D'un simple point de vue philosophique, il y a un mensonge dans la question posée par la dépénalisation de l'euthanasie active, et par la question récemment soulevée en Belgique de l'extension de cette dépénalisation à des mineurs.
Ce mensonge tourne autour de la liberté.
L'argument de fond, en effet, des promoteurs de pareille loi, est que "chacun - même les mineurs d'âge, donc - doit être le plus libre possible". Le problème, c'est que la mort est une privation de la liberté, une privation absolue, et que l'on n'est absolument pas libre d'accepter ou de refuser la mort. On peut la hâter, certes, ou la reculer, avec des thérapeutiques de plus en plus ciblées, mais cette accélération ou ce retard ne portent que sur le moment de la mort, non sur la mort elle-même. Le mensonge - et il est ici grossier, grotesque même - consiste à faire croire que l'homme serait "libre de disposer de sa mort" (formule quelquefois entendue, et qui bien entendu est absolument ridicule).
On ne dispose pas de sa mort, comme on ne dispose pas de sa vie, quels que soient les artifices médicaux qui sélectionnent ou qui prorogent. La mort et la vie, en l'état présent du moins de la condition humaine, ne sont pas du ressort du choix, mais de l'acceptation. Et il y a une perversion de la pensée à faire croire que l'une ou l'autre pourraient relever d'une pure liberté humaine, d'une liberté prométhéenne, absolue... alors que c'est précisément là que les plus grandes contraintes nous corsettent. Nous n'avons pas choisi nos parents, ni le lieu ni l'époque de notre naissance, ni la couleur de nos yeux, ni notre caractère, et s'il y a des gènes qui prédisposent à telle ou telle maladie, nous ne connaissons même pas encore ceux qui prédisposent à la connerie, la maladie la plus répandue et qu'on soigne le moins bien! Quant à notre mort, nous aurons beau signer des "testaments de vie" (tu parles!), elle nous fauchera peut-être dans la rue, sous les roues d'un conducteur mal avisé, ou sous le coup d'un infarctus foudroyant parce que ce soir-là nous aurons trop dîné, alors que nous allions, allégrement remplis de "libres" projets pour le lendemain et les jours à venir!
Il ne faudrait tout de même pas nous parler de "grande liberté" là où la vie, la vie telle qu'elle est, nous apprend ses plus grandes limites.
Il ne s'agit donc pas, il ne saurait s'agir de la mort. Evidemment, s'il s'agit de la souffrance, la question est différente : comment l'accompagne-t-on? Quels moyens donne-t-on à cela? Jusqu'où cet accompagnement est-il possible?
La souffrance est, et peut toujours davantage devenir, un lieu de liberté, y compris pour les décideurs politiques qui proposent, et notamment par des priorités budgétaires, de la soulager le mieux possible. Là, on voit une orientation politique différente, et je dirais même : quels qu'en soient les retentissements concrets.
Mais, par pitié, ne parlons pas de "liberté" dans le "choix" de mourir... Réfléchissons à deux fois, comme on dit, avant d'utiliser certains termes!
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