dimanche 16 septembre 2018

Pierre et Satan

"Passe derrière moi, Satan!" (Mc 8, 33) La réprimande vigoureuse de Jésus à l'encontre de Pierre, dans l'évangile proclamé aujourd'hui, marque un tournant dans la foi chrétienne. Pierre a très justement proclamé que Jésus est le Messie, le Christ, mais il se fait de lui une idée trop humaine : un Messie de gloriole et de prestige, en aucun cas compatible à ses yeux avec ce que Jésus lui-même annonce quand il parle ouvertement de la Croix inévitable, et de souffrances endurées de la part des dignitaires religieux de son temps. Pourtant, telle est la pensée de Dieu sur le salut des hommes : il doit passer par la contradiction assumée, par le fait que chacun prenne "sa" croix pour suivre Celui qui va être crucifié. Pas d'autre moyen d'être chrétien : prendre sa croix, c'est accepter le réel et renoncer "à soi-même", c'est-à-dire à ses fantasmes, à ses rêveries, à son cinéma intérieur. Accepter sa propre faiblesse et son indignité : la croix n'est pas d'emblée glorieuse. Refuser que l'Institution, si habile pourtant à dissimuler, ne cache les failles pour mieux imposer ses velléités de domination. Refuser ce que le pape appelle à juste titre le "cléricalisme" - c'est cela, le cléricalisme, cette volonté des gens d'Institution de maintenir coûte que coûte les apparences, même au prix des pires mensonges.
La crise qui affecte l'Eglise catholique aura, espérons-le, au moins ceci de bon : ramener chacun à la réalité. Refuser, par exemple, une morale sexuelle sublimée mais complètement fantasmée, idéologique et destructrice parce que poussant les personnes à la dissimulation, à la fraude, et finalement à la perversion - un comble, déjà compris par les théologiens scolastiques et leur formule Corruptio optimi pessima, "la pire perversion est celle du meilleur."
Nous avons besoin d'une conversion au réel, si nous ne voulons pas nous faire nous aussi traiter de "Satan"...

1 commentaire:

  1. merci pour ce commentaire de "porter sa croix" ! c'est le plus inspirant que j'ai jamais entendu...
    or la phrase est incontournable et décisive.
    bine cordialement,
    Marina Rosinha

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