Dans l'évangile lu ce dimanche, au ch.huitème de l'évangile de Marc, Jésus traite Pierre de "Satan", parce que l'Apôtre ne veut pas entendre parler du rejet inévitable dont le Messie sera l'objet. Les exégètes qui s'interrogent sur l'historicité des évangiles ont facilement convenu de l'authenticité du propos, et pour cause : l'évangile de Marc fut rédigé sans doute au moment où Pierre était... pape! La tentation, la complaisance, eût été de "sucrer" ce reproche de Jésus, de le supprimer de sa bouche. Si l'auteur évangélique le maintient, c'est que le mot était tellement attesté qu'il ne souffait précisément pas contestation...
Donc, Jésus a dit de Pierre qu'il était un Satan... parce qu'il n'entrait pas alors dans les vues de Dieu.
Pierre, qui vient de confesser en effet que Jésus est le Messie tant attendu par tout Israël, veut un Sauveur glorieux, puissant, qui en impose; Jésus lui dit qu'il sera un homme incompris, rejeté par les autorités religieuses de son époque, jugé et finalement tué, avant de ressusciter. On comprend l'incompréhension de l'Apôtre et da double question qu'elle pose à notre propre foi :
- voyons-nous, nous aussi, en Jésus, ce Jésus de l'histoire, ce personnage-là, en tout ce qu'il a dit et fait, en sa mort et sa résurrection, la présence même de Dieu parmi les hommes, une présence aimante, thérapeutique, une présence de salut? Cette affirmation est inouïe, et on comprend qu'elle soit sotte pour beaucoup : pourquoi lui et pas un autre? Il y eut tant et tant de maîtres de sagesse dans l'histoire, pourquoi celui-là? La question est non seulement "Dieu s'est-il fait homme?", mais "Dieu s'est-il fait cet homme-là?"
Pourtant, en-dehors de cette reconnaissance, il n'y a pas de foi chrétienne..., mais seulement une sagesse de vie, comparable ou assimilable à d'autres (voir les remarques d'Eric de Beukelaer que j'ai reprises dans un propos antérieur sur ce blog).
- acceptons-nous que cette présence de Dieu, cette présence de salut, de guérison, etc., passe par un rejet, une incompréhension, que la gloire du Christ, et donc la gloire chrétienne, fasse d'abord l'objet d'un déni, d'un refus, d'une mise à l'écart? Je ne suis pas sûr que cela aille de soi... Nous avons, ici en Occident, des restes de rêves de grandeur, des nostalgies de chrétienté. Nous pleurons sur la désertion de nos églises, au lieu de constater que la modicité de nos communautés peut être vécue comme un reflet de cette humilité du Christ lui-même. La pauvreté du signe donné est sans doute pour une part le gage de son authenticité évangélique... Ou bien serions-nous, nous aussi, des "Satans"?
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