vendredi 21 décembre 2018

Pour conclure, pour ouvrir...

Les échéances récurrentes, comme ce que la société civile appelle les "fêtes de fin d'année", Noël et le Nouvel An, nous invitent à des bilans et des prospectives.
Le monde ne va pas bien : regains de tensions un peu partout, famines endémiques, crise prolongée en RDC, conflit toujours irrésolu au Proche-Orient, Europe déchirée - et déchirée sur une question qui devrait l'unir : celle des migrants et des migrations. Récriminations, chez nous et en France, contre des gouvernements qui ne parviennent pas à honorer leurs engagements salariaux, qui ne se décident pas non plus à franchir le pas d'une vraie transition écologique dont tout le monde, pourtant, souligne l'urgence. Populismes plus ou moins rampants - ils envahissent les réseaux sociaux, qui ressemblent de plus en plus souvent à un ramassis de  propos de comptoirs. Pas  brillant, tout ça, pas brillant…
L'Eglise ne se porte pas mieux :l'institution catholique, je l'ai dit dans un précédent post, se dépêtre mal de la crise pédophile, les silences complices des plus hauts dignitaires sont mis au jour, aux USA, en Australie, en France, un peu partout, révélant les préférences morbides de ceux qui ont choisi et couvert la faute dans l'espoir d'éviter le scandale. Comme disait Churchill pour d'autres histoires, ils auront donc les deux : la faute et le scandale. Avec comme espoir celui d'une réforme en profondeur de ce "machin catholique" que le brave pape François tente avec persévérance de dépoussiérer et de rendre à l'Evangile.
Avons-nous d'autres espoirs? Oui. Les communautés chrétiennes, chez nous, ne se portent pas mal : je relève, pêle-mêle, le regain d'intérêt suscité par les Mouvements de Jeunesse (Scouts, Patros) et les liens accrus entre eux et la vie paroissiale (voir le succès, à Enghien comme à Silly, des célébrations du 11 novembre dernier); la vitalité de nos écoles (fondamentales et secondaire : saluons au passage les Directrices et le Principal qui s'en vont, et tout le travail qu'ils ont accompli au service de la jeunesse et de l'enseignement : ils sont notre fierté. Accueillons leurs successeurs et soutenons-les pour que la tâche soit poursuivie!) J'observe la mise en place du nouveau Conseil de Pastorale, qui à la fois colle au terrain (et même aux terrains) et à la fois est un lieu d'écoute où c'est le bien commun qui est recherché, et non la défense crispée d'intérêts particuliers. Je félicite la persévérance de l'Equipe d'Animation Pastorale, qui s'attache à mettre en œuvre, sans précipitation mais de façon déterminée, les orientations pastorales choisies, en liturgie, en catéchèse, dans le service aux personnes plus fragiles. J'admire les Conseils de Fabrique, qui s'attachent à la restauration et à la promotion du patrimoine ecclésial - églises, presbytères - dans un esprit de collaboration avec les Communes et les Autorités publiques. Les Concerts de Noël, qui ont récemment rassemblé plus de quinze cents personnes, ont été des modèles de qualité musicale.  Beaucoup de bonnes choses se font, des personnes découvrent ou redécouvrent la fraîcheur de la foi chrétienne et des partages qu'elle peut susciter, des communautés chaleureuses qu'elle est capable de former. J'en rends grâce.
Je l'ai dit ailleurs et dans d'autres messages : "nous ne perdons pas courage",  comme dit Paul dans la Deuxième Lettre aux Corinthiens, nous portons en nous ce que Bernanos appelait, pour sa part, "l'invincible espérance".
La lumière de Noël, que nous accueillons ces jours-ci, même si elle semble bien fragile, est capable de faire reculer la ténèbre du monde. C'est cela, notre espérance et, en effet, elle est invincible : rien ne viendra la renverser.
Heureux Noël à toutes et tous, et bonne année nouvelle. Lumière et paix dans les cœurs, dans les familles, et, sur la terre, "aux hommes de bonne volonté".

mercredi 14 novembre 2018

L'Eglise et l'Institution

Quelque chose de l'Eglise Catholique est en train de s'écrouler devant nos yeux. Pas l'Eglise elle-même, qui est un mystère de foi, un mystère théologique - l'effectuation progressive du Royaume de l'Amour trinitaire, prêché par Jésus, initié en sa personne vivante et situé bien au-delà de ses réalisations humaines dans l'histoire du christianisme. Mais ce qui s'écroule, c'est précisément une manière de cette réalisation humaine : la conception d'une Institution hiérarchique, centralisée, préoccupée de sa survie au moins autant, et souvent plus, que de ce qu'elle doit annoncer. La dénonciation partout dans le monde des hypocrisies épiscopales, de ces évêques qui ont sciemment couvert des faits honteux de pédophilie, est probablement le coup de pied final porté à cette Institution. Qui s'en plaindra?
Sous couvert d'évangélisation, on a moralisé et voulu normaliser, canoniser, des formes certes louables mais pas exclusives de vie familiale ou sexuelle : lire là-dessus l'excellente interview donnée ces jours-ci dans "Panorama" par la non moins excellente Danièle Hervieu-Léger, probablement l'une des plus grandes sociologues contemporaines de la religion catholique, Directrice d'Etudes émérite à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes en Sciences Sociales (Paris). En quelques mots clairs, elle montre comment cette Institution, dépouillée de son pouvoir temporel à la suite de la Révolution Française, a voulu régenter les âmes et les corps - et en particulier, les sexes. Certains évêques (surtout nord-américains, du reste), qui n'ont rien compris à rien ou ne veulent rien comprendre à rien, face à cette crise de la pédophilie de prêtres, en rajoutent une couche : tant qu'on aura pas éradiqué l'homosexualité en la stigmatisant comme le péché abominable qu'elle doit rester, disent-ils, on n'aura rien fait. Et ils en profitent, évidemment, pour critiquer de plus en plus ouvertement le pape François qui, lui, veut ouvrir largement ses bras et les portes de l'Eglise aux personnes homosexuelles, et mettre fin au tabou, au dénigrement et au rejet dont elles furent si longtemps les victimes. Lui qui veut, aussi, faire cesser le cléricalisme, cette forme sournoise de pouvoir et de manipulation des cœurs, qui n'est pas le seul fait des prêtres, mais de tous ceux qui, dans l'Eglise, laïcs, prêtres et évêques, prétendent régenter les consciences. Ces dangereux crétins - je parle des évêques nord-américains susmentionnés -  sont soutenus dans leurs propos par l'ancien Nonce (ambassadeur du Saint-Siège) aux USA Vigano, qui ne cesse d'attaquer ouvertement le pape sur ces questions, lui-même sans doute "aidé" en cela par des lobbys républicains américains et.. leur argent.
Les évêques français, qui viennent de se réunir à Lourdes en Assemblée plénière, sont eux aussi fort divisés sur la manière d'assainir franchement l'Institution dont ils sont les gardiens : le Cardinal Barbarin, archevêque de Lyon et Primat des Gaules, mis en cause pour ses protections dans des histoires de pédophilie, a cru bon de ne pas reconduire dans ses fonctions le Juge ecclésiastique qui, précisément, le met en cause. Repentance dans les propos, arrogance dans les actes… Je ne prétends pas dire ici, car je n'en sais rien, qui a raison et qui a tort, mais je constate la confusion des réactions, et leur précipitation, qui probablement indiquent  un mouvement de panique!
Ce sont les évêques belges, tiens, qui se sont le mieux tenus, grâce à Mgr Bonny, d'Anvers, et à Mgr Harpigny, de Tournai, qui furent sans concession devant les mesures à prendre, qui les prirent et les firent prendre à leurs collègues - on imagine les résistances qu'ils durent affronter.
Oui, une Institution dissimulatrice, une hiérarchie pourrie par ses secrets lamentables et son idéologie conquérante, sont en train de s'écrouler. C'est un peu comme l'URSS sous Gorbatchev : le machin va s'effondrer, d'un coup. Deux papes, aux tempéraments bien différents voire opposés, mais tous deux profondément honnêtes, s'y cassèrent et s'y cassent les dents : le brave Benoît, le magnifique François. Le premier a eu le courage de partir, quand il a compris qu'il ne viendrait pas à bout des coups fourrés dont certains sont capables, au plus haut niveau, pour préserver l'Institution contre l'Evangile lui-même. Le second tient bon, demande qu'on prie pour lui, résiste aux mêmes coups fourrés : continuera-t-il  ou dira-t-il un jour, lassé de ce panier de crabes, qu'il rentre finir tranquillement sa vie en Argentine? Ce serait la victoire des crapules…
Oui, l'hypocrite machin s'écroule ou va s'écrouler, et c'est tant mieux, c'est un assainissement nécessaire. Ce n'était jamais qu'une manière d'incarner l'Eglise, une manière qui a fait son temps et causé bien des tourments à beaucoup de personnes.
Laissons-le s'écrouler. L'Eglise en son mystère, de foi et de communion, a tout à y gagner!

