mercredi 26 octobre 2016

Le corps de nos défunts

Tandis que nous approchons de la Toussaint (fête des baptisés, des "sanctifiés" par le baptême) et, le lendemain, du jour dit "des morts" (en liturgie, la "commémoraison de tous les fidèles défunts"), la Congrégation pour la Doctrine de la Foi publiait hier mardi 25 octobre une Instruction sur le traitement des corps de nos défunts.
Elle y recommande l'inhumation, plus conforme dans le temps qu'elle laisse aux familles pour le deuil, et aussi dans la révérence que l'on peut ensuite faire aux corps  enfouis en terre, au respect que l'Eglise porte aux défunts, semence et source de leur corps glorieux, ressuscité.
Elle ne s'oppose nullement à l'incinération, pourvu que celle-ci se fasse avec respect et que les cendres soient ensuite conservées dans un endroit digne - une pelouse d'honneur, un columbarium.
Pas de "chipotage", comme on dirait en belge : pas de dispersion anarchique des cendres dans la nature ou dans des bijoux (cela se voit) - nous ne retournons pas au grand "Tout" indistinct! - mais le souci de prévoir un lieu de mémoire et d'espérance en la résurrection de la chair.
Je souscris entièrement à cette Instruction. Depuis trop d'années, je suis blessé personnellement par le manque de respect que l'on inflige quelquefois aux corps de nos défunts : incinérés à la va-vite, comme dans une usine, les cendres récupérées on ne sait comment, dispersées quelquefois avec fantaisie (deux amis parisiens, qui sont de bons amis, ayant perdu la mère de l'un d'eux, avaient cru bon de disperser ses cendres sur une plage de Normandie, alors qu'ils venaient de Paris en moto avec l'urne - seule occurrence, sans doute, où cette vieille dame a fait de la moto -, en l'arrosant auparavant et copieusement de champagne.  Je ne doute pas de l'intention, mais du respect présent dans les rites ainsi inventés.) L'inhumation quelquefois souffre, du reste, de ce même manque de respect : nos cimetières ne sont pas toujours propres, nets, les pierres tombales et les allées en sont peu entretenues, je n'incrimine en disant cela personne en particulier, et j'incrimine tout le monde à la fois : quand le sens du respect dû aux corps défunts se perd, quelque chose se perd, de fondamental, dans notre civilisation, et, un jour ou l'autre, on en paie chèrement le prix.
L'Instruction de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi s'adresse aux chrétiens, certes et d'abord, les invitant à redoubler de respect pour le corps de leurs défunts, car c'est un signe de leur foi en la résurrection des corps eux-mêmes. Faut-il le rappeler : nous n' "avons" pas un corps, nous "sommes" un corps, et si quelque chose de nous doit ressusciter, c'est pour la foi chrétienne, un ensemble et non une partie, un ensemble qui évidemment comprend le corps, non pas sans doute sous sa forme actuelle, mais sous un mode profondément renouvelé, précisément "ressuscité", un mode que saint Paul appelle celui du "corps spirituel". Mais cette Instruction s'adresse aussi à "tous les hommes de bonne volonté" : la façon de traiter les morts - ou de les maltraiter - est un sujet de méditation qui court depuis l'Antiquité dans notre humanisme européen. C'est précisément, faut-il le rappeler, pour ce motif, que la petite Antigone, fille d'Œdipe, nièce de Créon, sœur des frères ennemis Etéocle et Polynice, mourut murée vive, pour avoir contrevenu à l'ordre de son oncle qui imposait à la Cité de Thèbes de laisser pourrir le cadavre de l'un de ses frères. Cette petite fille à laquelle la Tradition littéraire prête l'âge d'une adolescente (douze, treize ans?) n'aurait plus supporté de vivre si elle n'avait honoré comme il convenait le corps défunt de son frère. Elle n'aurait plus osé, comme on dit chez nous, "se regarder dans une glace".
De quoi méditer...

