suite)

Dans la série "on nous ment", ceci, qui défraie à juste titre la chronique : les résultats des expériences menées (en secret, par peur de représailles anticipées) par le Professeur Gilles-Eric Séralini, de l'Université de Caen, sur les OGM. Pendant plus de trois années (les tests présentés par les fournisseurs d'OGM n'excédaient jamais... trois mois!), il a soumis des rats et des rates à des aliments "sains" d'un côté, et "transgéniques" de l'autre.  Résultat : une prévalence dans le second cas, et d'une façon incroyablement frappante, de cancers de toutes sortes.
En Belgique, les OGM ne sont pas cultivés mais, par le biais de la chaîne alimentaire, se retrouvent dans nos assiettes (les bovins en bouffent et nous bouffons les bovins, pour être clair). Pour se "défendre", les partisans des OGM développent jusqu'ici des arguments d'une pauvreté à pleurer : oui, des rats deviennent malades, mais enfin ils deviennent toujours malades (on ignore ainsi que les rats et rates nourris sainement n'ont pas développé ces cancers horribles).  Ou : "(Cette technologie) ouvre des perspectives immenses pour l'humanité qui va manquer de ressources naturelles en raison notamment d'une démographie galopante." (Pr. A. Bernard dans "La Libre Belgique" du vendredi 21/09/2012,  p. 52) : autrement dit, il faut bien nourrir une humanité de plus en plus nombreuse, tant pis si on lui donne la mort en lui donnant à manger!
Les OGM seraient un médicament, ils seraient immédiatement retirés du marché. Cela s'appelle le principe de précaution, mis à mal dans le domaine ici concerné depuis des années parce que les firmes productrices y font des profits incroyables. Le capitalisme, qui s'est invité dans nos assiettes, ne souhaite pas en être si facilement délogé.
Moi, je m'en fiche un peu, je suis célibataire. Alors, hein, mourir de ça ou d'autre chose... Mais je pense à mes amis, à mes proches (à mes nièces et à mes petites-nièces, tiens, surtout, car les cancers développés sont d'abord des cancers mammaires) : plutôt que de les voir subir ablations, rayons et chimios, j'aimerais autant qu'elles soient protégées par les autorités sanitaires de nos pays.
Est-ce trop demander?

jeudi 20 septembre 2012

Quoi? L'éternité...

Je vis, ces temps-ci,  environné de personnes malades, mourantes ou endeuillées. Comme beaucoup de mes confrères, une part importante de mon ministère consiste à écouter, accueillir et accompagner non seulement des souffrants, mais leur famille. Et à ouvrir dans ce qui semble a priori une impasse ou un échec, quelque chose comme une brèche, l'espérance de l'éternité.
Je dis cela tandis que je prépare - d'assez loin, il est vrai  - avec des collègues de la Faculté de LLN, un colloque qui aura lieu dans un peu plus d'un an (novembre 2013), précisément consacré à l'éternité. Pourquoi ce thème? Sans aucun doute parce qu'il ne va pas de soi! Ni dans la vie courante, ni chez les philosophes ou les théologiens! Evidemment, il convient de recadrer le propos, de dire sans doute ce que n'est pas l'éternité (un temps infini : quelle horrible perspective!) L'éternité, c'est... Dieu ("L'Eternel", comme disent quelquefois des traductions de la Bible pour le nommer), déjà présent dans notre vie, dans notre temps, et qui l'ouvre à une autre dimension, dès ici-bas. Et probablement pouvons-nous en prendre conscience à certains moments-clés de nos existences : "lorsque l'enfant paraît", lorsqu'on souffre, lorsqu'on aime, lorsqu'on est malade, lorsqu'on va mourir, lorsqu'est mort quelqu'un d'aimé.
On la pressent, plus qu'on ne peut la décrire. Pourtant, on pourrait parler de la vie chrétienne comme d'une vie ordinaire mais ouverte à l'éternité, ouverte à cette dimension qui la questionne, qui la rajeunit aussi, qui la dynamise.
"Elle est retrouvée. Quoi? L'éternité" (Rimbaud)

samedi 15 septembre 2012

Le salut du pape aux jeunes musulmans

Qu'on me permette de souligner ici l'importance historique du voyage de Benoît XVI au Liban. Voyage risqué, vu le contexte politique et religieux tendu. Voyage vraiment apostolique, dans la ligne de ce que l'évêque de Rome peut dire et faire de mieux au milieu du monde : supplier pour la paix. Et notamment pour la collaboration et le dialogue entre jeunes chrétiens et jeunes musulmans, qui vivent côte à côte dans ce pays multi-ethnique et multi-culturel depuis des décennies, en une fraternité fragile, mais indispensable. Ce soir vers 18h00, sur l'esplanade du Patriarcat de Bkerké, Benoît XVI a salué quelque vingt-cinq mille jeunes venus l'écouter, parmi lesquels des milliers de musulmans : "Vous êtes avec les jeunes chrétiens l'avenir de ce merveilleux pays et de l'ensemble du Moyen-Orient", a-t-il lancé à ces derniers.
Pays multi-ethnique, multi-culturel, multi-religieux : cela ne vous fait penser à rien? Pays où les (jeunes) chrétiens ont à vivre à et collaborer avec les (jeunes) musulmans : cela ne vous fait penser à rien?
Encore un effort : vous y êtes. Pas besoin de grandes transpositions...

