samedi 24 juillet 2021

Que faut-il changer?

 Ce soir, nouvelles images terribles, déprimantes, d'inondations importantes à Dinant. On a l'impression que le cauchemar recommence...

Il va falloir changer beaucoup de choses.

Mais prenons bien conscience de ce qui ne va pas changer, parce que cela ne dépend pas de nous, ou pas uniquement de nous. Le climat change - ce sont, semble-t-il, des cycles qui se succèdent et sans aucun doute l'activité humaine y a une part, comme nous le répètent scientifiques et climatologues versés dans la question. Nous pouvons donc changer quelque chose - éviter de bâtir dans des zones inondables, par exemple, chez nous et surtout dans d'autres continents, comme l'Asie du Sud-Est ou la Floride. Réduire drastiquement nos émissions polluantes dont on sait qu'elles contribuent au dérèglement climatique. Cela, on peut et on doit le faire, mais on doit aussi savoir et dire que cela ne résoudra pas tout, car tout n'est pas au pouvoir de l'être humain - des catastrophes continueront, comme celle qu'on vient de connaître chez nous où nous pensions de façon un peu béate qu'elles étaient réservées aux "autres" (ailleurs, bien loin... eh bien, non.) La question devient donc : comment, au milieu de ce qu'on ne peut changer, ou du moins, pas totalement changer, se comporter comme des êtres humains raisonnables, respectueux les uns des autres et soucieux , non de sauver la peau des plus aisés, mais de secourir les plus faibles? 

Même question pour la pandémie virale dont nous ne sommes pas quittes. Certes, nos ripostes sont  pour une part efficaces (en particulier, les vaccins), mais le virus - celui-là et d'autres, à sa suite, dont pas mal de virus émergents liés précisément aux changements climatiques), le virus, oui, va continuer à se répliquer - c'est son devoir, en quelque sorte, il veut vivre et trouver pour cela des réceptacles susceptibles de le faire proliférer - le corps humain étant l'un de ces réceptacles. La question est la même que précédemment : comment allons nous vivre avec cette pandémie et d'autres qui vont nécessairement suivre, vivre donc en hommes raisonnables, respectueux les uns des autres et soucieux, non de sauver sa peau, non de sauver la peau des plus aisés, mais de secourir les plus faibles?

Même question pour les migrations, les clandestins, les sans -papiers qui déferlent dans les centres de nos villes européennes supposées être des eldorados - et qui sont des miroirs aux alouettes, des eldorados trompeurs. On n'empêchera pas ces migrations, on ne renverra pas ces gens chez eux (et d'ailleurs, c'est où, chez eux? La terre est à tout le monde...) Regardons ce qui les fait fuir : la misère, l'impossibilité même de vivre, les guerres, les famines et tout le reste de la détresse du monde. Non, ici encore, la question n'est pas de changer ce qui ne peut l'être, mais elle devient : comment, au milieu de ce qu'on ne peut changer, ou du moins, pas totalement changer, se comporter comme des êtres humains raisonnables, respectueux les uns des autres et soucieux, non de sauver la peau des plus aisés, mais de secourir les plus faibles?


A chacun, au seuil de ce dimanche, de méditer là-dessus...

mardi 20 juillet 2021

Deuil et Fête Nationale

 Ce midi, à la Cathédrale de Bruxelles, silence  - la minute d'hommage aux victimes des inondations, demandée par le Gouvernement Fédéral. Puis, pendant un quart d'heure, le glas qui disait à tous la peine des Belges. Et, à midi trente, la messe "pro defunctis" célébrée pour les morts de cette catastrophe nationale, pour leurs proches, pour toutes les victimes. A treize heures, le Discours remarquable du Roi, un discours à la fois d'empathie et d'espoir.

Cette après-midi, grande activité toujours à la Cathédrale : les fleuristes s'activent, le Personnel du Palais, aussi, et la Sécurité : demain à 10h00, j'accueillerai le Roi et la Reine pour le Te Deum qui inaugure la Fête Nationale.