samedi 3 novembre 2018

Aimer Dieu, aimer son frère, s'aimer soi-même

L'évangile proclamé ce dimanche relate la réponse faite par Jésus à un scribe qui lui demande quel est "le premier de tous les commandements" (Mc 12, 28b-29). A quoi Jésus répond, évidemment, par le "Shema Israël", la grande injonction du judaïsme que rapporte le Deutéronome et que les Juifs pieux portent sur leur front : "Ecoute, Israël, tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ton intelligence…"  Mais il ajoute : "Et voici le second : Tu aimeras ton prochain, comme toi-même."
L'injonction d'aimer Dieu "de tout son cœur" - et, notons-le aussi, en passant, "de toute son intelligence", c'est-à-dire, en y mettant toutes les ressources de son esprit, de sa recherche intellectuelle -, cette injonction est vraiment au cœur de la foi juive et, à sa suite, de la foi chrétienne comme de la foi musulmane. C'est une invitation, sans doute moins facilement audible dans notre Occident contemporain, à honorer la transcendance de Dieu : rien n'est Dieu que Dieu seul. Et à ceux - personnes, systèmes, idéologies, partis, tout ce qu'on veut - qui voudraient se prendre ou être pris pour Dieu, on dira : "Il n'y a que Dieu qui soit Dieu!" Tout ce qui se prétendra transcendant sera, en quelque sorte, désamorcé par la capacité subversive du monothéisme. Car tout est relatif et tout est contestable, sauf Dieu… Cette affirmation, pour libératrice qu'elle soit, peut aussi devenir dangereuse : c'est que beaucoup de personnes, de systèmes, de politiques, de religieux, ont le toupet de parler au nom de Dieu, et de prendre sa place pour éliminer ceux qui ne pensent pas, ne croient pas, ne prient pas comme eux, ou tout simplement, ne veulent pas entendre parler de Dieu.
Alors Jésus - et telle est sans doute une marque distinctive du christianisme - dit qu'un autre commandement est semblable à ce premier : il faut aimer son prochain, comme soi-même. Cette seconde injonction est la vérification de la première.
Dans ce qui est annoncé par Jésus, Dieu sera disqualifié, et toute action menée en son nom, si l'autre, le prochain, tout être humain dans sa différence, n'est pas entièrement respecté, honoré. Si tu prétends éliminer ton prochain au nom de Dieu, ce n'est pas Dieu que tu sers, c'est une idole grossière et qu'il faut très vite démolir. Déblaie, dégage…
Mais il y a plus : ton prochain, tu l'aimeras "comme toi-même" : s'il y a deux commandements, il y a donc trois amours. Et qui se vérifient l'un par l'autre, pour marcher en équilibre. Impossible de se mépriser soi-même si l'on prétend aimer les autres ou aimer Dieu : on ne ferait que se fuir. Impossible d'aimer Dieu sans aimer l'autre et sans s'aimer soi-même, ce ne serait que mensonge. Impossible de s'aimer soi-même sans aimer Dieu et les autres, ce ne serait que narcissisme.
Cette page d'Evangile parle d'elle-même : elle invite certes chacun à faire le point sur sa vie, mais aussi à évaluer les événements du monde à l'aune de ces deux commandements et de ces trois amours. Pensons au Pakistan : le Dieu invoqué par certains islamistes radicaux pour condamner à mort, malgré la relaxe promulguée par la justice de leur pays, la pauvre Asia Bibi, n'est pas Dieu, il n'est qu'une idole fabriquée à la ressemblance de leur grossière inhumanité, de leur malveillance et de leur bêtise. Il faut vomir ce Dieu-là…
Le Dieu quelquefois invoqué dans l'Eglise catholique pour couvrir les mensonges et les hypocrisies de l'Institution prompte à se protéger en protégeant des prédateurs, ce Dieu-là est une insulte à la morale. Il faut le vomir…
Le Dieu évoqué souvent pour "sauvegarder les valeurs de la civilisation occidentale"  en refoulant les réfugiés, chez nous ou aux Etats-Unis, ce Dieu-là n'a rien à voir avec le Dieu chrétien. Il est une idole, à vomir…
Le Dieu brandi à bout de Bible ou de Coran pour agrandir des territoires et refouler des populations, en Palestine ou au Yemen, et cela avec des armes fabriquées chez nous pour alimenter nos caisses (autre et vaste débat!), ce Dieu qui justifierait des massacres et des famines, des guerres et des exterminations : à vomir, lui encore, cassons-le comme il faut casser toutes les idoles.
Mais aussi le Dieu évoqué dans le secret des confessionnaux pour raboter les aspirations humaines, pour castrer les désirs, pour humilier sous prétexte d'entretenir l'humilité, ce Dieu-là n'est qu'un polichinelle : aux oubliettes, vidons-le!
Car, depuis Jésus, l'homme et son respect, sa dignité et ses droits, oui, l'homme, l'être humain : voilà la mesure de Dieu.

mardi 23 octobre 2018

Désolation, consolation

Est-ce parce que je suis grippé? J'aurais tendance, ces jours-ci, à tout noircir. Alors, il faut apprendre à laisser en nous l'Esprit faire œuvre de discernement.
Certes, il y a de quoi s'inquiéter : un bon nombre des idéaux de ma jeunesse (de notre jeunesse, dirais-je, pour les personnes qui sont comme moi dans la soixantaine) sont malmenés. Par exemple l'Eglise Catholique (du moins, aux yeux des chrétiens) était dans les années septante un idéal de vie fraternelle, on croyait à sa mission non seulement évangélisatrice mais profondément humaniste, pacificatrice. Or, que voyons-nous? Une hiérarchie pyramidale au bord du schisme (et peut-être davantage de schismes multiples), incapable de se réformer sans se déchirer, avec des attaques d'une bassesse inouïe contre le pape de la part de certains, évêques, cardinaux, prélats, qui devraient être ses premiers soutiens, et pour la sauvegarde de quoi? D'une institution? D'une morale? En tous les cas, pas de l'Evangile…
Et, autre exemple, l'Europe : je me souviens d'un long passage, dans l'année de mes dix-huit ans et de ma rhétorique, au Collège de l'Europe, à Bruges, où le Directeur de l'époque nous assurait que nous nous sentirions tous "européens" avant de nous sentir "belges" d'ici peu d'années. Tu parles! Partout, les nationalismes s'exacerbent, quelquefois s'y mêlent fascisme et racisme, mépris de l'autre, enfermement sur soi, peur du migrant et de l'étranger. Bientôt, on se refera la guerre sur le Vieux Continent. Beau progrès!
Et, puisque nous en parlons, la paix, autre idéal de ma jeunesse : partout bafouée, souvent  au nom des religions qui ont mission de la promouvoir,  pour satisfaire les appétits financiers des Etats ou des Régions (dont la Belgique et la Wallonie) qui l'alimentent en fabriquant et vendant des armes au mépris de massacres honteux, avilissants pour l'être humain - seul argument : préserver l'emploi! Oh, on le paiera, ça, on le paiera cher, mes beaux messieurs : non seulement vous perdrez ces emplois, mais votre mémoire passera par les égouts de l'Histoire. C'est à vomir!
Quelle désolation! Alors, comme chantait l'autre, "faut-il désespérer?"
Jamais.  Car il y a des ferments magnifiques.
Et ici, j'en vois : des jeunes soucieux les uns des autres, dans les Mouvements par exemple.
Des gens épris de solidarité, qui tentent de remédier à la précarité d'une  façon certes modeste mais décidée.
Des hommes et des femmes qui s'engagent en politique avec, du moins est-ce l'impression qu'ils donnent, un vrai souci du bien commun, et non pas de leur promotion personnelle.
Des hommes et des femmes soucieux de promouvoir un enseignement de qualité, à la fois exigeant et intransigeant quant aux Droits Humains fondamentaux.
J'ai l'impression d'un monde qui, par certains côtés, craque de partout, certes, mais comme pour faire naître quelque chose d'autre, qui porte en soi, par delà des institutions ou des combats dépassés, la consolation indispensable à la Vie.
Lucide, oui, du moins je l'espère. Découragé, non.

dimanche 14 octobre 2018

Les urnes ont parlé...

Soir d'élections… les urnes ont parlé.  A Enghien et à Silly, les Bourgmestres sortants ont été très largement reconduits dans leurs fonctions. Je souhaite ici leur dire mes félicitations, et celles de toute la communauté catholique de notre doyenné. Avec eux, avec les coalitions et les échevins qu'ils mettront en place, nous continuerons à chercher à honorer le bien commun, à être attentifs aux situations de précarité, au respect de l'environnement, à la préservation du patrimoine, à la promotion de l'enseignement et de la culture, bref à tout ce qui permet une vie communale aussi harmonieuse que possible.
Le rôle des mandataires publics, qu'ils se trouvent dans la majorité ou dans l'opposition, est bien difficile. J'admire ceux et celles qui s'engagent en politique et qui, quelles que soient leurs sensibilités respectives, donnent de leur temps ét leur énergie à la gouvernance de leur cité.

dimanche 23 septembre 2018

"Placer un enfant au milieu"

Ce matin, à Enghien, c'est dans une assemblée de couples jubilaires qu'ont  retenti ce geste évangélique et la parole qui l'accompagne : "Prenant alors un enfant, Jésus le plaça au milieu d'eux, l'embrassa et dit : Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c'est moi qu'il accueille. Et celui qui m'accueille ne m'accueille pas moi, mais Celui qui m'a envoyé." (Mc 9, 36-37)
Jésus, et à travers lui Dieu lui-même, veulent être accueillis comme on accueille un enfant : pour des couples célébrant un important anniversaire de mariage, cela veut dire beaucoup. On sait combien l'enfant attendu, désiré, lorsqu'il arrive, bouleverse tout, inquiète la tranquillité du ménage, l'oblige à s'ouvrir à l'autre.
Sortir de l'amour fusionnel, voilà ce à quoi convie la survenue de l'enfant dans un couple, et sans doute est-ce l'un des éléments qui rendent solide une union conjugale.
Mais plus largement, que Jésus, et à travers lui, "Celui qui l'envoie", c'est-à-dire Dieu, s'assimile ainsi à l'enfant… cela en dit long sur la place de Dieu. Celui que Jésus met ainsi au centre de nos conversations, de nos ambitions - les ambitions déclarées, répétées, malvenues de ses apôtres, aussi bien que les nôtres -, c'est donc un "enfant". Et même, si l'on en croit le grec, un "tout petit enfant", ce que le latin traduit bien par "infans", c'est-à-dire "celui qui ne sait pas parler", soit qu'il n'ait pas encore appris, soit qu'il n'en ait pas le droit. Celui, donc, qui n'a rien à dire. Celui qu'on aurait tendance, plus à l'époque de Jésus qu'à la nôtre où l'enfant est souvent "l'enfant-roi", à ne pas regarder, à ne pas considérer. Celui, dès lors, qui est fragile, voire gênant, dont la vie même ne tient qu'à un fil.
Qu'est-ce donc, "mettre un enfant au milieu de nous"? Dans nos raisonnements et dans nos pratiques, mettre au centre celui que d'habitude on néglige, celui qu'on tient pour rien, qui ne compte pas.
Dans les sordides affaires de pédophilie, précisément mettre l'enfant au milieu, avant la protection des institutions et des adultes.
Dans les affaires de migration, précisément mettre les migrants au milieu, avant la protection des nantis que nous sommes par rapport à eux.
Dans les affaires d'élections, précisément mettre au milieu les plus fragiles des électeurs et des citoyens, avant tout le reste.
Dans les affaires d'enseignement, précisément mettre au milieu les élèves les plus difficiles, pour que l'ensemble des classes soit stimulé en leur faveur.
Et chacun complètera la liste…
Mais si l'on essaie de procéder ainsi, on est certain, nous dit Jésus, de ne pas se tromper d'ambition : "Si quelqu'un veut être le premier, qu'il soit le dernier et le serviteur de tous." (Mc 9,35)

dimanche 16 septembre 2018

Pierre et Satan

"Passe derrière moi, Satan!" (Mc 8, 33) La réprimande vigoureuse de Jésus à l'encontre de Pierre, dans l'évangile proclamé aujourd'hui, marque un tournant dans la foi chrétienne. Pierre a très justement proclamé que Jésus est le Messie, le Christ, mais il se fait de lui une idée trop humaine : un Messie de gloriole et de prestige, en aucun cas compatible à ses yeux avec ce que Jésus lui-même annonce quand il parle ouvertement de la Croix inévitable, et de souffrances endurées de la part des dignitaires religieux de son temps. Pourtant, telle est la pensée de Dieu sur le salut des hommes : il doit passer par la contradiction assumée, par le fait que chacun prenne "sa" croix pour suivre Celui qui va être crucifié. Pas d'autre moyen d'être chrétien : prendre sa croix, c'est accepter le réel et renoncer "à soi-même", c'est-à-dire à ses fantasmes, à ses rêveries, à son cinéma intérieur. Accepter sa propre faiblesse et son indignité : la croix n'est pas d'emblée glorieuse. Refuser que l'Institution, si habile pourtant à dissimuler, ne cache les failles pour mieux imposer ses velléités de domination. Refuser ce que le pape appelle à juste titre le "cléricalisme" - c'est cela, le cléricalisme, cette volonté des gens d'Institution de maintenir coûte que coûte les apparences, même au prix des pires mensonges.
La crise qui affecte l'Eglise catholique aura, espérons-le, au moins ceci de bon : ramener chacun à la réalité. Refuser, par exemple, une morale sexuelle sublimée mais complètement fantasmée, idéologique et destructrice parce que poussant les personnes à la dissimulation, à la fraude, et finalement à la perversion - un comble, déjà compris par les théologiens scolastiques et leur formule Corruptio optimi pessima, "la pire perversion est celle du meilleur."
Nous avons besoin d'une conversion au réel, si nous ne voulons pas nous faire nous aussi traiter de "Satan"...

dimanche 2 septembre 2018

L'intérieur et l'extérieur...

