dimanche 27 avril 2014

Un égoïsme à faire peur...

Joie d'une réunion familiale, ce dimanche, pour le soixantième (eh oui, ma vieille!) de ma frangine... Joie de les voir tous, ces neveux et nièces aimés, et petits-neveux, et de partager le bonheur de deux couples qui attendent un bébé.
Avec l'un des futurs papas, mon filleul, qui est un bon connaisseur de l'économie et de la finance, tombés d'accord sur l'égoïsme effrayant qui préside - comme prévu - aux soi-disant débats électoraux.
Sur la nécessité de développer les pays de l'hémisphère sud (en particulier africains) en distrayant à cette fin au moins 1% du PIB - rien. Alors que ce serait une manière de régler progressivement et sur le long terme la question de l'immigration économique, plutôt que de le faire par des mesures protectionnistes. Et qu'il s'agirait, d'abord, d'une générosité élémentaire de la part de riches qui voient crever des pauvres à leur porte. (Il me semble qu'il y a là-dessus une parabole lucanienne éclairante, celle du pauvre Lazare et du riche indifférent, ce dernier creusant entre eux un éternel abîme.)
Encore une fois, dans le soi-disant "débat" électoral, sur ces questions : rien, nada, le vide, le néant de la pensée, le degré zéro d'une politique qui serait digne de son nom. Pas un pour relever l'autre! Et pas un journaliste pour poser la question - c'est à braire.
Mais, d'abondance, évidemment, et à qui mieux mieux : c'est à celui qui protégera le plus les acquis, les avantages sociaux, les bénéfices, etc. Comme me le disait ce filleul généreux : rien que de l'égoïsme.
Quand sortirons-nous de cela? Faudra-t-il attendre que ce soit par la violence et les conflits?
La voix du pape François est prophétique, et beaucoup se réjouissent dans l'Eglise et en-dehors d'elle, de son image médiatique. Mais a-t-on pris la peine de lire ce qu'il écrit, Evangelii gaudium par exemple, son Exhortation apostolique, et de créer des cercles nouveaux de pensée et d'action pour mettre en œuvre, politiquement, les réformes qu'il appelle de ses vœux? Nous n'y sommes pas, pas du tout,  et pourtant, il y a urgence!

samedi 26 avril 2014

En même temps...

Le Premier Ministre ukrainien, présent à Rome, a décidé de repartir précipitamment dans son pays, étant donné le caractère explosif de la situation - et la situation, il ne faut pas se leurrer, est explosive. Combien de temps encore l'humanité échappera-t-elle (et je pense en particulier à notre jeunesse, qui, ayant grandi depuis toujours dans une culture de paix, en est fatalement très insouciante) à une troisième guerre mondiale et meurtrière? On peut dire, certes, que les menaces réciproques de Poutine, d'Obama (et, dans une moindre mesure) des Européens sont des rodomontades, destinées précisément à éviter toute réalisation effective du conflit (telle est l'analyse de quelques politologues internationaux). N'en reste pas moins vrai que la menace est là - tiens, exactement comme il y a cent ans, à peu près dans le même coin, et toujours pour des motifs d'abord nationalistes. C'est amusant, n'est-ce pas, de "célébrer" (comme on a dit de façon idiote, comme si on" célébrait "le début des guerres!) le début de la guerre de 1914, alors qu'un conflit analogue risque une nouvelle fois de ruiner l'humanité!
C'est dans ce contexte que seront canonisés demain deux papes, Jean XXIII et Jean-Paul II. Ils deviennent des modèles de ce que l'humanité, selon l'Eglise, peut proposer et accomplir de mieux.
Certains s'étonnent de ce  que des millions de fidèles (ou de curieux) se pressent à Rome pour cet événement.
Mais, dans une situation internationale aussi perturbée, ces nouveaux saints  ne sont-ils pas les quelques rares personnalités qui, durant leur vie et leur mission humaines, ont appelé à la fin de tous les conflits et de toutes les racines des conflits? A la fin des idéologies de masse? A la fin des nationalismes? A l'entente des peuples? A l'unité des religions, chrétiennes ou non?
Et certaines voix laïcardes de s'indigner de la promotion qu'on leur fait... Mais chers amis, il fallait en faire autant, et il faudrait continuer. Or, on a beau tourner la tête de tous côtés, on n'entend guère de grandes voix, des voix qui portent au-delà de leur ombre, pour s'impliquer internationalement dans la justice distributive, seule annonciatrice de paix, sinon celle venue de Rome. On ne demanderait pas mieux que d'en entendre d'autres...

vendredi 25 avril 2014

Les bons mots de saint Jean XXIII...

