jeudi 27 juin 2013

Le mensonge de la question "euthanasique"

D'un simple point de vue philosophique, il y a un mensonge dans la question posée par la dépénalisation de l'euthanasie active, et par la question récemment soulevée en Belgique de l'extension de cette dépénalisation à des mineurs.
Ce mensonge tourne autour de la liberté.
L'argument de fond, en effet, des promoteurs de pareille loi, est que "chacun - même les mineurs d'âge, donc - doit être le plus libre possible". Le problème, c'est que la mort est une privation de la liberté, une privation absolue, et que l'on n'est absolument pas libre d'accepter ou de refuser la mort. On peut la hâter, certes, ou la reculer, avec des thérapeutiques de plus en plus ciblées, mais cette accélération ou ce retard ne portent que sur le moment de la mort, non sur la mort elle-même. Le mensonge - et il est ici grossier, grotesque même - consiste à faire croire que l'homme serait "libre de disposer de sa mort" (formule quelquefois entendue, et qui bien entendu est absolument ridicule).
On ne dispose pas de sa mort, comme on ne dispose pas de sa vie, quels que soient les artifices médicaux qui sélectionnent ou qui prorogent. La mort et la vie, en l'état présent du moins de la condition humaine, ne sont pas du ressort du choix, mais de l'acceptation. Et il y a une perversion de la pensée à faire croire que l'une ou l'autre pourraient relever d'une pure liberté humaine, d'une liberté prométhéenne, absolue... alors que c'est précisément là que les plus grandes contraintes nous corsettent. Nous n'avons pas choisi nos parents, ni le lieu ni l'époque de notre naissance, ni la couleur de nos yeux, ni notre caractère, et s'il y a des gènes qui prédisposent à telle ou telle maladie, nous ne connaissons même pas encore ceux qui prédisposent à la connerie, la maladie la plus répandue et qu'on soigne le moins bien! Quant à notre mort, nous aurons beau signer des "testaments de vie" (tu parles!), elle nous fauchera peut-être dans la rue, sous les roues d'un conducteur mal avisé, ou sous le coup d'un infarctus foudroyant parce que ce soir-là nous aurons trop dîné, alors que nous allions, allégrement remplis de "libres" projets pour le lendemain et les jours à venir!
Il ne faudrait tout de même pas nous parler de "grande liberté" là où la vie, la vie telle qu'elle est, nous apprend ses plus grandes limites.
Il ne s'agit donc pas, il ne saurait s'agir de la mort. Evidemment, s'il s'agit de la souffrance, la question est différente : comment l'accompagne-t-on? Quels moyens donne-t-on à cela? Jusqu'où cet accompagnement est-il possible?
La souffrance est, et peut toujours davantage devenir, un lieu de liberté, y compris pour les décideurs politiques qui proposent, et notamment par des priorités budgétaires, de la soulager le mieux possible. Là, on voit une orientation politique différente, et je dirais même : quels qu'en soient les retentissements concrets.
Mais, par pitié, ne parlons pas de "liberté" dans le "choix" de mourir... Réfléchissons à deux fois, comme on dit, avant d'utiliser certains termes!