L'évangile de ce dimanche m'a fait songer à la Grande Thérèse d'Avila. Cette Espagnole aimait à dire, comparant notre vie spirituelle à une architecture, à une maison, que nous vivons d'habitude "en terrasse", à l'extérieur de nous-mêmes : nous paradons, nous jouons notre personnage, nous voulons être pris pour ce que nous disons être, etc. Nous purifions l'extérieur de la coupe et du plat… Mais nous nous risquons peu dans les caves, dans l'intériorité : là, il fait sombre, sans doute ces lieux inexplorés sont-ils remplis de toiles d'araignées et sans doute avons-nous peur de nous y aventurer. Pourtant, c'est là que le Christ nous rejoint en son incarnation, dans les recoins obscurs de nous-mêmes, dans les non-dits oubliés, refoulés, de nos petites enfances, là où s'originent nos rancunes, ce que Jésus appelle nos "perversités".
C'est là qu'il faut descendre…
C'est là que nous sommes attendus pour y être purifiés et guéris par "le vrai Médecin des âmes et des corps."
Et pour devenir, peu à peu,   de vrais vivants… plus facilement vivables aussi pour ceux qui nous entourent!

lundi 27 août 2018

Le pape et le changement

Elu pape le 13 mars 2013, François l'a été pour changer l'Institution catholique - cela ne fait aucun doute. Cet homme déjà âgé remplit sa tâche et, évidemment, reçoit des critiques de partout, de l'intérieur comme de l'extérieur de ladite Institution. C'est de bonne guerre - mais c'est une guerre. Et les plus violents sont probablement les ennemis de l'intérieur, les opposants à toute réforme, qui prétendent s'appuyer sur le "dogme" ou qui, sans autre preuve que leur propre parole, reprochent au pape d'être coupable de ce qu'il dénonce chez d'autres évêques, en particulier la complaisance vis-à-vis de comportements pédophiles que ces évêques auraient eux-mêmes commis ou qu'ils auraient couverts chez leurs prêtres. En retournant l'argument contre celui qui enfin dénonce ces travers, et en prétextant  pour cela le soi-disant respect de la Tradition, on s'enfonce plutôt dans la latrine…
Quant aux propos tenus dans l'avion lors de la traditionnelle conférence de presse, retour d'Irlande, sur l'homosexualité, il ne me semble pas que François ait rien dit de déraisonnable, au contraire. Conseiller à des parents dont les enfants présentent des tendances homos de consulter, non pas, évidemment, pour les  faire changer, mais pour accompagner tout le monde dans la gestion, au quotidien, de ces tendances,  c'est du bon sens. Car nos sociétés, par certains côtés si "ouvertes", sont encore dans leur fond très homophobes : n'est-ce pas ici en Wallonie que récemment un échevin a été contraint à la démission de son parti pour des propos autrement injurieux que ceux du pape, qui, eux, ne l'étaient pas du tout?


Je le dis avec force : ceux qui critiquent ce pape, de l'intérieur ou de l'extérieur de l'Institution ecclésiale, sont ceux qui, pour des motifs sans doute différents mais en vérité complices, veulent que rien ne change, jamais. Ce sont des conservateurs, des rétrogrades et souvent des salauds.

mercredi 22 août 2018

"Comme je voudrais une Eglise pauvre..."

On se souvient peut-être de ce mot du pape François, lors de l'inauguration de son pontificat, le 19 mars 2013 : "Come vorrei una Chiesa povera e fatta per i poveri", "Comme je voudrais une Eglise pauvre et faite pour les pauvres."
La présent rebondissement de la crise incessante autour de la pédophilie offre à l'Eglise une nouvelle occasion de rencontrer ce souhait. Car la pauvreté véritable n'est pas d'abord le dénuement matériel, mais spirituel : être privé de ses certitudes, de son bon droit, et partant, de son arrogance, connaître la honte d'être pris en faute, se voir arracher le drapé de sa soi-disant pureté, découvrir la saleté, la corruption, le mensonge et le reste de la misère humaine que l'on eût voulu cacher à tout jamais. C'est une expérience qui, je l'espère, interdira désormais à l'Institution de porter sur le monde et surtout sur les personnes des jugements péremptoires.
En ce sens, pour douloureuse qu'elle soit, une expérience purificatrice.
Espérons-le!

mardi 14 août 2018

QUINZE AOÛT RAGEUR

On ne peut pas, dans un pays "parangon de la démocratie", enfermer sans jugement des familles et des enfants. C'est un point de non-retour. Cela crie vengeance au ciel. On n'enferme pas des innocents.
C'est contraire :
- à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme;
- à la Convention Européenne des Droits de l'Homme;
- à la Charte des Nations Unies sur la Protection des Droits de l'Enfance,


tous textes solennels dont la Belgique est signataire, ce qu'elle semble renier par les dispositions législatives exécutées ces jours-ci.


La solennité de l'Assomption de la Sainte Vierge, protectrice des âmes ET des corps, Mère de Jésus, Mère de Dieu et Mère de l'innombrable Eglise, finalement Mère des Hommes dans la Nouvelle Création, sera je l'espère marquée par une intercession féconde : que cessent, à peine commencées, ces pratiques qui déshonorent notre pays!


J'entends malheureusement peu de voix s'élever, peu de femmes et d'hommes politiques s'indigner, comme si les torpeurs du mois d'août favorisaient le n'importe quoi, et en particulier le glissement vers des méthodes fascisantes de gouvernement. J'attends les réactions, que chacun se brûle un peu les ailes, merde, en se fichant de la discipline de parti dont personne n'a que faire, et surtout en se fichant des populismes rampants qu'il faut détruire à la base.


Elections en octobre.
On verra...

dimanche 29 juillet 2018

Visite au camp du Patro d'Enghien

J'ai eu la joie d'aller ce dimanche visiter le camp du Patro des garçons d'Enghien, camp établi à Bastogne. Très belle tenue de ces enfants et des grands jeunes qui les accompagnent, un véritable esprit de famille -  quelle richesse de vie et de foi!
J'ai célébré la messe de ce dimanche avec eux, dans un recueillement impressionnant. "Ca nous fait du bien à tous, cette pause de prière dans notre camp", m'a confié Louis, le Président, qui me raccompagnait ensuite à ma voiture.
Je remercie de tout cœur les dirigeants du Patro - je sais que je peux en dire autant des filles, que je n'ai pas eu l'occasion d'aller voir cette année (pélé à Lourdes oblige!).

jeudi 26 juillet 2018

Est-il raisonnable de croire?

De partout, et de plus en plus, on voudrait nous persuader, dans les pays du Nord de l'Europe, que la foi n'est pas raisonnable, qu'il est n'est pas utile, voire même qu'il est dangereux de l'enseigner - sauf peut-être sous la forme aseptisée d'histoire comparée et distanciée des religions -, que c'est un ramassis de croyances passablement débiles qu'il faut maintenir dans le domaine privé, etc., etc. Alors, faisons le point : est-il raisonnable de croire?
Prenons l'exemple chrétien (car la foi, en ses diverses manifestations religieuses, est heureusement infiniment multiple.) Quel est le "noyau" de son annonce? Que Jésus, un homme juif, palestinien, ayant très sûrement vécu il y a environ deux mille ans, est mort à la suite d'un double jugement religieux et politique, condamné au supplice de la croix, pour avoir perturbé l'ordre social par ses propos contraires à certaines interprétations autorisées de sa religion. Que ses disciples, après sa mort, l'ont proclamé vivant d'une vie nouvelle, "ressuscité" et désormais incapable d'être atteint par la mort. Qu'il est dès lors en effet "le Messie" attendu par ceux-là mêmes qui l'avaient jugé et condamné, l'Envoyé de Dieu, Dieu lui-même entré dans la chair et l'histoire des hommes. Que ceux qui, par le baptême, adhèrent à lui, se laissent envahir par lui, deviennent ses disciples non pas seulement intellectuellement mais existentiellement, par le moyen des sacrements, sont associés à sa victoire sur la mort et à toute forme de mort, du corps, du cœur, de l'âme et de l'esprit.
Est-il raisonnable de penser cela et de croire à cela? C'est sans aucun doute déconcertant pour des esprits et des intelligences qui estiment que seule la science et ses "vérités" assurent le progrès de l'humanité. Ce n'est donc pas "rationnel", sans doute, mais c'est néanmoins "raisonnable" : cela n'est pas contraire à la raison humaine, et celle-ci peut même trouver que l'espérance croyante - chrétienne, en l'occurrence - l'accomplit,  car la raison humaine sait bien, si elle est précisément raisonnable, qu'elle ne vient pas à bout toute seule de l'énigme de sa condition.
C'est ainsi que l'être humain est, a toujours été et probablement sera toujours un homo religiosus : un "homme religieux",  un être d'espérance. Et c'est là un trait distinctif de son "espèce", par rapport sans doute aux animaux avec lesquels (du moins avec un certain nombre desquels, par exemple les mammifères) il partage tant de traits communs.
Je rentre de Lourdes, où j'ai accompagné le pèlerinage diocésain avec cinquante-quatre paroissiens d'Enghien et de Silly - nous nous sommes insérés, avec beaucoup de bonheur, dans les milliers de pèlerins du diocèse et du monde entier qui affluent sans cesse dans la cité mariale. J'ai vu des malades, beaucoup - des gens souvent très durement atteints dans leur santé. J'ai vu des jeunes - beaucoup, et emplis d'enthousiasme. J'ai vu des milliers de personnes porter leur vie devant ce que Bernadette appelait elle-même "cela", au début des "apparitions" en février 1858, et qu'elle finit par nommer "la Dame". Beaucoup, beaucoup de choses ont  sans doute été vécues  sur le même mode avant même le christianisme : je songe à Delphes et aux processions d'Apollon vers la Pythie, à Athènes et aux processions des Panathénées vers Athéna - du "païen", me direz-vous, oui, en effet, mais du religieux, déjà… Était-il déraisonnable, ce religieux naissant dans le pays où naissait en même temps, et en connivence, la raison philosophique, dans l'Athènes de Socrate, de Platon et d'Aristote?
Les chrétiens, pour revenir à eux, et les catholiques en particulier, se sont toujours méfiés du "fidéisme", c'est-à-dire d'une foi qui se donnerait le droit de vivre fermée sur elle-même, sans répondre aux exigences de la raison. Le Concile Vatican I, au XIXème siècle, l'a hautement proclamé, et avant lui, cette nécessité d'une approche critique de la foi avait illuminé l'Occident avec des penseurs comme saint Augustin, saint Anselme, Maître Eckhart, Pascal et Descartes (oui, Descartes, fondateur du "cartésianisme", était chrétien et se revendiquait de la foi chrétienne, et se retournerait dans sa tombe si on le faisait passer pour un athée…) et tant d'autres.
Alors, est-il raisonnable de croire? En tous les cas, ce besoin humain qu'honorent tantôt bien et tantôt mal les religions, est un besoin qui ne semble pas contraire à la raison, et qui, dans le meilleur des cas, éclaire celle-ci et lui donne des perspectives inattendues.