Pierre, "le Satan"

Dans l'évangile lu ce dimanche, au ch.huitème de l'évangile de Marc, Jésus traite Pierre de "Satan", parce que l'Apôtre ne veut pas entendre parler du rejet inévitable dont le Messie sera l'objet. Les exégètes qui s'interrogent sur l'historicité des évangiles ont facilement convenu de l'authenticité du propos, et pour cause : l'évangile de Marc fut rédigé sans doute au moment où Pierre était... pape! La tentation, la complaisance, eût été de "sucrer" ce reproche de Jésus, de le supprimer de sa bouche. Si l'auteur évangélique le maintient, c'est que le mot était tellement attesté qu'il ne souffait précisément pas contestation...
Donc, Jésus a dit de Pierre qu'il était un Satan... parce qu'il n'entrait pas alors dans les vues de Dieu.
Pierre, qui vient de confesser en effet que Jésus est le Messie tant attendu par tout Israël, veut un Sauveur glorieux, puissant, qui en impose; Jésus lui dit qu'il sera un homme incompris, rejeté par les autorités religieuses de son époque, jugé et finalement tué, avant de ressusciter. On comprend l'incompréhension de l'Apôtre et da double question qu'elle pose à notre propre foi :

- voyons-nous, nous aussi, en Jésus, ce Jésus de l'histoire, ce personnage-là, en tout ce qu'il a dit et fait, en sa mort et sa résurrection, la présence même de Dieu parmi les hommes, une présence aimante, thérapeutique, une présence de salut? Cette affirmation est inouïe, et on comprend qu'elle soit sotte pour beaucoup : pourquoi lui et pas un autre? Il y eut tant et tant de maîtres de sagesse dans l'histoire, pourquoi celui-là? La question est non seulement "Dieu s'est-il fait homme?", mais "Dieu s'est-il fait cet homme-là?"
Pourtant, en-dehors de cette reconnaissance, il n'y a pas de foi chrétienne..., mais seulement une sagesse de vie, comparable ou assimilable à d'autres (voir les remarques d'Eric de Beukelaer que j'ai reprises dans un propos antérieur sur ce blog).

- acceptons-nous que cette présence de Dieu, cette présence de salut, de guérison, etc., passe par un rejet, une incompréhension, que la gloire du Christ, et donc la gloire chrétienne, fasse d'abord l'objet d'un déni, d'un refus, d'une mise à l'écart? Je ne suis pas sûr que cela aille de soi... Nous avons, ici en Occident, des restes de rêves de grandeur, des nostalgies de chrétienté. Nous pleurons sur la désertion de nos églises, au lieu de constater que la modicité de nos communautés peut être vécue comme un reflet de cette humilité du Christ lui-même. La pauvreté du signe donné est sans doute pour une part le gage de son authenticité évangélique... Ou bien serions-nous, nous aussi, des "Satans"?

jeudi 13 septembre 2012

Des laïcs dans la pastorale de nos paroisses

Lundi dernier, nous avions notre rencontre "de rentrée" de l'EAP (Equipe d'Animation Pastorale) pour ce doyenné d'Enghien et Silly. Je considère qu'il s'agit là d'un changement capital dans la vie de nos paroisses, que d'avoir depuis un peu moins d'un an cette équipe qui gère avec moi toutes - je dis bien toutes - les affaires de nos communautés. J'entends ou je vois les rires sournois, les sous-entendus ("qu'est-ce que ça va changer?"), etc.
Il s'agit à mes yeux d'une révolution : ces laïcs - d'une moyenne d'âge relativement jeune, autour de la quarantaine -  ont été élus par les communautés et, aussi, choisis par l'évêque. Ils bénéficient donc d'une double  légitimité qui les associe étroitement à celle du curé-doyen et à sa mission. Aucune décision désormais ne sera prise sans eux, que ces décisions soient d'ordre pastoral, financier, stratégique, etc. Cela ne signifie nullement, bien entendu, que des initiatives plus anciennes, dans toutes sortes de domaines, ne doivent être poursuivies : elles ont porté, portent encore et porteront du fruit. Mais elles doivent être ressaisies dans une dynamique d'ensemble, dont cette fameuse "EAP¨" a désormais la responsbailité.
Je ne suis pas sûr que les paroissiens aient bien compris combien cela va les déranger. Beaucoup disaient, avant : il faut que les laïcs jouent leur rôle! Prennent des décisions! Eh bien c'est fait, mais avec une assise qui ne souffre plus contestation et qui, par delà des clans ou des rivalités personnelles,toujours possibles (nous sommes des êtres humains, prompts à l'affrontemement depuis Caïn et Abel) s'impose à tous. J'ajoute que, dans les circonstances prochainement à venir où le prêtre responsable sera encore géographiquement plus éloigné de ses paroisses, cette EAP constitue(ra) la seule autorité légitime, du point de vue de l'Eglise, en matière de vie paroissiale.  Légitime, c'est-à-dire, reconnue par l'évêque. Les absl pourront bien arguer relever d'un croit commun (celui, précisément, des asbl), elles n'auront plus leur caution paroissiale que par le biais des EAP, ce qui est la moindre des choses!
A méditer, non?

mercredi 12 septembre 2012

Ser(i)ons-nous tous musulmans?