mercredi 26 juin 2013

Le pape, à Rome

C'est un mercredi ordinaire, à Rome, le dernier mercredi de juin, rempli de soleil et de joie de vivre.
Place Saint-Pierre (je viens de voir la retransmission par KTO), des dizaines de milliers de personnes.
Vous rendez-vous compte de ce que j'écris? Des dizaines de milliers de personnes, alors qu'on est un mercredi "ordinaire"...
Voudriez-vous me dire quel Chef d'Etat, quel ministre, quel "grand de ce monde" a cela toutes les semaines autour de lui?
Et qu'est-ce qu'ils attendent, ces gens? Que sont-ils venu voir? Ou écouter?
Un homme, que voilà : sa voiture, découverte, non blindée, offerte aux attentats et aux coups de feu ou de poignards, montre une personne offerte d'abord à l'autre, et qui, dix fois, vingt fois, s'arrête. Cet homme prend dans ses bras, accueille, reçoit et donne des signes d'amitié, d'amour. Sa calotte blanche est un peu de traviole, on voit son pantalon à travers la soutane trop légère et quand il s'arrête, au son d'une fanfare qui a plus des airs de samba que de Bach dans ses partitions, il claudique un peu vers son siège. Pas impressionné, le mec, il trouve cela normal que la foule soit pareillement là pour lui.
Pour lui?
Non, pour une parole qui le dépasse, et que le monde veut entendre : il y a de l'amour dans l'air, recevez-le.
A-t-on assez observé que, depuis les mois qu'il est pape, il n'a jamais prononcé une parole de condamnation particulière? Oh, il a bien dit que telle ou telle attitude, en général, ne conduisait pas au bonheur, certes. Mais il n'a condamné personne. Au contraire : il a estimé que ceux, dans l'Eglise catholique, qui avaient la condamnation trop facile, qui fulminaient l'éthique sans se souvenir de l'amour, se rendaient ainsi semblables aux pharisiens que Jésus ne ménage pas. Il a demandé au Nonces, ses ambassadeurs  rassemblés la semaine dernière auprès de lui - et dont l'une des tâches est de l'aider à choisir des évêques partout dans le monde - , d'écarter a priori ceux qui ambitionnaient de devenir évêques (signe évident qu'ils n'étaient pas faits pour cela) et de choisir des prêtres proches des fidèles, non des théoriciens du catholicisme.
Quelque chose bouge, dans la Curie romaine, certes, mais aussi dans le monde.
Que les gens soient croyants ou non, catholiques ou pas, il y a là, à Rome, une espèce de signal qui est donné : l'humanité vaut mieux que les lois mécaniques de l'économie, que les implacables jeux de pouvoir entre nations (ou continents), entre personnes rivalisant d'ambition et d'ego mal placés. L'humanité vaut mieux que des querelles idéologiques qui se parent (tel le geai des plumes du paon!) des couleurs de "la religion" - voyez en France, comment l'Eglise catholique a récemment risqué de se déshonorer  dans des parades vaines, quelquefois violentes.
Une page est tournée. Et, sous des apparences nonchalantes, avec vigueur.
Et qu'on n'en parle plus.
Et qu'on parle d'autre chose : des plus pauvres, qui sont au cœur.
Et que le discours évangélique recommence en parlant d'eux, en leur parlant.
Merci, pape! Et bravo!
Et fais gaffe à toi : "ils" (de tous les côtés)  ne vont pas supporter ça longtemps, qu'on leur dise l'Evangile - Jésus, aux meilleures estimations, on l'a supporté trois ans!

dimanche 23 juin 2013

La joie de vivre à Enghien

Procession d'Enghien ce matin, malgré les incertitudes météorologiques! A travers tout - et à travers les quelques ondées - la volonté commune de montrer un visage uni de la Ville, de la Paroisse aussi, Ville et Paroisse fidèles à leur histoire, à leur patrimoine et donc ouvertes à l'aventure du vivre-ensemble avec la plus grande détermination. Je suis heureux que la Paroisse joue là-dedans un rôle moteur et en même temps respectueux de toutes les convictions. Vraiment, la Procession d'Enghien n'est pas là pour imposer "la vraie religion" à une population en manque, oh que non! Elle est là pour rassembler, fédérer les énergies, créer et renouveler un espace communautaire. Importance, dans ce contexte, de la présence très respectueuse, très discrète et très sensible, du Bourgmestre et des échevins. Importance, toujours dans ce contexte, de la présence du Duc d'Arenberg, le Prince Léopold, qui incarnait en quelque sorte un passé tellement présent dans la Cité quelquefois appelée de son nom. Importance de sentir la chaleur des gens, leur réponse qui se lit sur les visages, leur accueil.
J'étais heureux aussi de voir  Tanguy, récemment ordonné prêtre pour l'Abbaye de Leffe, et qui a présidé avec moi cette célébration, comme dernier prêtre "en date" issu du doyenné. Et Simon bien sûr, "notre" séminariste toujours si fidèlement attentif au bon ordre de la liturgie et des acolytes. Et je voudrais remercier tellement de personnes, tellement, que ce n'est pas possible.
La petite visite que nous avons faite au Patro après le déjeuner a permis de montrer au Duc l'importance de cette institution paroissiale, son esprit d'initiative, sa nécessité sociale. Et j'ai bien vu qu'il percevait tout cela.
Œuvrer pour le bien, pour le bien des personnes.
Au nom du Christ, certes, pour ce qui concerne les catholiques de cette Ville, et non seulement en son nom mais comme son Corps. Mais, comme son Corps, vraiment, se soucier d'abord de ce bien commun! De temps en temps, on sent  que tout le monde perçoit cela, que les gens comprennent  tout d'un coup que l'Eglise n'est pas là pour elle-même, pour augmenter ses adeptes, pour grossir ses rangs, pour je ne sais quoi, non : elle est, comme le Christ, comme le Corps du Christ montré en procession dans les rues de notre Ville, pour servir chacun.
Moment de grâce dont je remercie tous les acteurs, et Dieu lui-même, qui est le premier d'entre eux!