mercredi 27 juin 2018

Emmanuel et François

On pense ce qu'on veut du pape.
On pense aussi ce qu'on veut de l'actuel Président de la République Française.
Le fait est qu'ils se sont rencontrés hier à Rome, et que cette audience privée a été la plus longue - jusqu'à présent - du pontificat de François, et s'est conclue par une accolade peut fréquente, inédite, dans ces entretiens diplomatiques.
Certains crient au compromis : Macron donnerait des gages de gentillesse au pape, pour mieux lui faire avaler les réformes qu'il a promises en matière de bioéthique (PMA, euthanasie, etc.)
J'en doute : les régimes politiques sont indépendants du religieux, le pape actuel est le premier à le savoir, même si évidemment il rappelle les points de vue - légitimes - de l'Eglise Catholique en ces domaines, mais dans un dialogue qui ne remet jamais en cause l'indépendance susdite.
Il me semble que l'affaire a un autre intérêt.
Voyons les Chefs d'Etat contemporains, ceux des "grandes puissances"  ou de quelques Etats, de plus en plus nombreux, de l'Union Européenne : Trump, Erdogan (au pouvoir récemment renforcé), Poutine, et en Europe la Hongrie, la Pologne, l'Italie, la Belgique (hélas!) : tendance populiste et nationaliste, quelquefois à relents fascisants.
L'Espagne, la France, la Grèce, quelques autres, essaient de résister.
Evidemment, ils ne m'étonnerait pas qu'ils recherchent et qu'ils trouvent un appui auprès du pape, pour favoriser une politique d'accueil en matière de migration, d'ouverture d'esprit en matière d'environnement, de générosité en matière de solidarité chez nous ou avec les autres pays de la Planète.
Il y a peut-être des simagrées. Mais je crois que, plus profondément, ceux-là se comprennent, s'estiment, se soutiennent.
Et j'ai l'impression que, sur l'échiquier international, comme on dit, ce n'est pas plus mal…
(Euh, je sais que certains trouvent Macron trop à droite, trop pour les riches, etc., et c'est bien possible. Mais je leur rappelle gentiment que, aux dernières élections présidentielles françaises - suffrage universel -, c'était, au second tour, lui ou Madame Le Pen…)

mardi 26 juin 2018

La Procession d'Enghien, encore une fois... Et les ordinations à Tournai

Dimanche dernier, le 24 juin, coïncidait exactement avec la Grande Procession de la Saint-Jean d'Enghien - Enghien fut en effet d'abord une église décanale dédicacée au Précurseur, Jean le Baptiste, dont une légende locale prétend qu'on retrouva la petite statue de bois flottant, au Moyen Âge, sur l'un des cours d'eau de la Cité. En tous les cas, cette petite statue en bois est l'un des fleurons de la Procession, aujourd'hui encore, au milieu de beaucoup d'autres, portés par plus de six cents personnes, dont au moins la moitié de jeunes! Et la participation dans les rues n'est pas moindre que dans les groupes : beaucoup de personnes, "à leur fenêtre" ou sur le seuil de leur porte, qui ont orné pour l'occasion, surtout dans les quartiers les plus modestes, leur devanture d'un cierge, d'un crucifix ou d'une statue : émouvante, cette piété est de la vraie piété populaire.
Le Baptiste, tiens, dont on fête la naissance terrestre au solstice d'été, puisque les jours vont commencer à raccourcir - tandis que, six mois plus tard, on fêtera la naissance terrestre de son cousin Jésus, "Celui qui doit venir", "Celui dont il n'est même pas digne de défaire la courroie des sandales", "Celui qui doit grandir alors que moi, je dois diminuer", disait Jean : figure de retrait dans l'accomplissement des promesses, genre : "Moi j'ai préparé, lui il fera tout!"  Et comment qu'il a préparé : en dénonçant l'injustice, en disant aux gens qu'ils devaient se purifier, en gueulant depuis son désert - comme cette année (année électorale…), il y avait pas mal de représentants du monde politique local, je leur ai fait doucement observer que ce Baptiste donnait un bon modèle de programme pour les semaines à venir!
C'est aussi un beau modèle de prêtre : dans l'après-midi étaient ordonnés prêtres, en la Cathédrale de Tournai, trois nouveaux confrères, dont notre ami Simon Naveau, qui a accompli ici un stage pastoral remarquable et remarqué. Trois jeunes adultes, déjà hyper-diplômés, et qui renoncent à beaucoup de confort matériel pour devenir eux aussi des "Jean Baptiste", des gens qui ne tirent pas à eux la couverture, mais qui annoncent un autre qu'eux comme Sauveur : ils montrent du doigt, ils désignent l' "Agneau de Dieu", sans jamais se prendre pour lui. Belle vie et beau ministère à eux trois, que nous aimons comme des frères plus jeunes, que nous aimons donc plus encore…
Jean Baptiste et Enghien : les  Enghiennois, toujours prompts à raccourcir les noms et à en faire des surnoms, ont fait du Baptiste le "Tiste", d'abord", puis en enghiennois, le "Titje".
Et voilà pourquoi nous sommes des "Titjes", fils et filles du Baptiste, après tout la filiation est recommandable. Il me semble que, vu la ferveur populaire, permise par l'admirable et efficace "Comité de la Procession" cette année encore, beaucoup, beaucoup d'Enghiennois se sont reconnus dans cette antique filiation… Pour la joie de tous!

vendredi 22 juin 2018

Il y a un Islam magnifique...

Parmi les tâches qui clôturent l'année académique, les examens ne sont pas rien… Ils permettent de faire le point sur les études entreprises, sur les matières assimilées, sur la qualité des cours enseignés. Quelquefois, ils réservent d'agréables surprises. Faisant passer cette année les épreuves qui validaient à la Faculté de Théologie de l'UCL mon cours sur "L'Histoire de la Spiritualité Chrétienne", j'ai eu le bonheur d'entendre, entre autres, trois étudiants musulmans - une fille et deux garçons.
Ces jeunes gens veulent approfondir de la façon la plus scientifique possible leur connaissance non seulement de leur propre religion, mais aussi des autres et, en particulier, des autres monothéismes. Ils le font avec une ouverture d'esprit et de cœur qui m'a vraiment retourné. Il y a chez eux une bienveillance intellectuelle qui les rend capables de voir la richesse d'une tradition spirituelle autre que la leur propre. J'ai entendu des commentaires sur tel passage des Confessions de Saint Augustin, sur telle Homélie de Saint Bernard de Clairvaux, sur tel Sermon de Maître Eckhart, sur telle Conférence du Cardinal de Bérulle… que j'en suis resté baba! Ba-ba! Car on peut savoir des choses, intellectuellement, parce qu'on les a emmagasinées, mais on peut aussi connaître les choses, c'est-à-dire les co-naître, naître à leur contact dans une vision du monde élargie, renouvelée…
Ces trois-là, qui sont déjà inscrits à mon autre cours de l'an prochain portant, lui, sur "La Lecture de Textes Spirituels Catholiques Contemporains", veulent être chez nous les pionniers d'un dialogue bienveillant, ouvert, érudit. De tout mon cœur je les admire et je les encourage. Face au vide politique en ce qui concerne la place des religions dans la société - alors que la question est cruciale, le monde politique répond en général par de vieux réflexes de séparation laïciste -, face au besoin de plus en plus criant de voir se lever dans l'Islam de chez nous des intellectuels capables de rendre raison de leur foi en un dialogue réel avec d'autres, fondé sur une formation adéquate, ces jeunes donnent un magnifique exemple de ce que les religions peuvent produire de mieux. Ils montrent un visage trop méconnu de l'Islam, souriant et bienveillant.
Ils seront la joie de mes vacances et, j'espère, des vôtres!

mardi 5 juin 2018

La Convention Européenne des Droits de l'Homme

Votée à Rome  en 1950 avec le souci d'appliquer en Europe la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948, la Convention Européenne des Droits de l'Homme est entrée en vigueur en 1953. Elle oblige aujourd'hui  tous les pays de l'Union Européenne. Monsieur Francken, Secrétaire d'Etat du Royaume de Belgique, chargé, entre autres, de l'asile et de la migration, vient de déclarer qu'il fallait "contourner" l'article 3 de cette Convention.
Pour que les choses soient claires, ou pour information, voici donc le texte - bref - de cet article 3 :


"Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants."


Chacun jugera...

dimanche 3 juin 2018

Les plus belles conversations...

J'ai eu, durant tout ce printemps, la joie de confirmer beaucoup de jeunes dans la foi, par ce sacrement qui scelle sur eux le don de l'Esprit. Encore ce matin, une dizaine, à Bassilly. A chaque onction, j'aime par-dessus tout ce petit moment magnifique, comme volé au temps, de la conversation - une conversation brève, certes, quelques secondes, mais faut-il être long pour être intense?
Qu'est-ce qu'on se dit, dans ce face à face entre "confirmateur" et "confirmé"?
L'essentiel.
"Es-tu heureux (-se)?"
"Oui"
"De ce jour-ci ou en général"
"Les deux"
"Au plus profond de toi, maintenant, tu as la source du bonheur : l'Esprit même de l'amour. Fais-lui confiance, toujours."
"Oui, je le sais bien."
"Tu promets de ne jamais être triste au point de désespérer, même si tu dois traverser des épreuves."
"Oui, je promets. "
"Tu seras fort(e) maintenant, hein, et garde toujours ce magnifique sourire que je vois sur tes lèvres!"
"Oui"
"Alors, vas-y!"
(Et une petite tape amicale pour l'envoyer dans la vie de l'Esprit!)