Passer du deuil à la fête, est-ce normal? Eh bien, oui, même si la fête bien sûr sera marquée par le deuil,  comme le deuil déjà ouvre un peu à la fête. Les chrétiens le savent bien : nous ne sommes jamais, nous ne restons jamais sans espérance, que celle-ci soit laïque ou religieuse.

Et cela, c'est précisément comme inscrit dans le "tempérament" belge...

jeudi 15 juillet 2021

Inondations

 Hier j'ai posté sur mon blog un avis sans doute pétri d'humour mais, au regard des événements d'aujourd'hui, un peu léger. Hier, donc, on ne prenait pas encore conscience de l'ampleur de la catastrophe qui, avec la pluie incessante, s'abat sur notre pays et, en particulier, sur la Wallonie. Je veux dire maintenant  ma compassion pour celles et ceux qui, dans ce drame, perdent tout ou beaucoup - et, comme on le sait ce soir, pour six d'entre eux au moins, pour celles et ceux qui ont là-dedans perdu la vie, et pour leurs proches.

Une catastrophe est toujours une tragédie incompréhensible et celle-ci s'ajoute, pour beaucoup, à l'autre, sanitaire celle-là, qui n'a pas encore fini de nous meurtrir. Je ne peux que joindre ma prière à celle de l'Eglise de Belgique qui, par la voix du Primat le Cardinal De Kesel, vient de faire connaître son désarroi et sa solidarité, son appui aussi à toutes les formes d'aide qui peuvent venir au secours des sinistrés.

Je n'oublie pas non plus, au milieu de cette catastrophe, l'épouvantable appel au secours des sans-papiers du Béguinage (une église de "mon" doyenné) ou de l'ULB. Comme l'a également écrit le Cardinal De Kesel, ils méritent toute notre attention et celle des Pouvoirs Publics, même si la situation est évidemment délicate. J'ai signé ce matin une pétition relayée par mon amie le Professeur Isabelle Stengers, de l'ULB, allant dans le sens d'une prise en considération maximale et urgente de cette situation dramatique.

Que de dossiers, mon Dieu, que de dossiers, que de peines, que de travail pour tous, chrétiens compris au milieu des autres, pour que soient partout assurés, dans notre Pays, la sécurité des personnes et des biens, leur dignité, leur respect.

mercredi 14 juillet 2021

Bureau des réclamations

 A voir le déluge qui se déverse sur notre pauvre pays, j'ai appelé le Bureau des Réclamations, directement au Ciel.  N'ai eu qu'un fonctionnaire - saint Michel, dont il paraît que je suis ici-bas l'un des représentants, administrateur de l'une de ses nombreuses églises. Me suis plaint, évidemment, auprès de lui et il m'a répondu par son prénom : "Mi che 'el?", "Qui est comme Dieu?" et n'oublie pas, a-t-il ajouté, que ce n'est qu'une question à laquelle la réponse est nécessairement "Personne!"

Bon, me voilà gras, avec ça. 

J'ai osé, j'ai appelé la Sainte Vierge : on dit qu'elle intercède mieux que personne, auprès de son Fils, dont elle aurait l'oreille. Réponse gentille : "Je vais voir ce que je peux faire, mais vous savez, mon Fils est débordé... " Moi, évidemment : "Y'a pas que lui qui soit débordé, les camps des jeunes patronnés, filles et garçons, des scouts et des guides et des autres jeunes remplis de belle et bonne volonté aussi, ils sont débordés! Et ça ne lui fait rien, au Fils en question?..." (Là, je confesse, je montrais un peu mon  humeur...) Réponse : "Savez-vous par quoi lui, il est débordé? Par des questions de famines et de gens qui  même chez vous, vont crever de faim si vous ne les soutenez pas. Par des questions de guerres, et même de gué-guerres, avec des pays dont les dirigeants se fichent de vos démocraties et veulent asservir tout le monde, par des questions de mépris des personnes, partout, partout, partout, il n'en finit plus de répondre - c'est-à-dire, pour lui, de mourir d'amour - pour tous. Je sais que vos jeunes gens ont du mal, et je vais introduire la demande..."

Bon, elle est brave, la Sainte Vierge. Elle m'a répondu : meilleur temps, et même soleil sur la Belgique, d'ici vendredi. On ne peut rien faire avant paraît-il.