Dimanche, à Rome, le pape François canonisera deux de ses prédécesseurs, les souverains pontifes Jean XXIII et Jean-Paul II.
La figure du second est encore très bien connue chez beaucoup aujourd'hui, puisqu'il est mort il y a moins de dix ans.
La figure du premier est peut-être un peu oubliée - alors que c'est lui, élu par les Cardinaux pour être un "pape de transition" après le long pontificat de Pie XII, qui entreprit la réforme de l'Eglise catholique par l'ouverture du Concile Vatican II.
Il y aurait beaucoup à dire sur ces deux figures.
En clin d'œil, retenons les bons mots de Jean XXIII, dont voici quelques-uns :
- à un Officiel venu le saluer et qui lui demandait, histoire de dire quelque chose, combien de personnes travaillaient au Vatican, il répondit : "Oh, cher ami, je pense environ la moitié!"
- à une dame qui, peu après son élection, disait à une amie sur son passage : "Mon Dieu, qu'il est gros!", il répondit : "Madame, je suis heureux que vous ayez compris que le Conclave n'était pas un concours de beauté."
- à un journaliste qui lui demandait de parler de sa famille (une pauvre famille paysanne), il dit : "Il y a trois façons de se ruiner, dans la vie : les femmes, le jeu et la vie agricole. Mon père avait choisi la plus ennuyeuse."
- à un Cardinal de Curie qui s'étonnait devant lui qu'un huissier du Palais Apostolique, après les augmentations décidées, en vienne à gagner plus que lui, il répliqua : " Mais cet huissier a dix enfants, ce qui je l'espère n'est pas le cas de Votre Eminence."
- à un prélat conservateur qui s'inquiétait de l'ouverture annoncée du Concile Vatican II et disait au pape : "Sainteté, il est absolument impossible de convoquer le Concile en 1963." - "Très bien, répliqua le pape, alors convoquons-le en 1962." (Ce qui fut fait...)

mercredi 23 avril 2014

Funérailles de Liliane, ce matin...

Elle n'avait pas encore 67 ans. Depuis environ six ans - avant que je n'arrive ici - elle était malade d'un cancer qu'elle savait inguérissable. Dès nos premières rencontres, elle me l'a dit, avec cette franchise, cette lucidité qui ont toujours forcé mon admiration pour cette femme, ancienne enseignante. Elle a lutté pied à pied - pour voir le plus longtemps possible son mari, ses enfants, ses petits-enfants; elle a pour cela accepté des traitements douloureux, répétés,  et des rémissions de plus en plus brèves. J'ai rarement vu un pareil courage  -  et elle disait, souriante : "La mort ne me fait pas peur. Je suis prête."
Je garderai des rencontres avec Liliane et avec Pierre, son mari, un souvenir ébloui, de moments graves, certes, mais lumineux : l'onction des malades, par exemple, il y a plusieurs mois déjà, vécue chez eux dans une grande simplicité mais d'une façon tellement intense. Et les moments de prière - y compris le dernier jour, quelques heures avant sa mort, quand elle m'a encore souri autant que le pouvait sa faiblesse. Et les moments de "parlote" : de tout! Des enfants, des petits-enfants, de la vie paroissiale, de la vie de Graty et d'Enghien, de ses souvenirs d'enseignante, de ses lectures. Quelle merveille, quel trésor de vie!
Evidemment, j'imagine le deuil de Pierre, des enfants et des petits-enfants, je sais par cœur (par le cœur) l'arrachement que c'est.
En même temps, célébrer les funérailles d'une telle force dans l'octave de Pâques, c'est quand même d'abord une confirmation de notre foi en la résurrection.
Mourir... nous mourrons tous! Mais traverser ainsi la vie douloureuse, dans la foi (et, aux mauvais jours, on peut l'imaginer, dans l'angoisse), avec sérénité, avec patience, préparer ses funérailles comme elle l'a fait, choisissant les lectures (l'épisode lucanien du Pharisien et du Publicain), vraiment quel témoignage!
Tous nos morts sont présents à nos vies. C'est pour moi une évidence.
Mais elle, elle nous en a prévenus!

samedi 19 avril 2014

"Car notre Christ a béni cette nuit..."

Patrice de La Tour du Pin, encore, et comme cadeau de Pâques à emporter avec soi, jour après jour, en viatique :

Allez, chantez haut que tout renaît dans ces ténèbres,
Que tout y est repris qui se décomposait,
Que déjà c'est l'aurore intérieure!