Quelle joie partagée avec ces jeunes. A la sortie, avant que les photographes amateurs ne viennent flasher, je leur demande : "C'était pas trop long?"  - "Oh non, me dit un grand gamin tout joyeux, moi je trouvais que ça aurait pu durer encore." "Oui, bien sûr, lui dis-je, mais tu dois penser que moi je suis vieux, alors je ne peux pas tenir plus longtemps." - "Ah, si c'est ça, ok!" (On est potes, ou on ne l'est pas...)


Mais quel bonheur!

samedi 2 juin 2018

Traiter la religion avec les égards qui lui sont dus...

Les épouvantables tueries de Liège donnent encore et encore à penser. Evidemment, on a affaire à de la délinquance, à de petites frappes qui se récupèrent en prison autour de projets délirants, et qui n'ont plus rien à perdre.
La société occidentale a une responsabilité énorme là-dedans : elle n'est guère parvenue à faire des prisons des lieux autres que de moisissure, qu'il s'agisse du reste de l'architecture ou des détenus. Ce n'est pas normal : les prisons, dans leur fonction, doivent œuvrer à la réinsertion sociale, elles n'en ont pas les moyens, ni humains (en personnel, par exemple: que gagne par mois un gardien?), ni psychologiques, ni spirituels... Echec, prévu de longue date dans le livre indépassable du Philosophe Michel Foucault, Surveiller et punir... depuis des décennies! Il y a donc une profonde réforme à penser, à mettre en œuvre, non seulement de répression du mal, mais de son "traitement", en envisageant ses origines sociales, ses complicités, les insuffisances qu'il dénote en matière scolaire, économique, etc. Nos politiques, ceux qui vont se présenter à nos suffrages, d'abord dans quelques mois, pour les communales, puis dans un an, pour les législatives, que disent-ils là-dessus? Mais nous, les interrogeons-nous là-dessus? Que leur faisons-nous dire là-dessus? Certains pays de l'UE sont plus décidés que nous sur ces questions, en particulier les pays scandinaves - interroge-t-on leurs pratiques?
Malheureusement, outre le sort général des prisons, la religion entre pour une bonne part, semble-t-il, dans un processus en effet  pénitentiaire, qui exacerbe des rancunes et provoque des passages à l'acte pour des délinquants "en fond de peine" (et qui parient là-dessus pour n'être plus surveillés du tout, c'est-à-dire que n'ayant bénéficié d'aucune remise de peine, ils ne sont plus contrôlables, manière évidente de tourner la générosité du système en faveur d'une impunité inédite).  La religion, oui, comme prétexte, pour des gens qui trouvent dans cet horizon prétendument eschatologique ("tu iras au Paradis") une justification à leur rancœur de malades mentaux.
S'ils ont pu, s'ils peuvent, se servir de la religion (quelle qu'elle soit) comme prétexte à leurs actes terroristes, c'est bien sûr que le système pénitentiaire est mal adapté,  qu'ils sont des fous non repérés comme tels par ce même système alors que leur place devrait être en "défense sociale" psychiatrique, mais c'est aussi que la religion est mal connue et mal traitée dans nos sociétés. Sous le prétexte de la laïcité (qui est une excellente chose, cette séparation bienvenue des pouvoirs), celles-ci en effet ont tendance à se moquer du religieux, au mieux à le folkloriser, au pire à le dénigrer et à mépriser les personnes qui "croient encore à tout cela".
La réaction, attendue par ceux qui connaissent un peu l'histoire du phénomène religieux dans les sociétés humaines, est, et ne peut être, qu'un boomerang.  En prend-on la mesure?

jeudi 31 mai 2018

Nomination importante au Collège Saint-Augustin d'Enghien

Cet après-midi, jeudi 31 mai 2018, à 16h15, le Personnel du Collège d'Enghien a été officiellement informé de la nomination, ratifiée par Mgr l'Evêque de Tournai, de Madame Vinciane DEMEZEL au poste de Directrice Générale (Principale) du Collège, en remplacement de Monsieur Benoît PLETINCKX, qui fait valoir ses droits à la retraite. Madame DEMEZEL prendra ses fonctions début janvier 2019.
Au nom de Mgr Harpigny, évêque de Tournai, avec lequel j'avais passé une bonne partie de la journée en Conseil Presbytéral, et qui m'avait chargé de cette mission, j'ai remercié chaleureusement le Personnel et l'Equipe éducative du Collège ainsi que les Equipes de Direction pour l'excellence du travail accompli, dont le diocèse est légitimement fier et heureux, un travail qui se poursuivra avec la même et unique préoccupation : le développement harmonieux et humaniste des élèves.
Monsieur Jean-Pierre Viaene, Président du Pouvoir Organisateur, a annoncé cette nouvelle importante dont on retiendra sans doute d'abord qu'elle place pour la première fois une femme à la tête de l'un des établissements scolaires  diocésains les plus importants du Hainaut.


(Madame Vinciane DEMEZEL, née en 1970, est Agrégée de l'Enseignement Secondaire Supérieur en Sciences Mathématiques depuis juin 1994; elle est Professeur au CSA d'Enghien depuis avril 2002, et enseigne les mathématiques et l'informatique. Elle participe activement à la Pastorale scolaire, à l'Association Royale des Anciens, au projet humanitaire Komla, au plan de pilotage de l'école, entre autres.)

mercredi 16 mai 2018

"Contre les violents tourne la violence..."

Quand la violence a-t-elle commencé? Question de cour de récréation, de cour d'école fondamentale : "Qui est-ce qui a commencé?"
La décision entérinée par les Nations Unies de créer en 1948 l'Etat d'Israël faisait sans nul doute justice à un Peuple qui, dans l'Histoire, a été infiniment dénigré, dispersé, pourchassé, et qui l'avait été d'une façon odieuse dans l'Europe des années précédentes. Cette décision généreuse restituait à ce Peuple une part importante de sa terre ancestrale.
La même décision, du coup, provoquait l'exode des précédents occupants, les Palestiniens, obligés de se réfugier dans des camps "provisoires" aux bordures des pays limitrophes. A l'époque, au début, probablement y avait-il vraiment moyen de s'entendre...
Mais les années ont passé et durci les rancoeurs, recuit les oppositions : aux violences des uns ont répondu les annexions des autres, les occupations de territoires malgré les avis négatifs des Nations Unies, les colonisations.
Aujourd'hui, tout semble bloqué : une population est marginalisée, l'autre prétend "se défendre" en envoyant une armée terriblement efficace exécuter - il n'y a pas d'autre mot - des manifestants certes provocateurs et qui n'ont rien à perdre, sans doute en effet soucieux d'exhiber face aux medias d'Occident leurs morts, y compris leurs enfants morts, parce que c'est leur seule manière de protester encore.
Les Nations Unies, "le machin", comme disait De Gaulle, sont impuissantes.
Les grandes nations, les grandes puissances, ou se taisent (à peine quelques murmures de protestations entendus en Europe, du bout des lèvres, en France ou chez nous) ou jettent de l'huile sur le feu (le Président des USA, qui prend fait et cause pour le sionisme le plus dur, et très probablement pour des raisons non seulement diplomatiques mais financières.)
Sur place, des Juifs, des Chrétiens, des Musulmans, hommes et femmes de bonne volonté, appellent encore et encore au dialogue : il ne faut jamais cesser d'y croire. Le pape les appuie, disant ce midi son "inquiétude" lorsque des voies violentes sont empruntées, lorsqu'on veut passer par la force - cela, dit-il, ne conduit jamais qu'à un surcroît de violence, mais en aucun cas à l'apaisement.
Entendant cet appel aujourd'hui, je songeais au vers d'Aragon : "Contre les violents tourne la violence." On ne sait pas si le poète a conjugué le verbe au mode subjonctif - un souhait - ou indicatif - un constat.
J'espère que soit exacte seulement la seconde hypothèse, la seconde lecture, car il ne faut jamais souhaiter que la violence revienne comme un boomerang vers ceux qui l'exercent. Mais, constatant qu'elle le fait toujours, il faut prier pour que puisse s'installer là-bas une communication de la paix, une "méta-communication", qui fasse sortir ces peuples aimés d'une spirale destructrice pour tous les deux.

jeudi 3 mai 2018

Contester le système

Longuement reçu, ce midi, et déjeuné avec mon ami Pierre. Pierre a 26 ou 27 ans, je ne sais pas au juste, et il est le prototype du garçon le plus intelligent  que peut produire notre pays. Futé, bardé de diplômes, ayant tout vu, ayant passé une partie de sa formation aux USA, parfait polyglotte, avocat d'affaires, promis, comme on dit, à un avenir brillant. Il est "athée", comme il dit, même si je lui fais souvent remarquer que ces catégories de nos jours, hein, ça ne veut plus dire grand chose. Je l'aime de tout cœur, comme s'il était mon gamin - révérence gardée pour ses parents, que je connais bien, et qui sont aussi des amis!
Nous avons donc parlé, une nouvelle fois, de tout, de lui, de moi (un peu, ce n'est pas le sujet intéressant), de son métier, de sa vision du monde, de ses déceptions, de ses projets... Vraiment, quel bonheur de le voir!
Je retiens ceci : il a tout compris du "système" dont il fait partie, dans une société d'affaires affairée à faire des sous (l'allitération est voulue, voyez-vous...) Il y est productif et tout (et tous) le pousse(nt) à faire encore plus de sous, pour lui-même d'abord et pour la rentabilité du système en question. L'horizon de vie des cadres? Des sous, des sous à n'en savoir qu'en faire, des sous à accumuler pour les dépenser dans des frivolités dont on prétend qu'elles font "tourner l'économie" (voitures, voyages, maisons, investissements). Entre collègues, les sujets de conversation? Les sous, comment on les gagne, comment on les place, comment on fera pour en gagner davantage. Le récit, n'eût-il été si dramatique, et si dramatiquement vrai, était à pleurer... de rire!
Pierre a compris. Il ne veut pas enterrer sa vie dans cette vie-là. Il veut vivre.
L'alternative?
S'occuper, dit-il, de ceux que le système rejette comme une centrifugeuse. Ceux à qui l'on donne de temps en temps une croûte en compensation ou en consolation.
Alors il prend maintenant tout son temps avec des femmes sans mari mais chargées d'enfants qui doivent boucler le mois avec 750 euros. Et il dit qu'il veut mettre ses compétences au service de ces personnes-là.
Je l'aime, mon Pierre.
Je suis très fier d'être son ami...

jeudi 26 avril 2018

Obéir, désobéir... à quoi obéit-on? Une bonne conférence du "CAL" Enghien-Silly

Je rentre d'une conférence organisée par le Centre d'Action Laïque Enghien-Silly, conférence donnée par Jean-Michel Longneaux (UNamur) sur le thème : "A quoi obéit celui qui désobéit?" Ma première impression est que l'orateur a vraiment joué son rôle de philosophe : questionnant les motivations de ceux qui obéissent ou désobéissent, ou qui prônent la désobéissance ou l'obéissance, qu'elle soit civile ou autre. Je veux dire par là qu'il a mis en cause nos idéologies, qui sont souvent le substrat de nos raisons exprimées dans nos débats et prises de position, pour dire que nos libertés sont beaucoup plus contraintes qu'on ne le croit. Et en particulier qu'elles sont contraintes par du "viscéral", par des raisons qui sont moins intellectuelles que des raisons de vivre, ce que les philosophes autrefois appelaient nos "passions". C'est évidemment dérangeant, car nous avons tous tendance à nous considérer comme parfaitement autonomes et responsables. Mais le rôle du philosophe n'est-il pas de "déconstruire" (Derrida) ou d'ôter les illusions (Marx), pour rappeler à lui "l'homme déçu, enfin devenu raisonnable" (Marx encore, dans La Philosophie du Droit de Hegel, je crois)? J'ai aimé cette soirée de "libre pensée", durant laquelle en effet la pensée a été libre...

samedi 14 avril 2018

Rome, le pape, résonances...

