dimanche 11 juillet 2021

"Miracle de nos mains vides..."

 Lorsque Bernanos prête la plume à son imaginaire "Curé de Campagne", il lui fait écrire son "Journal", et notamment commenter le fait que, prêtre privé de ferveur, de prière et peut-être même de foi, il ait pu rendre la paix à une Comtesse depuis longtemps troublée dans son rapport à Dieu : "Merveille,  écrit-il, que l'on puisse ainsi faire présent de ce que l'on ne possède pas soi-même, ô doux miracle de nos mains vides!" 

L'Evangile de ce dimanche montre la pauvreté des moyens recommandée par Jésus aux premiers missionnaires - ses apôtres : pas d'argent dans la besace, même pas de vêtements de rechange, pas de trouble si la Parole n'est pas reçue, un dénuement autant matériel que psychologique. C'est que l'annonce du Dieu chrétien - un Dieu si étrange, si paradoxal, si plein de son vide - ne se fait pas par des performances communicationnelles. On n'a pas besoin d'ingénieurs, de savants, de chasseurs de têtes, pour annoncer l'Evangile, mais de gens fragiles conscients de leur fragilité et la sachant habitée par une autre puissance, une autre force que la leur.

Dans l'économie chrétienne du salut, en effet, on "donne ce qu'on ne possède pas soi-même" et on s'émerveille du "miracle de nos mains vides". Quand on prétend donner ce qu'on a, ce qu'on possède, sa richesse, son bien, on est toujours dans une certaine condescendance - on songe, sans oser y songer vraiment ou évidemment sans oser le formuler, que "Dieu a bien de la chance de nous avoir", pour propager sa cause. Alors, on se trompe soi-même, et bien entendu on trompe tout le monde.

A côté de la plaque : voilà ce que l'on est alors - et cela se traduit très vite dans des dysfonctionnements ecclésiaux, dans des dévouements prétendus mais dévoyés, dans des générosités suspectes parce qu'avides toujours de reconnaissance humaine et de gloriole.

Dans l'économie chrétienne du salut, on sait son manque, on connaît sa faille, et on sait que c'est par là que Dieu passe à travers nous, souvent malgré nous, quelquefois contre nous, parce que nous sommes de pauvres instruments malhabiles. Et c'est ainsi que la grâce - qui n'a pas besoin de nos mérites - fait son chemin parmi les hommes.

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