Chantez que l'air glacé des approches de la mort
S'est mis à battre et se ranime!
Tressaillez, vous aussi, les hommes! suivez l'hymne,
Chantez les eaux perdues qui se sont retrouvées
Et le feu qui reprend à tous vos feux couverts :
C'est l'ombre elle-même qui brûle!
Chantez les cieux, les cieux immenses et cachés
Qui vont se déployer sur tous les univers!

Allez, vous ne perdrez pas pied
Sur la terre du Nouvel Homme :
Elle était promise, elle porte;
Pour avoir cru à la Parole,
Vous avez droit à la bénédiction
Qui monte des enfers.
Car notre Christ a béni cette nuit :
Transmettez le cantique des morts!

Ne restez pas ici, attendant qu'ils se lèvent!
Vous êtes en exercice de vie,
Suivez votre résurrection,
Annoncez ce qui s'accomplit!

(Une Somme de Poésie, III. Le jeu de l'homme devant Dieu. Texte définitif revu et corrigé par l'auteur, Gallimard, 1983, pp.248-249)

Nous passerons ce soir...

Nous passerons ce soir de la nuit au Jour. Lorsque la lumière naturelle aura, peu à peu, déserté la place d'Enghien ou celle de Silly, dans l'église enténébrée brillera la flamme parcimonieuse du cierge de Pâques. A sa lueur vacillante, nous rallumerons nos énergies et, peu à peu, la Parole de Dieu éclairera nos impasses.
Nous passerons ce soir des bornes de la raison à l'ouverture de nos esprits. Nous accueillerons dans la proclamation alléluiatique de la résurrection "ce que le cœur de l'homme n'avait pas imaginé" : la mort n'est pas la fin, mais l'ouverture, depuis qu'elle a été habitée par l'amour même.
Nous passerons ce soir d'une naissance à l'autre : la première nous a enfantés pour le temps éphémère de la terre; la seconde, qui s'offre à nous dans le baptême, nous fait dès ici-bas vivre en éternité, dans l'autre dimension du temps. Un adulte, Denis, et des enfants (un à Silly, six à Enghien) recevront par "le rite d'eau qu'une parole accompagne" ce germe neuf.
Nous passerons ce soir d'une vie à l'autre : de la peine à la joie, de la tristesse récurrente et des dépressions quotidiennes à la source même de l'énergie, de l'isolement à la communion, de la mort à l'éternité.
Oui, nous passerons... c'est Pâques, Pessah, passage, traversée.
Sainte et lumineuse fête à tous!

jeudi 17 avril 2014

La musique de Haydn, les paroles du Christ...

Moment de méditation hier soir dans l'église d'Enghien pour les quelque cinquante personnes venues écouter l'interprétation magnifique (par le Quatuor de l'Orchestre de Chambre Hainaut-Picardie) des "Sept dernières paroles du Christ en Croix" de Joseph Haydn. Chaque parole est ponctuée par un adagio qui permet de l'intérioriser et j'avais, dans la tradition de la création  de l'œuvre du reste, composé un commentaire récité pour chacune de ces "sept dernières paroles". Une heure de recueillement devant la Croix, pour mieux entrer dans le Triduum.
Le texte des méditations va être disponible sur le site du doyenné : www.doyennedenghien.be

vendredi 11 avril 2014

"Jeune mort de printemps... Pourquoi le seuil est-il tragique?"

Dès demain soir nous aborderons la Sainte Semaine, avec la célébration du Dimanche des Rameaux et de la Passion, qui donne à l'ensemble de ces étranges journées liturgiques toute sa tonalité. Mardi, à 18h00, à Charleroi, la Messe Chrismale : au cœur de cette méditation sur la Passion du Christ, la bénédiction par l'évêque, pour tout son diocèse, des huiles qui consacrent, qui soulagent, qui fortifient le corps et le cœur - et qui puisent leur vertu dans l'amour de la Croix. Mercredi, dans l'église Saint-Nicolas à Enghien, à 20h30, la présentation des "Sept dernières paroles du Christ en Croix", de Joseph Haydn, avec un récitatif. Jeudi, à Enghien et à Silly, à 19h30, la célébration de la Sainte Cène et l'adoration du Saint Sacrement qui transfigure au quotidien nos existences chrétiennes. Vendredi, à 15h00, dans plusieurs de nos paroisses, le Chemin de Croix et, à 19h30, à Silly et à Enghien, la célébration de la Passion du Seigneur. Samedi, à 19h30 à Enghien et à 20h30 à Silly, la Grande Vigile de Pâques, avec la célébration et l'annonce de la Résurrection et plusieurs baptêmes, d'adulte, de jeunes, d'enfants.

