samedi 30 mars 2024

Pour le dimanche de la Résurrection

 Chaque année, la liturgie nous offre la joie de célébrer le coeur de notre foi : la résurrection de Jésus, le Christ, notre Sauveur. Les textes évangéliques qui nous présentent cette foi sont de deux types : les récits du tombeau vide (comme celui que nous entendons en ce dimanche de Pâques, extrait de l'évangile de Jean) ou les récits d'apparitions du Ressuscité, que nous entendrons pendant toute la semaine de l'Octave (ce jour qui dure huit jour, jour faste entre les jours...)

Les récits du tombeau vide commencent par une douloureuse surprise : fallait-il qu'à la mort ignoble du Bien-Aimé s'ajoute le drame de l'enlèvement, du rapt, de son corps? "On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l'a déposé" : décidément, la Madeleine qui est là, tout en pleurs, ne pense pas d'emblée à la résurrection de Jésus!

Il va falloir un acte de foi : l' Eglise - Pierre et "le disciple que Jésus aimait",  c'est-à-dire peut-être Jean lui-même, mais plus probablement tout disciple (tout disciple n'est-il pas "celui que Jésus aime"?) - l'Eglise donc ainsi représentée doit courir pour voir d'abord et constater les signes qui lui sont donnés : oui, le tombeau est vide, oui les linges mortuaires sont rangés, voilà ce que constate Pierre, lui, le premier pape, qui est entré le premier dans ce mystère de la foi. Mais il faut que "le disciple bien-aimé", tout disciple donc, vous et moi, aille plus loin et que par-delà les signes, il ose un acte de foi : "Il vit et il crut!" La vision, le constat, ne suffisent pas et ne remplaceront jamais ce libre acte de foi en la résurrection de Jésus.

Voilà ce que ce matin de Pâques réclame aussi de nous : la résurrection de Jésus demeurera toujours une énigme. Elle ne se dévoile que dans la foi, dans le saut de la foi. Même si elle était "prouvée" scientifiquement (on songe, par exemple, à tous les commentaires qui entourent aujourd'hui encore le linceul de Turin), même alors, cela ne suffirait pas. La résurrection sollicite notre foi, c'est-à-dire aussi notre libre consentement au don de Dieu qu'est la foi : voulons-nous, encore, consentir à la Vie nouvelle qui s'ouvre à nous, qui triomphe là de toute forme de mort, corporelle et spirituelle, psychologique et morale, individuelle et sociale? Voulons-nous, comme les baptisés de Pâques l'ont fait dans la nuit, faire ou refaire ce saut de la foi qui transfigure nos existences et les rend ouvertes et accueillantes à l'oeuvre de Dieu en nous?

Voulons-nous être des enfants de Pâques?

dimanche 24 mars 2024

Accueillir l'autre, sans peur

 Après la conférence de carême  donnée la semaine dernière par le Député Philippe Lamberts sur le défi environnemental - et sa lecture très pointue de l'Encyclique Laudato'si du pape François, qui motive largement son engagement politique de chrétien, c'était aujourd'hui notre archevêque, Mgr Luc Terlinden, qui donnait son point de vue sur un autre défi de taille : la question des migrations. Là encore, un appel vigoureux à entendre et à relayer la parole du pape en évitant d'abord de cultiver la peur face au phénomène migratoire de plus en plus présent dans nos grandes villes. Il en va, dit l'archevêque, de la nature même de l'Eglise, sacrement de salut pour le monde, pour tous les êtres humains, sacrement de leur unité. Gardons-nous de deux discours apparemment contraires, mais en vérité complices : soit un accueil sans régulation, soit un refus frileux tel que souvent prôné par des discours populistes, surtout à l'approche d'échéances électorales. Et rappelons aux responsables politiques leur obligation de traiter avec humanité les demandeurs d'asile...

Garder au coeur cette vision généreuse de l'Eglise qui porte au monde un message inclusif et humaniste : voilà comment entrer avec joie et gravité dans la Semaine Sainte! 

jeudi 7 mars 2024

Vouloir la paix, se préparer à la guerre...

 Hélas, de tous côtés des bruits de bottes... Des spécialistes en géopolitique, des hommes d'Etat d'envergure (comme Monsieur Macron) et des diplomates le disent : il faut prendre très au sérieux les menaces belliqueuses de Monsieur Poutine. L'Europe, qui s'est constituée en continent de paix depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, est menacée par des puissances qui ne connaissent guère comme logique que celle des armes : Russie, Chine, USA... Des puissances qui sont ou vont être aux mains de personnages autocratiques, pour lesquels la violence est le seul langage.

Nous avons eu la chance, en Europe de l'Ouest, de vivre une longue période de paix, oui. Mais il semble que nous devions maintenant nous préparer à la guerre, une guerre défensive si l'on nous attaque, pour protéger nos valeurs communes (parmi lesquelles, la démocratie participative). Y sommes-nous prêts? Je ne parle pas d'abord de préparation militaire (troupes, matériel) - comme elle est affligeante, la perspective pourtant nécessaire du réarmement, qui va évidemment ravir les marchands de canons. Mais je parle d'une préparation spirituelle, pour que, si guerre il y a malheureusement, elle soit vécue et traversée "en chrétiens". D'abord, en continuant à vouloir la paix par tous les moyens, débats, conférences, diplomatie, etc., ne recourant à l'option des armes qu'en dernier lieu. Ensuite, en réarmant nos coeurs et nos esprits pour qu'ils sachent bien la grandeur de ce qui est, chez nous, à défendre : une certaine idée de la dignité humaine et du respect qui lui est dû, une certaine idée de la justice et du droit, une certaine idée de la liberté d'expression - et notamment de religion - dans un contexte pluraliste, etc. Je ne suis pas toujours certain de la fermeté de ces convictions!

Il semblerait que l'histoire, si elle ne se répète pas, du moins bégaie. Les plus anciens se souviendront du courage de Monsieur Churchill, en mai 1940, lorsqu'il décida de résister au nazisme précisément pour défendre les valeurs pré-citées. Lorsqu'il s'en expliqua,  Premier Ministre fraîchement nommé par le Roi Georges VI, dans un discours radiodiffusé où il déclara à ses concitoyens n'avoir à promettre que "du sang et des larmes" pour veiller à cette sauvegarde. Lui et quelques autres (comme De Gaulle, bien sûr) ont contribué au salut et à la paix de notre Europe. Suivrons-nous leurs traces?

Tout cela m'inquiète beaucoup, pas pour moi qui ai largement ma vie derrière moi, mais pour les jeunes générations, dont je suis de plus en plus persuadé qu'elles devront se battre pour défendre non seulement un territoire, mais un certain art de vivre. Ce sera, encore une fois, une bataille militaire, sans doute, mais d'abord et avant tout, une bataille morale et spirituelle. Si vis pacem, para bellum, disaient avec sagesse les Romains : "Si tu veux la paix, prépare la guerre!" Nous voulons la paix, de toutes nos forces. Alors...