L'Université des Aînés recevait hier soir, ici à Enghien, Eric de Beukelaer, pour sa conférence inaugurale. Le prêtre est connu et suffisamment médiatique pour qu'on ne le présente plus. A la fin de son intervention, répondant à des questions de l'auditoire, il a eu cette réflexion (on lui parlait de l'Islam) : "J'ai l'impression que la plupart des chrétiens, chez nous, ne sont au fond rien d'autre que de braves musulmans : ils veulent une société assez ordonnée, ils croient en Dieu, ils croient en Jésus comme en un grand prophète. Mais si on leur parle de la Trinité, de la résurrection, etc., ils sont dubitatifs..."
Je crois qu'Eric a raison sur ce point et qu'il a l'art de dire quelque chose de fondamental sous des dehors assez provocateurs.
La plupart des chrétiens ne sont guère... chrétiens.
Ils voient leur foi comme une espèce de mieux-disant social, un ferment solidaire, un héritage, et le reste...
Leur parle-t-on du Christ? Oui, un homme sympathique, un "grand prophète", en effet.
Leur parle-t-on de l'Eglise? Une institution insupportable.
Leur parle-t-on des sacrements? Des rites de passage, des moments liturgiques très emmerdants, souvent.
Leur parle-t-on de Dieu? Un grand machin, là au-dessus de nous, vaguement patron, vaguement nounou consolatrice, "qui doit bien exister quand même".
Leur parle-t-on de la fraternité? Une utopie, une générosité impossible, et surtout vis-à-vis d'étrangers qui ne sont pas comme nous, hein Monsieur le doyen...
Leurs préoccupations? Que certains rites encore soient accomplis pour honorer une vieille appartenance qu'on révère sans trop y croire. Que les messes soient dites et les enterrements faits. Qu'on accueille toutes les demandes de baptêmes, de mariages, etc. ("sinon, vous n'aurez plus personne"). Etc.
La foi au Christ ressuscité, coeur de tout (si même les morts ne sont plus dans la tombe, alors, à strictement parler, où va-t-on?)? Un Dieu par lui (par le Christ) révélé, qui n'est pas un machin, mais une relation de don, d'amour? Une fraternité à cette image, accueillante dans l'effacement de soi devant l'autre? Une Eglise nécessaire pour dire cela, y compris dans son aspect "apostolique" (non démocratique, les apôtres sont des envoyés à des communautés, qui leur rappellent précisément le coeur de la foi, et que celui-ci n'est pas l'objet d'un compromis après débat, mais une "annonce")?
Etc...
Nous sommes peu chrétiens.
Nous avons beaucoup à le devenir.
Ensemble.

jeudi 6 septembre 2012

Besoin de Vie

Un jeune homme de nos paroisses s'est donné la mort le week-end dernier. Un jeune homme brillant, intelligent, extraverti - mais qui souffrait de ce que la chanteuse Barbara appelait dans l'un de ses textes "le mal de vivre", cette dépression qui prend aux tripes la jeunesse et est plus forte que tout, emporte tout comme un tsunami intérieur. Je lirai demain, lors des funérailles,  à la demande de la famille, quelques lignes de la lettre laissée par Benoît - tel était son prénom -, une lettre dans laquelle il veut déculpabiliser tout le monde : pas d'autre responsable, dit-il, que cette fichue maladie de l'âme, des nerfs et du corps tout ensemble. Il faut le remercier d'avoir voulu écrire cette absolution qui aidera les siens à traverser...
Il serait malséant de prêchi-prêcher je ne sais quelle nécessité d'un "retour aux valeurs religieuses" et gnani et gnana... malséant et nauséabond.
Je peux simplement dire que depuis lundi matin, annonce de son décès, je suis remué au plus profond de moi-même et blessé comme si cet enfant était l'un des miens. Je suis sûr qu'il est allé tout droit dans la paix auprès de Dieu même si le suicide n'est pas la meilleure manière, a priori, d'entrer dans l'éternité de l'Amour.
Et, quand même, je me pose aussi et une nouvelle fois la question d'un monde qui n'aide pas, mais alors pas du tout, ces grands jeunes à faire mûrir leur vie spirituelle, qui ne leur parle que de succès scolaires, académiques, financiers ou sentimentaux pour tout horizon existentiel. Il y a en tout être humain un désir d'autre chose, un désir d'Amour infini. Saint Augustin : Inquietum est cor nostrum, donec requiescat in te ("Notre coeur est inquiet - sans repos - tant qu'il ne repose pas en toi"). Qui propose et proposera une voie vers ce repos?
Que faisons-nous de notre foi?
Oh! Les questions qui se pressent à la porte du coeur...