En prélude, ce poème, de Patrice de la Tour du Pin, encore, dans La Quête de Joie. Nous y lisons et méditons toutes les souffrances et incompréhensions recueillies dans une année de vie commune en nos paroisses, tous les deuils et toutes les peines, mais nous y apercevons aussi l'aube de note Joie. Voici :

Le Seigneur est en train de mourir d'amour sur la terre,
Disaient les anges autrefois,
Et maintenant ce cri passe dans toute chair :
Le Dieu-Amour vient de mourir d'amour en moi!

Alors, parmi les bonheurs et les sèves, sa croix?
Mort d'amour, mon Seigneur? comme un défi,
Un reproche à la beauté de votre monde?

Jeune mort de printemps, comme un revers de honte
A toute fleur, à toute paix, à toute grandeur...
Que mes yeux s'enténèbrent de lui pour comprendre

Pourquoi toujours la mort avant le paradis,
L'aveuglement avant le triomphe de lumière,
La sueur glacée avant l'apaisement,
Le détroit de silence avant le grand concert?

O mon agonisant, pourquoi le seuil est-il tragique,
Et cette impasse entre les deux royaumes,
Et cet estuaire si resserré?

-- Parce qu'il faut reconquérir le mal,
Revivifier de vous ce que la mort a pris,
Creuser d'amour les parts perdues du corps du monde,
Et que reprenne à la cendre le feu!

Alors toute beauté doit apparaître en vous;
Il ne sera qu'un sens pour le jet de la vie,
Et la résurrection se devine ici-bas...

(La Quête de Joie, Gallimard, 1967, pp.202-203)

dimanche 6 avril 2014

Lazare, la mort et nous...

Avant-hier déjà, nous avons lu cette page de l'évangile de Jean lors de funérailles particulièrement pénibles : David, un jeune homme de trente ans, papa de deux petits bouts, fauché dans un accident de voiture... La révolte de la famille, toujours la même : "Dieu n'a rien fait, ne fait rien, n'est pas là, est absent, qu'est-ce que cette 'toute-puissance' qui n'empêche rien..." C'est la révolte des deux sœurs, Marthe et Marie : "Si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort." Si Jésus, si Dieu étaient là, voulaient être là, voulaient avoir été là - mais le texte dit que Jésus n'a pas voulu être là au moment ultime de Lazare - alors mon frère, mon père, ma mère, mon enfant, ne seraient pas morts!"
Jésus n'est pas venu pour empêcher la mort - qui reste, toute cruelle qu'elle soit, nécessaire : pensez un peu à ce qui arriverait si on ne mourait pas!
Il est venu pour descendre dans nos tombeaux, ou nous faire descendre dans le sien, peu importe, lui à qui la puanteur même de la mort ne fait pas peur.
Cet épisode, qui n'en a pas l'air, est foncièrement baptismal : oui, il parle du baptême, de notre baptême, par lequel nous sommes descendus dans le tombeau du Christ, immergés que nous fûmes dans l'eau qui nous a engloutis, noyés, asphyxiés.
Il est venu pour, y étant descendu, nous tirer de nos tombeaux comme lui-même sera tiré du sien, pour resurgir avec lui, déliés comme Lazare de toutes les bandelettes qui nous entravent dans ce monde-ci, enfin capables d'aller et venir dans le monde des Vivants : "Déliez-le et laissez-le aller!"
Il aura fallu ce signe éclatant (et peu intéressant pour le pauvre Lazare qui va devoir "re-mourir", mais oui!) pour que nous prenions conscience du cœur de notre foi, tel qu'il l'exprime à Marthe : "Je suis, lui dit Jésus, la résurrection et la vie. Celui qui vit et qui croit en moi, même s'il meurt, il vit. Crois-tu cela?"
Question de scrutin, de choix décisif, tandis que, mis devant le Christ, devant sa puissance divine, sa puissance de Vie, la même question nous est posée.
Que répondons-nous, aujourd'hui?

Déjà vos tombes se descellent
Sous la poussée du Dieu vivant.
Regardez : Jésus y descend!

Appelez-le : il vous appelle.
Venez dehors! C'est maintenant

Le jour où la chair et le sang
Sont travaillés de vie nouvelle!