Après les magnifiques célébrations  de Pâques vécues ici en paroisse (des centaines de personnes à la Vigile et au Jour de la Résurrection, dans une ambiance de fête : des paroissiens, à l'issue du Samedi Saint, me disaient qu'ils partaient avec de la joie, rien que de la joie au cœur, et comme je veux remercier ces communautés vraiment chrétiennes!), après donc ces moments de bonheur, je me suis envolé pour Rome à l'invitation du pape, qui souhaitait rassembler et rencontrer les "missionnaires de la miséricorde" institués et créés à son initiative. Un colloque, entre Latran et Vatican, nous a permis de mieux cerner les désirs du Saint Père à notre égard et, au milieu de ce colloque de plusieurs jours, une longue rencontre avec lui, mardi dernier, dans la Sala Regia du Palais Apostolique, suivie de la messe concélébrée à la "Chaire de Pierre".
J'ai été bouleversé par les propos tenus - et j'ai eu l'occasion de le lui dire, et de le remercier. Quels propos? "Que personne ne reparte de chez vous, de chez nous, sans la certitude d'avoir été accueilli et écouté. Arrêtez de demander aux gens leurs 'papiers' , vous n'êtes pas des douaniers. Vous ne connaissez rien à la grâce de Dieu surabondamment offerte à tous, ne la méprisez pas, n'essayez jamais de la limiter." Les "pouvoirs" d'absolution que le pape nous donne - les siens propres - ne sont à ses yeux qu'un indice de cette miséricorde universelle qu'il veut rendre absolument absolue. Il y a trente-cinq ans et plus que j'attendais ce discours. J'en étais, en reste, et en resterai ému aux larmes. Il y a chez cet homme une intelligence du cœur qui vaut mieux que toutes les intelligences.
J'aurai vécu là de très grands moments de joie spirituelle profonde, authentique, et de partage inattendu avec le Successeur de Pierre. Je lui ai confié tout mon ministère, tous les paroissiens que je citais plus haut et qui me sont si chers, en particulier les malades et lui, comme un père aimant, les a accueillis et embrassés dans sa prière.

mercredi 21 mars 2018

La science, la foi, la vérité...

Je voudrais revenir sur l'excellence de nos conférences de ce Carême 2018. Comme chaque année, nous avions choisi un thème de société : science et foi sont-elles rivales, ennemies, complémentaires, dans la recherche de la vérité? Vaste programme!
C'est que des scories traînent dans notre histoire intellectuelle : le scientisme du XIXème siècle, qui affirmait que seule est "vraie" la vérité scientifique, a encore certains partisans (âgés sans doute). Il n'y aurait donc de vrai, dans cette hypothèse, que le vrai de la science (de la science dite exacte, bien entendu, celle qui mesure, jauge et quantifie). Le reste, illusions, poésie, littérature, bêtises, mais en aucun cas vérité...
Il fallait donc réfléchir à ce qu'en pensent aujourd'hui les meilleurs spécialistes. Ce fut fait, ou disons, pour être modeste, ce fut initié. Benoît Bourgine nous a montré les attendus idéologiques, quelquefois non déclarés, de ceux qui prétendent que la science et d'autres modes de connaissance se livrent une guerre sans merci, une "guerre des mondes"... Faux, dit-il, cela ne fut jamais vraiment le cas sauf dans la tête de caricaturistes de la recherche, et cela l'est moins que jamais aujourd'hui.
Et s'il y a d'autres mondes? Et si notre terre, petite planète d'un système solaire navigant au milieu de milliards d'autres étoiles, n'était qu'un tout petit bout du réel? Probable, dit l'astrophysicien Jacques Arnould, et alors? Cela ne renvoie-t-il pas notre foi, si nous sommes croyants, à l'accueil d'une altérité bien plus grande que celle dont nous avons idée, à une générosité bien plus large?
Et lorsque la science multiplie ses techniques d'investigation et de soins, en particulier de soins médicaux, est-ce une raison pour lui alénier notre liberté de penser et de croire? Félicitons ses avancées, profitons-en, sans doute, mais sans jamais leur céder notre libre-arbitre, ni la qualité des prévenances  que nous nous devons les uns aux autres, et qui ne leur est pas subordonnée. Michel Dupuis, avec compétence, expérience, humour, aussi, nous l'a brillamment rappelé.


Maintenant, chacun est renvoyé à sa propre réflexion. C'est - encore pour quelques jours - le carême, temps de méditation et de formation, d'intériorité, aussi. Laissons mûrir en nous ce qui nous a été enseigné avec compétence et simplicité, laissons grandir notre soif de Pâques, non seulement du printemps - qui renouvelle tant de choses! -, mais de Pâques, qui ressuscite tout - et cela, c'est encore une autre affaire!


Prochain rendez-vous de Carême : les "Leçons des Ténèbres" de Couperin (XVIIème siècle), trois pièces de la musique la plus belle du monde pour nous introduire au Mystère des Jours saints, du Triduum, de la Croix et de la Vie. C'est le Mercredi-Saint 28 mars prochain, à 20h00, à l'église d'Enghien.

mardi 27 février 2018

La religion, contre la barbarie

Il est de bon ton aujourd'hui, dans la société déclarée "post-moderne", de vomir les religions : ennuyeuses, passéistes, diviseuses, elles seraient toujours et partout fauteuses de troubles et génératrices de guerres. Bon. Tout n'est pas complètement faux là-dedans : nous savons qu'un sérieux discernement doit sans cesse être opéré à l'égard du "fait religieux" et que rien n'est plus dangereux que de les laisser prendre le pouvoir.
Faut-il pour autant prétendre qu'elles doivent rester dans "la sphère privée", qu'elles ne doivent jamais contredire le pouvoir politique, surtout dans des démocraties (mais qu'est-ce qu'une "démocratie"?) Je l'ai souvent répété sur ce blog : à mon avis, non. Les religions ont le devoir de s'exprimer dans la sphère publique, de donner leur avis, de déranger même les opinions majoritaires, au nom précisément de quelque chose qui dépasse la majorité et qu'on appelle "le bien commun".
Des exemples contemporains?
En veux-tu, en voilà.


- En Israël, à Jérusalem, proclamée "capitale" de l'Etat Hébreu par une puissance extérieure (ce qui est tout de même peu banal), les Eglises chrétiennes viennent de fermer l'accès au Saint Sépulcre. Geste dérisoire? Oh que non : ce sont des millions de dollars, venus du tourisme religieux, qui n'iront pas dans les caisses de l'Etat. Une manière à la fois symbolique et économique de protester contre la politique anti-palestinienne de l'actuel gouvernement d'Israël. Et Dieu sait pourtant (si Lui ne le sait pas, qui le sait?) qu'on aime Israël... mais on n'est pas nécessairement sioniste pour autant.


- En République "démocratique" (je mets ces termes entre guillemets, car ils sont aujourd'hui franchement immérités) du Congo, ce sont des Catholiques qui protestent contre le maintien au pouvoir du Président Kabila, au risque de leur vie (plusieurs tués, déjà), un maintien voulu évidemment par Kabila lui-même, mais surtout par les puissances étrangères (Chine, USA, France, etc.) qui le soutiennent, trop heureuses de profiter grâce à lui des ressources du sous-sol congolais (minerais, pétrole), le sous-sol probablement le plus riche du monde. Religion contre démocratie? Allons donc, disons : Religion - et très isolée, hélas - pour la démocratie.


- Chez nous, il aura fallu qu'un évêque (celui de Liège) dise sa désapprobation vis-à-vis de certaines mesures concernant "l'accueil" des étrangers, pour qu'on se souvienne de la dignité humaine, due à toute personne sur cette terre. Est-il normal de mettre en "centre fermé" des hommes, des femmes ou des enfants qui n'ont rien fait de mal, sinon chercher ailleurs que chez eux, où la vie est impossible, un refuge et un abri? Est-il normal de les traquer jusque chez des particuliers qui ont la décence et le courage de les recevoir? La religion ici a joint sa voix - celle, par exemple,  du pape, depuis qu'il est pape, chez les catholiques - à celle, si diverse dans ses provenances, de la société, magistrats, enseignants, chercheurs, associations de la "société civile", voix multiple qui proteste devant les mesures annoncées du Gouvernement. Protestation légitime : la loi n'est pas encore votée. Le Juif et le Chrétien, ici, se souviennent ensemble du prescrit de leurs textes sacrés, par exemple de ce verset de la Torah dans le Lévitique : "Quand un immigré résidera avec vous dans votre pays, vous ne l'exploiterez pas. L'immigré qui réside avec vous sera parmi vous comme un Israélite de souche, et tu l'aimeras comme toi-même,  car vous-mêmes avez été immigrés au pays d'Egypte. Je suis le Seigneur votre Dieu." (Lv 19, 33-34)


     Bref, les religions, quelquefois, dans le meilleur des cas, et nous en avons sous nos yeux quelques exemples pré-cités, s'opposent en effet à la barbarie. Et elles méritent donc, quelque gênantes qu'elles soient, d'être entendues dans le débat public.

dimanche 25 février 2018

Je vois des gens debout...

