jeudi 28 avril 2016

Méditation sur la Résurrection du Christ

Je voudrais ce soir rendre hommage au grand théologien orthodoxe Olivier Clément, mort en 2009. Ce Français, magnifique érudit, agrégé d'Histoire, issu d'une famille et d'une tradition athées, s'était converti à l'orthodoxie vers l'âge de trente ans et, parallèlement à son enseignement de l'Histoire, il a aussi fait passer dans ses cours à l'Institut Orthodoxe Saint-Serge et à l'Institut Catholique de Paris (où j'ai suivi son enseignement) sa passion pour la théologie orthodoxe.
Je l'ai revu à de multiples reprises après mes études - il fut un temps, avec son épouse Monique, le responsable de l'Association des Ecrivains Croyants, et j'ai participé régulièrement aux activités de cette Association. Je l'avais, il y a bien des années maintenant, invité à l'Université Catholique de Louvain (dont il est Docteur Honoris Causa) à animer une session, où il avait bluffé tout le monde par son savoir et sa gentillesse.
Ses publications sont nombreuses, et remarquables. Je recommande L'Autre Soleil, son "autobiographie spirituelle" dans laquelle il raconte sa conversion et les raisons de sa fascination pour le christianisme oriental.
Pourquoi faut-il que je me souvienne de lui ce soir, qu'il accompagne ma méditation vespérale, sinon peut-être pour partager une émotion restée vive?
Jugez donc par vous-mêmes : voici, en ce temps pascal,  deux vidéos d'un récit passionné qu'il fait de la Résurrection du Christ comme moment essentiel de l'Humanité de l'Homme.

dimanche 24 avril 2016

La nouveauté

S'il y avait bien un terme récurrent dans les lectures de ce dimanche, c'est l'adjectif "nouveau". Dans l'Apocalypse, l'auteur dit avoir vu "un ciel nouveau et une terre nouvelle" et entendu Celui qui siège sur le trône proclamer : "Voici que je fais toutes choses nouvelles." Et, dans l'Evangile, c'est Jésus qui parle d'un "commandement nouveau", qui est de nous aimer les uns les autres, comme lui-même nous a aimés.
Pâques nous libère de tout ce qui est vieux en nous, et, comme le dit une oraison du temps pascal, "de tout ce qui ne peut que vieillir." Mettons : la rancune et la mesquinerie, les jalousies et les malveillances, les rivalités stériles, les ressassements, les bouderies, les fâcheries, les ricanements, les étroitesses d'esprit et de cœur, et tout le reste. Tout cela, si l'on n'y prend garde, empire avec le temps qui passe, tout cela nous vieillit plus vite encore que nos années ou nos rides. Ce qu'il y a de pire dans le péché, c'est qu'il nous rend tout de suite vieux, quel que soit notre âge...
Mais le Ressuscité nous fait don de sa jeunesse : il restaure notre cœur, le rend capable de patience, de douceur, de mansuétude, de miséricorde. Bref, capable d'assumer le "commandement nouveau" et peu à peu, de renouveler toutes choses dans l'humanité et dans le monde.
C'est une petite flamme seulement, un petit germe, mais qui est plus fort que tout : cette jeunesse-là, la joie de cette jeunesse-là, vaincra au bout du compte, à la fin du temps, l'usure du monde.

mercredi 20 avril 2016

Lâcheté du monde politique européen : les premiers massacres d'innocents

On le sait : l'Europe a lâchement confié à la Turquie la garde des migrants refoulés depuis la Grèce. Et ce qui devait arriver est arrivé : ce matin, huit personnes, femmes et enfants, ont été abattues - assassinées,  il n'y a pas d'autres mots - par les gardes turcs parce qu'il voulaient s'échapper des systèmes de contrôle qu'on leur imposait.
Evidemment, ce genre de chose n'aurait guère  pu arriver en Europe - quel que soit le pays - sans une saine réaction de l'opinion publique. En Turquie, où cette opinion est (de plus en plus) muselée, personne ne réagira et ne criera au massacre.
Et l'Europe s'en lavera les mains... des mains qui resteront néanmoins rougies du sang d'enfants martyrs.
On m'a dit récemment que je "tonnais" trop facilement contre les politiques. Je répète que j'estime leur tâche à un degré très haut, très élevé. C'est pourquoi, précisément pourquoi,  je fustigerai toujours leur lâcheté.
Et là, l'Europe est d'une lâcheté écoeurante.
Et je vous le rappelle, chers amis lecteurs : les députés européens, c'est nous qui les élisons, tous partis confondus. Leur demanderons-nous compte de ce sang versé, ce sang d'enfants?