vendredi 21 octobre 2016

Jean-Claude

L'abbé Jean-Claude Brootcorne est décédé mardi matin.  Ses funérailles - auxquelles, malheureusement, je ne pourrai participer - seront présidées demain par notre évêque à la Basilique de Bonne-Espérance, dont il a été le recteur à la fin de son ministère actif. Jean-Claude est un prêtre qui a été infiniment précieux pour notre diocèse.  Intelligent, mesuré, cultivé, il enseignait la "dogmatique" au Séminaire de Tournai lorsqu'y suis arrivé, en 1980, comme séminariste. Je l'ai retrouvé en 1986, alors qu'il était Directeur de l'ODER (Office Diocésain d'Enseignement Religieux) à Charleroi, où je fus son adjoint pendant plusieurs années, avec les abbés Scolas et Gathy : heureux souvenirs d'une collaboration tout ensemble joyeuse et sérieuse. Il fut ensuite Président du Séminaire de Tournai puis recteur, donc,  de la Basilique de Bonne-Espérance, avant de vivre des dernières années marquées par la maladie mais toujours pacifiées et pacifiantes. Se sentant mal -  se sentant plus mal - lundi soir, au médecin venu le soigner qui préconisait une hospitalisation, il aurait simplement répondu quelque chose comme : "Je sais bien que ma vie est finie, il faut me laisser." Si  cette parole est authentique, elle lui ressemble tout à fait.
Je rends grâce à Dieu pour cette existence  de foi et d'intelligence, cette existence  donnée à Dieu et à tous, profondément enracinée dans le mystère du Christ, dans sa paix.
Je relis à sa mémoire ces vers de Rilke, que nous avions un jour partagés, il y a bien longtemps :

Wer hat uns also umgedreht dass wir,
was wir auch tun, in jener Haltung sind
von einem, welcher fortgeht? Wie er auf
dem letzten Hügel, der ihm ganz sein Tal
noch einmal zeigt, sich wendet, anhält, weilt -
so leben wir und nehmen immer Abschied.

"Qui nous a donc ainsi retournés de la sorte,
que nous ayons l'allure, et quoi que nous fassions,
de quelqu'un qui s'éloigne? De même que, sur le dernier coteau,
qui sous ses yeux déploie, une dernière fois, sa vallée tout entière,
celui qui s'en va se retourne, s'arrête, s'attarde -
de même nous vivons, et toujours nous faisons nos adieux."

(Huitième Elégie de Duino, finale)

mercredi 12 octobre 2016

Nouvel ambassadeur du Pape à Bruxelles : un Africain

On savait que Mgr Berloco, nonce apostolique en Belgique et au Luxembourg, était démissionnaire. On apprend aujourd'hui que, pour le remplacer, le Pape a nommé S. Exc. Mgr Augustin Kasujja, qui, originaire d'Ouganda, fut le premier nonce africain, et bénéficie d'une longue carrière diplomatique. Mgr Kasujja va donc représenter le Saint-Siège près le Royaume de Belgique et le Grand-Duché de Luxembourg. Il sera chargé, comme tous les nonces (ambassadeurs des papes) d'assurer une bonne communion entre la Conférence épiscopale de Belgique et l'archevêque de Luxembourg, d'une part, et les autorités vaticanes, de l'autre. Il sera également chargé de préparer les éventuelles nominations épiscopales à venir dans notre pays  - a priori, aucune n'est à prévoir, sauf à Gand, pour les prochaines années...
Nous souhaitons bienvenue au nouveau nonce apostolique, et serions heureux de le recevoir un jour dans notre doyenné d'Enghien-Silly.

dimanche 9 octobre 2016

Refondation, Installation, Cardinalat : des nouvelles du week-end

Un week-end encore une fois bien chargé et riche en événements et émotions de toutes sortes. Chez nous d'abord, à Enghien, la première étape publique de l'année "Refondation des paroisses", conformément aux souhaits du Synode diocésain et aux décrets de l'évêque qui mettent ce Synode en application. Samedi, à Enghien, une assemblée nombreuse et riche dans sa diversité, qui mettra probablement du temps à entrer dans la démarche indispensable que requièrent les exigences de la vie contemporaine et la présence de l'Eglise en son sein.  La plupart ont apprécié cette présentation et relèvent le défi. Oui, ils veulent former une communion nouvelle, moins égoïste, plus conforme à ce que le Christ réclame d'eux pour qu'eux-mêmes se réclament authentiquement de lui. Ils seront ceux auxquels les rênes de la paroisse nouvelle seront confiées.