mercredi 12 juin 2013

Bonheurs en famille et joie des amitiés

Week-end chargé, mais combien émouvant, et joyeux aussi!
J'ai déserté Enghien! De temps en temps, quand même, pour un week-end, il me semble que c'est légitime... Ainsi, on célébrait dimanche à Strasbourg la première communion (c'est à 11 ans, là-bas), de ma petite-nièce Lydie, fille de ma nièce et petite-fille de ma sœur aînée : celle-ci et son mari sont déjà tous les deux au ciel, et ils manquaient bien sûr, mais en même temps ils étaient tellement là lors de cette messe paroissiale, si belle, si simple, où j'ai eu la joie de concélébrer. Lydie est déjà une belle et grande fille, un peu grave, magnifique dans ses vêtements blancs, et elle est suivie par deux autres filles plus mignonnes l'une que l'autre. Quelle joie de les voir, de les voir grandir, de vivre avec elles ces moments si doux, si simples.
De Strasbourg, direction Paris : lundi soir, un hommage était rendu à Hector Bianciotti, cet ami écrivain et académicien mort il y a exactement un an aujourd'hui, un hommage durant lequel j'ai pris la parole à côté d'autres amis, compagnons de route et de travail de cet homme exceptionnel. Moi qui quelquefois pense ne pas savoir pleurer, j'ai eu des sanglots dans la voix en évoquant l'onction des malades que j'avais conférée à Hector, quelques semaines avant son décès, à l'Hôpital Henri-Dunant, un moment déchirant que je n'oublierai jamais. Oh! Qui que vous soyez et qui lisez ceci, lisez surtout Bianciotti, lisez son autobiographie (trois volumes chez Grasset) ou ses romans (chez Gallimard), et il deviendra aussi votre ami, et votre vie, votre "style" de vie en seront  transformés! Il fut - et restera, j'en suis certain - un grand écrivain du XXème siècle, cet homme né en Argentine d'une famille d'émigrés piémontais (exactement comme notre pape François, tiens!), cet homme qui était passé de l'Amérique du Sud à l'Europe, de l'Argentine à l'Italie puis à la France, de l'espagnol au français! Le salon du Premier étage de la magnifique "Maison de l'Amérique Latine", Boulevard Saint-Germain, était comble, et les hommages se sont succédé sous la houlette de  René de Ceccatty : Hélène Carrère d'Encausse, Antoine Gallimard, Jean-Claude Fasquelle (patron de Grasset), Silvia Baron-Supervielle, Diane de Margerie, Josyane Savigneau,  d'autres encore et... votre serviteur, par-delà l'affreux fossé de la mort, ont envoyé à Hector les paroles et les larmes contenues de leur tendresse. Beau moment.
Et aujourd'hui, à peine rentré : devenir souffre-douleur et toute la journée faire passer des examens!
Mais bon : le week-end m'aura sans doute appris à être indulgent!
A bientôt!