Retour du week-end devenu traditionnel que je passe chaque année avec mes amis d'Abbeville - toute une famille, et peut-être même une tribu! Retour ragaillardi, réconforté, par eux tous, après avoir célébré la messe pour Simon, l'un des leurs parti trop tôt voici une quinzaine d'années déjà mais dont on sent tellement la présence stimulante chez tous - et, pendant la messe, le baptême d'un neveu de ce Simon, deuxième fils de sa sœur, un petit bout de... dix jours! A craquer!
Chacun dans son genre, ils me requinquent tous, donc, moi le vieux trop sensible, sans doute, à ce qui ne va pas. Ils sont pour moi une espèce de visage humain et multiforme de l'espérance.
Et les textes de la liturgie nous donnaient à penser : le sacrifice interrompu d'Abraham, la Transfiguration - pas facile, de mettre tout cela ensemble, quand on célèbre en même temps l'anniversaire d'un décès et le baptême d'un petiot. Pourtant, tout fait sens : en testant la foi d'Abraham, Dieu renonce à nos (trop) humains sacrifices, et la mort d'un de nos fils ne saurait être sacrificielle. Lorsqu'il voudra que quelqu'un se donne tout entier pour manifester à quel point il aime l'humanité, c'est son Fils à lui qu'il enverra, pour que toute épreuve et toute défiguration soit désormais "transfigurée" comme Jésus sur la montagne. Et n'est-ce pas la foi que le baptême ouvre en ceux qui le reçoivent, rend possible en ceux qui l'accueillent?
Quelle fête, hier soir, que ces célébrations simples et simplement vécues, mais si denses...
Quand je les vois, tous, je vois des gens debout! Comme ça fait du bien!

jeudi 15 février 2018

Libérer Dutroux?

En voyant le "ramdam" que font les propos de Me Dayez, je me ressouvenais ce soir du grand livre de l'historien et philosophe Michel Foucault, Surveiller et punir (Gallimard, 1975), précisément consacré aux fonctions anciennes et contemporaines de la prison. La suppression des peines publiquement infligées a, dit l'Auteur, peu à peu enfanté le système contemporain et "panoptique" de la prison : le moins possible de surveillants ou de spectateurs pour observer une peine indéfiniment prolongée. Pour arriver à quoi? Aux fonctions de la prison, telle qu'elle devrait, précisément, "fonctionner" : punir, protéger la société, réinsérer.
Punir, la prison le fait, par l'isolement social qu'elle impose.
Protéger la société, aussi - sauf que, à la sortie, les ex-détenus sont souvent plus dangereux qu'à leur entrée; que, jeunes surtout, ils ont pu en prison se faire relier à de nouveaux réseaux et trafics, et qu'aujourd'hui, en prison toujours, ils ont pu être davantage "radicalisés" dans leurs convictions anti-sociales et pseudo-religieuses.
Réinsérer : malgré tous les efforts de tant de personnes, il semble que ce soit le point le plus difficile, l'échec le plus récurrent de l'institution.
Que faire? La sortie de Me Dayez a au moins le mérite de poser la question, car la question se pose de la façon dont une société traite ses délinquants. Quant à la réponse, franchement, elle demande un vaste, un immense débat, sans précipitation, sans acrimonie, sans confusion surtout entre la nécessité de punir et celle de se venger - la justice, ce n'est pas, ce n'est jamais la vengeance.
La foi chrétienne a-t-elle quelque chose à dire là-dessus?
Oui.
"J'étais en prison, et vous m'avez visité", dit Jésus dans les critères du Jugement Dernier (Mt 25), s'assimilant lui-même au délinquant emprisonné, à celui que la société rejette. Mais j'observe qu'il ne dit pas non plus : "Vous m'avez libéré." Ce qui est en jeu, c'est la compassion que l'on a manifestée pour le prisonnier, et non pas l'élargissement qu'on a fait de sa situation carcérale - cela c'est, cela reste, l'affaire de la Justice (au moins dans un pays démocratique.)
Le pardon, bien sûr, sera évoqué par les chrétiens. Mais le pardon - ce "don qui va par-delà" la faute, suppose une demande de pardon de la part du coupable, sinon c'est de la niaiserie. Or, il est très difficile à un coupable de se reconnaître coupable, c'est une espèce de défaite psychologique surtout quand on a toujours proclamé son innocence. Il faut pour cela le long travail, qui est essentiellement spirituel, d'une vérité faite sur soi-même - et au fond, elle n'est possible que face à Dieu, face à la lumière de Dieu, qui "sonde les reins et les cœurs", et c'est sans doute seulement devant Dieu que l'on peut demander pardon, à Dieu certes, mais aussi aux autres que l'on a durablement meurtris.
Faut-il libérer Dutroux?
Je n'en sais rien. Je comprends que la question soit posée - c'est une vraie question de société. En même temps, je n'ai jamais entendu que cet homme ait formulé la moindre reconnaissance de culpabilité, la moindre demande de pardon - il est, comme disent les psaumes, "enfermé dans sa suffisance", plus encore que dans sa prison!
Le guérir? Ce serait le guérir de lui-même - c'est peut-être demander beaucoup aux psychologues et aux psychiatres.
S'il se reconnaît coupable devant Dieu, il sera libéré intérieurement. C'est cela seulement qui compte, au fond - après, qu'il reste ou non en tôle, peu importe, il sera toujours, et on le comprend, un objet d'opprobre pour la société.  Je comprends que la société ne lui pardonne jamais ses crimes, qui sont horribles, et surtout s'il ne daigne pas les confesser! A l'extérieur de lui-même, il ne sera jamais libre - et c'est lui-même qui s'est enfermé dans cet enfer dont Dieu seul peut le sortir.
Il faut donc que la société s'inquiète du sort des prisons et des prisonniers, car la façon qu'elle a de "surveiller et punir"- Foucault l'a bien montré - est révélatrice de son état moral.
Et prier Dieu de libérer Dutroux - et certains autres - d'eux-mêmes et de ce qui les enferme en eux-mêmes. C'est beaucoup plus important que de le sortir de sa cellule...

dimanche 11 février 2018

L'Eglise Saint Sulpice, à Paris, doit trembler...

Chaque jour ou à peu près, on voit une tentative de saper les fondements démocratiques de notre société. Qu'un Ministre de l'Intérieur, membre de l'Exécutif donc, se permette de donner un point de vue, quel qu'il soit du reste, sur un procès en cours et l'argumentaire d'un avocat dans ce procès, c'est, plus qu'il n'y paraît, extrêmement grave. C'est une atteinte à la séparation des pouvoirs, qui est au fondement même de la démocratie contemporaine...
Si l'Eglise Saint Sulpice, à Paris, se met à trembler ces jours-ci, on ne s'étonnera pas : c'est Montesquieu qui se retourne dans sa tombe, lui qui a précisément défini cette séparation des pouvoirs comme la possibilité même d'un Etat respectueux du droit. Et qui, pour la petite histoire, est donc enterré (mais on ne sait pas où, exactement) dans l'Eglise Saint Sulpice ou à son chevet...

mercredi 7 février 2018

"Nos écoles"...

Ce matin, à la messe habituelle de 10h00, voilà qu'une ribambelle d'enfants venus des écoles paroissiales d'Enghien - des "quatrième", entre 9 et 10 ans - avaient comme "envahi" l'église Saint-Nicolas.
Une célébration avec les autres paroissiens, préparée par ces élèves qui, accompagnés de leurs directeurs et enseignants, firent montre d'un sérieux "pontifical"! Sans blague, qualité des chants, de la participation, des interventions, connivence avec l'orgue et son titulaire, recueillement... tout fut un beau moment de liberté intérieure et de vraie vie spirituelle.
Comment remercier assez ceux et celles qui, au quotidien, veillent dans "nos" écoles (et aussi dans les autres, bien entendu), au développement harmonieux, intégral, des enfants qu'on leur confie? Leur travail - administratif, pédagogique, éducationnel - est remarquable, et je songe également aux membres des Pouvoirs Organisateurs et Conseils d'Administration qui dirigent ces établissements avec une compétence et un dévouement exemplaires.
De tout cœur, je les remercie tous pour le bien qu'ils apportent dans notre doyenné...

dimanche 4 février 2018

De la musique, avant toute chose!

Hier soir, retour de funérailles vécues en famille, me voici plongé dans une autre atmosphère : la communauté paroissiale de Marcq fêtait les cinquante années de service de Jean-Paul, organiste non seulement à Saint-Martin mais aussi à Sainte-Anne (Labliau) et, quand il le faut, toujours fidèle pour accompagner des célébrations dans toutes nos communautés,  qui seraient sans lui, souvent, privées de musique et de chants.
Les chrétiens aiment la musique. C'est une banalité de le dire! Ils ont toujours accompagné leur vie de foi par les chants et les hymnes. Ils ont adapté l'orgue, devenu grâce à eux l'admirable instrument que l'on sait et qui fait la fierté de nos églises. Ils ont produit des quantités de mélodies diverses - de l'ambrosien au grégorien, sans compter les envoûtantes mélopées orientales. Ils ont permis à Bach d'exprimer son génie. A Bach, mais aussi à Mozart, aussi différents puissent-ils être (elle est de Varillon, je crois, cette plaisanterie : la musique officielle du Paradis, évidemment, c'est Bach. Mais les anges, quand ils sont en récréation, jouent du Mozart... Et Dieu vient écouter derrière la porte!) Ils ont mis l'Ecriture en musique - et si souvent, en particulier, les Psaumes.
Bref, de la musique, de la musique, de la musique!
Dans notre doyenné, dans nos paroisses, dans "notre" paroisse qui s'unifie, nous avons la chance d'avoir beaucoup de personnes qui comprennent cela, et qui le mettent en œuvre. J'ai déjà ici fait l'éloge des formidables concerts de Noël. J'ai aussi en son temps souligné la chance immense que nous avons d'avoir installé à l'église Saint-Nicolas des Orgues Kleuker qui font notre fierté et celle de la Région.
Le rôle plus solitaire des organistes mérite aussi d'être souligné. Et récompensé comme il vient de l'être en la personne de Jean-Paul, qui a reçu la médaille du "Mérite diocésain". Comme je le lui disais (c'est une formule qui me vient de mon père, titulaire pourtant de beaucoup de décorations) : "Une décoration, ça ne se demande pas, ça ne se refuse pas. Et, la plupart du temps, ça ne se porte pas!" Car ce signe qu'on reçoit et qui vous remercie, c'est dans son cœur qu'on le porte d'abord!
Merci Jean-Paul, et bravo!