lundi 18 avril 2016

Une victoire de la mobilisation : KTO maintenue dans les programmes de Proximus-TV

Il faut remercier ceux qui se sont mobilisés (Tommy Scholtès en tête), qui ont argumenté, pétitionné contre la décision unilatérale qu'avait prise Proximus-Tv, pour des raisons à la fois économiques et idéologiques, de supprimer de ses programmes la chaîne catholique KTO. Le distributeur belge est revenu sur sa décision, ce qui prouve qu'une mobilisation bien conduite est aussi efficace.
Je me réjouis pour ceux et celles qui trouvent en KTO une série d'émissions intelligentes, de réflexion, d'approfondissement et de prière. C'est une chaîne, qui plus est, ouverte à toutes sortes de dialogues culturels et interreligieux - une vraie mine de méditation.
Merci donc à Proximus-TV de s'être ravisé  et merci à ceux et celles qui l'en ont persuadé!

samedi 16 avril 2016

Emu et heureux

J'ai regardé sur KTO - tant que la chaîne est diffusée par Proximus-TV, avant l'ignoble lâchage par ce dernier prochainement - la rencontre à Lesbos des migrants avec le pape François, le patriarche de Constantinople et l'archevêque orthodoxe d'Athènes.
Tout m'a ému dans cette rencontre :
- le fait, d'abord, qu'elle ait lieu : on imagine les tractations, les négociations, en particulier entre Eglises (catholique et orthodoxe) souvent rivales, surtout en Grèce. Or, nous avons vu trois frères pasteurs de l'Eglise, amicalement unis (un beau geste, à la dérobée, du patriarche œcuménique de Constantinople Bartholomée qui remet en place la croix pectorale du pape un peu bousculée par les accolades des migrants, un petit geste, un rien, mais qui dit quelque chose de plus fort que toutes les déclarations), et c'est une première bonne nouvelle. L'Eglise de Jésus est unie, ou en tous les cas, peut s'unir face au malheur des hommes.
- les propos du pape à l'adresse du Premier Ministre Tsipras : un "merci" à la Grèce, qui a accueilli et accueille encore, malgré sa situation économique plus que précaire, le plus grand nombre de migrants, signe que ce pays est fidèle à la tradition humaniste dont il est le berceau. Ceux qui savent mon côté "philhellène" comprendront que cela m'a touché.
- les attitudes de respect du pape et des deux archevêques orthodoxes : François serrait les mains, embrassait les enfants, mais quand il remarquait qu'une femme, voilée, était probablement musulmane, il s'inclinait simplement devant elle, pour ne choquer personne. Un exemple.
- la charte signée par les trois hommes, qui s'engagent à tout mettre en œuvre pour que l'Europe soit plus accueillante face du drame présent.
- les propos du pape dans l'avion, lors de sa conférence de presse, y compris sur d'autres sujets, comme Amoris laetitia - suggérant qu'il fallait lire cette exhortation et la présentation théologique de Cardinal Schönborn, et ne pas regarder les choses par le petit bout de la lorgnette (le "permis" et le "défendu"), ce qui ne serait pas un signe de grande intelligence...
- le fait que le pape ait ramené avec lui trois familles (en tout, douze personnes) de migrants pour les héberger dans l'Etat du Vatican - "une petite goutte d'eau dans l'océan", disait-il dans sa conférence de presse, mais "une goutte nécessaire". Ce qui, tout de même, fait de l'Etat souverain du Vatican le pays aujourd'hui le plus accueillant d'Europe pour ces personnes (ce n'est pas la première fois qu'il y a un tel hébergement), de façon bien sûre proportionnelle. Ah oui : ces trois familles sont musulmanes, comme s'il fallait "enfoncer le clou" d'un accueil inconditionnel. Ou : quand dire, c'est faire.
Grande journée, pleine d'espoir.
Ce pape, tout de même...