jeudi 6 juin 2013

6 juin - devoir de mémoire - mémorial de Silly/Sainty-Marcoult

Je reviens de Silly, plus précisément du Hameau de Saint-Marcoult, où fut inauguré ce matin un espace muséal, mémorial des résistants qui ont aidé les libérateurs de juin 1944. A l'initiative du Bourgmestre et avec mon accord (et mon enthousiasme) le nouveau petit musée prend place dans la belle chapelle de Saint-Marcoult, qui n'en est pas pour autant désacralisée, mais qui pourra toujours accueillir, dans le Chœur rénové, des célébrations. C'est pour moi un magnifique exemple de ce que des administrations communales et des fabriques d'église peuvent ensemble promouvoir pour respecter tout le monde, et assurer un avenir à des lieux de culte autrement menacés.
Le Bourgmestre de Silly s'est montré sur ce dossier d'une grande délicatesse, et d'une plus grande compétence encore, pour mener à bien ce projet qui, en quelque sorte, aboutit aujourd'hui.. Et j'ai eu vraiment l'impression que chacun s'y retrouvait : paroissiens et anciens du Hameau, qui voient ainsi mis en valeur le don de leur jeunesse et les valeurs qui ont guidé leur vie.
C'est un lieu pour les enfants, pour le tourisme certes, mais aussi - et comment! - pour notre  catéchèse, pour montrer ce que veut dire "croire en des idéaux de démocratie et de paix", et "payer pour"...
Dimanche prochain, cet espace sera exceptionnellement ouvert au public : idée de promenade pour des jeunes écoliers et des étudiants désireux de se rafraîchir la cervelle entre deux examens!

lundi 3 juin 2013

Le soin comme principe de réflexion, d'action et de philosophie

J'ai déjà signalé ici la grande amitié qui me lie à mon beau-frère, le professeur Michel Dupuis. Je termine la lecture de son dernier ouvrage, dans lequel il condense les réflexions qui lui viennent de la pratique croisée de sa discipline propre (la philosophie) et des nombreux échanges qu'il a noués avec les milieux soignants, médicaux et para-médicaux en particulier. Dans ce texte dense mais toujours accessible, il propose l'hypothèse du "soin" comme catégorie philosophique nouvelle, capable de nous faire entrer dans une intelligence plus perspicace de notre humanité, de ce que nous sommes les uns pour les autres. Prendre soin les uns des autres, c'est apprendre à accueillir la vulnérabilité d'autrui, sa dignité constante, c'est apprendre l' "empathie" avec lui, c'est accueillir la vérité dans le processus même d'une délibération avec lui jamais achevée. "A-chaque-fois" (une catégorie inventée par l'Auteur pour dire la perpétuelle nouveauté de la rencontre - il met en exergue là-dessus, p. 117, un vers d'Aragon : "Tu peux m'ouvrir cent fois les bras, c'est toujours la première fois"), la situation est neuve, la page est blanche et nous pouvons (re)construire un "être-nous" qui honorera notre désir de bonheur.
C'est un beau livre, à méditer et à reprendre, à mettre en œuvre(s) surtout, capable aussi de relancer notre foi chrétienne quand elle est tentée de se crisper sur des identités nécrosantes.
Je rappelle que Michel est, outre Professeur à l'UCL, Président du Comité consultatif de bioéthique en Belgique et Responsable scientifique de l'Organisme de formation GEFERS (Groupe francophone d'études et de formation en éthique de la relation de service et de soin, Paris).
Voici les références de ce livre :
M. DUPUIS, Le soin, une philosophie. Choisir et vivre des pratiques de reconnaissance réciproque, Paris, Seli Arslan, 2013, 157pp. Je vais faire en sorte que ce livre soit rapidement disponible au dépôt de l'église Saint-Nicolas à Enghien.
Enfin, je signale que, dans la livraison de ce matin de La Libre Belgique (p.1 du Supplément littéraire ), Eric de Bellefroid offre une belle présentation de ce texte.

dimanche 2 juin 2013

La devise du nouvel évêque de Liège

Fluminis impetus laetificat civitatem Dei : ce demi-verset du psaume 46 (46,5) a été choisi par Mgr Delville comme devise épiscopale. "L'élan du fleuve réjouit la ville de Dieu". Gravé sur les célèbres Fonts baptismaux de l'église Saint-Barthélemy à Liège, ce texte évidemment a toujours été interprété, par les chrétiens, comme une allusion au baptême et à sa vigueur, qui ne cessent d'irriguer, secrètement mais avec force, ceux qui l'ont reçu et qui, formant communauté, fécondent comme un fleuve puissant la cité de Dieu au milieu des sociétés humaines.
Il est probable que des exégètes moins théologiens et/ou plus liégeois y verront aussi une allusion à la Meuse, ce long flumen qui traverse et rafraîchit la "cité ardente". Et ce n'est certainement pas contradictoire!
Belle devise, Monseigneur! Encore une fois, nos prières vous accompagnent, vous-même et le Peuple de Dieu qui est à Liège!