Fécondité du ministère diaconal

Hier, à Landas, dans le Nord de la France, funérailles de mon cousin et ami Alain, présidées par le Vicaire Général du Diocèse de Cambrai, et durant lesquelles j'ai prononcé l'homélie. Célébration simple et sobre, recueillie et priante, à l'image du défunt. Beaucoup de tristesse dans les cœurs mais, aussi, une espèce de sérénité et même de joie - la joie chrétienne, plus forte que la tristesse de la mort. Des retrouvailles, pleines d'émotion, avec de nombreux cousins que j'ai trop rarement l'occasion de revoir. Les petits-enfants d'Alain qui jouent gravement autour du cercueil.
Et, surtout, une foule considérable : des centaines et des centaines de personnes qui défilent pour, comme on dit, "rendre un dernier hommage". On devine la fécondité du ministère diaconal : ceux et celles qu'il a rencontrés, accueillis, réconfortés, visités, soutenus, dans l'ombre la plupart du temps, mais qui ne l'oublient pas. Quel bonheur de voir combien le Peuple de Dieu, dans sa si grande diversité, a besoin de ce ministère ordonné qui incarne l'Eglise servante, qui en est le signe sacramentel et donc efficace. L'Eglise n'existe que d'être au service du monde, au service de tous, et de tant de façons.
Le reste, l'institution, et comme on dit à Enghien, le "tralala"?
Pfuit... On souffle dessus, ça disparaît!

mardi 30 janvier 2018

Le départ d'Alain

L'un de mes nombreux cousins s'est endormi ce matin doucement dans la paix de Dieu, au CHU de Lille, âgé seulement de 67 ans - depuis longtemps, il souffrait d'une maladie qui handicapait ses poumons et que la médecine ne guérit pas. Alain  avait été séminariste - et puis ma cousine était passée par là, et c'est le mariage qui avait fait son bonheur, le bonheur d'être époux, père et grand-père. Mais il avait gardé un sens très vif du service de l'Eglise, et avait été accepté, voici bien longtemps déjà, dans l'Ordre des diacres. Ainsi, après une vie professionnelle dédiée à l'enseignement, il avait en outre accompagné de nombreux jeunes dans la préparation de leur mariage, de nombreuses familles dans la traversée du deuil, comme de nombreuses personnes âgées ou malades, et cela  tant qu'il a pu. On célébrera la vie et la mort, le départ vers le Père, de ce grand homme jovial, barbu, réjoui, vrai gars du Nord tout en connivence et en simplicité, véritable homme de Dieu, ce samedi, dans le Nord de la France où il habitait.
Nous étions proches, peut-être parce que lui et moi, dans notre famille, avions d'une façon plus particulière souhaité servir l'Eglise, mais aussi par des connivences de toutes sortes, de lectures, de préoccupations... Déjà il me manque, comme toujours quand vient frapper au cœur la nouvelle d'un départ attendu, soulageant même à certains égards, mais néanmoins trop brusque. Il me manque et pourtant je le sais "entré dans la joie de son Maître", comme dit Jésus du bon serviteur qui a rempli son office simplement, humblement, au quotidien, sans faire de grandes théories, en aimant ceux et celles qu'il a croisés. Je pense à sa femme, à ses enfants, à ses petits-enfants, à ses proches. Je prie pour eux, même si lui, déjà, nous a précédés dans cette intercession...

samedi 20 janvier 2018

"La loi civile prime sur toute loi religieuse." Vraiment?

Le Centre Jean Gol et ses responsables voudraient, semble-t-il, faire voter une réforme constitutionnelle qui, en préambule de cette "charte", établirait la primauté de la loi civile sur la loi religieuse. On comprend l'intention, qui est bonne. On veut ici dénoncer le moyen, qui est mauvais.
Pourquoi mauvais?
Parce que ce n'est pas toujours vrai, que "la loi civile prime sur la loi religieuse". Parce que la loi civile, même votée à la majorité dans un pays démocratique, peut être contraire au bien, au bien individuel ou au bien commun, et que ce n'est pas la tâche des politiques de dire ce qu'est le bien, mais seulement de faire régner le droit et la justice - ce n'est pas (toujours) la même chose.
Je voudrais rappeler au Centre Jean Gol la tragédie grecque de Sophocle, Antigone : la petite fille, fidèle à sa conscience, s'insurge contre les lois de la cité promulguées par son oncle, parce qu'elles lui semblent contraires aux "lois non écrites" (agrapta, dit-elle en grec), plus importantes que toutes les autres, et qui fondent l'humanité même de l'homme. De celles-là, les religions - entre autres - sont les gardiennes, quelquefois il est vrai fourvoyées, et elles ne sauraient se soumettre à ce qui ne peut rester que des règlements provisoires, dus à des majorités souvent de circonstance.
La vraie démocratie s'inquiète aussi des agrapta...

dimanche 14 janvier 2018

Trump, démocratie, démagogie

J'ai été comme beaucoup scandalisé par les propos récents et racistes du Président des Etats-Unis. Mais par delà l'indignation, et sans être du tout "politologue", il ne me semble pas que ces propos, pas plus du reste que d'autres, antérieurs et de la même veine, du même homme, ne soient  des dérapages. Ils sont, hélas, voulus, choisis, calculés. Le Président des Etats-Unis met en scène le programme... pour lequel il a été élu par une majorité de citoyens américains, et selon les règles communément admises de la démocratie dans ce grand pays. L'idée? "Les USA sont un pays riche, puissant, qui peut très bien se passer du reste du monde, qui n'est pas obligé d'accueillir chez lui la misère des autres pays, qui se fiche des traités internationaux sur le climat ou la vente des armes, qui peut imposer sa loi partout comme il veut et quand il veut, etc." Discours populiste, qui plaît - ou en tous les cas qui a plu - à une majorité de personnes. Discours partiellement vrai du reste : les USA sont riches et puissants, et c'est souvent vers eux que l'on se tourne pour demander de l'aide, plutôt que le contraire. Discours que l'on entend ailleurs, par exemple chez nous, à une échelle évidemment plus petite mais dans des formes relativement semblables : remplacez "USA" par "Flandre" et "monde" par "Belgique", et vous aurez à peu près la teneur de certains propos prononcés très près d'ici...
De ceci, nous devons, je crois, tirer une leçon au moins éthique : la démocratie ne consiste pas simplement en une addition de votes pour parvenir à une majorité de suffrages. Elle comporte nécessairement la recherche du bien commun, c'est-à-dire non seulement d'un bien national ou identitaire, mais d'un bien universel - du reste, le vrai bien est toujours universel, sinon ce n'est pas un vrai bien. Le relativisme éthique ("ce qui est bon pour moi peut ne pas l'être pour toi, et inversement") conduit le monde à sa perte.
Mardi prochain, à Hennuyères, lors d'une conférence qui m'a été demandée, je parlerai de cela : le "bien" et le "mal" existent-ils encore? Mais...  nous devons vouloir cette existence, parce que sinon la vie, en ce compris la vie publique, deviendrait mortifère!

vendredi 12 janvier 2018

Injonctions paradoxales...

Un jour, il faudra qu'on m'explique. Qu'on m'explique comment on peut, dans notre société, vivre normalement en étant chaque jour accablé d'injonctions paradoxales.
Prenons la plus actuelle : le salon de l'auto. Il vient d'ouvrir ses portes. Et la télévision, et les journaux, de nous vanter les diverses possibilités  d'acquisition du nouveau modèle qui fera frémir d'envie vos amis et vos voisins, quitte à vous endetter pour plusieurs années. Et l'on dit : quand l'automobile va, tout va! L'économie tourne! Vous connaissez la chanson... Mais en même temps, et de façon récurrente, on nous dit aussi : Surtout, ne roulez plus en voiture! Nos villes sont engorgées, la pollution n'a jamais été aussi grave! Prenez les transports en commun! Au pire, faites du co-voiturage! Etc... Vous connaissez cette autre chanson, aux accents parfaitement contradictoires avec la première.
C'est cela, une injonction paradoxale : matraquer les gens d'ordres contraires, et alors ils deviennent fous, cette folie commençant par une culpabilisation outrancière. Car enfin, dans l'hypothèse où je veuille acheter une nouvelle voiture, ce n'est pas dans l'intention de la laisser au garage, tout de même! Qu'est-ce que c'est que cette société qui me dit (qui m'intime...) : achetez une voiture, c'est bon pour l'économie, et vous ferez tourner le commerce, mais surtout ne roulez pas avec, et ainsi vous protégerez l'environnement???
Ce n'est pas la seule injonction paradoxale, nous en subissons plein d'autres : mangez sainement, mais ne mangez plus rien, par exemple, également très jolie. Mangez sainement, mais... pas de sucre, pas de sel, pas de viande, pas de poisson, pas de pain, pas de vin, pas d'alcool, pas d'eau gazeuse, pas de café, etc. Vous connaissez aussi la chanson, non? Mais, pardon, pour manger sainement... il faut d'abord manger quelque chose! (Par parenthèse, l'Eglise catholique, qu'on accuse régulièrement d'avoir été une épouvantable marâtre castratrice, donneuse de leçons, moralisatrice, empêcheuse de jouir en rond, etc., n'a jamais, vraiment jamais, édicté de pareils préceptes alimentaires, se contentant de recommander le jeûne et quelquefois l'abstinence de viande aux seuls jours du mercredi des cendres et du vendredi saint. Et encore : pour les moins de 65 ans!)
Vous trouverez vous-mêmes, j'en suis sûr, d'autres exemples amusants de ces injonctions paradoxales qui finiraient, si on ne les dénonçait pas, par nous rendre... timbrés!

La honte...

Dans la dernière livraison de l'hebdomadaire français "L'Obs" (n° 2775 du 11 au 17 janvier 2018), un long dossier sur la façon dont nos pays européens traitent la question des migrants. Plusieurs interventions remarquables, par exemple celle du Prix Nobel de littérature J.M.G. Le Clézio, dont voici quelques lignes : "On parle de budget, de limites dans le partage. Sans doute, mais où est le partage quand un pays extrêmement prospère, qui bénéficie d'une avance remarquable dans toutes les techniques, d'un climat modéré, d'une paix sociale admirable, refuse de sacrifier un peu de son pactole pour permettre à ceux qui en ont besoin de se ressourcer, de reprendre leurs forces, de préparer un avenir à leurs enfants, de panser leurs plaies, de retrouver l'espoir?" (p.24), Ou le bel entretien donné par Mgr Pontier, Président de la Conférence des évêques de France : "Le devoir d'humanité doit être plus fort que nos appréhensions." (p.29) Et malheureusement, cette double page d'un reportage signé Sara Daniel : "La Belgique, pays des rafles." (pp.34-35) Les récits de migrants du Parc Maximilien, recueillis par cette excellente journaliste, sont à frémir - à l'image du titre, qui évoque de bien mauvais souvenirs.
Honte donc, sur nos pays, sur notre pays, sur mon pays.
Il y a là vraiment quelque chose qui ne va pas, qui ne peut pas durer : c'est une mentalité qui doit changer, si nous ne voulons pas tourner le dos à une certaine idée de la dignité humaine, et aux conséquences que cela entraîne en termes à la fois politiques et sociaux. Ce 14 janvier, c'est la 104ème Journée Mondiale du migrant et du réfugié : nouvelle occasion, espérons-le, d'une prise de conscience individuelle et collective!