jeudi 14 avril 2016

Encourager les politiques, honorer la politique, malgré tout

Sombre semaine...
En France, Monsieur Hollande vient de mentir en direct, sur France 2, à son pays, en niant l'affirmation qu'il y a chez lui, parmi les jeunes, environ 5% de chômeurs en plus que dans la moyenne européenne. Or, les chiffres d'Eurostat, qui confirme la chose, sont officiels. Mensonge, donc, un de plus, pour tenter sans doute de redorer un blason bien fané. Pourtant, il apportait un certain espoir, lors de son élection. Peut-être est-elle vraie, cette formule qui prétend que "le pouvoir corrompt"?
Chez nous : une ministre démissionne, inculpée de détournement d'argent public pour son bénéfice électoral. Elle gérait, entre autres, l'enseignement...
Un autre ministre, celui-là fédéral, et de l'Intérieur s'il vous plaît, tient des propos qui flirtent avec l'antisémitisme - tout en s'en défendant, bien entendu : dérapage contrôlé, qui n'est pas le premier chez lui, pour remonter dans l'estime d'un électorat peu ragoûtant  en train de déserter son parti? C'est probable...
Une autre encore, fédérale, toujours, s'empêtre, mise devant les documents de l'évidence, dans de tels dénis qu'on se demande si elle va pouvoir rester longtemps à son poste.
Tout cela, en à peine une semaine...
C'est à braire. Sincèrement, on nous  donne là une pauvre image de l'Etat.
Pourtant, je n'ai fait que relever des faits, et je n'en déduis pas que le monde politique soit "pourri" - ce serait trop facile, trop démagogue, trop lâche. Le monde politique a besoin de nos encouragements, de nos appuis, parce que sa tâche est magnifique, haute, noble. Nous devons défendre la fonction politique, quels que soient les tendances, les partis, etc., mais demander aux élus la compétence, la rigueur, la vérité.
Elire des députés ne suffit pas. Il faut ensuite les soutenir, et les soutenir dans le sérieux de leur gestion, notamment en leur demandant des comptes.
Y a du boulot!

samedi 9 avril 2016

Jusqu'où conduit l'amitié pour Jésus...

Le texte que nous lisons ce dimanche (Jn 21, 1-20) est l'un des plus forts, des plus émouvants de tout le Nouveau Testament. Il comprend à la fois le récit de l'apparition du Ressuscité aux pêcheurs qui, de la nuit, n'ont rien pris et qui, sur son injonction, vont réaliser une capture surabondante, et la confession d'amour de Pierre, appelé par trois fois (comme il avait par trois fois renié) à déclarer son amour - son amitié - à Jésus.
Précisément, revenons-y : son amour, son amitié?
Les verbes grecs changent, dans le texte - la traduction française, quelle qu'elle soit, peut difficilement y rendre sensible.
Jésus demande d'abord à Pierre : "M'aimes-tu d'un amour d'agapè? M'aimes-tu jusqu'à donner ta vie pour moi? Et plus que ceux-ci?" (agapas me pleon toutôn;) L'agapè, c'est l'amour dont Dieu lui-même aime les hommes, un amour qui donne tout, ne retient rien. Le Ressuscité semble demander à Pierre si cet amour-là est présent en lui, et en lui plus que dans les autres disciples. Il reçoit une réponse qui peut paraître décevante : "Oui, Seigneur, toi tu sais que j'ai de l'amitié pour toi." (Nai, kyrie, sy oidas hoti philô se) Pierre n'utilise pas le même verbe, qui peut-être lui fait peur, mais tout de même il confesse son affection - humaine, celle-là - pour Jésus, pour le Ressuscité. La formule - et la différence des verbes - sera semblable dans la deuxième question. Mais, dans la troisième, Jésus lui-même adapte, en quelque sorte, sa demande : "Simon, fils de Jean, as-tu de l'amitié pour moi?" (Simôn Iôannou, phileis me;) Serait-ce que Jésus revoit, en quelque sorte, son ambition à la baisse? Ou, plus théologiquement, que le Ressuscité redevient l'Incarné : celui qui ne peut demander l'amour des hommes, sans passer par la demande de leur terrestre et humaine  affection?
Si Pierre, nous dit la suite du texte, n'a pas été peiné par les deux autres demandes, il l'est par celle-là : comment Jésus peut-il douter de son amitié?
Sur elle, le Ressuscité fonde deux choses incroyables :
- la responsabilité de toux ceux et de toutes celles qui, à travers l'Histoire, seront des disciples de Jésus : "Pais mes brebis, sois le pasteur."
- l'annonce que cette responsabilité se vivra dans le don de sa vie : "Tu iras où l'on te mènera, où tu n'aurais pas voulu aller." Et donc, tu seras conduit à vivre l'agapè, le don d'amour de toute ta vie. C'est jusque là que, toujours, conduit l'amitié avec moi, semble dire Jésus...