Cet après-midi, j'ai "installé" l'abbé Marc Mwatha, originaire du Congo, comme nouveau curé-doyen de Lens et Jurbise. Marc est jeune : 36 ans, et il vient "d'ailleurs" : deux défis qu'il devra relever, et qu'il a les moyens de relever, par son intelligence, sa finesse d'esprit, sa capacité d'empathie. Le Bourgmestre de Lens était présent, manière de dire encore - il me l'a lui-même confié - qu'une harmonie et une entente, une conciliation permanentes, sont nécessaires entre les pouvoirs publics et les responsables religieux. J'aime Marc comme un jeune frère auquel est confiée une tâche difficile : je demande ici que l'on prie pour lui, qu'on le préserve, qu'on apprécie son ministère comme il doit l'être et qu'on lui fasse confiance. Mais je suis sûr que ce sera le cas : j'ai trouvé à Lens une communauté chaleureuse, accueillante... et déjà "refondée", elle, apparemment pour s'en mieux porter!

Enfin, à l'Angélus du Pape, on apprend que Mgr de Kesel est dans la liste des personnalités que le Pape va prochainement créer "cardinaux". Je m'y attendais, je m'en réjouis. C'est dans la ligne du bien de l'Eglise universelle.

mercredi 5 octobre 2016

Un nouvel évêque à Bruges

Après onze mois d'attente, le pape a donné un nouvel évêque à Bruges, qui succède à Mgr De Kesel, devenu entretemps, comme on sait, archevêque de Malines-Bruxelles. Il s'agit de Mgr Lode Aerts, un prêtre de Gand - il était jusqu'ici doyen de Gand. Je me réjouis de cette nomination : nous avons, lui et moi, travaillé ensemble comme experts auprès de la Conférence des évêques de Belgique, et j'ai apprécié son intelligence, sa finesse d'esprit, sa clairvoyance, sa pertinence. C'est une belle nomination, une chance pour le diocèse de Bruges, si malmené voici quelques années...
Que l'Esprit Saint vienne en aide à ce nouvel évêque, pour le ministère délicat qui lui est confié aujourd'hui!

mardi 4 octobre 2016

Plaidoyer pour un enseignement libre...

Il y a quelques jours, dans un article de "La Libre Belgique", le Président du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Philippe Courard, plaidait pour un réseau unique d'enseignement dans cette Fédération. L'argument principal? Financier : on y gagnerait de l'argent, dit-il. Le Segec (Secrétariat Général de l'Enseignement Catholique) a démontré depuis la caractère fallacieux de cet argument, et c'est très bien.
A mon sens, il faut aller plus loin : l'existence d'un enseignement "libre" ne doit pas seulement, ou pas d'abord, faire l'objet d'un enjeu financier. C'est une question de démocratie et de Droits de l'Homme. Il ne serait pas normal, il serait totalitaire, que seul l'Etat organise l'enseignement et l'éducation des enfants et des jeunes. Il est en revanche évident que divers courants philosophiques ou religieux ont le droit - à leurs yeux souvent même le devoir - d'organiser cet enseignement et cette éducation conformément aux valeurs et orientations qui sont les leurs, pourvu que celles-ci ne contredisent pas le bien commun. Il est même normal que, contribuant à ce bien commun, ces enseignements "libres" soient reconnus et subsidiés (au moins en partie) par l'Etat. Cette subsidiation partielle n'aliénant évidemment pas les bâtiments ou les moyens de l'enseignement libre, et l'Etat ne pouvant arguer de cet argent versé pour s'en "emparer" - ce serait du vol. (Ce n'est pas, semblablement, parce que l'Etat ou les Communes subsidient des clubs de sport qu'ils en deviennent les propriétaires...)
La richesse d'une démocratie, c'est la pluralité de ses convictions et c'est bien cette pluralité que l'Etat doit favoriser. Réduire à l'unique (une seule école, une seule religion - ou plus du tout de religion  - et pourquoi pas, un seul parti), c'est, on l'a vu dans le passé peu glorieux de certaines puissances voisines, amputer la dignité humaine des citoyens. Nous attendons des femmes et des hommes politiques de ce pays qu'ils favorisent le pluralisme, comme c'est la tradition chez nous, et même qu'ils en demeurent les gardiens jaloux, sans devenir jamais eux-mêmes les promoteurs d'idéologies contraires.
Faut-il, en conclusion, répéter encore l'article 18 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948? Je le fais volontiers, jusqu'à ce que nous le connaissions tous par cœur :
"Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites."  Je souligne : "Tant et public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites." Peut-on être plus clair que ce texte admirable, patrimoine désormais commun de l'Humanité, sur lequel j'espère que nous fondons tous notre vivre-ensemble?