Quand même, merci, là-haut! Les réclamations, ça peut fonctionner. J'avais appris cela en lisant le Livre de Job, tiens...

dimanche 11 juillet 2021

"Miracle de nos mains vides..."

 Lorsque Bernanos prête la plume à son imaginaire "Curé de Campagne", il lui fait écrire son "Journal", et notamment commenter le fait que, prêtre privé de ferveur, de prière et peut-être même de foi, il ait pu rendre la paix à une Comtesse depuis longtemps troublée dans son rapport à Dieu : "Merveille,  écrit-il, que l'on puisse ainsi faire présent de ce que l'on ne possède pas soi-même, ô doux miracle de nos mains vides!" 

L'Evangile de ce dimanche montre la pauvreté des moyens recommandée par Jésus aux premiers missionnaires - ses apôtres : pas d'argent dans la besace, même pas de vêtements de rechange, pas de trouble si la Parole n'est pas reçue, un dénuement autant matériel que psychologique. C'est que l'annonce du Dieu chrétien - un Dieu si étrange, si paradoxal, si plein de son vide - ne se fait pas par des performances communicationnelles. On n'a pas besoin d'ingénieurs, de savants, de chasseurs de têtes, pour annoncer l'Evangile, mais de gens fragiles conscients de leur fragilité et la sachant habitée par une autre puissance, une autre force que la leur.

Dans l'économie chrétienne du salut, en effet, on "donne ce qu'on ne possède pas soi-même" et on s'émerveille du "miracle de nos mains vides". Quand on prétend donner ce qu'on a, ce qu'on possède, sa richesse, son bien, on est toujours dans une certaine condescendance - on songe, sans oser y songer vraiment ou évidemment sans oser le formuler, que "Dieu a bien de la chance de nous avoir", pour propager sa cause. Alors, on se trompe soi-même, et bien entendu on trompe tout le monde.

A côté de la plaque : voilà ce que l'on est alors - et cela se traduit très vite dans des dysfonctionnements ecclésiaux, dans des dévouements prétendus mais dévoyés, dans des générosités suspectes parce qu'avides toujours de reconnaissance humaine et de gloriole.

Dans l'économie chrétienne du salut, on sait son manque, on connaît sa faille, et on sait que c'est par là que Dieu passe à travers nous, souvent malgré nous, quelquefois contre nous, parce que nous sommes de pauvres instruments malhabiles. Et c'est ainsi que la grâce - qui n'a pas besoin de nos mérites - fait son chemin parmi les hommes.

samedi 3 juillet 2021

"Il n'y a pas pire sourd...

 ... que celui qui ne veut pas entendre!"

     Ainsi dit le proverbe, et avec raison. Lorsque Dieu envoie en mission le prophète Ezéchiel - sans doute au début du VIème siècle et sans doute à un Peuple déjà déporté -, il le prévient : il l'envoie vers une "engeance de rebelles, des gens qui n'écoutent pas." Ezéchiel est envoyé à des sourds, sourds à la Parole de Dieu, et cette surdité vient de l'orgueil du Peuple, qui l'a fait se détourner de Dieu et se tourner vers les idoles des nations voisines. Ce pourquoi, d'ailleurs, ce Peuple vit maintenant en terre étrangère.

     Semblablement, au dire de l'Evangile de Marc, lorsque Jésus revient dans son pays, on ne veut pas croire en lui, on refuse de reconnaître en lui "le" Prophète espéré - c'est qu'on le connaît trop bien, on sait ses origines, on se dit que cet homme-là n'a rien de nouveau à enseigner.

     Nous sommes toujours sourds aux appels prophétiques. C'est qu'ils nous dérangent, évidemment, aujourd'hui comme hier. Alors, tous les prétextes sont bons pour fermer nos oreilles : "on sait déjà, on connaît la chanson, on a déjà chanté ces refrains-là, rien de neuf dans ce qu'on nous raconte, etc., etc." Fermer ainsi ses oreilles et son coeur à la nouveauté dérangeante de Dieu, c'est sans doute le premier péché - comme pour le Peuple en exil, c'est un péché d'orgueil.