Pierre qui par trois fois avait renié le Jésus condamné, par trois fois confesse son amitié envers le Ressuscité, qui la lui demande et lui promet un amour encore plus grand, par delà les sentiments : l'amour du don de soi complet. Il n'y a dans ce dialogue qui clôt l'évangile de Jean aucun reproche du Ressuscité à l'encontre de celui qui a trahi. Il n'y a que la reconnaissance de la faiblesse passée et présente, qui s'assume - l'amitié, oui, le don complet, on verra! - et le partage de la promesse : l'agapè, c'est Dieu qui la donne, et lui seul.

Je frémis de joie en pensant que l'Eglise, et même l'Eglise institutionnelle - la "hiérarchie", comme on dit, si décriée, si difficile à recevoir, est fondée sur "ça", et sur rien d'autre. Si Jésus avait voulu instaurer une multinationale performante, genre "Coca-Cola", mettons la "Catholic Incorporated Company", il aurait chargé des "chasseurs de têtes" de trouver ingénieurs, spécialistes de la pub, communicants performants et tutti quanti pour fonder son affaire. Il s'est basé seulement sur la reconnaissance de la faiblesse, de l'amitié, et du don de l'amour, dans une négociation bien éloignée de celles de bureaux contemporains où l'on fabrique des managers.

Deux mille ans après, ça "marche" toujours. A condition que les principes de base restent les mêmes...

vendredi 8 avril 2016

Amoris laetitia

Beaucoup attendaient l'exhortation post-synodale du pape sur la famille : la voici, avec pour titre réjouissant "La joie de l'amour".
Beaucoup seront déçus : ceux qui pensaient, d'une part, que le pape allait bouleverser les "règles" en vigueur dans la considération du mariage chrétien et de sa sacramentalité, qu'il allait par exemple "sacramentaliser" toutes les formes d'union conjugale ou de famille. Il ne le fait pas, considérant que la famille hétérosexuelle, se promettant fidélité et exclusivité dans cette fidélité, souhaitant la fécondité et l'éducation d'enfants, est pour l'Eglise la forme par excellence de l'union sacramentelle, de l'union qui porte en elle, au moins potentiellement, l'image de l'alliance entre Dieu et les hommes, entre le Christ et l'Eglise.
A l'autre bout de la chaîne idéologique, seront déçus - et, je crois, plus durement déçus - les partisans d'une condamnation de tout ce qui n'est pas ce modèle. Le pape ne condamne rien ni personne. Il souhaite à tous une conjugalité heureuse, il souhaite surtout que chacun(e) puisse être accompagné, respecté dans ses choix conjugaux, et y compris - selon le discernement de l'accompagnateur - sacramentellement accompagné.
Je retiens de cette première lecture, avide - je le confesse, j'étais curieux de savoir - et donc rapide, qu'il s'agit  d'une réhabilitation de la conscience morale et spirituelle de chacun, d'une confiance fondamentale faite à l'être humain de choisir "son" bien, même s'il se trompe "objectivement". Après des années où le Magistère romain n'a recommandé que ce qu'on nomme en morale le "tutiorisme" (il ne faut promouvoir, jamais, que la solution "plus sûre", sans grande compassion pour les personnes), cette réhabilitation de la conscience renoue avec ce que la théologie morale catholique porte en elle de plus fructueux, depuis saint Paul (on la voit s'élaborer dans la Première Lettre aux Corinthiens) jusqu'au Concile Vatican II (le fameux numéro 16 de la Constitution pastorale Gaudium et spes : "Au fond de sa conscience, l'homme découvre l'existence d'une loi qu'il ne s'est pas donnée à lui-même, mais à laquelle il est tenu d'obéir...", etc.) en passant par saint Thomas d'Aquin et ses exigences répétées, martelées, même, dans la Summa, de ne considérer aucun acte comme moral sauf s'il est porté par une conscience libre et souveraine.
A priori, grand texte, donc.
Comment sera-t-il reçu? Je gage que certains médias , à droite ou à gauche, déploreront l'absence de ce qu'ils avaient escompté.
J'espère que les gens qui trouvent importante la vie de famille le liront.
Et en verront la pertinence, la bienveillance, la finesse.
Et, grâce à lui, aideront les couples qu'ils connaissent à trouver un véritable bonheur conjugal et "la joie de l'amour".